Un monde sans neutralité du net

Ce billet s’adresses à celleux qui se disent « La neutralité du net ? Rien à foutre. », ainsi qu’a celleux qui ne comprennent pas forcément, par manque de temps, de moyens ou de savoirs, les implications concrètes d’une absence de neutralité du net. Continuer la lecture de Un monde sans neutralité du net

Un exemple d’atteinte au principe de neutralité ? Verizon, Yahoo! et Tumblr

2014. Il est loin le temps où Tumblr était un défenseur de la Neutralité du Net, aux côtés d’Amazon, de Kickstarter, de Vimeo, Reddit, de Netflix et de bien d’autres. Il y a quelques jours, Verizon, un fournisseur d’Internet et de Mobile côté Etats-Unis, finalisait le rachat de Yahoo! et donc, du service Tumblr.

Dans la foulée, la société déclarait que les comptes crées via des adresses e-mail AT&T, un de ses concurrents, seraient purement et simplement dégagés des services liés à Yahoo!.

Une jolie atteinte au principe de neutralité ? Analyse. Continuer la lecture de Un exemple d’atteinte au principe de neutralité ? Verizon, Yahoo! et Tumblr

C’est l’histoire de quelques objets et caméras connectés.

L’IoT, L’Internet Of Things. Les objets connectés quoi si vous préférez. Si ces objets sont de plus en plus présents, nous pouvons nous interroger quant à leur sécurité « par défaut ». Bref, c’est l’histoire d’une caméra qui a cassé un bout d’Internet. Continuer la lecture de C’est l’histoire de quelques objets et caméras connectés.

La « République Numérique », ce n’est pas pour maintenant.

A mon tour de faire un retour sur mes différentes contributions au projet de loi relatif au numérique ou, comme il est présenté sur le site de contribution « République Numérique », le « projet de loi pour une République numérique ».

L’inscription

L'inscription...
L’inscription…

Premièrement, il faut s’inscrire afin de pouvoir contribuer. Cela me semble assez normal mais les interconnexions possibles sont extrêmement limitées. Il est ainsi possible de s’inscrire avec son compte Facebook, son compte Google ou directement sur la plateforme, mais pas plus.

Pour un projet qui souhaite adapter la république au numérique, c’est déjà mal parti. Le système est extrêmement centralisé et repose sur au moins deux acteurs américains omniprésents, le G et le F de GAFA.

Je suis resté pantois quant à la question « Vous êtes ». Je ne sais pas pourquoi cette question est posée : est-ce à des fins statistiques ? Est-ce que la parole d’un citoyen a un poids différent de celui d’une organisation à but non lucratif, qui a lui-même un poids différent de celui d’une organisation à but lucratif… ?

Une petite explication sur ce point me semble nécessaire.

Blanc ou noir.

L’ensemble est assez fluide, on s’adapte très vite au fonctionnement de la plateforme, c’est assez agréable…

…Mais c’est peut-être le seul point positif dans tout ça. Le site force l’utilisateur à être binaire, à faire un choix.

Un utilisateur peut être pour, contre ou avoir un avis mitigé sur un article mais, s’il souhaite commenter, il devra obligatoirement être pour ou contre le texte. Il n’est pas possible d’être « pour avec réserves », d’avoir un avis « mitigé », de ne pas avoir d’avis tout en souhaitant commenter pour poser une question par exemple, d’être « contre sauf si… »

Vote sur un article. Pour / Mitigé / Contre
Vote sur un article. Pour / Mitigé / Contre

Exemple : un article est proposé sur la « Neutralité du Net » et cet article ne me convient pas, pour autant je suis content de voir cette proposition, je ne suis donc ni pour, ni contre. J’ai souhaité commenter mais il me faut forcément être pour ou contre l’ensemble de l’article… je n’ai donc pas participé à ce point.

Un choix bien trop binaire....
Un choix bien trop binaire….

Certaines propositions d’amendements sont excellentes, d’autres sont clairement à revoir et d’autres n’ont pas spécialement leur place au sein de ce projet mais, c’est ça aussi, la démocratie, tout le monde peut s’exprimer.

Sur le fond.

Je m’adresse plus particulièrement aux amis et copains qui ont bataillé lors de la loi relative au renseignement et qui sont, j’imagine, dans le même état que moi : fatigué.e.s de se battre contre des murs, ayant l’impression de brasser du vent et un peu démotivé.e.s.

Il faut contribuer, participer, donner son avis, son opinion, proposer des amendements, s’impliquer. Ça demande un effort supplémentaire mais il faut le faire. Nous sommes les premiers à hurler lorsque personne ne nous écoute. Ici, nous avons un espace où nous pouvons nous exprimer, utilisons-le.

