Mastodon, qu’est-ce que c’est ?

Un énorme buzz a vu le jour récemment, autour d’un potentiel « concurrent » sérieux au service Twitter : Mastodon. Ayant vu beaucoup de papiers et surtout d’énormes erreurs, voire d’abjectes conneries, j’ai décidé d’en parler ici pour vous expliquer, en détail, ce que c’est. Continuer la lecture de Mastodon, qu’est-ce que c’est ?

Censure : a quel jeu joue Facebook ?

Il y a quelques jours, une nouvelle venait assombrir le paysage de la « liberté d’expression » sur Facebook, comprenez par-là, la liberté d’expression selon Facebook qui est une lointaine cousine de la véritable liberté d’expression. Retour sur cette affaire. Continuer la lecture de Censure : a quel jeu joue Facebook ?

Lettre ouverte à Bernard Cazeneuve, M. le ministre de l’Intérieur.

Cher M. Cazeneuve, dans votre discours de clôture du colloque des Attachés de Sécurité Intérieure, vous avez tenu les propos suivants :

« Tous ceux qui parlent fort et d’ailleurs généralement de façon incongrue, comme s’il y avait une corrélation entre le nombre de décibels qu’on utilise et l’incongruité des propos que l’on tient sur ces sujets, ont été contre toutes les décisions législatives que nous avons arrêtées : contre le blocage administratif des sites, contre l’entreprise individuelle terroriste, contre la loi Renseignement, contre l’interdiction administrative de sortie du territoire… Comme si toute la stratégie consistait à rendre impossible le travail des services, par des mesures législatives opportunes, pour mieux constater la difficulté dans laquelle les services se trouvent d’accomplir leurs missions et mieux pouvoir ensuite théoriser qu’il n’y a qu’une seule et unique solution, qui consiste à organiser la suspicion autour des musulmans de France de telle sorte à pouvoir les stigmatiser, les accuser alors que l’immense majorité d’entre eux, sur le territoire national, pratiquent leur religion dans le respect profond des principes et des valeurs de la République. »

Afin de mettre au clair un certain nombre de points qui me semblent importants, je me permets de vous écrire cette lettre et j’invite chaque internaute qui lira cette lettre et partagera mes idées à vous la faire suivre également.

Tout d’abord, j’imagine que vous visez la Quadrature du Net lorsque vous parlez de « ceux qui parlent fort et d’ailleurs généralement de façon incongrue ». Permettez-moi de vous signaler que cette remarque est au mieux inexacte et au pire, qu’elle est la manifestation de la plus mauvaise foi possible.

Prenons par exemple les débats de la loi sur le renseignement, puisque vous y faites vous-même référence : la Quadrature du Net n’était pas seule mais suivie par de nombreuses organisations, des avocats, des juristes, des ONG connues et reconnues pour leurs compétences et leur travail depuis de nombreuses années et ce dans le monde entier.

Lorsque vous vous exprimez ainsi, vous ne « tapez pas » uniquement sur la Quadrature, vous méprisez également le Syndicats de Magistrats, l’ordre des avocats, Reporters Sans Frontières, la Fédération Internationale de la ligue des Droits de l’Homme et bien d’autres encore, vos propos sont indignes d’un ministre, indignes d’une démocratie, indignes d’une république.

Est-ce là l’estime que vous portez à ces associations, à ce contre-pouvoir fondamental dans toute démocratie ?

Doit-on considérer que vous aimeriez qu’il n’y ait aucune critique, aucune inquiétude, aucune remarque ?

Monsieur le ministre, un pays dans lequel la contestation n’existe pas n’est pas une démocratie, mais la pire des dictatures.

Doit-on considérer que ces propos sont dignes d’un tyran, dérangé par des citoyens et des associations inquiétées par un certain nombre de lois qui touchent aux libertés individuelles ?

Vous déclarez ensuite « comme s’il y avait une corrélation entre le nombre de décibels qu’on utilise et l’incongruité des propos que l’on tient sur ces sujets ».

Monsieur le ministre, entre nous, qui espérez-vous berner ?

