Je suis en train de parler avec des amis, des potes, des contacts et des inconnus lorsque tout à coup, un autre inconnu arrive. Il tient des propos étranges, sur des enfants, des crimes qui pour lui n’en sont pas et plein d’autres choses.
Après, je découvre des liens. Des images d’enfants tristes, des petits garçons et des petites filles. Avec, il y a des présentations. Théo et d’autres sont là mais leurs noms ne sont pas indiqués. Ils ont l’âge de la gamine d’un ami, ils ont l’air innocents. Théo n’est pas inscrit sur ce site. Ce sont des adultes qui s’échangent ces photos-là, comme s’il s’agissait d’une collection.
Au hasard d’une ode à la pédophilie, je tombe sur un autre lien. Que faire ? Cliquer pour être sûr que c’est la même chose ? Et si c’est pire encore ? La peur arrive et me prend au ventre.
Pas de photos cette fois-ci, mon cauchemar semble moins pire. En fait, semblait. Un forum avec une partie publique apparaît à l’écran, des gens parlent, rigolent ensemble, font des blagues … Ils ont pour avatars de jeunes enfants et pour signatures ce n’est pas vraiment mieux.
Je prends conscience qu’ils parlent d’un échange de photos comme on parle de la pluie ou du beau temps : le plus naturellement du monde.
Dans le même temps, sur un autre bout d’Internet, mon inconnu me dit que la pédophilie n’est pas malsaine, que ce n’est pas un crime. Je trouve par la suite d’autres liens, des tonnes de liens. D’autres déclarations, d’autres photos. Dans mon cauchemar, je passe la nuit à creuser, m’écœurant chaque seconde un peu plus de ce que je découvre.
Puis le réveil a sonné. 07 heures. Et j’ai réalisé que ce n’était pas un cauchemar.
Il est 18 heures et ces images n’ont pas quitté mon esprit depuis hier soir. Je repense à ces enfants au visage triste, à ces blagues, à cette ambiance joviale complètement en décalage avec la gravité du sujet, c’est peut-être ce qui m’a le plus choqué.
J’ai eu envie de tout casser, d’éclater le site par tous les moyens, d’en bloquer l’accès. Après réflexion, ce n’est pas une bonne solution. L’expérience prouve que lorsqu’on bloque ou ferme un site, il bouge, ouvre dans un autre pays avec une autre adresse et est encore plus caché dans les couches d’un autre Internet. Au final, bloquer ou éclater le site revient à perdre sa trace.
Que faire alors ?
Après avoir fait un appel sur Internet pour avoir un avis éclairé, j’ai eu une réponse (merci Tris):
Pédophilie sur Internet
La pédophilie fait partie des incriminations pénales mettant en péril des mineurs. Lorsqu’elle est commise ou favorisée par Internet, on se réfère à l’article 227-23, qui punit de cinq ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende une personne qui fixerait l’image d’un mineur dans une situation pornographique. Lorsque ce délit est commis en bande organisée, l’infraction devient un crime, puni de 10ans d’emprisonnement et de 500 000 € d’amende. Le terme de bande organisée, défini par l’article 132-71, signifie que plusieurs personnes se sont entendues pour commettre une infraction. Ainsi, si trois personnes s’échangent des contenus pédophiles, l’infraction de pédophilie en bande organisée est déjà constituée et consommée, donc punissable.
Dans la mesure où le droit pénal et la procédure visent la protection des intérêts de la société, il suffit de signaler à l’autorité compétente les contenus pédophiles disponibles sur Internet.
Quelle est l’autorité compétente ?
Lorsque l’on tombe sur un contenu pédophile sur Internet, la compétence revient à la Gendarmerie. En effet, le Service Technique de Recherches Judiciaires et de Documentation (STRJD), créé sous sa forme actuelle en 1976, ce service s’occupe de la criminalité informatique. Dans la mesure où les intérêts de la société sont lésés, il n’y a pas de difficultés particulières sur la mise en route d’une action pénale. http://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/eng/Sites/Gendarmerie/Presentation/Criminal-investigation-department/Recherches-et-documentation-STRJD
Où sont les difficultés ?
Les pédophiles sévissant sur la Toile ne sont pas forcément sur le territoire national, n’hébergent pas des contenus dans un serveur se trouvant sur le territoire national et ne communiquent pas nécessairement avec des compatriotes. C’est une criminalité internationale, transfrontalière, ce qui implique de recourir à la coopération internationale. Classiquement, une personne va tomber sur un contenu pédophile, va le signaler à la gendarmerie, la gendarmerie va demander au Procureur de la République d’ouvrir une action pénale et demander aux autorités de police de l’État dans lequel a été localisé le serveur hébergeant le contenu pédophile d’actionner sa propre action pénale.
La chaîne est longue, tant sur le plan des acteurs que sur la durée. Ce type de procédure, strictement encadrée par les conventions internationales, ne se fait ni en quelques jours ni même en quelques semaines. Pendant ce temps-là, les personnes en cause ont le temps de disparaître de la toile.
Est-ce que cela veut dire qu’il faut changer les textes de loi ?
Certainement pas. Les textes actuels ont été écrits pour être respectueux des conventions internationales et des textes relatifs aux droits de l’Homme. De la même manière, instaurer un filtrage par des autorités de police serait une erreur car cela ne ferait que masquer le problème mais ne l’éradiquerait aucunement. Il faut laisser les internautes réguler eux-mêmes le réseau.
Quelle est la solution ?
Il faudrait que les autorités de police compétentes disposent de plus de moyens d’actions, qu’une véritable coopération policière internationale se fasse et que les législations soient similaires.
NB : je suis retourné sur le site, il est « en maintenance » et j’espère ne pas avoir perdu leur trace.