Je n’ai pas envie de lire, d’ici quelques semaines « les gens hurlent de ne pas être écoutés et lorsque nous leur permettons de s’exprimer, ils n’utilisent pas ce pouvoir. », hors de question pour moi de leur donner des armes pour nous taper dessus, ils le font déjà bien assez sans notre aide.

Est-ce que cela va changer réellement quelque chose ?

Non. La réponse est simple, sans aucun détour, non.

Cette loi arrive après la bataille, après la loi relative au renseignement en particulier. Elle ne nous offre que des ruines, des miettes, pour tenter de nous contenter et de nous « apprivoiser » après nous avoir piétinés.

Pourquoi ne pas avoir mis une contribution en place sur d’autres projets de loi, avant ?

Pourquoi nous écouter seulement maintenant, en allant jusqu’à sacraliser des choses comme le secret des correspondances, alors que la loi sur le renseignement a littéralement détruit ce droit ?

Les meilleurs amendements, les meilleures propositions, ne seront pas retenues. Pourquoi ? Ne vous en faites pas, le gouvernement trouvera bien une justification pour les mettre à la poubelle.

Il se félicitera en même temps d’avoir expérimenté ce type de « démocratie directe ».

Bref, une plateforme où je dois forcément être pour ou contre, avec un texte qui ne représente que quelques miettes du numérique, offertes histoire de faire croire à une réelle ouverture du gouvernement, après le passage en force d’un bon nombre de projets liberticides….

Désolé, la République numérique, ce n’est pas pour maintenant.

CAFAI, le F.A.I dont vous êtes le héros, épisode 2.

J’avais rédigé un petit truc, il y a un temps, sur C.A.F.A.I, un fournisseur d’accès à Internet neutre qui fait partie de la Fédération French Data Network (FFDN).

Les F.A.I neutres sont des associations, composées de membres, qui sont en capacité de proposer un accès à Internet, le « vrai Internet », pas la cam’ que les gros F.A.I vous refourguent.

Ces F.A.I fournissent un accès à Internet neutre. Pour rappel, la neutralité des réseaux est la pierre angulaire des Internets tels que vous les connaissez, pierre donc voici quelques principes (source) :

  • transmission des données par les opérateurs sans en examiner le contenu ;
  • transmission des données sans prise en compte de la source ou de la destination des données ;
  • transmission des données sans privilégier un protocole de communication ;
  • transmission des données sans en altérer le contenu.

En résumé, un F.A.I neutre… c’est un fournisseur qui respecte sa propre définition : un fournisseur d’accès à Internet, point.

Son rôle c’est juste de vous fournir des tuyaux, à la bonne taille, contre rémunération.

Sauf que, dans les faits, nos opérateurs sont plus des « F.A.S », des fournisseurs d’accès à des services, généralement les leurs, au détriment du reste d’Internet.

Ces fournisseurs d’accès piétinent la neutralité du Net en développant des modèles économiques discriminants, ils favorisent tel site par rapport à un autre, interdisent tel ou tel protocole et tous ont pour ambition d’aller encore plus loin : faire des offres « à tiroir » où il sera possible de monnayer l’accès à n’importe quel site web, protocole ou service.

Tous ? Non. Une bande de gus dans un garage plus si petit que ça défend toujours la neutralité du net, ils sont regroupés en associations et proposent un accès à Internet neutre.

Mais pour se faire, ils ont besoin de membres, de visibilité, de nous.

Et c’est là que la magie d’Internet, de nous donc, entre en jeu.

Pour que C.A.F.A.I puisse exister, comme les autres fournisseurs d’accès Internet associatifs, il leur faut un peu de visibilité, un peu plus que l’actuelle qui consiste à partager l’information entre gens « qui savent ». Il faut donc faire circuler l’information afin qu’elle touche un public plus large, c’est le but de ce billet.

Le second point, c’est qu’un F.A.I associatif à besoin de gens, d’adhérents, pour exister. C’est comme une entreprise qui n’existe que parce qu’elle a des clients, sauf que là, c’est bien mieux, c’est votre F.A.I, un fournisseur où vous pouvez participer, interagir, agir tout court. Alors, si vous avez du temps, de l’énergie et l’envie d’apporter votre contribution à un monde meilleur, n’hésitez pas.

Le dernier point, c’est que les abonnements sont ouverts chez C.A.F.A.I, et c’est là que ça se passe.

Vous pouvez retrouver le site de l’association ici : https://cafai.fr.

Si vous souhaitez les joindre par mail, vous pouvez le faire sur contact (at) cafai.fr.