Votre déclaration suggère que nos propos sont déplacés et que c’est pour cette raison que nous hurlons. Vous jouez avec l’imaginaire collectif qui imagine alors que quelqu’un qui hurle est quelqu’un qui se trompe ou qui utilise l’agressivité comme arme pour asseoir des propos.

Non, monsieur le ministre. Si certains finissent par perdre patience, c’est simplement parce qu’ils sont humains.

Comment ne pas perdre patience face à un ministre qui témoigne aussi peu de respect à des organisations citoyennes ?

Comment ne pas perdre patience face à un ministre qui refuse tout dialogue constructif, tout échange, qui rejette toute idée contraire à sa propre vision des choses ?

A nouveau, pensez-vous que votre posture soit digne d’un ministre ? Je comprends votre désir de faire partie des « grands » de la cinquième république en ayant d’excellents discours, mais je suis au regret de vous dire que cela n’arrivera pas.

La maîtrise du verbe ne fait pas tout, le mépris que vous nous témoignez finira par avoir raison du respect que nous vous témoignons. Pour autant, rassurez-vous, jamais nous n’irons jusqu’à tenir vos propos.

Ce que nous souhaitons et qui semble vous déplaire au plus haut point, c’est débattre. Simplement débattre et avancer, ce que vous refusez de faire.

Si parfois, nous finissons par perdre patience, c’est parce que votre comportement est tout simplement inadmissible, que vous refusez tout dialogue, que vous jouez avec le verbe.

Je ne suis d’ailleurs pas certain que nous reléguer au rôle de «ceux qui parlent fort et d’ailleurs généralement de façon incongrue » soit une réelle invitation à apaiser le « débat ».

Monsieur le ministre de l’Intérieur, nous ne sommes pas vos ennemis, il serait peut-être temps de le comprendre.

Nous sommes des citoyens, des informaticiens, des « civils », des juristes, des avocats, des charpentiers, des plombiers, des joueurs, des techniciens, des conseillers, des vendeurs, des commerciaux, nous sommes la société civile et sommes simplement inquiets de la tournure que vous faites prendre à la loi.

Nous ne sommes pas vos ennemis, ni formellement opposés à toutes ces lois dont vous parlez, nous souhaitons simplement qu’elles soient bien rédigées, équilibrées, qu’elles conjuguent liberté et sécurité que vous vous efforcez à opposer. Nous pensons qu’une autre solution est possible, nous pensons qu’instaurer des « boites noires » extrêmement critiquées par « ceux qui savent » ne sont pas la bonne solution, nous pensons qu’un juste milieu existe et souhaitons simplement trouver ce juste milieu.

En guise de réponse, nous obtenons de vous des moqueries, des critiques, nous n’obtenons aucun débat constructif et, monsieur le ministre, je trouve ça extrêmement dommage, tant pour vous que pour votre carrière, que pour nous, la société civile, la démocratie en souffre et vous en êtes au moins partiellement responsable.

C’est par vos attitudes et votre comportement que beaucoup baissent les bras, que « le peuple » s’intéresse de moins en moins à la politique, qu’il vote de moins en moins.

A quoi bon puisque vous n’écoutez rien, ni personne ?

Face à votre déclaration, je m’interroge. Votre parcours professionnel dénote une sensibilité au droit et une intelligence certaine, vous sortez de l’Institut d’études politiques de Bordeaux, êtes ancien juriste, ancien conseiller de secrétaires d’Etat, avocat au barreau de Cherbourg en 2003, vous êtes une personne que j’imagine intelligente.

C’est encore plus effrayant, en fait. J’aurais aimé vous imaginer sot, dénué de toute réflexion, j’aurais pu vous pardonner vos écarts, vos discours anxiogènes, vos critiques infondées… mais non. Vous êtes intelligent, vous êtes pleinement conscient de ce que vous déclarez, cela en devient presque une circonstance aggravante, tant d’intelligence pour un si piètre résultat, c’est tout de même dommage.

