Les bases d’une dictature ?

Avec l’arrivée de la loi sur le renseignement qui, ne vous y trompez pas, passera à l’assemblée nationale et au sénat, je m’interroge…

L’arrivée de ces futurs outils – présentés par beaucoup comme disproportionnés – ne constitue-t-elle pas l’instauration des premières fondations d’une dictature ?

J’ai conscience de la portée de ce mot et souhaite, avant de commencer, clarifier certains points :

  • Non, nous ne sommes pas en Iran ou en Chine, où il faut vous annoncer à la police locale lorsque vous arrivez dans un nouveau quartier, sous peine d’avoir des ennuis.
  • Non, nous ne sommes pas à nouveau en Chine, où votre professeur d’histoire, à la fin d’un cours, vient vous dire « fais attention à ce que tu fais sur Internet et à où tu vas, comme par hasard le lendemain d’une visite sur un site que le gouvernement chinois n’apprécie pas.
  • Non, nous ne sommes pas dans un pays qui emploie deux millions de personnes pour censurer Internet (chiffre de 2013, communiqué du gouvernement chinois).
  • Si 5000 personnes visitent mon blog, qui est manifestement un blog opposé à l’Etat, je n’irai pas en prison, en Chine, je peux.
  • Non, je ne vis pas dans la peur de dire quelque chose à la mauvaise personne, qui travaille pour un des géants de la censure chinoise, je peux parler librement, sans trop de craintes.

On se calme tout de suite, je mesure mes propos, mesurez les vôtres. Ne comparez pas ce qui n’est pas comparable, dire que nous sommes pire qu’en Chine, ou même juste en Chine, c’est une insulte envers les activistes et autres qui risquent leur vie, chaque jour, pour dénoncer la censure de leur pays.

Cependant, comme expliqué, je m’interroge… n’y a-t-il pas un risque qu’un jour, nous soyons dans ce système ? Est-ce moi qui m’inquiète pour rien ou alors assistons-nous à la lente mise en place de tout ce qu’il faut pour instaurer une dictature ?

Côté politique : qu’est-ce qui différencie une république démocratique d’une dictature ?

La suite du billet est inspirée de « Qu’est-ce que la démocratie ? », article rédigé par « Rubin », un juriste, sur un blog de l’Express.

Revenons-en à la question : qu’est-ce qui différencie une république d’un régime totalitaire ou d’une dictature ?

Les élections ?

Non. L’Iran vote pour son président et pourtant, je doute que l’Iran soit une démocratie.

Les partis opposés au gouvernement ?

Non, en Chine par exemple, il existe des partis opposés au gouvernement. Beaucoup même, certes ils sont observés de très près, certes ils sont minuscules et ont des problèmes s’ils commencent à faire trop de bruit, mais ils existent.

La liberté de s’exprimer ?

Non. Des quotidiens chinois se montrent parfois très critiques avec leur gouvernement. Ils sont retirés des kiosques un temps, mais ils existent encore et reviennent après.

Le droit ?

Non. Une dictature ou un régime totalitaire ne signifie pas une absence totale de droit, même en Corée du Nord ils ont des droits et je défie quiconque de dire que la Corée du Nord est une démocratie.

Dans les faits, ce qui différencie une démocratie d’une dictature ou d’un état totalitaire, ce n’est qu’une seule chose : la séparation des pouvoirs et l’application du droit d’une manière très factuelle et très froide, les deux allant généralement ensemble.

Malheureusement…

Malheureusement, j’ai l’impression que cette séparation des pouvoirs est en train de s’effondrer, lentement certes, mais surement.

Prenons par exemple le recours de plus en plus important à l’autorité administrative…

« L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle« , comme le disait la constitution, dans son article 66 il me semble…

Les récentes lois ont introduit l’autorité administrative bien plus loin que là où elle était avant, la faisant rentrer dans ce qui peut s’apparenter à, justement, des libertés individuelles. Mais, au gouvernement, personne ne semble s’en soucier, puisque dans le prochain projet de loi sur le renseignement, il sera encore question de l’autorité administrative, comme il en était question dans la loi sur le terrorisme, dont les premiers effets commencent à peine à se faire sentir.

Si, dans les faits, nous nous rappelons que la justice n’est pas forcément synonyme de garantie des libertés, l’impossibilité d’en appeler à un juge en cas de besoin constitue une grave menace pour nos liberté individuelles.

