Hourra ! Encore un énième attentat terroriste déjoué pas plus tard que le 13 juillet 2015. Le cinquième depuis le début de l’année nous dit-on.
Le hasard fait bien les choses tout de même, un attentat déjoué le 13 juillet, à la veille d’une fête nationale, moins d’une semaine avant la décision du Conseil Constitutionnel sur la loi renseignement, quel superbe coup médiatique.
Attention, chers lecteurs, je ne remets pas en question la véracité des actes déjoués, je n’ai d’ailleurs pas assez d’éléments pour savoir s’ils sont réels ou non.
Non. Ce qui me dérange, c’est une série de coïncidences assez étranges pour que j’arrête de les considérer comme de simples coïncidences.
La loi sur le terrorisme, d’abord. A l’époque, lors de la présentation du projet de loi sur le terrorisme, on apprenait qu’un présumé terroriste avait été arrêté. Quoi de mieux qu’un évènement de ce type pour justifier l’impérieuse nécessité de la loi sur le terrorisme ?
« La loi n’est pas parfaite ? Elle ne respecte potentiellement pas la constitution ? Que nenni, citoyen ! Regardez, nous venons d’arrêter un vilain méchant, cela démontre que cette loi est nécessaire. »
A cette époque, j’ai trouvé la coïncidence étrange, mais je n’ai rien dit, me pensant trop parano.
Puis est arrivé le projet de loi sur le renseignement qui, n’en déplaise à certains, a déclenché de vifs et nombreux échanges moins fermés que d’habitude, où seul notre petit monde d’(h)ac(k)tiviste s’agite.
L’arrivée du projet de loi était accompagnée de l’attaque du site TV5 Monde, à l’époque revendiquée par un groupe se revendiquant proche de l’Etat Islamique. La représentation nationale et la scène politique dans son ensemble n’a pas raté l’occasion, offerte sur un plateau d’argent. Manuel Valls déclarant que la loi sur le renseignement est nécessaire, Bernard Cazeneuve lui emboitant le pas, Eric Ciotti pas loin derrière…
Etrangement, après les débats de la loi sur le renseignement, d’autres pistes que celles initialement annoncées sont apparues, certains parlant d’une attaque russe, d’autres d’une attaque venant d’Asie. Si les points de vue divergeaient sur la source de l’attaque, tous s’accordaient sur un point : le mot terroriste n’était plus dans les bouches.
A cette étape, j’ai déjà eu plus de mal. Deux fois en moins de deux ans qu’un projet de loi est accompagné d’une bien étrange coïncidence, ça commence à faire beaucoup.
Mais ce n’était pas tout. Dans la suite des débats sur ladite « loi renseignement », nous avons eu d’autres « attentats déjoués », toujours au bon moment, toujours à la veille d’un sujet sensible, toujours de la même manière :
- Bernard Cazeneuve, Manuel Valls ou le Président Hollande lâchent une petite phrase qui fait mouche,
- s’en suit un communiqué ou une réunion de presse officielle qui donne beaucoup d’informations et, évidemment,
- viennent les « cela démontre, s’il le faut encore, la nécessité de la loi sur le renseignement. »,
- fin.
Mon esprit, à cette étape, sent que quelque chose cloche :
Un attentat déjoué sous-entend un travail de recherches, de collectes d’informations, l’ouverture d’une information judiciaire et pourtant, la justice n’a jamais entendu parler des présumés terroristes avant les attentats déjoués.
Bernard Cazeneuve est assez intelligent pour savoir que tout ce qui touche au terrorisme est protégé par le secret défense, il l’a lui-même dit de nombreuses fois, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, lors des débats sur la loi renseignement. Cela ne l’a pourtant pas empêché de tenir des conférences de presse sur le sujet de de donner de très nombreuses informations, normalement protégées par ce secret.
Pourquoi procéder de la sorte, si ce n’est pas pour tenter de justifier un projet de loi injustifiable ?