Revenons à l’essentiel, monsieur le ministre : nous ne sommes pas vos ennemis, ni fermement opposés au fond des textes dont vous parlez, nous sommes opposés à la forme de ces textes, au fait qu’ils soient votés dans l’urgence, au fait qu’ils souffrent de failles et de lacunes, notamment lorsqu’il s’agit de protection des libertés individuelles.

Enfin, monsieur, parlons brièvement de ceci :

« qui consiste à organiser la suspicion autour des musulmans de France de telle sorte à pouvoir les stigmatiser, les accuser alors que l’immense majorité d’entre eux, sur le territoire national, pratiquent leur religion dans le respect profond des principes et des valeurs de la République. »

Seriez-vous en train de sous-entendre que, si nous sommes contre vos textes, alors nous sommes racistes et vouons une profonde haine autour des musulmans de France ?

D’ailleurs, mes excuses, mais comment ces musulmans sont arrivés ici, dans votre discours ? Etes-vous en train de vous servir de ces musulmans comme d’un faux prétexte, un « bouclier » ?

J’ose espérer que ce n’est pas un argument fallacieux pour faire taire tout débat et jeter l’opprobre sur quiconque oserait à nouveau critiquer le moindre texte estampillé « made in Bernard Cazeneuve » ? Ce n’est pas le cas, n’est-ce pas ?

Je reconnais cependant là votre style : faire d’une chose éminemment complexe un débat absolument binaire où d’un côté il y a les gentils dont vous faires partie et, de l’autre, les méchants.

C’est la même ligne de défense que lors des débats sur la loi sur le renseignement.

Monsieur Cazeneuve, la vie n’est pas binaire, elle est composée d’une multitude d’éléments qui font que vous ne pouvez ni ne devez adopter de tels comportements.

Pensez-vous que nous faire passer pour des racistes soit une chose saine ? Utile au débat ?

Finalement, j’ai l’impression que la seule personne à parler fort et de façon incongrue, ici, c’est vous.

Vous parlez tellement de nous, tellement souvent, vous nous critiquez tellement souvent que j’en viens à me demander si, secrètement, vous ne nous aimez pas.

Nous citer aussi souvent, c’est flatteur. Je vous remercie donc de penser aussi souvent à nous.

En revanche, la prochaine fois, ayez la décence de ne plus tenir de tels propos en parlant de la société civile, elle ne demande qu’à vous aider, ne la méprisez pas.

En vous remerciant du temps que vous ne consacrerez certainement pas à lire cette lettre ouverte.

GoLeaks : les leaks de l’Ouest.

J’ai décidé de vous parler de GoLeaks, une plateforme de leaks comme son nom l’indique, suite à une conférence très intéressante lors du festival « Pas Sage en Seine 2015 », où j’ai rencontré @Datapulte, hacker en charge de la partie technique du projet.

Le projet semble bien parti, solide et pas décidé sur un coup de tête. Les personnes qui vont s’occuper du projet sont fiables et de confiance.

La première plateforme régionale de récolte et de diffusion d’information, de « leaks », par des sources anonymes, va donc prochainement voir le jour.

Petit tour d’horizon de GOLeaks.

Le GO, c’est pour Grand Ouest, les leaks porteront sur l’ensemble de la Bretagne et on peut déjà imaginer des leaks en lien avec Notre-Dame-des-Landes par exemple, mais pas que. De la fuite très locale, du village à la ville, de l’élu local à beaucoup plus, il y a là, à mon avis, beaucoup de choses à récupérer.

Ce sont ces raisons qui ont entrainé la création de GOLeaks.

Le projet

Le besoin est le suivant : partager une information sensible ou compromettante, une information qui mérite d’être connue du grand public. Cette information, en raison de son caractère sensible, ne peut pas être partagée via des outils « classiques », par mail, SMS, au téléphone …

Il faut être capable de protéger et d’anonymiser au maximum la source de l’information, clef de la réussite des sites de leaks. Nous reviendrons sur ce point un peu plus loin dans le billet.

Protection des sources, travail avec les journalistes et les maisons de presse, gestion des échanges entre source et journaliste pour sécuriser au maximum la source, telles sont les ambitions du projet.