Et les membres de notre gouvernement, nos députés, nos représentants, loin d’être des ignares, le savent parfaitement. C’est peut-être ça, qui m’inquiète le plus.

Est-ce que, malgré toutes ses bonnes intentions, l’État peut-il se dispenser de la justice ainsi ?

Ne vous y méprenez pas, notre gouvernement n’est pas secrètement en train de comploter pour tous nous asservir ou pour dominer le monde, non, ils pensent sérieusement que ce qu’ils font, c’est la bonne solution, ou au moins « la moins pire », parce que « merde le terrorisme quoi, il faut faire quelque chose ».

Si bien que même au niveau des représentants de l’État, le débat tombe bas, bien bas même.

Je ne doute pas un instant de la bonne volonté de Patrick Trannoy, conseiller régional du limousin, mais en arriver aussi rapidement à ce non argument est assez significatif de l’opposition entre citoyen et élu, ça ne sert rien, ni personne.

M. Trannoy, si vous lisez ce billet et que vous souhaitez échanger, je suis ouvert au débat mais pas sur Twitter, il n’est pas possible débattre en 140 caractères.

La séparation des pouvoirs. Derrière ces quelques mots, c’est toute la démocratie, c’est toute la république, dont il est question, ne vous y trompez pas.

Avec la prochaine loi sur le renseignement qui, je vous parie une bière (et j’espère vraiment me tromper), passera, cette séparation deviendra encore plus floue qu’actuellement : l’Etat sera en capacité de pouvoir tout savoir, tout voir, tout entendre de sa population.

« en capacité » ne signifie pas pour autant qu’il le fera, ni même qu’il compte le faire, mais simplement qu’il dispose des capacités techniques pour le faire. Cela représente une très lourde menace pour la protection de la vie privée de chaque citoyen.

Et le droit à la vie privée, c’est une liberté individuelle, c’est donc au pouvoir judiciaire de décider de nous priver de cette liberté, pas au pouvoir exécutif, indirectement représenté par l’autorité administrative et rien ne justifie ce recours de plus en plus fréquent à cette autorité.

Le projet de loi sur le renseignement va confier à un seul pouvoir les missions de contrôle et d’application des règles dudit projet. Dans des mains différentes, mais toutes deux liées au pouvoir exécutif, comment ne pas considérer cela comme une vaste blague ?

Comment garantir l’application des bonnes règles lorsque celui qui la contrôle et l’applique sont la même personne ? Ce n’est pas possible.

J’étais déjà inquiet il y a quelques mois, lorsque j’expliquais que le principe de séparation des pouvoirs n’était plus franchement respecté. Je le redis encore ici, aujourd’hui : je suis de plus en plus inquiet et ce projet de loi sur le renseignement n’arrange rien, puisque, comme je le disais, il remet en question le principe de séparation des pouvoirs en excluant le pouvoir judiciaire, au profit de l’autorité administrative, née de l’exécutif.

Mais… rassurez-vous mes amis, l’État fait tout ceci pour votre bien, je l’ai senti dans le dossier de presse de la loi sur le renseignement, ils sont presque en train de nous écrire « regardez, nous sommes gentils, nous voulons juste bien faire les choses »

« Ne jamais attribuer à la malveillance ce que la stupidité suffit à expliquer. »

Ce gouvernement, cet État, ne vous veut pas de mal.

Mais le prochain ?

Qu’arrivera-t-il si, un jour, c’est un parti avec des idées très extrêmes ou un dictateur qui prend le pouvoir ? Est-ce qu’il sera aussi gentil et sage que l’est notre gouvernement actuel ?

D’ailleurs, l’est-il vraiment ? Je m’interroge à nouveau. Les faits ont tendance à nous montrer que nos gouvernements abusent de leurs pouvoirs…

Comment ne pas penser aux différents scandales liés à la NSA, du côté des États-Unis d’Amérique ? Comment ne pas faire de rapprochements entre les deux situations ? Le juge pourrait peut-être me rassurer, s’il était ne serait-ce qu’inclus dans ces procédures, mais il ne l’est pas.

Je m’interroge donc réellement… ne sommes-nous pas en train de poser les premières pierres des outils d’une bonne dictature et, peut-être, d’en prendre le chemin avec cette séparation des pouvoirs qui s’effrite ?

 

[Nouvelle] 2084, une vie normale, #PJLRenseignement.

Jeudi 23 Mars 2084,

Cher journal,

Aujourd’hui, j’ai passé une bonne journée. Comme les autres mais un peu plus libre : j’ai enfin trouvé un coin, loin de la ville, pour être tranquille.

