Est-ce que ce monde est sérieux ?

Dans la nuit du 20 aout 2013, j’ai appris que le GCHQ avait fait pression sur « The Guardian », journal presque mythique, inscrit dans le code génétique du Royaume-Uni…d’aussi loin que je m’en souvienne.

Pression pour détruire les documents relatifs à « l’affaire Snowden ».

Il semblerait donc qu’un gouvernement sans aucun rapport direct avec la NSA et les Etats-Unis ait pris ses libertés quant à faire pression sur un organisme de presse, un journaliste, un rédacteur en chef, le compagnon d’un journaliste…

Petites explications si vous n’avez pas tout suivi :

  1. Edward Snowden, que je ne vais pas présenter, a confié une partie non négligeable de ses documents au journal « The Guardian ».
  2. Gleen Greenwald, un journaliste pour le Guardian, a présenté quelques documents transmis par Edward Snowden dans le journal.
  3. David Miranda, le compagnon de Greenwald, a été retenu pendant presque 9 heures dans l’aéroport d’Heathrow, à Londres. Il a été relâché mais sans ses effets personnels en relation avec tout ce qui contient une puce ou de la mémoire. Tout ceci grâce à l’article 7 du Terrorism Act, qui autorise les forces de l’ordre du Royaume-Uni à « arrêter, fouiller et détenir n’importe quel voyageur dans les ports, les aéroports et aux frontières, afin de déterminer s’il s’agit d’un terroriste. »

Les suspects peuvent être détenus pour une durée maximale de neuf heures, au cours desquelles ils n’ont le droit ni de consulter un avocat ni de se taire, sous peine de prison. »

David Miranda arrêté, reste la question du « pourquoi ? ».

La vraie raison de cette arrestation est sans doute là. Le Royaume-Uni veut envoyer un message à celles et ceux qui disposent des informations que Snowden a pu donner ici et là. Il veut leur faire comprendre qu’il ne plaisante pas avec ces fuites et qu’il est capable d’utiliser sa propre loi à des fins détournées, afin d’effrayer celles et ceux en capacité d’oser faire quelque chose.

C’est donc un fait, le Royaume-Uni n’est pas une démocratie, ses méthodes sont celles d’un régime totalitaire.

Je vais vous dire quelque chose : lorsque je vois tout ceci, ce n’est pas la peur qui m’envahit, c’est la détermination et, lorsque je vois la réaction de nos gouvernements, je me dis que j’ai raison.

Ce n’est pas tant le pouvoir que la peur qui fait qu’ils agissent ainsi.

Depuis toujours nos gouvernements espionnent, s’espionnent, nous espionnent, s’échangent des données, surveillent la population… Depuis au moins aussi longtemps, ils agissent pour récupérer des renseignements, soit par la récolte en source ouverte, soit par des moyens détournés. Et depuis toujours, ils savent rester relativement discrets. Pour moi, la pléthore d’erreurs commises, les scandales, les arrestations injustifiées, c’est une démonstration de la peur qui s’empare des gouvernements. Et c’est très bien, parce qu’il n’est pas question que ça s’arrête, un petit oiseau m’a raconté qu’il restait encore beaucoup d’informations à publier.

Mais revenons à nos espions, nous parlions tout à l’heure de la destruction de documents…

Le Guardian explique donc que le GCHQ l’a forcé à détruire des documents fournis par Edward Snowden.

Je vous invite à lire l’article du Guardian et celui-ci si vous préférez la langue de Molière.

La très sérieuse question qui apparait au grand jour ici est : et la liberté de la presse ?

Il faut être naïf pour penser que nos gouvernements ne font jamais pression sur des journalistes, n’utilisent pas la peur et la violence afin d’obtenir ce qu’ils souhaitent… il est en revanche plus rare de le voir, écrit noir sur blanc, dans un journal victime de ces pressions.

Donc, liberté de la presse dans un premier temps… et la vôtre ?

Oui, la vôtre.

Celle de vous informer. Celle de vous informer sur ce qui vous concerne, de près ou de loin, tout ceci vous concerne.

