Réfléchir et concevoir une formation : comment faire ? (épisode 2)

La semaine dernière, je vous donnais mon avis sur des points essentiels de l’animation d’une formation. Cette semaine, je vais vous donner un peu plus de matière pour concevoir efficacement cette dernière.

Comme pour le premier épisode, ne prenez pas ce billet comme un mode d’emploi officiel pour créer une action de formation. Les éléments que je vais présenter sont, certes, plus formels que dans l’épisode 1 mais, pour autant, ils ne sont pas suffisants pour vous « revendiquer » formateur. Si vous souhaitez réellement exercer ce passionnant métier, des parcours de formation de formateur existent.

Les objectifs de votre formation

Une formation est faite pour atteindre un ou plusieurs objectifs. On appelle ces derniers des « objectifs pédagogiques » ; les définir est primordial car ce sont eux qui vont conditionner quasiment l’ensemble de votre formation.

Un objectif pédagogique, c’est ce qui doit être annoncé à vos apprenants au début de la formation. On les reconnaît facilement : ils apparaissent après le « à la fin de cette formation, vous pourrez … ».

Ils prennent généralement cette forme : « Expliquer le fonctionnement de… », « Mettre en œuvre les fonctions … de … » ou encore « Prendre conscience de … ».

Les verbes choisis dans ces objectifs sont très importants : ils vous indiquent le type de savoir que vous souhaitez transmettre. On distingue trois types de savoirs :

  • Les savoirs ;
  • Les savoir-faire ;
  • Les savoir-être.

Une fois que vous avez compris et intégré ces trois savoirs, votre logique de conception de formation devrait couler de source. Nous allons donc faire un focus sur…

Les trois savoirs

Je ne fais qu’un résumé, ici, d’un concept plus vaste. Ainsi, les raccourcis pris ici ne servent qu’à vous donner des pistes de réflexion pour vous renseigner davantage sur le sujet.

Comme expliqué précédemment, ces trois savoirs sont très importants car ils vont construire votre formation et plus ou moins édicter les moyens pédagogiques que vous allez utiliser.

Pour généraliser, si vous transmettez des notions générales ou des concepts, vous être en train de transmettre des savoirs. Si vous souhaitez qu’ils puissent utiliser tel ou tel outil, c’est du savoir-faire et si vous souhaitez qu’ils soient en capacité de s’adapter à telle ou telle situation, c’est plutôt du savoirêtre.

Ce n’est pas pertinent de présenter un savoir et un savoir-faire de la même façon. Plus spécifiquement, un savoir-faire va demander de la pratique, des ateliers, des simulations ou des exercices.

Pour illustrer cette différence d’approches (et donc d’actions et de moyens), prenons un cas concret : je souhaite former des personnes à la protection des données personnelles.

Dans cette formation, je vais avoir plusieurs savoirs à transmettre :

  • Des savoirs, soit les connaissances fondamentales du sujet : la philosophie de la protection de ces données, l’évolution des menaces, la connaissance et la compréhension d’un certain nombre de concepts liés à ce domaine.
  • Des savoir-faire, soit ce qu’il faut pour implémenter ces connaissances dans la vie réelle : appliquer une politique efficace de protection de ses données, établir des règles précises d’utilisation des outils, actionner des mécanismes de défense et d’alerte en cas de problème.
  • Des savoir-être, soit adopter une réponse appropriée aux différents cas de figures futurs : reconnaître la situation et le problème actuel dans mes pratiques, être autonome dans l’usage d’un certain nombre d’outils, accepter de changer mes pratiques quotidiennes, etc.

Si vous faites une démonstration d’un outil pour expliquer des notions générales, vous utilisez une méthode de savoir-faire sur du savoir…

Autrement dit, il est probable que votre apprenant ne comprenne pas ce que vous souhaitez lui transmettre, l’outil utilisé étant une manière de rendre opérationnelle une connaissance délimitée.

Comment fait-on pour bien définir les moyens à mobiliser pour transmettre chaque type de savoirs ?