Il faut dire que la vie n’est pas forcément simple depuis l’arrivée de Martin Le Guen, notre nouveau président, lors des élections de 2060. Le pire c’est qu’il a été élu « démocratiquement », comme ils disent… enfin depuis, il y a eu un coup d’Etat, tout ça… et il est là pour encore très longtemps…

Moi, je ne voulais pas voter pour lui mais, mon ami, faut bien avouer que la déception était tellement grande à l’époque… nous étions tous perdus, certains plus que d’autres. Ils pensaient que ça allait changer des choses, que ça allait bien avancer, enfin…

On a effectivement avancé, mais pas forcément dans le bon sens.

Toi, mon journal, mon ami, mon seul confident, la seule chose où je peux encore écrire sans que quelqu’un vienne me lire, si seulement tu savais…

Mon père m’en parlait la dernière fois… au début, il y avait un réseau Internet « normal », comme y dit : neutre, pas trop censuré et tout… Bon j’avoue, ça semble fou, mais quand il m’en parle, il a vraiment l’air de penser que c’est vrai.

Ça semblait sympa, il parlait de « blogs », c’est abstrait pour moi mais je crois que c’est un truc ou des citoyens pouvaient parler, quelque chose comme ça.

J’ai jamais su s’il me racontait des bêtises ou si c’était vrai, mais quand il m’en parle, j’ai des étoiles dans les yeux tellement ça semble beau.

Enfin, quand il m’en parlait, en fait.

Mon père m’avait prévenu, il utilisait un nom de code pour m’en parler : la Volte. Je sais que ça vient d’un livre mais la dernière fois que j’ai fait des recherches dessus, la police était là une heure plus tard.

C’est flou, mais à son époque, ils ont voté un truc sur le renseignement, je crois que tout est parti de là. Ils voulaient lutter contre le terrorisme et tout, mon père me disait qu’ils étaient plein de bonnes intentions mais que ce qu’ils allaient faire c’était dangereux.

Il disait que ce truc-là allait créer un outil qui, entre de mauvaises mains, pouvait être dangereux. Que l’orientation du gouvernement de l’époque était très stricte et se tournait vers la sécurité sans se soucier du reste.

Déjà à l’époque, comme il disait « c’était pas glorieux, on était un peu comme en Chine, mais en France ».

Mais avec l’arrivée de Le Guen, tout a changé. Il a fait avancer ce truc de surveillance pour l’étendre encore plus, et maintenant, chaque acte, parole, qu’elle soit privée ou publique, est captée.

C’est pour ça que mon père n’est plus là. C’est pour ça que tu es mon ami, mon seul ami… caché, en sécurité.

Tu sais, ça m’arrive de rêver que nous visons dans un pays libre, un pays où je peux dire ce que je veux, aller voir qui je veux, manger ce que je veux ou regarder ce dont j’ai envie sans craindre qu’on vienne frapper à ma porte..

Je dois te laisser, mon cher ami, on frappe à la porte, je pense que c’est pour l’accès à Wikipedia, hier.

Quelques observations sur La CNCTR…

Attention : je ne suis pas expert du droit, ce qui suit est potentielle une lecture erronée du projet de loi sur le renseignement.

Je remercie par avance les juristes qui passeront sur ce billet de corriger, si besoin est.

Le projet de loi sur le renseignement tuera la CNCIS pour créer la CNCTR, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Qu’est-ce que ça sera ?

La CNCTR sera composée de 9 membres :

  1. Deux députés et deux sénateurs
  2. Deux membres ou anciens membres du Conseil d’Etat
  3. Deux magistrats ou anciens magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation, nommés sur proposition conjointe du Premier président et du Procureur générale de la Cour de cassation.
  4. Une personnalité qualifiée pour sa connaissance en matière de communications électroniques, nommés sur proposition du président de l’ARCEP.

Point positif : la CNCTR dispose de plus de membres que la CNCIS actuelle, composée de trois membres.

Le rôle de la CNCTR sera identique à celui de la CNCIS : vérifier que les différents services de renseignement ne dépassent pas le cadre de la (future) loi, ni n’utilisent des moyens inappropriés à la situation. La CNCTR peut se voir saisie par « toute personne ayant un intérêt direct et personnel » dans une affaire.

Elle peut aussi s’autosaisir de dossiers afin de procéder elle-même à un contrôle des moyens mis en œuvre pour arriver à une certaine finalité, définie elle aussi par la loi sur le renseignement.

