Au Conseil constitutionnel avait lieu, hier, un rendez-vous important : l’analyse de la QPC déposée par la Quadrature du Net et FDN. Ladite QPC porte sur l’accès administratif aux données de connexion.
Qu’est-ce que quoi ?!
Derrière « données de connexion », il y a beaucoup de flou. La définition, présente dans la Loi de Confiance en l’Econimie Numérique (LCEN), est la suivante : des « données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l’un des contenus des services dont elles sont prestataires. » Il est également question de ces données de connexion ici, de manière un peu plus précise.
Les prestataires mentionnés ici sont les personnes ou sociétés qui mettent à disposition du public des services de communication en ligne.
C’est large comme définition, tellement large que la définition stricte de ces données me semble assez compliquée. On résumera donc l’actuelle « donnée de connexion » à « tout ce qui permet d’identifier le créateur d’un contenu» :
- une adresse IP visitant tel site, à telle heure,
- une géolocalisation,
Dans les faits, il y a aussi…
- une fréquence d’appel sur tel numéro, la durée d’une communication au téléphone,
- le détail des relevés téléphoniques, les « fadettes »,
- le numéro des personnes appelées, les contacts les plus fréquents et ceux les moins fréquents,
- le destinataire d’un mail, la fréquence de contact avec cette personne, le fait que le mail contienne des pièces jointes,
A y regarder de près, on peut comparer les données de connexion aux « métadonnées » qui font tant débat en ce moment, certains déclarant que les métadonnées sont des données, d’autres déclarant l’inverse.
D’accord, mais c’est quoi le problème ?
Le problème soulevé par la QPC est le suivant : est-ce que l’accès à ces « données de connexion » peut porter atteinte au secret des communications est-ce que cela représente une menace pour la vie privée des utilisateurs ?
De nombreux pays en Europe considèrent que oui : la Slovaquie, l’Autriche, l’Irlande, la Slovénie, la Roumanie, les Pays-Bas, la Bulgarie, plus récemment la Belgique et enfin il y a quelques jours, la Grande-Bretagne, considèrent que la conservation de ces données de connexion pose problème, que ce n’est pas strictement encadré, que cela permet d’identifier une personne d’une façon très précise.
Pourquoi ?
Les opposants à ces accès considèrent qu’il y a préjudice au respect de la vie privée des citoyens, la QPC de la Quadrature / FDN souligne également deux aspects très précis : les données de connexion face aux avocats et aux journalistes.
Dans le premier cas, les opposants considèrent que l’utilisation des données de connexion ne respecte pas le secret professionnel : si la loi ne permet pas de récupérer le contenu d’un échange, elle permet en revanche de savoir qu’un avocat discute, au téléphone ou par la voie électronique, à son client. Il est également possible de savoir combien de fois le client et l’avocat parlent ensemble, comment, s’ils se transmettent des documents… Bref, de nombreux éléments qui, bien qu’ils ne soient pas du contenu, peuvent trahir le secret professionnel.
Le second point est bien plus affirmé et direct : observer les données de connexion d’un journaliste, c’est cartographier tout son travail : où va-t-il chercher sa matière pour travailler ? Avec qui le journaliste parle ? Comment ? Combien de fois ?
Il devient aisé de deviner les sources du journaliste en analysant des données de connexion, ce qui met en péril la protection des sources d’un journaliste et peut potentiellement nuire à son travail : si un journaliste et une source ne peuvent plus échanger d’informations en toute sécurité, certaines sources arrêteront tout simplement la liaison.
Les griefs contre cette collecte et ces accès administratifs aux données de connexion sont avérés, assez sérieux pour être pris en compte par le Conseil d’Etat puis par le Conseil constitutionnel.
Dans un monde idéal…
On devrait considérer que les données de connexion ainsi que les métadonnées sont des données permettant l’identification précise d’une personne, elles permettent d’ailleurs bien plus que ça. Elles devraient être protégées de la même manière que le contenu d’une communication et l’accès à ces données devrait être strictement encadré, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Je ne sors pas cette idée de mon chapeau, de nombreuses personnes vont dans ce sens, de nombreux rapports également, d’ailleurs, la Cour de Justice de l’Union Européenne considère que ces données « prises dans leur ensemble, sont susceptibles de fournir des indications très précises sur la vie privée des personnes dont les données sont conservées, comme les habitudes de la vie quotidienne, les lieux de séjour permanents ou temporaires, les déplacements ». Et la CJUE de rajouter que cela représente donc une menace sur le respect de la vie privée.
Dans son plaidoyer face au Conseil constitutionnel, le gouvernement ne voit pas de problèmes avec ces données de connexion, se contentant de déclarer qu’il n’y a aucune atteinte au contenu, que « le secret des correspondances n’est en rien affecté » par ces données de connexion. Argumentaire qui sera balayé par Me Spinozi : « comme si la détermination de l’identité du client d’un avocat, de la fréquence de leurs relations ou du lieu de leurs échanges, ne ressortaient pas évidemment des informations confidentielles couvertes par le secret professionnel ! ».
Le Conseil constitutionnel rendra sa décision sur la QPC vendredi 24 juillet 2015, dans la matinée. Il faudra donc patienter encore un peu pour avoir une réponse des sages de la rue de Montpensier.
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