CAFAI dispose aussi d’une mailing-list, vous pouvez demander à vous inscrire à cette dernière.

CAFAI dispose également d’un salon Jabber : cafai (at) chat.cafai.fr.

N’hésitez pas à les faire connaitre, reprenez ce billet ou partagez-le, ça ne pourra que leur faire du bien.

Pour finir, pour celles et ceux qui n’habitent pas en Champagne-Ardenne, la Fédération FDN est implantée çà et là, un peu partout en France, plus d’informations ici.

Analyse des propos de M. Malek Boutih à propos d’Internet.

Lors de l’audition de M. Pierre Lescure à l’assemblée nationale, ce mercredi 12 juin 2013, le député socialiste Malek Boutih s’est montré favorable à une régulation d’Internet par le CSA. Il a également souhaité que la France « reprenne le contrôle d’Internet ».

Parce que de tels propos doivent être compris de différentes façons, je vous propose un « bref » retour sur le sujet.

Pour commencer, M. Boutih ne croit pas en « la légende des pirates du Net, au geeks qui diffusent gratuitement la culture. »

M. Boutih, si c’est votre droit le plus strict de croire ou non en quelque chose, sachez que ce sont souvent ces « pirates du Net, ces geeks » qui forgent et construisent Internet tel que vous le connaissez.

Nier le rôle de ces personnes revient à considérer qu’ils ne sont d’aucune utilité et en ce sens, M. Boutih est dans l’erreur la plus totale.

Celles et ceux qui ont fait d’Internet ce qu’il est, ce sont bel et bien ces geeks, barbus ou non, qui échangent des informations, apprennent, transmettent le savoir et la connaissance au plus grand nombre possible.

Dans ces personnes, nous pouvons par exemple parler de M. Stallman, je doute fortement que le rôle de M. Stallman puisse-t-être remis en question dans le monde technologique que nous connaissons.

Il faut également remarquer que M. Boutih n’est pas connaisseur des Internets, le mot pirate n’étant sans doute pas le plus adapté ici.

Comme d’autres députés, M. Boutih tombe dans l’amalgame du hacker pirate, sous-entendant que ces choses-là sont mauvaises. Pour le bien de tous et pour être un peu plus crédible, M. Boutih, vous devriez éviter l’amalgame fait par tant de vos collègues des bancs de l’assemblée nationale.

Attardons-nous sur la libre diffusion de la culture si vous le voulez bien.

La culture est universelle, tout le monde devrait pouvoir y accéder, quel que soit son pays d’origine, son âge, son appartenance à un groupe ou à une classe socio professionnelle.

La culture est un bien universel car elle élève les personnes, de nombreuses études soutiennent que l’accès à la culture entraine un effet positif pour sa population. L’illettrisme régresse, la santé également, le niveau général de l’éducation d’autant plus.

Si nous parlons de la culture comme nous parlons d’un bien matériel, c’est une autre paire de manche.

Depuis les moines copistes, ceux qui détiennent le savoir et maintenant l’argent qui va avec ce dernier ne semblent avoir qu’une idée en tête : garder de savoir et le monétiser.

Depuis ce temps, beaucoup cherchent à maintenir l’équilibre des choses : il faut faire de la culture un bien précieux, rare, il faut montrer que l’obtenir n’est pas une chose aisée bref, il faut la verrouiller.

Internet change la donne et permet de remettre la culture à sa place, à savoir celle d’un bien universel.

La question qui se pose maintenant est la suivante : doit-on aider à verrouiller cette culture comme les moines copistes et M. Boutih le souhaitent ?

Ou doit-on croire en la possibilité d’un accès universel ?

La question qui se pose est celle de l’intérêt général face à l’intérêt privé et, dans ce genre de situation, mon choix est déjà fait : si le choix porte entre l’intérêt de tous et un intérêt privé, c’est alors l’intérêt de tous qui primera.

C’est une vision idéaliste, j’en conviens, mais c’est une vision en laquelle je crois. Il semble que M. Boutih et moi ne soyons pas spécialement d’accord sur ce point.

M. Boutih a ensuite déclaré que la reprise du contrôle d’Internet était « une question plus large de souveraineté ».

J’estime que ces propos-là sont dangereux, vraiment. Je m’interroge également sur la définition du mot souveraineté pour M. Boutih. La souveraineté sous-entend le contrôle sans partage.

La souveraineté, c’est un droit exclusif d’exercer une autorité sur quelque chose. Nous parlons donc bel et bien d’exclusivité de contrôle.