Point positif à nouveau : la CNCTR peut être saisie et peut s’autosaisir d’un dossier.

Pour pouvoir prendre une décision, il faudra au moins quatre membres présents sur les neufs prévus, Article L. 832-3. Première fausse note pour moi : quatre, sur neuf, ce n’est pas la majorité absolue. La CNCTR pourra donc prendre un avis et ce même si plus de la moitié de ses membres sont absents.

Si ce choix s’explique facilement (il faut que la CNCTR puisse avancer et ce même si elle n’est pas complète), je regrette qu’il ne faille que quatre membres sur les neuf pour pouvoir prendre une décision.

En cas de réclamation formulée à la CNCTR, et après analyse de la réclamation par cette dernière, si elle constate une irrégularité elle « procède conformément aux dispositions de l’article L. 821-6. »

Que dit cet article ?

Actuellement, voici la proposition faite pour cet article :

« Si la commission estime qu’une autorisation a été accordée en méconnaissance des dispositions du présent livre ou qu’une technique de renseignement a été mise en œuvre en méconnaissance des mêmes dispositions, elle adresse au service concerné ainsi qu’au Premier ministre une recommandation tendant à ce que la mise en œuvre de la technique concernée soit interrompue et les renseignements collectés détruits.

« Le Premier ministre informe sans délai la commission des suites données à ses recommandations.

« Lorsque le Premier ministre ne donne pas suite à ses recommandations ou lorsqu’elle estime que les suites qui y sont données sont insuffisantes, la commission peut, à la majorité absolue de ses membres, décider de saisir le Conseil d’Etat.

Pour traduire : si la CNCTR est saisie afin de vérifier la bonne application de la loi et que cette CNCTR se rend compte que la loi n’est pas respectée, elle n’adresse qu’une recommandation pour que cela cesse. Par la suite, si les réponses ne sont pas satisfaisantes, elle sera en capacité de saisir le Conseil d’Etat, reconnu comme compétent pour la suite… mais ça prend du temps, beaucoup de temps.

Une recommandation n’a « aucun poids », la personne à qui la recommandation est faite n’est pas tenue de la suivre.

Si la CNCTR constate une irrégularité dans les techniques de renseignement, pourquoi ne pas faire une obligation d’arrêt des techniques utilisées ?

Ce trouve ce passage assez léger, une simple recommandation ne me semble pas appropriée. N’étant pas spécialiste du droit je me trompe peut-être, mais je trouve que c’est assez important comme point : les moyens mis en œuvre pour faire un recours ne me semblent pas adaptés, face aux moyens disproportionnés de la surveillance.

La problématique est d’autant plus importante que le projet de loi fait référence à cet article L. 821-6 à chaque réclamation ou chaque observation de la CNCTR.

La surveillance face à une petite recommandation.

Pour finir, bien que la CNCTR soit composée de neuf membres, soit six de plus que la CNCIS, les moyens mis en œuvre pour qu’elle puisse faire son travail ne me semblent pas appropriés également.

Est-ce que ces personnes seront compétences pour remplir leurs missions ?

Est-ce que les moyens mis à la disposition de la CNCTR seront suffisants ?

N’y-a-t-il pas un risque de débordement de la CNCTR ? Qu’elle ne soit qu’une excuse pour se défausser, un « cache sexe », un peu comme avec la CNCIS ?

Si des députés me lisent (et je sais que certains me lisent…), je suis ouvert à toute forme d’échange et de débat constructif autour du sujet, ici, par mail ou au téléphone en cas de besoin.

C’est quoi, un DNS qui ment ?

Le décret n° 2015-125 du 5 février 2015 « relatif au blocage des sites provoquant à des actes de terrorisme ou en faisant l’apologie et des sites diffusant des images et représentations de mineurs à caractère pornographique » est entré en application.

C’est long comme nom, mais c’est toujours bon d’avoir le point de départ du billet.

Ce décret autorise le blocage de certains sites. La méthode de blocage choisie est celle du DNS menteur… et c’est important de savoir ce que c’est, parce que le DNS, vous l’utilisez en permanence. Partout sur vos ordinateurs, tablettes et téléphones, frigos et appareils connectés et j’en passe.

Pour comprendre ce que fait un DNS qui ment, il faut déjà comprendre ce que c’est qu’un DNS, je vais donc faire un peu de vulgarisation.

DNS, c’est pour Domain Name System, ça permet de traduire un nom de domaine en adresses compréhensibles par les machines qui font qu’Internet fonctionne, comme des adresses IP.

