Le Royaume-Uni glisse vers quelque chose de bien pire que la censure.

A moins de vivre dans une grotte, vous avez sans doute entendu et probablement lu énormément de choses sur les propositions très démagogiques du gouvernement britannique, qui souhaite instaurer un filtrage « opt-in »* sur la pornographie.

Je ne vais pas vous faire perdre votre temps en expliquant les nombreuses raisons qui font que ces propositions sont parfaitement absurdes, elles ne permettront pas d’arriver à ce que le gouvernement prétend.

Non, je préfère me concentrer sur quelques indices perturbants sur ce qui pourrait se passer, sur ce qui pourrait arriver, et sur la nécessité de lutter contre ce genre de plan dès maintenant.

L’Open Rights Group a parlé avec les FAI sur ce que les nouvelles dispositions seront dans la pratique, voici ce qu’ils ont trouvés (anglais) :

Le détail le plus important est qu’ils partent du principe que vous souhaitez un filtrage activé sur un contenu très large, à moins que vous décochiez l’option, les filtres seront donc activés. Comme nous l’avons déjà expliqué de nombreuses fois, ce n’est pas juste un filtrage de la « pornographie extrême ».

Voici une liste des sujets susceptibles d’être bloqués par défaut, sauf si vous avez choisi de désactiver le filtrage :

  • pornographie
  • contenus en relation avec le terrorisme ou les groupes extrêmistes
  • les sites web parlant d’anorexie et de troubles de l’alimentation
  • les sites web en lien avec les suicides
  • l’alcool
  • le tabagisme
  • les forums sur le web
  • les contenus ésotériques
  • les outils permettant de contourner le blocage web

Maintenant, il est important de comprendre que tout ceci n’est pas validé, pas encore du moins… mais ces choix soulèvent la possibilité que l’option par défaut rendra d’énormes parties d’Internet totalement invisibles pour beaucoup de personnes qui n’auront même pas conscience de ce qu’ils ne voient pas (forcément).

Notez que nous parlons ici de millions de sites parfaitement légaux qui seront concernés, sans parler des sites de vente en ligne (je me demande d’ailleurs jusqu’à quel point tout ceci va fera couler les revendeurs en ligne).

L’autre problème majeur est qu’il est facile d’étendre cette catégorie n’importe quand, pour y inclure les « sites politiques indésirables », par exemple… C’est réellement le danger principal de la censure : une fois que c’est enclenché, ça peut être étendu très facilement.

A celles et ceux qui diront – bien que nous ayons déjà  répondus (anglais) – « bah, tu n’as qu’à  activer que ce que tu veux, ou est le problème ? »

Le problème a été succinctement pointé du doigt par Mikko Hypponen sur Twitter, son tweet montre une représentation d’une case d’option permettant d’accéder à  des contenus extrémistes et terroristes, avec une toute petite mention à  la fin :

(Votre choix pourra être utilisé contre vous dans un tribunal)

Cela résume parfaitement bien le problème de l’opt-in : cela vous oblige à déclarer, sans réelle confidentialité, que vous souhaitez accéder à certains contenus, ces derniers pouvant être socialement inacceptables, c’est le moins que l’on puisse dire.

Lorsque ça sera utilisé devant les tribunaux – les cas de divorces semblent des cas assez pertinents – la plupart des gens commenceront à laisser certaines catégories de sites « douteux » bloqués, au cas où cela leur porte préjudice.

En d’autres termes, le schéma de l’opt-in menace de nous faire passer d’une censure rampante – déjà bien assez mauvaise en soi – à quelque chose de bien pire car inconscient : l’auto-censure.

C’est clairement le modèle chinois, où les utilisateurs savent que certaines lignes ne doivent pas être franchies et qui n’écrivent donc ou ne discutent jamais de certains interdits car ils ont intériorisés les restrictions imposées par le gouvernement.