Et vient enfin le très récent attentat déjoué, énième « coup de pub » géré avec la finesse d’un 38 tonnes. Même façon de procéder, outils et vecteurs de communication identiques, organisation similaire : une petite phrase lâchée, une conférence de presse qui donne à « manger » aux journalistes, un communiqué officiel et une mécanique bien huilée sur les réseaux sociaux, comme Marc Coatanea, du PS :
Menaces terroristes élevées #france justifie s’il en était besoin #pjlrenseignement que le Gouvernement a fait adopter. Fermeté sans faille.
Et là, ce n’est plus possible, autant de coïncidences ? Non. Je n’y crois pas.
La communication du gouvernement et du corps politique s’articule sur des évènements sans lien de causalité (la loi renseignement et des attaques terroriste déjouées), elle donne un sens à ceux qui s’expriment ou à ceux à qui l’information est destinée, nous.
Pour faire plus clair et un peu plus « cliché », on tente de vous vendre de la magie : « des attentats arriveront ? Ah bah ça alors tenez, voici le remède : la loi sur le renseignement. »
Lorsqu’un ennemi de l’état qui communique ainsi, arrange la vérité à sa guise, on dit de lui qu’il fait de la propagande.
Lorsque c’est le gouvernement qui utilise cette technique, on parle de « communication », appelons un chat un chat.
Notre gouvernement est dans une vaste campagne de propagande avec la loi sur le renseignement – et pas que et pas que ce gouvernement d’ailleurs – et , sans aller verser dans les théories complotistes, je ne peux que vous recommander de faire extrêmement attention à la communication du gouvernement.
Ne vous laissez pas avoir par des techniques qui jouent sur l’inconscient collectif ou la notion d’archétype.
Le fait que ces « attentats déjoués » arrivent au bon moment est une stratégie de communication, ils arrivent sans doute, il se passe sans doute quelque chose, mais on attend le bon moment pour donner l’information, la crier haut et fort, pour appuyer une envie, une idée, un projet.
Actuellement, ceux qui doutent du projet de loi sur le renseignement, qui s’élèvent contre les révélations de certains éléments placés sous le sceau du secret, sont catégorisés comme douteux, suspects, exégètes amateurs pour reprendre Bernard Cazeneuve. Cette communication « binaire » où être contre le projet de loi sur le renseignement revient à être pour le terrorisme est néfaste et dangereuse et j’espère sincèrement que nous réussirons à sortir de ce jeu malsain.
au tout début lapsus : 13 juillet et pas janvier 😉
Oulaaaa, effectivement, c’est corrigé, merci beaucoup (d’autant plus que juste après c’est le bonne date, je crois que j’ai besoin de repos :p)
Je ne m’intéressais plus tant que ça au projet de loi (quand c’est passé au sénat j’me suis dis que c’était fini, ça m’a bien emmerdé d’ailleurs, alors j’me suis concentré sur d’autres luttes) mais en lisant ton article, ça m’a fait repenser à deux trois choses que j’avais oubliés …
Mais, par contre, il y a quelque chose que je ne comprends pas, pourquoi parle-t-on « d’attentats déjoués » ? En réalité ils ne sont meme pas déjoués du tout ! Ils n’ont pas eu de conséquences gravissimes peut-etre, mais ils se sont quand meme passés !
Et je suis d’avis avec toi, dire « les opposants au projet de loi renseignement sont des terroristes » comme l’a si bien fait mossieur Cazeneuve pendant la relecture au sénat à ceux qui se posaient des questions (justes), est trés dangereux. Ca ressemble au « tu es contre quoi que ce soit concernant l’amérique, alors tu es un bolchevik de merde qu’il faut faire taire » pendant la guerre froide…
De plus, je n’aime pas trop cette faculté qu’a le gouvernement (et pas que) de qualifier de « terrorisme » et « d’attentat » tout et n’importe quoi sans réfléchir deux minutes.
Enfin bref, trés bon article !