J’en vois déjà me répondre « je n’ai rien à cacher », à ces derniers je conseille cette lecture et cette vidéo, même si je ne suis pas un excellent orateur.

Maintenant, il va falloir se poser les bonnes questions. Les questions qui dérangent.

Qui est coupable de tout ceci ? Qui est responsable ? Nos gouvernements ? Snowden ? La NSA ?

Sans doute un peut tout le monde. Nos gouvernements sont responsables de cette envie de tout contrôler sur tout le monde. Snowden d’avoir fait éclater la vérité au grand jour et, pour ceci, on ne peut que le remercier. La NSA est les autres agences de renseignement sont tout autant responsables que nos gouvernements.

Mais il existe un autre coupable de tout ceci, dont personne ne parle : nous.

Nous sommes responsables de tout ceci car nous avons laissé le gouvernement agir, sans se soucier de ce qu’il faisait.

Nous notre seule réponse à tout ceci était « je n’ai rien à cacher », donnant les pleins pouvoirs à un gouvernement qui, pour vous « protéger », viole encore et encore votre vie privée.

Nous, vous, toi derrière l’écran, sommes responsables de tout ceci, au moins en partie. Non pas par nos actions, mais par notre inertie et notre confiance aveugle en ces gouvernements qui prétextent vouloir votre bien.

C’est désagréable à lire et ça l’est encore plus à écrire mais la réalité est ainsi faite. Nos gouvernements nous observent mais nous devrions, nous aussi, observer nos gouvernements.

Nous réclamons la transparence, le respect de la vie privée, mais nous nous contentons d’outils et de réseaux, le plus souvent fermés, auxquels nous ne comprenons généralement pas grand-chose…

C’est très paradoxal, ça revient à déclarer sur Facebook qu’on souhaite protéger sa vie privée alors qu’il suffit de lire pour se rendre compte que s’inscrire sur ce site, c’est offrir son intimité à qui la veut…

Le scandale de PRISM permet de montrer au grand jour ce qui existe depuis des années, allons-nous enfin décider de faire changer les choses ? J’y crois, j’ai envie d’y croire, mais concrètement je n’ai que peu d’espoir.

Qu’allez-vous faire ? Continuer à vous indigner puis reprendre le contrôle de votre vie privée, ou agir pour faire changer les choses ?

17 réflexions au sujet de « Est-ce que ce monde est sérieux ? »

  1. Bonjour,
    complétement d’accord avec ce qui est exposé sur ce billet, surtout les 9 derniers paragraphes. Mais quelle est la solution? j’ai un profil facebook et twitter, même si j’évite par exemple de poster des photos ou des indications concernant l’endroit géographique où je me trouve ou autre informations, c’est compliqué. Même en souscrivant un abonnement il y a moyen de savoir des informations comme notre adresse. Donc es que la solution est s’isoler de tout et de tous? Car même si les mentalités changent on pourra tout savoir sur ce qu’un gouvernement fait? Permettez moi de douter.

    1. Ça sert à quoi Facebook ? En partir ne veux pas dire s’isoler, ça veut dire au contraire s’ouvrir, car Facebook est terriblement fermé.

      Pour publier des trucs tu peux te créer un blog (c’est mieux de s’auto-héberger), pour le microblogging t’as statusnet (c’est mieux de s’auto-héberger) et XMPP (Jabber, et c’est mieux de s’auto-héberger), pour le courrier le mail (tu peux chiffrer point-à-point avec PGP, et c’est mieux de s’auto-héberger), la messagerie instantanée XMPP (Jabber, tu peux chiffrer point-à-point avec OCR et c’est mieux de s’auto-héberger), pour la VoIP tu as SIP et H323 (c’est mieux de s’autohéberger… même si c’est compliqué… mais ya des distros exprès pour ça), etc.

      La solution c’est l’éducation. L’éducation de qu’est ce qu’Internet et comment bien l’utiliser.

      1. Complétement d’accord mais il faut avouer qui toutes ces mesures ne sont pas à la disposition de tout le monde, surtout si le langage 2.0 et des bits nous est un peu/beaucoup inconnue…

        1. Il l’est, c’est un fait, mais rien n’est gravé dans le marbre et cela peut changer avec le temps, l’énergie et l’implication de celles et ceux qui peuvent l’expliquer.