Techniquement

La plateforme est découpée en deux parties, l’une servant de vitrine, l’autre étant la réelle plateforme d’échange.

« Les deux sites sont séparés et hébergés à des endroits différents, chez un opérateur de confiance, afin de sécuriser au maximum les plateformes. S’il y a une faille de sécurité sur un site, elle ne permettra pas de remonter jusqu’à l’autre », m’explique @Datapulte, hacker en charge du projet.

Sur le site web « classique », on découvre les raisons du projet ainsi que ses ambitions. D’ici à son lancement, la vitrine de Goleaks changera, pour indiquer aux utilisateurs qu’il faut un protocole de connexion et de contact spécifique pour déposer une information sur la plateforme.

La plateforme centrale sera un service caché dans le réseau TOR (avec une adresse qui se termine en .onion pour faire plus clair). De facto, il faudra obligatoirement utiliser TOR afin de pouvoir envoyer une information au site, @Datapulte m’explique…

« on ne veut pas mettre en danger une source, nous allons donc forcer l’utilisation de TOR pour sécuriser un peu plus les échanges. Notre but est de servir de plateforme de leaks mais pas n’importe comment et surtout pas en compromettant des sources désireuses d’échanger des informations sensibles ».

Qu’on se le dise, @Datapulte sait où il veut mener le projet, ce qui est très rassurant aux vues du projet.

Une fois un leaks déposé sur le site, il sera mis à disposition de journalistes afin qu’ils puissent traiter l’information, nous y reviendrons. Les échanges avec les journalistes exigeront le même protocole de connexion que celui des sources : TOR.

GOleaks permettra aussi l’envoi de mails chiffrés, à la source et au journaliste, en servant d’intermédiaire. « Nous avons choisi d’être l’intermédiaire entre une source et un journaliste pour sécuriser au maximum les échanges. Une source souhaite contacter un journaliste, un mail chiffré est envoyé par Goleaks au journaliste, qui doit passer par la plateforme d’échange afin de pouvoir répondre à la source. ».

Pourquoi servir de plateforme centrale et incontournable ?

A cette question, @Datapulte me répond « nous pensons qu’il est préférable qu’un journaliste et une source ne soient pas directement en contact. En procédant ainsi, s’il y a un problème, la source ne met pas en danger le journaliste et vice-versa. Dans le pire des cas, si une source est grillée ça ne pourra remonter que jusqu’à Goleaks, idem si c’est un journaliste, la piste ne pourra remonter que jusqu’à Goleaks. Nous sommes conscients de notre rôle de fusible ».

Je trouve ce point très positif, dans les explications fournies, je sens réellement la volonté de minimiser les risques et dangers, « le risque zéro n’existe pas, mais on cherche à s’en approcher le plus possible ».

Rajoutons que Goleaks tourne sous Globaleaks, une plateforme open-source dédiée aux leaks. Globaleaks est développé par “Hermes Center for Transparency and Digital Human Rights”, Globaleaks est, par exemple, utilisé par « Le Monde » via https://secure.sourcesure.eu.

C’est un projet très suivi, régulièrement mis à jour et assez sécurisé, considéré comme une excellente initiative par de nombreux journalistes et hackers, comme ceux du CCC ou Jacob Applebaum par exemple.

Serveurs séparés, hébergés chez un acteur de confiance, passage par TOR requis, mails chiffrés, plateforme qui s’impose un niveau de sécurité élevé… les outils ne manquent pas pour faire de Goleaks une réussite.

Reste le problème des sources et de l’utilisation des outils, parfois compliquée pour des utilisateurs néophites.

A nouveau, @Datapulte a les idées claires sur le sujet : « concernant les leaks, nous pensons qu’il peut y avoir beaucoup d’informations, si nous arrivons à faire connaître le projet, clef de notre réussite. Côté formation, nous avons déjà des contacts avec des journaux locaux pour les former à utiliser TOR et nous allons mettre, sur la vitrine publique du site, des informations et explications claires pour pouvoir déposer un leak ».

