[En bref] Les logiciels libres sortis de la loi numérique

Lors de la consultation sur le projet de loi relatif au Numérique, porté par Axelle Lemaire, une proposition a majoritairement été soutenue, sous trois formes différentes : la promotion du logiciel libre au sein des administrations.

Au total, plus de 6500 votes positifs ont été recueillis pour ces trois propositions. Ce chiffre peut sembler faible mais il ne l’est clairement pas. Naturellement, avec un tel score, nous étions en droit d’espérer, de croire, que le gouvernement allait suivre et allait donc prioriser le logiciel libre au sein des administrations.

Et bien…. En fait…. Non.

Certains seront déçus par cette nouvelle, d’autres auront simplement confirmation d’une chose : cette consultation était inutile.

Attention, entendons-nous bien : la consultation était une excellente initiative, elle a montré un chemin qui me plait, un potentiel futur où nous participons directement à la vie politique et aux décisions qui font, au moins en partie, notre quotidien.

Mais soyons réalistes, elle est aussi efficace et utile qu’une opération de chirurgie esthétique pour Frank Ribery.

Les ayants-droits n’étaient pas contents de certaines dispositions : elles sont retirées. Le gouvernement n’est pas content de certaines propositions : elles sont retirées.

A quoi sert la consultation si même les propositions les plus soutenues sont balayées d’un revers de la main ?

Le gouvernement a tenu à s’expliquer, comme le souligne Next Inpact : il « souhaite avant tout le faire par des mesures non législatives, par accompagnement sur le terrain et promotion des initiatives des administrations et des agents. »

[quote]Mais le train de tes propositions roule sur le rail de mon indifférence[/quote]

En langage politique, cela veut dire : « nous sommes d’accord avec vous mais nous n’allons rien changer, rien faire, nous allons vous parler d’accompagnement et de sortie des mesures législatives pour qu’aucun contrôle ne puisse être opéré sur tout ceci. ».

En version raccourcie, cela donne : « circulez, il n’y a rien à voir. »

Lorsqu’on sait que le gouvernement vient à peine de signer un chèque de plus de 80 millions d’euros à Microsoft, on se dit que ce n’est clairement pas demain que les administrations basculeront…

… ni demain que le gouvernement écoutera vraiment ses citoyens.

[En bref] Loi renseignement et surveillance internationale : pas tous égaux.

L’article L. 854-1 – III de la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationalesje sais, c’est très pompeux comme entrée en matière – est ainsi rédigé :

« Les personnes qui exercent en France un mandat ou une profession mentionné à l’article L. 821-7 ne peuvent faire l’objet d’une surveillance individuelle de leurs communications à raison de l’exercice du mandat ou de la profession concernée. »

Il est bon de se rappeler l’article L. 821-7, puisque le L. 854-1 – III en fait mention :

« Les techniques de recueil du renseignement mentionnées au titre V du présent livre ne peuvent être mises en œuvre à l’encontre d’un magistrat, d’un avocat, d’un parlementaire ou d’un journaliste ou concerner leurs véhicules, bureaux ou domiciles que sur autorisation motivée du Premier ministre prise après avis de la commission réunie.»

En décodé , l’article dont il est question dans mon billet dit donc la chose suivante :

les magistrats, avocats, parlementaires ou journalistes ne peuvent être surveillés que si le premier ministre l’autorise et que ladite autorisation est dite « motivée », argumentée si vous préférez. Il lui faudra également l’avis de la Commission Nationale du Contrôle des Techniques du Renseignement (CNCTR), que j’ai surnommé la « commission du oui » pour anticiper l’avenir…

Condition importante : il faut que ces professions « protégées » soient exercées en France. Dans le projet de loi relatif à la surveillance des communications électroniques internationales, ce n’est pas le cas.

Pour faire plus simple et moins pompeux : pour surveiller des magistrats, des avocats, des parlementaires ou des journalistes à l’étranger, servez-vous, c’est open bar.

La vision est assez binaire, j’en conviens, mais tout ce qui n’est pas inscrit dans la loi est dans le champ du possible.

Seulement…

Bien, ce point-là me dérange profondément. Non pas que les autres ne me dérangent pas, loin de là, très loin même, rassurez-vous.

