Certaines choses changent. D’autres ne changeront jamais… et c’est ainsi que je reviens sur le réseau Voltaire.
L’an dernier, j’avais publié quelques billets sur ce « réseau de presse non-alignée » lorsque ce dernier ainsi que Thierry Meyssan, son actuel dirigeant, s’amusaient très sérieusement à balancer des informations sur la Syrie. J’avais alors passé du temps à creuser pour essayer de démontrer que ces informations pouvaient au mieux être remises en cause, au pire, qu’elles n’étaient que le reflet d’un régime de propagande assez bien rodé.
Depuis, rien n’a vraiment changé et le réseau fait toujours parler de lui et je vous propose, pour attaquer l’année 2013, une petite analyse d’un article récent dudit réseau.
L’article porte cette fois-ci sur notre ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy. Le titre est assez parlant : « Nicolas Sarkozy avait commandité l’assassinat d’Hugo Chavez. »
Je vous invite à chercher sur Internet si vous êtes en quête d’un lien, il n’y en aura pas ici, je n’ai pas envie de leur donner un lien sur le blog.
L’article fait état d’un français, M. Frédéric Laurent BOCQUET, qui aurait comploté contre le Président Hugo Chavez. C’est parti pour une petite analyse de texte.
Commençons donc par le début :
L’article se base sur les propos d’un compte Twitter. Ce compte, c’est celui d’Iris Varela, ministre vénézuélienne des services pénitentiaires, très respectueuse du droit humain (espagnol, le titre suffit).
Vous pouvez trouver ce compte à l’adresse suivante : @irisvarela. Le compte semble vrai, 71026 personnes le suivent actuellement et, bien que le nombre de personnes suivant un compte ne soit pas une référence absolue, il semble crédible.
En revanche, voir « !REVOLUCIONARIA, SOCIALISTA, CHAVISTA Y ANTI IMPERIALISTA, ASI REDUNDE PERO ES VERDAD! » dans le compte d’une ministre, même vénézuélienne, c’est assez troublant.
L’anti impérialisme étant un des fers de lance du réseau Voltaire, il n’est qu’à moitié étonnant de voir cette source citée par l’article.
Premier point négatif : l’article se base exclusivement sur les déclarations d’un compte Twitter, qui fait l’éloge de Chavez. Côté crédibilité, je pense qu’on peut mieux faire.
L’observation du compte, aussi crédible soit-il, me fait penser à deux choses : soit c’est un vrai compte et c’est une campagne de propagande du gouvernement de Chavez, soit c’est un faux compte, crée pour et par le réseau Voltaire (ce qui n’est pas improbable).
Continuons donc sur l’article :
Il fait état d’un véritable arsenal de guerre : « 500 grammes d’explosifs C4, 14 fusils d’assaut dont 5 avec visée télescopique, 5 avec visée laser, et 1 avec silencieux, des câbles spéciaux, 11 détonateurs électroniques, 19 721 cartouches de différents calibres, 3 mitraillettes, 4 pistolets de différents calibres, 11 équipements radio, 3 talkies walkies et une base radio, 5 fusils de chasse calibre 12, 2 gilets pare-balles, 7 uniformes militaires, 8 grenades, 1 masque à gaz, 1 couteau de combat et 9 bouteilles de poudre à canon ».
Ce que l’article ne dit pas, c’est que Laurent BOCQUET est un passionné d’armes en tout genre, comme expliqué dans un article de 2009 paru dans le parisien. Si on lui reconnait une passion assez étrange pour les armes, ses camarades restent perplexes quand à un potentiel complot.
L’article mentionne également trois ressortissants dominicains, d’ailleurs il ne fait que les mentionner. Nous avons donc un homme avec un arsenal militaire et trois ressortissants dominicains, ils étaient sans doute là par hasard, le hasard fait bien les choses. Aucun lien avec le complot contre Chavez, bien évidemment.
Passons à la suite :
« Durant son procès, M. Bouquet a admis avoir été formé en Israël et être un agent des services secrets militaires français (DGSE). Il a reconnu préparer un attentat pour assassiner le président constitutionnel Hugo Chavez ».
J’ai beau chercher (et je n’ai pas cherché tout seul), le réseau Voltaire semble être le seul à parler des services secrets français et d’Israël. De là à nourrir l’hypothèse d’un profond rejet d’Israël, il n’y a qu’un pas, mais je ne vais pas le franchir, je vous laisse chercher vous-même.
Continuons, si vous le voulez bien :
« M. Bouquet avait été condamné à 4 ans de prison ferme pour « détention illégale d’armes ». »
Si le réseau Voltaire ne parle pas du complot contre le président Chavez, il ne dit pas non plus que les charges parlant d’un complot contre Chavez ont été abandonnées par la justice vénézuélienne, comme l’explique LCI, toujours en 2009.
Attendez, nous avons donc un français qui aurait tenté de tuer le Président Chavez, mais qui en fait n’a pas tenté de le tuer, ça commence à devenir compliqué tout ça. Rajoutons à cela que M. BOCQUET n’est pas français, mais franco-suisse.
Ais-je oublié de mentionner qu’il était également partiellement invalide suite à un accident de moto qui a rendu son bras droit inutilisable ?
Résumons, nous avons donc un français franco-suisse, terroriste passionné d’arme (certes, c’est malsain à ce niveau-là), capable de tuer invalide, condamné pour avoir tenté de tuer Hugo Chavez pour détention illégale d’armes.
D’un coup, l’article ne semble plus très solide, n’est-ce pas ?
Pour finir en beauté :
« De notre enquête nous pouvons conclure : (1) le président Nicolas Sarkozy a commandité l’assassinat de son homologue Hugo Chavez (2) l’opération fut un fiasco (3) la France a accordé des compensations substantielles pour étouffer cette affaire durant le mandat de M. Sarkozy. »
Il faudra m’expliquer comment, d’un ensemble de constations (erronés), on arrive à « le président Nicolas Sarkozy a commandité l’assassinat de son homologue Hugo Chavez » et « la France a accordé des compensations substantielles pour étouffer cette affaire durant le mandat de M. Sarkozy. »
Quels éléments permettent d’affirmer cela, si ce n’est les élucubrations d’un réseau dont la crédibilité est depuis déjà bien longtemps à remettre en cause ?
Rien.
Bref, bonne année cher réseau Voltaire, en espérant qu’un jour, un article soit factuel, cité et ne soit pas, en partie ou intégralement, un article de propagande construit sur des bases qu’un gamin de 26 ans est capable de démonter, cette fois-ci en 2 heures.
PS : c’est Frédéric Laurent BOCQUET et pas Frédéric Laurent Bouquet. Pas de quoi, bisous.
Un remerciement tout spécial à trois personnes qui m’ont aidé sur les liens pour ce billet, elles se reconnaitront.