La question est donc la suivante : est-ce que c’est vraiment la société que nous souhaitons créer au Royaume-Uni – un groupe de personnes constamment effrayé par la manière dont leurs choix pourraient être utilisés contre eux, un jour, et modifiant radicalement leur actions en conséquence ?

Pour quelques politiciens (pas de noms ni de punition collective ici) oui, mais je doute sérieusement que la plupart d’entre eux soient d’accord avec une conception des choses de cette façon-là.

Dans ce cas, nous devons combattre cette dangereuse et stupide idée de l’opt-in dès maintenant, indépendamment de ce que nous pensons du porno et de sa disponibilité en ligne.

Article rédigé par @glynmoody pour le site computerworlduk.com, article original disponible à  l’adresse http://blogs.computerworlduk.com/open-enterprise/2013/07/uk-risks-sliding-into-something-worse-than-censorship/index.htm

EDIT: (pour plus de clarté)*opt-in désigne ici le fait de décocher une option déjà cochée de base, l’auteur parlant d’opt-in lorsque l’on décoche une option de filtrage.

Prism, et après ?

Avant toute chose, je vous invite à lire le très bon billet d’Andréa Fradin, ex journaliste pour OWNI (une petite pensée pour eux au passage), maintenant chez Slate.fr

Pour celles et ceux qui ont la flemme (honte sur vous), Andréa observe les différentes réactions sur l’affaire PRISM et le constat est quasi sans appel : tout le monde ou presque s’en moque.

Alors oui, le monde la politique se saisi enfin du dossier et fait les gros yeux aux Etats-Unis, même si c’est trop tard… mais dans le fond, tout le monde ou presque ne se sent pas concerné par PRISM ni par le danger que ça représente.

Andréa observe donc PRISM avec un œil très lucide et avec une approche très pertinente, je considère l’article comme triste et déprimant parce qu’il explique parfaitement bien la situation.

Un autre constat établi est le manque de solutions viables pour être à l’épreuve de PRISM, c’est la raison de ce billet.

Je vais essayer de pousser jusqu’au bout les différentes pistes qui pourraient nous permettre de se prémunir un peu de PRISM et des autres programmes encore secrets, à cette étape du billet, je n’ai pas encore de constat clair à tirer…mais je sans qu’il ne va pas être très joyeux.

La première des pistes, c’est via la politique.

Si moi, toi derrière l’écran, les autres, voulons garantir au peuple la bonne application des dispositions déjà existantes en matière de protection de la vie privée, alors la politique devient un enjeu majeur. Elle l’est car, officiellement, elle couvre l’ensemble des personnes d’un pays. C’est donc un moyen de garantir que l’intimité des individus qui composent un peuple sera préservée.

Problème : des lois existent déjà, dans différents textes de la législation française ainsi que dans celle européenne et comme vous pouvez le constater, cela n’a pas protégé les personnes au sein de l’UE. Ainsi, peu importe le nombre de lois qui arriveront ou n’arriveront pas, ces dernières ne seront pas en mesure de garantir le respect de la vie privée et de l’intimité des individus.

Cette idée est donc obsolète puisqu’elle présente des garanties théoriques.

Seconde piste : le chiffrement, de tout, partout, tout le temps.

La Crypto anarchie, c’est le nom que certains donnent au fait de tout chiffrer, même pour dire bonjour à quelqu’un d’autre. Le principe est relativement simple : si tout est chiffré, cela augmente le temps de traitement d’une donnée jusqu’à saturation totale du système. L’idée est d’utiliser un chiffrement assez fort pour qu’il ne puisse pas être cassé.

Ce premier point sous-entend qu’il va falloir sortir du cadre de la loi, qui n’autorise pas un chiffrement des plus robustes, il ne sera donc pas suivi par celles et ceux qui ne veulent pas sortir du cadre de la loi.