Le traitement de l’information sera assuré par les journalistes, « nous travaillons déjà avec des journalistes afin d’établir des partenariats. Lors du dépôt d’un leak, le lanceur d’alerte pourra choisir à qui envoyer l’information. Goleak enverra une alerte aux journalistes choisis, qui devront passer par TOR et un lien à usage unique afin de récupérer l’information transmise. »

On s’y met ?

« Pour l’instant, tout n’est pas encore prêt et nous avons besoin de soutiens et de visibilité avant de nous lancer. »

Je ne sais pas de quoi l’avenir est fait, mais Goleaks possède les clefs pour qu’il soit bon.

En revanche, je sais qu’ils auront prochainement besoin d’un financement pour faire tourner la plateforme, @Datapulte m’informe « qu’une campagne de financement verra prochainement le jour, d’ici septembre. »

Souhaitons-leur bon courage.

Vous pouvez retrouver toutes les informations de Goleaks à cette adresse https://goleaks.org/, @Datapulte sur Twitter et @R0aming_, un rédacteur en chef Web, lui aussi impliqué dans le projet Goleaks.

Vous pouvez également retrouver GOLeaks sur Twitter : http://twitter.com/goleaks_

Loi sur le renseignement : et maintenant ?

Si vous me suivez ou lisez ce blog, vous savez que le projet de loi sur le renseignement a, hier dans l’après-midi, franchi une première étape : celle de l’Assemblée Nationale.

Ils étaient 438 pour, 86 contre et 42 abstentions. Je ne reviendrai pas sur les raisons qui font que je trouve cette adoption parfaitement inadmissible.

…que vais-je faire …

C’est simple : surtout, ne pas perdre sa motivation. Si vous arrêtez de vous battre pour des causes qui vous semblent justes, c’est perdu d’avance car personne ne le fera pour vous. Certains attendent que le temps change, d’autres le saisissent avec force et agissent.

La vraie question est : où vous plaçez-vous, du côté de celles et ceux qui attendent que les choses changent « comme ça, par magie », où du côté de ceux qui essayent, encore et encore, même si cela ne fonctionne pas ou pas toujours ?

de tout ce temps…

Car c’est le seul véritable problème : le temps.

Que va-t-il se passer maintenant ?

Pour commencer, le texte va filer au Sénat, où les sénateurs et sénatrices seront mené.e.s à se positionner sur le texte.

La suite des évènements dépendra des décisions du Sénat, s’il vote le texte parfaitement identique à la version de l’Assemblée Nationale ou non.

Ce qui veut dire que nous disposons encore de temps pour agir, il faut donc agir, continuer le travail de fond avec les sénateurs et leur expliquer les réels dangers de cette loi et les enjeux techniques, parfois bien compliqués à comprendre pour des personnes dont ce n’est pas le coeur de métier.

que sera ma vie ?

Personnellement, j’ai déjà commencé à alerter les sénateurs, depuis quelques semaines.

Comme dit, certains attendent que le temps change, d’autres le saisissent avec force et agissent.

Moi j’ai décidé d’agir. Et vous ?

Lettre ouverte à vous, mes représentants.

Chers représentants, représentantes, députés,

D’ici quelques jours, vous serez amenés à vous prononcer sur le projet de loi sur le renseignement et je souhaite, avant l’ouverture des débats, que vous preniez la mesure de ce que vous allez voter.

Pour commencer, j’ai conscience de n’être qu’un « simple citoyen », de ne pas disposer de la science infuse, d’être peut-être « à côté de la plaque ».