Quelles approches pour quel type de savoir ?

Personnellement, lorsque je conçois une animation de formation et que je définis les objectifs pédagogiques de cette dernière, j’utilise ce qu’on appelle la Taxonomie de Bloom, autrement appelée taxonomie des objectifs.

L’idée est simple : vous découpez les trois types de savoirs à transmettre grâce à cette taxonomie et, une fois cette étape réalisée, vous savez quels sont les outils qui vont vous permettre d’atteindre l’objectif défini.

Cette étape est fondamentale pour offrir une formation adaptée à vos objectifs pédagogiques. Elle vous permet de construire aisément le contenu à présenter et vous aide à choisir le type d’activité que vous allez faire. Elle définira les supports à utiliser, du traditionnel document projeté à la mise en situation avec du matériel, ordinateur, tablette ou téléphone dans le cas mentionné précédemment.

Bon, chouette, vous savez maintenant qu’avant de construire la formation, il faut en définir les objectifs. Vous savez également que de ces objectifs vont découler un certain nombre de possibilités, d’outils ou d’exercices.

Pourquoi faut-il varier les supports ?

C’est nécessaire pour deux raisons.

La première est simple : vous devez intéresser. Pour être très clair, il n’y a rien de pire qu’un apprenant qui s’ennuie en formation. Il ne s’amuse pas, il passe un mauvais moment … et vous aussi.

Varier les supports pédagogiques suscite l’intérêt du public et aide à la bonne assimilation des savoirs présentés. Si vous n’utilisez qu’un seul canal de transmission, vos apprenants vont se lasser. La variation des supports apporte du vivant et du rythme.

Ainsi, l’explication que vous êtes en train de lire ainsi que son épisode n°1 sont, par exemple, plutôt mauvais. C’est un blog, je suis assez limité par les moyens mis à disposition. Il y a beaucoup de texte, un seul canal de diffusion de l’information et potentiellement, il n’est pas adapté à tout type de savoirs. J’aurais pu ajouter des schémas, de la vidéo, des passages présentés autrement, afin de permettre à certains de mieux comprendre le contenu.

La seconde est élémentaire mais souvent oubliée : nous sommes tous différents.

Souvenez-vous, dans le premier épisode, je parlais du cadre de référence. Derrière ce cadre-là se cache le siège de la compréhension : le cerveau.

Figurez-vous que, magie, ce dernier fonctionne d’autant de façons différentes qu’il y a d’individus. Certains canaux parleront plus à certains qu’à d’autres. Ainsi, les explications écrites ne sont pas pour tout le monde, les explications orales non plus, les schémas également… bref, il faut savoir transmettre les informations via différents canaux pour être sûr que vos apprenants comprennent.

Prenons un exemple simple : un livre.

Il y a plusieurs façons de lire un livre : certains vont simplement lire les mots, les lignes, puis comprendre. D’autres auront besoin de le lire à voix haute. D’autres imagineront la scène qui se déroule dans le livre, etc.

C’est exactement la même chose en formation.

Vous devez faire varier vos supports afin de pouvoir répondre à assez de canaux d’apprentissage. A minima, il faut en avoir deux : le canal oral et le canal visuel. Ces deux canaux chargent et activent les mémoires de travail, verbale et visuelle donc, et facilitent l’assimilation des informations dans la mémoire à long terme.

Attention : si vous faites exactement la même chose entre l’oral et le visuel, comme par exemple lire à vos apprenants une slide d’un document projeté pendant qu’ils lisent en même temps, vous risquez de les perturber plus qu’autre chose : on parle d’effet de redondance dans la psychologie cognitive.

Dernier point d’attention : la mémoire visuelle est généralement supérieure aux autres mémoires, on parle d’effet de supériorité de l’image. Les travaux de Kourilsky et Wittrock (contenu payant) en 1987, expliquent par exemple qu’ajouter des images à du texte améliore les performances de compréhension.