Chiffrer tout, c’est aussi une chose extrêmement compliquée car il faut penser à tout sans exceptions. Le passage suivant est un tout petit peu plus technique, je vais tenter d’être clair, si ce n’est pas le cas prévenez-moi.

Sur un ordinateur, tout chiffrer revient à chiffrer sa navigation, ses données, sa connexion et tout ce qui va avec, ce qui donne quelque chose comme ça :

  1. être en https partout et encore, ce n’est pas une garantie contre un système d’espionnage
  2. chiffrer le contenu de son disque dur et dans l’idéal disposer d’une partition sécurisée (avec TrueCrypt par exemple)
  3. chiffrer sa connexion Internet en passant par un VPN et pas n’importe quel VPN, un système de confiance sinon passer par un VPN devient totalement inutile, il est également possible de passer par le réseau Tor
  4. chiffrer ses requêtes DNS : hmm, là ça mérite une petite explication.

Internet, ça marche avec des adresses (comme 173.194.40.120 par exemple), ces adresses-là sont des adresses IP. Pour plein de raisons et parce que ce n’est pas facile de retenir une adresse IP, le DNS a été créé. Le rôle du DNS est de donner l’adresse IP correspondante à l’adresse demandée.

Exemple : lorsque vous tapez google.fr dans votre barre d’adresse, votre ordinateur va frapper à la porte du DNS et lui demande « dis, je vais par où pour aller sur ce machin-là ? » et le DNS lui donne alors l’adresse IP correspondante. Ça fonctionne avec tout le reste aussi, ce n’est pas que le Web.

Ce DNS fonctionne et communique d’une façon spécifique, sur un canal qui lui est réservé. Ce canal c’est un port : pour résumer, lorsque vous allez sur http://bidule, c’est le port 80 qui est utilisé, https://bidule sera sur un autre port, vos mails, des mises à jour, logiciels et tout le reste communiquent aussi sur d’autres ports et le DNS lui, communique sur le port 53.

Ces requêtes ne sont pas chiffrées par défaut, ainsi, si le but est de totalement chiffrer sa connexion, il faudra chiffrer ces requêtes-là.

J’oublie sans doute tout un tas de choses qui entrent dans cette logique du chiffrement de tout.

Sur un téléphone, c’est la même chose : chiffrer tout, sa connexion avec Tor, ses données en chiffrant le stockage du téléphone, ses requêtes DNS et, cadeau bonus : chiffrer ses SMS stockés et l’envoi et la réception de ces SMS puis chiffrer ses appels.

Bref vous l’aurez compris, ces solutions demandent du temps, des efforts et un peu de connaissances que l’on acquiert lorsqu’on s’intéresse à tout ceci.

Dans les faits, tout le monde n’a pas le temps, la curiosité et l’envie (ni même ne ressent le besoin) de ça. C’est parfois complexe, il faut parfois mettre ses mains dans le code ou dans l’outil qui ne fonctionne pas comme on veut, puis ce n’est pas très « user-friendly », comparé à ce qui existe déjà.

Donc ça ne concerne que celles et ceux qui savent et comprennent, ce n’est pas le but de ce billet, essayons d’élargir le champ des personnes concernées. Idée suivante.

Troisième piste : Facebook, Apple, tout ça… C’EST LE MAL.

L’idée serait donc de migrer de Facebook vers autre chose, d’Apple vers autre chose (et ne me répondez pas android, c’est Google derrière)… oui, mais vers quoi ?

Parce que c’est bien mignon mais quel site est capable d’offrir autant d’interactions que Facebook ?

Des projets ou d’autres réseaux sociaux existent et l’article d’Andréa en parle d’ailleurs dans son article, comme elle parle du non succès rencontré par ces mêmes réseaux.

J’aime le libre, j’aime crier que tel service c’est mal parce que c’est irrespectueux de votre vie privée où dangereux et j’aime encore plus expliquer pourquoi mais il faut se rendre à l’évidence : les utilisateurs aiment ce qui est simple, rapide, interactif et ils veulent pouvoir retrouver leurs amis sur les différents réseaux sociaux.