Le contrôle d’Internet est donc une question de souveraineté pourrait s’interpréter de la manière suivante : « la France doit avoir un contrôle exclusif et total sur l’Internet. »

Que ça soit clair : exercer un contrôle exclusif et total sur Internet aurait des conséquences, forcément… et une conséquence directe serait la censure.

Si le gouvernement contrôle de façon exclusive et totale Internet, comment lui faire confiance ? Comment être certain que ce que je suis en train de lire est bien ce que le site affiche, et pas un message modifié à la volée ? Comment être certain que, si je n’ai pas accès à un site, ce n’est pas à cause d’une censure dudit site, en France ?

La souveraineté sous-entend ceci ainsi que, bien trop souvent, une absence totale de transparence, ce qui ne changera pas spécialement de ce que nous connaissons déjà.

Si j’ai le pouvoir et que je décide comme bon me semble, pourquoi aurais-je à rendre des comptes à quelqu’un ?

Il est possible préférer le mot « nationalisation » à celui de souveraineté, puisque c’est bel et bien de ça dont il est question.

Nationaliser Internet, une idée qui n’est pas sans rappeler les propos tenus et appuyés (sic!) par le député Myard lorsqu’il demandait à nationaliser Internet.

A nouveau, il faut comprendre ce que nationaliser Internet veut dire : il s’agit de faire un Internet « national », français et de facto, de ne pas faire Internet, mais un produit fermé, verrouillé et bien français.

Les questions précédentes peuvent s’appliquer ici aussi alors pour résumer, nous retiendrons la chose suivante : un Internet « insérez-ici-le-pays-de-votre-choix » n’est pas Internet, puisque l’utilisateur d’un Internet français n’aura peut-être pas la même page qu’un utilisateur d’Internet, un réseau de réseaux.

Des pays font bel et bien un Internet national, le plus connu étant la Chine. Je n’ai pas besoin de vous expliquer que ce que donne la Chine, ce n’est pas Internet. Je ne pense pas non plus avoir besoin de rappeler que la Chine n’est pas connue pour sa défense des droits de l’Homme, ni pour la défense de la liberté d’expression.

M. Boutih déclarera ensuite que « contrôler les tuyaux c’est contrôler les contenus ».

Nous pouvons également nous demander ce que M. le député cherche à dire ici.

Si contrôler les tuyaux c’est contrôler les contenus et donc une partie d’Internet, c’est aussi assumer parfaitement un rôle de filtre, de censeur, dans la gestion de ce contrôle.

De quelles garanties disposons-nous pour être certains que ce contrôle n’engendrera pas une censure ?

Qu’est-ce qui garantit que la censure ne s’étendra pas un jour à des propos tenus, des journalistes, des sites d’opposition, des manifestants qui dérangent ou des dissidents politiques ?

Contrôler ces tuyaux c’est également représenter une menace pour la liberté d’expression. Il suffit de regarder les pays qui contrôlent et font de « l’Internet nationalisé » pour s’en rendre compte.

Regardez du côté de la Chine à nouveau, vous pouvez également observer la Syrie, la Turquie, le Maroc et bien d’autres encore – aidés par le gouvernement français au passage – qui censurent à différents niveaux, à différentes échelles.

Pour terminer, allons plus loin : être souverain d’Internet, c’est chercher à être souverain d’un outil qui n’a pas de frontière, qui est censé être le même partout. Encore que ces points sont discutables car il existe de fortes restrictions selon le pays d’origine de votre adresse IP .

Un état ne peut pas se déclarer souverain d’Internet, c’est un non-sens total.

C’est au moins aussi absurde que de chercher à nationaliser l’air d’un pays, pour reprendre le contrôle de l’oxygène français.

Qu’un gouvernement légifère en national ou à l’international sur Internet, c’est un fait. Même si je suis perplexe à ce sujet, il me semble normal qu’un ou plusieurs gouvernements puissent légiférer sur Internet.

De là à vouloir en être souverain, non.

On peut, pour terminer, se dire que le discours de M. Boutih est très cohérent avec ce que souhaite faire le CSA, en appliquant ce qu’il fait déjà aux autres médias. Seulement voilà, Internet n’est pas qu’un média et il ne se gère pas de la même façon, il n’est pas figé et se transforme chaque jour, il est même capable de s’autoréguler.

M. Boutih cherche peut-être un poste au CSA, qui sait… où alors cette déclaration annonce en filigrane les prochaines orientations du CSA et si c’est le cas, c’est assez inquiétant.

Enfin, M. Boutih, permettez-moi donc de donner un conseil: arrêtez de raconter n’importe quoi, bossez vos sujets et vos interventions avant de sortir des inepties, dangereuses de surcroit.