Eux en revanche, ils ne le sont pas :

  1. Amnesty International
  2. La Quadrature du Net
  3. Alain Marsaud, ancien juge du terrorisme
  4. Le Conseil National du Numérique
  5. La CGT Police
  6. Reporters Sans Frontières
  7. Le Syndicat de la Magistrature, qui estime que ce projet de loi « « installe un dispositif pérenne de contrôle occulte des citoyens dont il confie au pouvoir exécutif un usage quasi illimité. Il est à ce titre inacceptable. Seul un véritable contrôle a priori de techniques de renseignement proportionnées et visant un objectif strictement défini relevant de la sécurité nationale, restera respectueux des droits fondamentaux. »
  8. Marc Trevidic, l’actuel juge antiterrorisme
  9. Le président de la CNCIS lui-même
  10. La CNCDH (Commission consultative en charge des droits de l’Homme)
  11. La Ligue des Droits de l’Homme
  12. L’Union des Syndicats de la Magistrature
  13. La Fédération Syntec
  14. Le commissaire des droits de l’Homme du Conseil de l’Europe
  15. La CNIL
  16. Human Rights Watch

Que faites-vous de ces avis ? Considérez-vous ces gens comme des « paranos » ?

Pour continuer, je ne suis ni votre ennemi ni celui de la protection de la nation, de ses intérêts, du peuple, de ses enjeux et j’en passe. S’il vous plaît, ne tombez pas dans la logique binaire actuelle : ce n’est pas parce que je m’oppose au projet de loi du renseignement que je suis pour le terrorisme, ce sont deux choses différentes, la vie n’est pas blanche ou noire. Vous le savez j’imagine…

Vous êtes des représentants de la nation et, à ce titre, vous avez choisi de représenter le peuple français, quelles que soient vos convictions, vos couleurs et votre appartenance politique, je ne vous demande qu’une chose : représenter le peuple français. J’ai aussi conscience qu’ici, je ne m’exprime qu’en mon nom, rassurez-vous, j’ai les pieds sur terre.

Nous sommes tous d’accord : ce qui s’est passé au mois de janvier est horrible, immonde, inhumain… faut-il pour autant céder à la dérive sécuritaire actuelle ?

Mesdames et messieurs les députés, notre pays repose sur deux piliers : la séparation des pouvoirs et une devise, inscrite partout : Liberté, Egalité, Fraternité.

Le projet de loi sur le renseignement est diamétralement opposé à cette liberté, c’est une menace pour nos libertés individuelles. Mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi sur le renseignement est une boite de Pandore que je vous invite à ne pas activer, à ne surtout pas ouvrir.

Ce projet de loi s’oppose à la séparation des pouvoirs, véritable socle de nos démocraties occidentales. Cette séparation des pouvoirs, vous savez, cette chose théorisée par Montesquieu, ce qui est devenu par la suite le socle absolu de notre démocratie. Montesquieu a simplement déclaré qu’il n’était pas possible de laisser tous les pouvoirs entre les mêmes mains.

En choisissant de se passer totalement de l’autorité judiciaire, le projet de loi sur le renseignement détruit le fragile équilibre entre ces pouvoirs. Vous pourrez rétorquer qu’un juge est prévu, mais c’est un juge administratif et non un juge judiciaire, seul garant des libertés individuelles.

Mesdames et messieurs les députés, généraliser le recours administratif, c’est tuer les fondements de notre démocratie. De la même manière, l’instauration de « boites noires », vous le savez, vous l’avez forcément lu, vu, entendu quelque part, c’est se doter d’un système de surveillance généralisée, ce qui va à l’encontre de la démocratie et, d’un point de vue légal, des dispositions européennes.

Vous déclarerez ne pas vouloir l’utiliser ainsi. Vous déclarerez vouloir nous protéger, comme la NSA l’a fait aux Etats-Unis d’Amérique.

Je pense que vous connaissez la suite…

Mesdames et messieurs les députés, je pense que, quoi que je dise dans cette lettre, cela ne changera pas votre décision.

Souvenez-vous seulement que, lorsque vous voterez ce texte, ce sera en votre âme et conscience.

Malgré l’avis des ONG.

Malgré les nombreux avis d’experts.

Malgré les avis de deux juges de l’antiterrorisme.

Malgré l’avis de la CNCIS.

Malgré l’avis de la Ligue des Droits de l’Homme

Malgré les avis de nombreux citoyens.

Malgré l’avis de tant d’autres….

Mesdames et messieurs les députés, n’ouvrez pas cette boite de Pandore.