Comme une vieille odeur de pourris au royaume de la surveillance à la française.

Pas d’erreur dans le titre. Remise en contexte directement. Remontons un peu dans le temps…

2013.

Sur ce blog, sous certains yeux qui me lisaient déjà à l’époque, j’écrivais, en 2013 … 

« Mais le DPI peut avoir de très mauvaises utilisations si une personne mal intentionnée est derrière. Par exemple – exemple choisi parfaitement au hasard – une société peut vendre du DPI au motif de traquer des pédophiles alors qu’en réalité, la technologie permettra de traquer des opposants politiques à une dictature, de les espionner et de les retrouver … Dans ce cas-là, le DPI ne tue pas, mais il facilite le travail de ceux qui vont presser la détente derrière. 

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) et la Ligue des Droits de l’Homme ont réussi à faire ouvrir une enquête et potentiellement un procès, à l’encontre de la société Amesys, pour complicité d’actes de torture. »

Source : https://pixellibre.net/2013/01/bon-fleurpellerin-on-parle-dpi/

Ou encore, toujours en 2013 :

« Comme Ben Ali, comme Mubarak et comme Kadhafi, à qui la France, avec Amesys et Bull, a vendu du matériel d’espionnage destiné à traquer les activistes et dissidents du régime. »

Ou en 2011…

« Pour information, c’est un système qui a été utilisé en Iran (fourni par Nokia Siemens Network), en Libye (fourni par Amesys, filiale de Bull, une société française), en Syrie (par Bluecoat, société américaine) et j’imagine dans bien d’autres pays encore… »

Source : https://pixellibre.net/2011/11/hadopi-pour-le-meilleur-pour-le-pire-streaming-ddl-filtrage-blocage-dpi/

Toujours en 2011, les copains chez Reflets publiaient un tas d’articles, riches et détaillés, sur Amesys.

Mais, Amesys, c’est quoi ? Et c’est quoi le rapport avec un sujet abordé en 2013 ? Et ton titre, Numendil, c’est pas un peu putaclic ? C’est quoi le rapport ?

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Un an.

« – Fais attention à toi, vraiment, ça commence aussi à éclater là-bas. »
« – Ne t’en fais pas, ça ira, je suis loin des conflits, et puis c’est chez moi. »

Se furent ses dernières paroles avant de partir.

Un an aujourd’hui, comme le temps passe vite. Si moi je suis encore là pour en parler, elle elle l’est déjà moins. Ou peut-être pas. Je ne sais pas en fait.

Qu’est-elle devenue ? Est-elle toujours vivante ? Est-elle rentrée sans que nous reprenions contact ? Tant de questions sans réponses.

Peut-être est-elle en train de lire ces lignes à l’instant ou je parle ?

Je m’en souviens encore, c’était dans la nuit du 18 au 19 : un écran, une fenêtre IRC et beaucoup de café. Qui pouvait réellement savoir ce qui allait se passer ?

« – Tu as vu, l’Égypte, ça s’enflamme vraiment cette fois-ci ? »
« – Oui, j’ai vu. »
« – Ça va ? »
« – Non »
« – Pourquoi ? »
« – Parce que c’est mon pays, que ma famille vis la bas, que j’ai peur pour eux. »
« – Tu ne m’en as jamais parlé, même si nous ne causons pas ensemble depuis longtemps, t’en avais jamais parlé avant »
« – Je sais, je parle pas de tout tu sais. »
« – Oui »
« – Je sais pas quoi faire, j’ai peur. »

Et moi, bien intelligent de répondre : « – hormis penser à eux, d’où tu es, tu ne pourras rien faire physiquement. »

« – Je vais rentrer. »
« – Pardon ? »
« – Je peux pas rester pendant qu’ils se cassent le cul et se font matraquer la gueule »
« – … désolé, oui. »
« – Puis il y IRC et j’ai trouvé ton facebook »
« – Non, pas IRC, pas comme ça en tout cas, ça sera pas sur pour toi, le gouvernement va (si c’est pas déjà le cas) écouter Internet, Mubarak est présenté comme un danger et pour facebook, le traffic est ou sera détourné pour faire taire les gens si ça claque, faut pas se leurrer. Donc non, on va faire autrement. »
« -On fait comment alors ? »

Et me voilà parti dans TOR, OTR pour se protéger, le passage d’une connexion IRC en SSL, les petites choses de la vie qui protègent, GPG, j’en passe encore.

La machine était lancée mais, à cette époque là, je ne le savais pas encore.

« – Fais attention à toi, vraiment, ça commence vraiment à éclater la-bas. »
« – Ne t’en fais pas, ça ira, je suis pas non plus direct dans les conflits, et puis c’est chez moi. »

Et elle à fermé IRC.

Nous étions tous deux loin de s’imaginer la suite des évènements : la révolution en Tunisie se terminait, je l’avais observé avec elle, nous avions relayé des informations. Puis ce fut l’Egypte, la Libye, la Syrie et dans bien d’autres pays encore, ceux dont les médias français ne parlent pas parce qu’ils ne sont pas intéressants ou parce que notre président ne pourra pas en tirer de mérite.

Un an aujourd’hui.

Beaucoup de choses se sont déroulées en un an, de belles choses lorsque les peuples retrouvaient leur liberté d’expression, lorsque les Internets étaient remis en place et surtout, lorsque l’on se disait « ok, pour eux tout ira bien. La suite maintenant, c’est quoi ? »

Un an passé à travailler de mon côté, avec mes p’tits bras pour aider comme je pouvais pour faire sortir l’information, un an composé de beaucoup d’articles sur ce sujet, beaucoup de mails, de conversations…

L’année qui s’achève est également remplie de fatigue, pour plein de raisons. S’aventurer dans ce chemin et essayer d’aider, c’est accepter de prendre du recul, de se dire « non, t’es pas Superman, tu peux pas sauver tout le monde non plus ». C’est un chemin parfois rempli de décisions lourdes et où il faut faire attention et ne jamais baisser sa garde. Car toi, pendant que tu as le cul sur ta chaise à parler et à diffuser, eux, ils sont dehors, parfois à courir pour ne pas se faire attraper. On m’a aussi dit (et encore récemment) « Big Boys don’t cry ». Foutaises.

Un an aujourd’hui et pas forcément que des bonnes choses non plus.

J’ai appris à me méfier un peu plus des gens et, surtout, de ceux qui veulent faire mieux. Le mieux, c’est l’ennemi du bien.

J’ai aussi appris à « accepter ». La perte d’un contact, d’une personne, la réponse à un mail qui n’arrive pas … même si c’est parfois difficile de ne pas se dire « j’ai fait un truc mal si ça se trouve. »

J’ai appris à penser à moi aussi, histoire de ne pas craquer, en restant connecté, j’ai appris à débrancher pour mieux rebooter. Enfin, j’ai appris à prendre des claques dans la tête.

Un an aujourd’hui et pourtant, la situation en Tunisie, en Égypte et ailleurs ne semble pas vraiment meilleure qu’avant.

Je suis toujours dans le même livre, j’ai juste tourné quelques pages et je ne connais pas encore la fin de tout ça. Ce que je sais en revanche, c’est que lorsque je me dis que tout ceci ne sert à rien, je n’ai qu’à revenir au début, cette soirée du 18 janvier 2011.