          De plus, il commence a y avoir des systèmes assez « user-friendly » qui peuvent aider lorsqu’on ne sait pas comment cela fonctionne… reste qu’on doit à nouveau faire confiance à un tiers qui peut tout se permettre, puisqu’on ne comprend pas, ou pas encore

    2. Non, la solution n’est pas de s’isoler de tout et de tous, mais plutôt de faire comprendre qu’un choix n’est pas sans conséquences. Ca passe par des explications et plus de transparence. Je suis libre de mettre des photos ou autre où je veux, mais certains sites sont plus ou moins respectueux de ce que je partage. Il faut juste bien comprendre qu’étaler sa vie sur Internet, c’est la crier au monde entier, et que dans ce monde entier là, certains sont moins bien intentionnés que d’autres…

  2. Arf… Non moi je suis pas coupable, j’ai plein de trucs à me reprocher (d’être un être humain déjà, ça implique suffisemment de trucs pas net, et puis de penser, c’est mal vu ça) comme tout le monde, et je réagis en conséquence : je m’auto-héberge, je chiffre tout ce que je peux chiffrer, j’essaye d’en parler avec mon entourage (sisi un jour je surmonterais mon dégoût pathologique du code HTML dégueulasse pas indenté, pas sémantique et pas valide et j’ouvrirais un blog) et je n’utilise que du logiciel libre…

    J’ai rien à me reprocher de ce coté là, ou il reste quelque chose maître Numendil ?

    1. Maître ? Faut pas pousser, je ne suis le maître de rien ni de personne :]

      Pour le reste, tu penses, comme beaucoup, alors si tu penses avoir des efforts à faire, il faut les faire 😉

  3. J’ai rougi à la lecture de cet article, derrière mon écran.

    Faire changer les choses, rien ne me ferait plus plaisir.

    Vous passez par des solutions compliquées, chronophages pour vous protéger. Je ne vous le reproche pas mais seule une minorité en a l’envie et les moyens. C’est une solution à court terme et individuelle. L’éducation ne me semble donc pas constituer une porte de sortie efficace et collective avec les outils dont nous disposons actuellement.

    Ce qu’il faudrait de mon point de vue de quidam, c’est imposer à minima de la transparence sur le traitement de nos données personnelles (obliger un accès à nos données brutes serait un premier pas). Car on ne sait pas précisément quelles données sont traitées et avec qui elles sont partagées, même après avoir lu les conditions générales d’utilisations.

    Et dans un monde normal, nous devrions gérer nos données personnelles, ce que l’on décide de donner, sur l’ensemble du réseau et ce en toute simplicité afin que chacun soit le gardien de ce qui lui appartient.

    J’ai donc une question simple. D’après vous, que pouvons-nous concrètement faire pour en arriver à cet état ? Car ce n’est apparemment pas les têtes pensantes de la CNIL qui nous aideront sur ce coup.

    1. Tu as parfaitement raison lorsque tu expliques qu’une minorité est à même de se protéger, parce que oui c’est long, compliqué, chiant parfois, long, pas forcément motivant…

      J’ai dit que c’était long ? 🙂

      Je suis d’accord avec toi quant au fait d’avoir un accès brut à nos données, cela permettrait peut-être de savoir réellement ce qui est collecté / comment / quand / où / whatever, et j’ose imaginer que certains prendraient un peu plus conscience de tout ceci.

      Que faire pour ça ? Là, c’est une très bonne question… le demander me semble être une bonne réponse.

      Mais si je suis le seul à le demander, ou si nous sommes « 5 gus dans un garage », c’est perdu d’avance… il faut donc que les gens soient conscients de tout ceci et si ces gens veulent, qu’ils le demandent aussi…

      C’est sans doute très naïf, mais j’y crois (et puis x milliers / millions d’utilisateurs qui demandent un accès, ça peut faire bouger un fournisseur de services)

  4. Le but du pouvoir en place est sa préservation et son maintien. C’est ce nous appelons l’oligarchie.
    L’espionnage des citoyens est une des façons d’assurer son maintient en éliminant la concurrence ou de potentielles résistances dans la société.
    La guerre contre la terreur est une très bonne excuse pour détruire les libertés individuelles.
    Il faut que le citoyen reprenne le pouvoir : ce sera un processus long et difficile. Il faut remplacer la démocratie représentative actuelle qui favorise une caste tenue par quelques partis politiques qui se font une guerre de façade et qui se connaissent très bien les uns les autres, soutenus par le monde de la finance.
    Une assemblée constituante à l’Islandaise serait une alternative souhaitable pour notre pays.