« C’est cool mais ce n’est pas très clair… »

On va faire plus simple : Internet ne parle pas notre langue, il parle en adresses qui ressemblent à ça : 185.34.33.4. On parle d’adresses IP.

Je pense que tout le monde sera d’accord…

« Hey salut, hier soir j’étais sur 185.34.33.4 c’était excellent
– Ah moi j’étais sur 186.208.17.1 et c’était pas top top
– Ah ouais, bon je te laisse je vais causer sur 191.18.12.4 »

… ce n’est franchement pas très pratique.

Le rôle du DNS, c’est de faire en sorte que l’adresse que vous saisissez vienne correspondre à l’adresse du serveur derrière, c’est comme une énorme annuaire d’Internet si vous préférez.

Seconde vulgarisation : comment ça fonctionne ?

J’étais parti pour vous faire un schéma mais je suis très nul avec les dessins et puis ça existe déjà, Andréa Fradin, aka @FradiFrad, l’a fait à l’époque où elle travaillait pour le regretté OWNI. Le dessin suivant est d’elle, j’espère qu’elle ne m’enverra pas la police pour lui avoir piqué.

Dans votre barre d’adresse, vous avez saisi « http://www.owni.fr», et quelques instants après la page s’affiche, ce que vous ne voyez pas, c’est ce qu’il s’est passé entre temps :

Dessin d'Andréa Fradin
Dessin d’Andréa Fradin – ex OWNI

On passera sur les notions de « racine », je vois renvoie à l’excellent billet d’où est tiré le dessin si vous voulez en savoir plus.

Votre ordinateur va donc interroger un serveur qui le guide vers un autre serveur qui le guide vers le bon chemin. Ça, c’est le fonctionnement « normal » d’un DNS, je pense que vous avez compris l’importance du système.

Alors, il se passe quoi lorsqu’il ment ?

Comme expliqué au début de l’article, le décret N° 2015-125 instaure le blocage de certains sites grâce à des DNS menteurs. Ces DNS sont ceux de certains opérateurs français(Orange, Free, SFR…), ils sont automatiquement fournis à votre ordinateur, sauf si vous avez configuré vous même votre connexion, avec autre chose que les serveur DNS de votre opérateur.

Ce sont des DNS là qui vous mentent. Dans les faits, lorsque vous allez essayer d’accéder à un site bloqué sur la base de ce décret, votre requête va toujours arriver au serveur DNS de votre opérateur, mais ce dernier ne vous orientera pas au bon endroit.

Il vous enverra sur un autre serveur, qui vous servira une autre page. Cette page vous dira que le site que vous tentez de visiter est bloqué car il fait l’apologie du terrorisme ou qu’il contient des images pédopornographiques.

Le site fonctionne toujours, le contenu est toujours là mais, lorsque vous voulez y accéder, le DNS ne vous dirige pas au bon endroit.

Si vous avez fait attention, vous avez déjà compris comment contourner ce blocage : ne pas utiliser les DNS de votre opérateur… et figurez-vous que c’est possible. Il existe des serveurs DNS que tout le monde peut utiliser, comme ceux mis à disposition par FDN, ou les « Google Public DNS ». Ces serveurs DNS ne sont pas concernés par le décret, puisqu’ils ne sont pas ceux d’opérateurs français.

C’est tout ?

Oui oui, c’est tout.
Pour contourner cette censure, il « suffit » de changer de serveur DNS.

Tout un programme de blocage des sites qui s’effondre. Il faut bien comprendre ce blocage n’arrête pas grand-chose, tout au plus il permet à certains de se dire qu’ils ont réellement fait quelque chose contre le terrorisme et la pédophilie, mais j’en doute.

Pourquoi c’est important, alors, de comprendre ce que c’est qu’un DNS menteur ?

La première réponse qui me vient est assez évidente : parce que si vous ne le savez pas, vous pouvez être redirigé n’importe où sans même avoir conscience que votre DNS vous ment.

La seconde raison, c’est que cet outil va finir par être utilisé pour d’autres motifs que le terrorisme et la pédophilie sur Internet.

Et pourquoi pas un blocage pour le fait d’avoir ouvertement critiqué un représentant de l’état, tiens ?

Pure coïncidence, un député à l’air assez tenté de mettre ça en place

C’est beau, non ?

