Nous avançons peu à peu vers une société très portée sur la surveillance, de tout, de tout le monde ou du moins, du plus de gens possible. L’armada de surveillance s’étoffe un peu plus chaque jour, de nouvelles armes viennent le renforcer, qu’elles soient légales, législatives ou purement techniques.
Minority Report.
Notre société ne ressemble pas à 1984 et l’évolution de cette dernière non plus, pas totalement en tous cas. De plus en plus de fichiers secrets sont créés, on place l’outil informatique au cœur de tout, de la détection de comportements suspects à la collecte massive d’informations en passant même, parfois, par des ordinateurs qui prennent des décisions.
Non, notre société ne ressemble pas à 1984 car dans cette œuvre d’Orwell, la propagande est partout, l’histoire est réécrite sans arrêt, les gens sont interpellés s’ils ne pensent pas correctement, toute la panoplie d’outils de contrôle et de surveillance est déployée, plus ou moins aux yeux de tous.
Nos sociétés se rapprochent plus d’un modèle type « Minority Report », la dystopie de Philip K. Dick, la seule différence est que les précogs sont ici remplacés par des machines. Mais de nombreuses choses sont là, dont, en premier lieu, le dangereux – et compréhensible – objectif de nos nations : arrêter un criminel avant qu’il ne commette ledit crime.
Nous sommes filmés par des caméras de surveillance dispersées aux quatre coins du territoire, toujours plus nombreuses. Nous sommes géo localisés avec nos petits espions de poche, nous sommes ciblés par la publicité qui en connait plus sur nous que nous même, nous sommes captés par une ribambelle de trackers sur Internet en permanence… et toutes ces données sont agrégées, traitées, regroupées et classées pour tenter d’établir une sorte d’identité numérique qui, parfois, ne correspond absolument pas à la réalité.
Le chat ?
Il tente de toujours en savoir plus, toujours en avoir plus, le moindre détail de notre vie l’intéresse car il pense pouvoir le recouper avec d’autres éléments. Pour lui, nous sommes des méchants en puissance et si nous ne le sommes pas, nous allons le devenir… et si nous ne le devenons pas, nous connaissons forcément quelqu’un qui pourrait le devenir. Du moins c’est ce qu’il pense et c’est son argument phare pour justifier la moindre mise sous surveillance.
Il donne des pouvoirs incommensurables à sa meute de chats, tous en ordre de bataille. Il ne se rend pour ainsi dire pas compte des dérives envisageables avec ces pouvoirs-là, surtout lorsqu’un autre chat dominant viendra prendre sa place.
Les souris…
…elles, s’en moquent. Pas toutes, mais la très grande majorité s’en moque, elle ne se sent pas concernée et les quelques souris concernées sont bien tristes et démotivées à force de s’esquinter.
Puis il y a les autres souris, celles qui ont toujours un coup d’avance, celles qui savaient déjà se protéger de nombreuses choses, celles qui devraient être les uniques cibles du chat et qui, in fine, sont les seules épargnées.
Cet éternel jeu se terminera-t-il un jour ? Le chat, mécontent de ne pas trouver les « bonnes » souris, entame une énième course à l’armement technologique, au risque de sacrifier bien des droits sur l’autel de la surveillance.
Les « bonnes » souris, elles, rigolent car avant même que l’arsenal soit étendu, elles savent déjà ce qu’il faut faire pour passer sous les radars. Elles s’amusent de voir que le chat ne change pas de stratégie et continue de foncer dans le mur, cette fois en faisant des signes et en criant pour que le mur se pousse.
Dans les dessins animés ou les bandes dessinées, ce petit jeu me fait sourire. Les voleurs échappent toujours à la police, qui essaye de les attraper épisode après épisode, BD après BD. Dans « la vie vraie », c’est nettement moins drôle car au final, toute la population souffre d’un arsenal complètement hallucinant qui ne devrait s’abattre que sur quelques personnes.
Le danger qui en découle, plus grand encore que celui de la surveillance, est d’avoir d’ici quelques années une société totalement aseptisée, neutralisée, une société qui n’ose même plus s’exprimer, de peur d’être entendue et mal comprise. C’est de voir notre société s’autocensurer toute la journée, jusqu’aux prochaines générations qui n’auront plus besoin de s’autocensurer, qui se comporteront naturellement comme de doux agneaux … ou comme des chats.