A cette étape, faisons un bref résumé de ce que nous avons découvert. Nous avons souligné l’importance des objectifs pédagogiques, en enchaînant sur les notions de savoirs et sur l’intérêt de faire varier vos supports. Vous disposez d’un début de réflexion sur la construction d’une formation.

Enfin, pour aller plus loin, voici un dernier point « bonus ».

Les méthodes et l’approche pédagogique

Il existe au moins deux postures dans le métier de formateur.

La méthode inductive

Vous êtes un accompagnateur, un guide. Vous êtes là pour montrer le chemin du savoir mais pas pour le transmettre à proprement parler.

Ce chemin part de la pratique pour finir vers la théorie générale, d’un cas particulier pour comprendre comment cela fonctionne globalement et, ainsi, extraire des savoirs issus pratiques des apprenants.

Cette approche mobilise l’expérience personnelle des apprenants, elle est utile (et à utiliser) lorsque votre public est déjà expérimenté ou dispose déjà d’une base ou de pratiques sur le sujet abordé.

On proposera des choses concrètes, des études de cas ou du brainstorming, des exercices, des simulations… bref, beaucoup de pratique pour faire prendre conscience de quelque chose à vos apprenants. Ils feront le reste du chemin avec vous mais vous n’avez fait que leur montrer la voie à prendre.

La méthode déductive

Elle est l’opposé de la méthode précédente : vous êtes le point central de la formation. Ici, pas question d’être uniquement un guide qui montre la voie. Vous apportez la connaissance théorique et vous la mettez ensuite en pratique.

Le chemin part donc de la théorie pour arriver à la pratique.

Dans cette méthode, il existe plusieurs approches pour transmettre des savoirs. Reprenons notre formation sur la protection des données personnelles pour l’exemple.

Vous pouvez utiliser l’approche affirmative, très formelle, très magistrale. Pas besoin de vous expliquer que ce n’est pas toujours adapté… puisque vous l’avez compris au tout début de ce billet 😉

Exemple : « Voici ce que c’est, la protection des données, personnelles. C’est un ensemble de …. » et vous expliquez le détail.

La seconde approche est appelée interrogative, elle consiste à établir un échange entre vous et l’apprenant. Ce dernier possède déjà des éléments, des savoirs. Vous lui demandez de formuler ce qu’il sait ou pense savoir et complétez, ou corrigez, les informations au besoin.

Exemple « Alors, pour vous, ça consiste en quoi la protection des données personnelles ? D’ailleurs, qu’est-ce que c’est, pour vous, une donnée personnelle ? »

Vous l’avez compris, le principe est d’aider l’apprenant à tisser des liens entre la théorie et la pratique pour le conduire aux objectifs de la formation.

La troisième est appelée démonstrative. Elle consiste à montrer ce qu’il faut faire dans un premier temps, à faire faire dans un second et, enfin, à reformuler les propos et démonstrations afin d’évaluer la bonne compréhension des notions présentées.

Cette méthode est plus adaptée au savoir-faire. Souvenez-vous, il est assez compliqué de faire une démonstration sur des connaissances ou sur du savoir être, qui nécessitent une prise de conscience et un changement de comportement.

Ces quelques notions, essentielles mais loin d’être suffisantes, sont des pistes de réflexion pour travailler vos contenus et améliorer la présentation de ces derniers.

J’espère que vous avez apprécié ce partage et je vous invite à échanger dans les commentaires. De la même façon, si vous avez la moindre question, n’hésitez pas .

2 réflexions au sujet de « Réfléchir et concevoir une formation : comment faire ? (épisode 2) »

  1. Merci pour tous ces précieux renseignements ! Salarié dans l’aide à la personne » ex » aide médico psychologique..le diplôme a été transformé maintenant en DEAES avec plusieurs options. Le GRETA cherche des formateurs vacataires pour ce nouveau diplôme…je souhaite me lancer mais sans formation est-ce judicieux ? Merci de m éclairer et qu’en pensez-vous.
    Cordialement.
    Corinne.

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