L’anonymat et le sénateur Masson, épisode II

D’avance, ce billet sera un peu brutal, bonne lecture.

Ce qu’il y a de tristement drôle dans la stupidité, c’est qu’elle semble chez certains sans limite. C’est le cas du sénateur Masson, qui revient à la charge contre l’anonymat des blogueurs.

Dans une question écrite à Fleur Pellerin, ministre déléguée à l’économie numérique distinguée pour ses… propos justes, nobles et parfaitement censés sur le DPI (attention, ironie inside), M. Masson demande s’il n’est pas possible de lever l’anonymat des blogueurs. Il rajoutera dans sa question une demande de sanction en cas de résistance à cette identification.

Qu’est-ce que M. Masson n’a pas compris la dernière fois qu’il a tenu de tels propos ? M. Masson est-il contre la liberté d’expression ?

Selon moi, soit il l’est soit il est stupide. Dans les deux cas il y a un problème.

Imaginons donc qu’il ne soit « que stupide » puisque c’est sans doute le meilleur cas de figure possible. Il convient alors de lui réexpliquer l’importance de l’anonymat dans la vie numérique.

L’anonymat est, pour certains et même en France, un gilet pare-balles. Des blogueurs activistes aidant des pays à démocratie plus que variable se servent de l’anonymat pour ne pas se faire attraper.

Que se passerait-il si l’anonymat était levé ?

Dans le meilleur des cas, ces blogueurs arrêteraient de travailler. Dans le pire des cas, ils auraient des ennuis dans la vie physique.

Second cas de figure : les blogueurs qui se servent de cette protection qu’est l’anonymat pour parler de choses tirées de leurs vies personnelles ou professionnelles. Parler de sa dernière relation, d’une maladie lourde, d’un conflit … certains ne le feront pas avec leur identité, les points abordés pouvant créer d’éventuels conflits personnels.

Dans la vie professionnelle, c’est la même chose : quid des personnes qui parlent de leur travail avec leur vraie identité, licenciement ?

Nous assistons déjà à des licenciements pour des propos tenus sur une société x ou y, ce phénomène prendrait de l’ampleur si l’anonymat n’était plus garanti.

Certains blogueurs laissent volontairement trainer des données d’identification, comme moi. Mais dans ces cas-là, la décision finale revient au blogueur et il n’est nullement question d’une loi obligeant la levée de l’anonymat.

M. Masson cherche-t-il à réinventer l’eau chaude ?

Manifestement, oui. M. Masson ne sait peut-être pas que des dispositions existent déjà pour l’identification d’un blogueur. La loi de confiance en l’économie numérique (LCEN) permet, dans le cas de propos considérés comme diffamatoires, d’obtenir les données d’identification dudit responsable des propos tenus, sur demande auprès de l’hébergeur.

Résumons donc, si vous le voulez bien.

  1. M. Masson essaye une seconde fois de faire lever l’anonymat des blogueurs pour, je cite, « protéger les éventuelles victimes de propos inexacts, mensongers ou diffamations qui sont, hélas, de plus en plus souvent colportés sur la toile ».
  2. Des dispositions existent déjà pour ces cas de propos inexacts, mensongers ou diffamatoires mais le sénateur Masson n’est manifestement pas au courant de cette loi, comble pour un sénateur.
  3. M. Masson n’a peut-être jamais essayé de contacter un blogueur afin d’obtenir un droit de réponse, qui sait ? C’est pourtant chose aisée.
  4. Pour terminer, il convient de définir ce que signifie blog : un site, une page, sur laquelle on inscrit des données.

C’est vague, nous savons que les blogs visés sont des blogs personnels, les blogs professionnels rentrant dans un autre cadre juridique assez différent. Nous pouvons donc, au hasard, penser à Facebook, Skyblog, Overblog et éventuellement à des blogs vidéo, ce qui fait un nombre considérable de personnes touchées par les envies du sénateur Masson.

Alors, pourquoi M. Masson veut lever cet anonymat ?

Et si la réponse se trouvait dans la vie de ce cher sénateur ?

L’ironie, c’est que M. Masson, lui, se sert de l’anonymat pour des choses assez discutables :

  • 1983, M. Masson fait rédiger des tracts diffamatoires anonymes contre lui-même afin de discréditer son opposant aux élections municipales, Jean-Marie Rausch.
  • 1997, M. Masson est destitué de ses fonctions et condamné à un an d’inéligibilité pour avoir financé la campagne d’un concurrent afin d’affaiblir une rivale.

M. Masson s’est aussi retrouvé victime de propos diffamatoires à son égard et c’est sans doute la raison de sa grosse colère, inconscient de l’importance de l’anonymat.

M. Masson, lorsqu’on se sert de l’anonymat à de mauvaises fins, on ne vient pas faire des leçons par la suite. C’est déplacé, pour rester poli. Vous méprisez ceux qui ont besoin de cet anonymat pour avancer, parler, publier et parfois protéger leur vie.

J’espère que vous lirez ce billet, qu’il vous déplaira et que peut-être, vous comprendrez l’absurdité de vos propos. Si ce n’est pas le cas, nous pouvons en discuter autour d’un café, je suis toujours partant pour expliquer des choses, surtout lorsque les points de vue divergent.

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