Je ne lis pas l’avenir, mais il ne me semble pas absurde de déclarer que le jeu du chat et de la souris va s’amplifier, au risque de nous forcer à utiliser les DNS menteurs de nos opérateurs, au risque de bloquer massivement, au risque de casser un peu Internet… et la liberté d’expression, à un moment ou à un autre. J’espère me tromper, sincèrement.

Si vous voulez un exemple concret, rendez-vous sur islamic-news.info (la police ne viendra pas vous arrêter si vous cliquez dessus, vous serez, si vous utilisez les DNS de votre opérateur, renvoyé vers une page de l’Etat. Page assez moche, d’ailleurs.

Troublantes déclarations.

Dans un billet, que vous pouvez retrouver ici (et dont mon titre s’inspire), Guillaume Prieur, le directeur des affaires institutionnelles et européennes de la SACD, s’est amusé à comparer le Front National et les bidouilleurs, hackers, amoureux du libres, de la neutralité du Net, j’en passe encore et encore.

Je vous recommande la lecture de son truc, billet, machin, torchon indigne d’un homme que j’imagine intelligent.

L’affreux s’amuse donc à trouver des liens et à tirer des conclusions un peu trop hâtives et nauséabondes : une convergence entre le FN et les « défenseurs acharnés de la liberté sur le Net ».

Beaucoup diront qu’il ne faut pas réagir à des propos aussi crasseux, qu’ils ne sont dignes d’aucun intérêt, tout comme son auteur, mais je crois que c’est une erreur de ne pas souligner les propos dudit Monsieur Prieur.

Nous allons donc décortiquer un peu son billet et lui offrir une réponse bien plus argumentée et respectueuse, même s’il n’en vaut pas vraiment la peine.

Pour commencer, l’auteur explique que les « défenseurs acharnés de la liberté du le Net rejoignent l’extrême-droite europhobe dans leurs propositions sur la politique numérique et le droit d’auteur. ».

Première remarque, ces défenseurs acharnés étaient là bien avant cette extrême-droite pour défendre la liberté sur le Net.

Deuxièmement, ce que déclare l’auteur est d’une bêtise sans nom. Le Front National milite pour l’exception culturelle française, ils militent d’ailleurs pour tout ce qui est français, bien français, SACD y compris. Il suffit d’aller lire le programme du F.N pour le savoir, cet exercice devait manifestement être plus compliqué que la rédaction d’un torchon.

Ensuite, l’auteur cite des propos du Front National sur l’extension de la redevance audiovisuelle, ACTA, la neutralité du Net & Co. et, ce qui fait mal, c’est que le Front National déclare effectivement la même chose que ceux qui défendent Internet et le Web.

Est-ce qu’il le déclare pour les mêmes raisons ? Certainement pas.

Le Front National s’oppose à tout ceci car Internet est un terrain fertile pour lui, moins muselé justement, que le P.A.F. Il s’est opposé à ACTA car c’est une perte de souveraineté, chose parfaitement inacceptable pour ce parti. Il milite en faveur de la neutralité du Net parce qu’il sait qu’il peut toucher un public que les autres partis ne touchent pas. Il souligne une vérité, le fait que les autres partis politiques travaillent pour des groupes d’intérêts et non pour l’intérêt général.

Et c’est là le plus grand malheur : il n’y a que le F.N qui s’oppose, qui s’est opposé à ACTA et qui déclare être pour la neutralité du Net, les autres ne sont pas là, pas au rendez-vous, ils laissent au F.N tout le loisir de récupérer ces idées là et d’en faire les siennes.

Monsieur Prieur, j’ai d’abord pensé que vous n’étiez qu’un vulgaire con, mais non. Un con ne devient pas directeur des affaires institutionnelles et européennes d’un groupe comme la SACD, et entendez mon effort pour être le plus respectueux possible.

Vous n’êtes pas un con, non, vous êtes sans doute intelligent, très même, assez pour faire réagir et donc assez pour qu’on parle de vous, de votre billet infâme et donc assez pour exposer vos arguments et pour semer un trouble assez malsain.

Vous êtes doué d’intelligence, donc, mais vous l’utilisez pour faire n’importe quoi, et je ne parle que de vos déclarations.

Je suis d’ailleurs au regret de vous annoncer, monsieur Prieur, que vous utilisez une technique de communication du Front National assez vulgaire : le Sophisme. Proche du syllogisme et pourtant parfaitement faux

Exemple :

Tous les chats sont sur Internet.

Or, je suis sur Internet

Donc, je suis un chat.