Il me dérange car il crée une rupture d’égalité pour des personnes qui exercent le même métier, qui ont besoin des mêmes protections, qui ont les mêmes exigences que leurs confrères du sol français.

Dans ces métiers, il existe de très nombreuses connexions internationales, certains avocats de l’étranger gèrent des dossiers pour des clients français, certains journalistes étrangers communiquent avec d’autres français et ainsi de suite…

Pourtant, le projet de loi ne prévoit pas de protéger ces professions si elles sont exercées hors du territoire français.

Une nouvelle fois, j’ai honte de cette loi qui fait honte à notre pays et aux valeurs que nous sommes censés défendre plus que tout : liberté, égalité, fraternité.

Comment pouvons-nous encore avoir l’égalité comme devise lorsque la loi s’efforce de rompre ce qu’il reste de cette valeur déjà bien massacrée ?

Comment peut-on se faire avoir à ce point ?

Ces protections pour quelques métiers sont insuffisantes et inefficaces :

  • insuffisantes car d’autres métiers méritent d’être protégées, comme les médecins et le secret médical par exemple
  • inefficaces car pour ne pas surveiller un avocat, un journaliste … il faut déjà l’avoir identifié et pour l’identifier, il faut qu’il ait déjà été l’objet d’une surveillance.

Pour faire plus simple : si, sur une autoroute, j’ai l’obligation de laisser passer toutes les conducteurs qui portent un chapeau vert, il faut que j’observe chaque conducteur, y compris ceux qui portent ce chapeau « sésame ».

Pour ne pas surveiller les professions protégées, il faut que je tombe dessus pour dire « ah, non, lui ce n’est pas possible, c’est Marc Rees, de Next INpact, c’est un journaliste, on ne peut pas le surveiller, arrêtez tous, les mecs ! », donc, l’espace d’un instant déjà bien trop long, je l’ai surveillé.

Vous voyez le problème je pense, non ?

Quel dommage que les rédacteurs de la « rustine » suite à la toute petite claque du conseil constitutionnel ne le voient pas….

[En bref] Windows 10 n’est pas le problème.

Je publie avec un énorme décalage temporel, la faute à un planning particulièrement chargé en ce moment.

Il y a quelques semaines, j’ai observé la réaction de nombreux utilisateurs face à Windows 10 et à sa gestion de la vie privée des utilisateurs.

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[En Bref] L’injustice est toujours punie.

Ce lundi 27 juillet 2015, le projet de loi relatif au renseignement, voté par les députés, voté par les sénateurs, considéré comme conforme par le Conseil constitutionnel, sera publié au Journal Officiel.

Ce lundi 27 juillet 2015, le projet de loi relatif au renseignement deviendra donc la loi relative au renseignement, succédant à sa grande sœur de 1991.

Ce matin, il m’est difficile de trouver des motivations pour me battre contre ces projets de loi liberticides, votés par ceux censés protéger l’Etat de droit et les valeurs de la république.

Alors lecteur, si, comme moi, tu te demandes pourquoi il faut continuer à se battre, laisse-moi éclairer tes pensées et, peut-être, te redonner un peu le sourire.

J’ai eu l’extrême privilège, un jour de « petite forme », de prendre un majestueux coup de fouet du grand monsieur qu’est Jeremie Zimmerman. Je ne pense pas avoir besoin de t’expliquer qui est ce monsieur mais, si c’est nécessaire, c’est par ici que ça se passe.

Dans cet échange, une phrase m’a marqué et me sert de source de motivation depuis : « à la fin, on gagne. »

La loi sur le renseignement n’est qu’une étape, une pièce d’un grand tout qui, j’en suis convaincu, va mettre nos nerfs à très rude épreuve, mais à la fin, on gagne. Parce que l’injustice est toujours punie. Toujours.