  5. « C’est donc un fait, le Royaume-Uni n’est pas une démocratie, ses méthodes sont celles d’un régime totalitaire. »

    Ce genre de phrases me fait bondir à chaque fois que je les lis. J’en suis même devenu incapable de m’intéresser à la suite d’un texte tant la méprise est immense sur ce qu’est une démocratie, craignant que le reste soit du même tonneau.

    Le Royaume-Uni n’a jamais été une démocratie. Le peuple ne vote pas ses propres lois, seule la classe dominante le peut. C’est une oligarchie. Le peuple n’a aucun pouvoir, à part celui d’un esclave qui peut choisir entre les maîtres qui lui sont proposé.

    On peut même aller plus loin si on se réfère aux fondateurs des nos institutions modernes. Ceux-ci étaient ouvertement contre toute idée de démocratie.

    Emmanuel-Joseph Sieyès : « Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. » (Discours du 7 septembre 1789)

    Si le sujet intéresse, on peut regarder cette vidéo de Castoriadis:
    Cornelius Castoriadis, une leçon de démocratie : http://www.youtube.com/watch?v=CJCq6Vy_YRM

    Un livre très intéressant qui fait une analyse des différents types de gouvernement à travers l’histoire, de la démocratie athénienne à nos gouvernements représentatifs, et l’implication sur nos sociétés modernes :
    Principes du gouvernement représentatif : http://www.amazon.fr/dp/2081286181/

    1. Je ne dis pas que je trouve que nous sommes dans une démocratie, je dis que c’est ce que les gouvernements déclarent et exposent, et que de facto, des personnes le pensent…

  6. @Password et Afdsc : justement c’est tout l’intérêt de l’éducation. Il existe des solutions simples clefs en main pour s’auto-héberger. Mais cela nécessite un léger investissement financier (une centaine d’euros maxi par an soit une dizaine d’euros par mois) et un investissement intellectuel un peu plus important mais guère plus.
    Rien n’est gratuit dans ce monde et si vous ne payez pas en monnaie sonnante et trébuchante vous le payez de votre personne ou avec vos données personnelles.
    Dire que c’est chronophage c’est ce cacher derrière son petit doigt. Ça l’est tout autant que d’aller poster sur farce bouc.
    @Bronco : coucou poto ^_^

    1. Je suis *presque* d’accord, là où je ne le suis pas c’est sur le côté « chronophage » : utiliser un Gmail / Facebook / Whatever, c’est toujours plus simple que de configurer un serveur XMPP ou des serveurs mails, de foirer sa config, puis de recommencer, et de refoirer, et ainsi de suite :p

  7. On est revenu au bas moyen-age avec tout son super delir obscur, en bref un trou noir temporel pour une sorte de re-definition(ou plutot confirmation -Yalta quand tu nous tiens!-) territoriale en cette nouvelle ere de Wild Wide West GO!lobal.

    Kler, ssa va pas aider les serfs ni les jacquards(?style jacqueries), la plebe dont nous faisons parti.

    Mais Robespierre ou es tu?(ah, OK c t un bourj en fait).

    Un peu RAV ms des fois je repense a Dalladier et toute cette debacle ou on refuse de croire a ce qui se passait de l autre cote du Rhin.

    Maaan, ce coup si c de lautre cote de l’Atlantique. Une fois a droite, une fois a gauche, Interesting Is History
    (adjectif=sujet–trop OUuff stAiiliii!).

    Jespere reellement que les extra-terrestres n’existent pas car ils vont vraiment nous prendre pour des formes de vies pas hyper hyper avancees, voir malignes.

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