Reprenons avec votre exemple

Le Front National défend Internet

Or, je défends Internet

Donc, je suis pour le Front National

… Ais-je réellement besoin d’expliquer à quel point de raisonnement est faux, complètement stupide et malsain ?

Si nous continuons sur cette lancée, Google, Facebook et les autres grands qui déclarent défendre cette neutralité, ils sont pour le Front National aussi, non ?

Vos propos sont là pour dire que, parce qu’un groupe A défend quelque chose et que le groupe B défend la même chose, alors que groupe A et le groupe B sont pareils, la réponse est non.

Et c’est la seule motivation de ma réponse, ici, la seule chose qui soit digne d’intérêt. Vos propos servent la confusion et sont au mieux déplacés, au pire abjects… et, parce que vous êtes intelligent, vous avez choisis ces propos, vous avez sans doute mesuré chaque mot, vous vous êtes assuré que la tournure était bien celle que vous cherchiez ?

Ou alors vous avez décidé d’écrire ça « comme ça », et c’est triste pour vous. C’est d’autant plus triste que vos propos servent le Front National un peu plus encore, ce qui n’est pas utile par les temps qui courent.

Je pense que votre égo, en témoignent les différentes réponses adressés sur Twitter, fait que vous allez lire ce billet, je vous préviens donc, n’espérez plus aucune réponse de moi, je crois vous avoir déjà consacré bien trop de temps.

Bref, monsieur Prieur, je ne vous dirai pas que votre torchon est un ramassis de raccourcis assez malsains, qu’il dessert votre cause déjà perdue, qu’il vous dessert, vous, vous faisant passer pour plus stupide que vous n’êtes.

Je ne vous dirai pas tout ceci, non, ni ne vous dirai que vos réponses lors de nos quelques échanges démontrent une assez mauvaise foi, que je regrette car j’aurais aimé pouvoir parler avec vous, vous avez manifestement décidé que le troll était plus facile que l’échange, soit.

Je ne vous dirai pas, enfin, que c’est par vos actions que le Front National se pose en garant de nos libertés sur Internet, ni que vous utilisez la même stratégie de communication qu’eux.

Non, je vous dirai simplement : c’est triste. Triste de ne pas pouvoir échanger plus sérieusement que trois fois 140 caractères où vous passez pour un con, je suis certain que vous pouvez faire mieux, enfin, j’espère.

A l’avenir, réfléchissez avant d’écrire, et acceptez les critiques sur vos déclarations, plutôt que de les fuir.

Petite précision : le billet est enregistré, on ne sait jamais….

l’@AssembleeNat : une grande cour de récréation.

Disclaimer : du sang et des morceaux de flanby partout, soyez prévenus.

Je n’ai pas encore poussé mon coup de gueule sur la LPM. Pour celles et ceux qui ne savent pas ce que c’est, je vous invite à… chercher. Google est votre ami, Twitter également si vous l’utilisez, cherchez « LPM », ça devrait suffire amplement.

Donc, la LPM, Loi de Programmation Militaire, je vous épargne le détail de ce texte, la raison de ce billet est tout autre.

Une demande saisine du conseil constitutionnel est survenue peu de temps après le vote de la loi, demande de saisine initiée par Xavier Bretrand, membre de l’UMP.

Pour poser les bases, il faut savoir que n’importe quel député ou sénateur peut, en son nom, déposer une saisine auprès du conseil constitutionnel, il lui faudra alors récupérer soit 60 voix de députés, soit 60 voix de sénateurs, en fonction de l’entité qui a déposé la demande de saisine. Xavier Bertrand était donc en droit de déposer une saisine, il lui fallait ensuite récupérer les précieuses signatures nécessaires pour ladite saisine.

Et là, c’est le drame. Et c’est d’ailleurs la raison de ce billet.

Officiellement, la saisine n’a pas été déposée, le chef du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, Christian Jacob, a déclaré que le groupe UMP ne soutenait pas cette demande, n’en ferait pas lui même et fin de l’histoire ou presque, il y a eu beaucoup de grabuge par la suite, pour tenter désespérément d’obtenir les 60 sésames pour l’accès au conseil constitutionnel.

Parce que j’aime bien la lecture et l’analyse, j’ai repris et collecté pas mal de déclarations, tweets et autres de nos chers (au sens propre comme au sens figuré) députés, voici donc une version sans doute plus exacte :

Attention, ce ne sont que des hypothèses, mais je pense qu’elles sont asssez proches de ce qui s’est réellement passé.