Ma motivation actuelle, pour continuer à me battre, c’est ça (source) :

  • L’ARCEP,
  • Le Conseil National du Numérique,
  • La Commission nationale consultative des droits de l’homme,
  • Le Conseil de l’Europe,
  • La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés,
  • Le Défenseur des droits, Jacques Toubon,
  • AccessNow,
  • Access France,
  • Act Up-Paris,
  • Aides,
  • Le Strass,
  • Acrimed,
  • l’Association Française des Éditeurs de Logiciels et Solutions Internet,
  • L’association française des victimes de terrorisme,
  • Amnesty International,
  • l’Association des Services Internet Communautaires,
  • le Center for Democracy & Technology,
  • la CGT Police,
  • le Conseil national de l’Ordre des médecins,
  • l’EDRI,
  • la Fédération Européenne des Journalistes,
  • la FIDH, la Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats,
  • l’INRIA,
  • Human Rights Watch,
  • la Ligue des Droits de l’Homme,
  • l’Observatoire des Libertés et du Numérique,
  • le CECIL,
  • La Quadrature du Net,
  • Le Syndicat des Avocats de France,
  • Le Syndicat de la Magistrature,
  • la société Mozilla,
  • l’Ordre des Avocats de Paris,
  • l’Ordre des médecins,
  • Renaissance Numérique,
  • Reporters Sans Frontières,
  • Silicon Comté,
  • le Syndicat des avocats de France,
  • le Syndicat national des journalistes,
  • l’Union syndicale des magistrats,
  • Jean-Marie Delarue, Président de la bientôt défunte CNCIS,
  • Marc Trévidic, qui était magistrat au pôle antiterrorisme du TGI de Paris,
  • Le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe,
  • Le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme,
  • Le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’Homme et la lutte contre le terrorisme,
  • Le Front de Gauche,
  • Le Parti Communiste Français,
  • Le Parti de gauche,
  • Nouvelle Donne,
  • Qwant,
  • Syntec Numérique,
  • la CFDT Journalistes

Tous. Tous se sont totalement ou en partie opposés à l’arrivée de la loi sur le renseignement, tous ont émis des remarques détaillées, précises, argumentées, à l’encontre de cette loi.

Jusqu’à certains organes des Nations unies. Comment penser à un instant que nous faisons fausse route quand je vois cette liste, ces noms, tenir les mêmes arguments que nous. D’aucuns diront que les Nations unies, c’est « 5 gus dans un garage ».

Même si l’Assemblée nationale, le Sénat et le Conseil ne s’y sont pas opposés, le monde entier s’y est opposé.

Alors… quand je lis les arguments de Jean-Jacques Urvoas, de Bernard Cazeneuve ou des illuminés de la politique, que je m’énerve face à leur plus mauvaise foi, quand j’ai l’impression que notre combat est perdu d’avance, je relis cette longue liste…

Et je souris.

Parce qu’à la fin, on gagne.

[En bref] Le lièvre et la tortue.

Rien ne sert de courir, il faut partir à point.

Que faut-il comprendre du premiers vers de cette fable de La Fontaine ?

La réponse me semble évidente : il est inutile de courir lorsqu’il est déjà trop tard, il faut simplement partir à temps. Ce sont les efforts continus de la tortue qui gagnent à la fin, et non l’agilité du lapin, présomptueux. La fable nous apprend que la détermination d’une tortue, symbole du lent, finit toujours par payer et ce même face à la légendaire rapidité du lapin.

Cette fable, je l’ai apprise il y a bien des années et j’imagine ne pas être le seul dans ce cas. J’imagine, d’ailleurs, que nos élus l’ont appris également.

Ont-ils seulement compris le sens de la fable ?

A de nombreuses reprises, ces élus nous ont démontré que non, sans doute pas. Notre gouvernement est tel le lièvre de La Fontaine : présomptueux, presque insouciant, convaincu d’avoir les compétences et la capacité nécessaire pour gagner et tenir ses engagements.

Et pourtant, c’est la tortue qui gagne.

La vraie question est : qui est la tortue ?

Vous devinerez aisément que la réponse n’est pas unique.

N’y voyez aucune critique, ne vous y trompez pas, il fait bon d’être une tortue parfois.

[NDLR : je me retiens généralement de publier ces petits billets. Ils ne tiennent pas dans un tweet mais je souhaite les partager. J’ai d’abord eu l’idée de les publier sur un pastebin mais, après réflexion, quoi de mieux que mon petit espace pour ma liberté d’expression ?

Mon intention n’est pas de détailler le propos, mais de vous amener à réfléchir dessus.]