Xavier Bertrand a déclaré qu’il souhaitait saisir le conseil constitutionnel et en a parlé à Christian Jacob, ce dernier l’a envoyé balader ou n’a pas tenu compte de ses remontées.

Un travail de lobying s’en est suivi, à gauche comme à droite, dans les différents groupes de l’Assemblée Nationale, mais parce que Pierre n’aime pas Paul, Paul n’a pas pu signer la demande de saisine, sans quoi Pierre et ses amis retiraient leurs signatures.

Cette info me semble être assez certaine, cf le tweet de Laure de La Raudière :

Ce qu’il faut comprendre, c’est que si les membres signaient, d’autres partaient parce qu’ils ne sont pas amis, que certains sont de gauche et d’autre de droite.

Ensuite, des députés signataires ont fait savoir qu’ils retiraient leur signature. On ne retire pas une signature sans raison, j’imagine donc qu’ils ont subis des pressions quelconques de je ne sais qui, ce je ne sais qui allant jusqu’à Christian Jacob tant qu’à faire.

Il est possible que ça ne soit pas l’amour fou entre Xavier Bertrand et Christian Jacob, et mon petit doigt me dit que c’est parce qu’ils partagent le même dessein : être chef à la place du chef et voir en 2017.

On résume donc : deux hommes qui ne s’aiment pas, lechef du groupe UMP qui, peut-être, fait pression sur les signataires, deux hommes mais une envie commune, une querelle peut-être, et …

Attendez, j’ai du rêver, j’ai cru à un instant être en train d’écrire que c’est parce que deux hommes font un concours à qui aura la plus grosse que ce dangereux projet est passé.

Non, j’ai du rêver.

Non ?

Ah. Non. Non en fait, non.

Spoiler : c’est là que je me fâche un peu. Ok, c’est là que ça va saigner un peu serait plus exact.

Parce que c’est Noël, je suis généreux, 577 paires d’oreilles risquent de siffler un peu.

Sérieusement, qu’est-ce qui vous passe par la tête ? hormis du vent ?

Vous êtes députés, bordel. Vous faites la loi, vous la pensez, l’écrivez, la votez en partie, vous êtes censés représenter le peuple et vous sortir les doigts du c** pour faire votre travail pour lequel vous êtes payés avec notre argent. Nous sommes vos employeurs, nous citoyens, sans nous vous n’avez pas de travail et plus un seul euro en poche.

Personne n’attend de vous un travail exemplaire, vraiment. En revanche, tout le monde attend que vous fassiez ce pour quoi vous êtes payés : bosser.

Non, au lieu de ça, vous êtes en train de vous foutre sur la gueule comme des gamins dans une cour de récréation.

« Non lui je l’aide pas parce qu’il m’a chipé mon crayon. »

« Non, lui je l’aide pas parce que c’est un méchant. »

« Non, si eux ils t’aident et bien moi je t’aide pas parce que je ne les aime pas. »

Sérieusement, c’est « ça ? », l’élite de la France ? Pardon d’avance mais purée, ça fait mal au cul quand même.

Ca ne vous viendrait pas à l’esprit, juste un instant, de coller vos querelles de côté et d’œuvrer pour de meilleurs lendemains, ensemble ?

Ca ne vous viendrait pas à l’esprit, une fraction de seconde seulement, de faire votre job ?

Des comportements comme ça, dans une cour de récréation, c’est sanction ou au coin. Dans une entreprise privée c’est un blâme ou une faute qui peut aller jusqu’à une mise à pied conservatoire.

Et vous… vous bien ce n’est rien. Pire encore, vous, quand vous jouez au cons, c’est avec l’avenir de plus de 60 millions de personnes. Vous voulez faire n’importe quoi ? Faire de la merde ? Faites-le, avec autre chose que la loi et l’avenir d’une nation. Démissionnez, rentrez dans le secteur privé, montez votre société et dégommez-là.

Vous ne comprenez pas pourquoi le citoyen moyen, comme moi, n’a plus confiance dans le corps politique ? La réponse est peut-être là, quand vous aurez terminé de vous chamailler, pour rester poli, nous aurons fait un grand pas.

« Arrêter d’être con », ça pourrait être bien, comme résolution.

Ps : ce message touche tous les députés mais je sais faire la part des choses entre ces « trucs là » et des députés. Je ne fais juste pas de différence là, tout le monde est logé à la même enseigne. Et vos couleurs, gauche, droite, milieu ou avant centre, je m’en tape.