Les projets concurrents à Facebook ne sont pas aussi faciles d’accès, pas aussi rapides, pas aussi interactifs et ils ne sont donc pas attractifs.

Paradoxalement, je suis en train de vous dire ça mais ce blog dispose d’une connexion Facebook, d’une fanpage et forcément, d’un compte Facebook. Je suis parfaitement conscient de ce que Facebook fait mais je suis, dans le même temps, conscient que c’est un outil de communication non négligeable.

Je suis donc mal placé pour vous demander de ne pas faire ce que je fais. Pour toutes ces raisons, espérer que les utilisateurs Facebook le quittent pour protéger leur intimité, c’est une utopie. Une belle utopie, mais une utopie quand même.

Quatrième piste : l’auto-hébergement de vos données et de vos services.

L’auto-hébergement, c’est le fait d’avoir ses propres services qui tournent, chez vous, pour faire ce que vous faites d’habitude.

En gros, vous disposez d’un serveur de mail avec une adresse que vous avez créé, vous disposez d’un serveur DNS, d’un IRC si vous l’utilisez, d’un serveur comme mumble pour parler, d’un serveur pour faire de la vidéo, d’un serveur qui remplace Twitter si vous êtes client Twitter… puis pour Facebook et le reste, ce n’est tout simplement pas possible.

Je me dirige peu à peu vers cette solution, je suis encore très loin d’avoir les compétences techniques pour tout faire mais ça viendra, j’échoue d’ailleurs sur quelques aspect de paramétrage de mon serveur DNS. Bref, comme tout le monde, je suis humain, je n’ai pas la science infuse et je fais des erreurs. Pour autant, je persiste et ça finira par fonctionner.

Demander aux gens de s’auto-héberger n’est absolument pas une solution envisageable pour l’instant. Il faut du temps, parfois un tout petit peu d’argent et surtout, il faut les connaissances nécessaires pour le faire et ça c’est un problème.

Un problème dans la mesure où beaucoup de gens n’ont tout simplement pas envie de comprendre, ils veulent que ça marche, point. L’idéal c’est d’appuyer sur un bouton et tout fonctionne, comme par magie.

Cette magie n’existe pas et on se rend compte que tout est logique une fois dedans, c’est un ensemble de choses, d’instructions, de lignes de code, qui produisent une chose et une autre, et au final ça fait un service x ou y.

Donc, demander à monsieur et madame « tout le monde » de basculer vers ce système, c’est tout simplement impossible. Ils ne veulent pas, ne comprennent pas l’intérêt puisque ce qui existe fonctionne déjà.

Dernière piste : l’éducation.

La seule solution viable semble être, selon moi, l’éducation. Je ne parle pas de chiffrement, mais d’éducation au numérique, d’explications sur les enjeux de cet outil qu’est Internet, de la protection des données personnelles afin de conserver un peu d’intimité.

Pour les « anciennes » générations, tout comme pour la nôtre, c’est déjà trop tard. Ce n’est pas à 30 ans, à 40 ou plus qu’il faut reposer des bases qui n’existaient pas car l’outil n’existait pas.

Cette solution peut fonctionner, elle peut rendre les gens responsables et conscients de ce qu’ils font sur Internet, elle peut sans doute leur faire prendre conscience qu’Internet est public et que si on veut que quelque chose reste privé, la meilleure solution, c’est peut-être de ne pas le publier tout court.

Derrière ce simple passage, il y a beaucoup de variables et tout ne se fera pas en un jour, ni en un an ni même en 10, c’est une transformation qui prendra une génération, si donné que cette transformation se concrétisait dans le futur…

Et maintenant, pour maintenant ?

Bien maintenant, je ne sais pas, j’ai envie de hausser les épaules et de répondre « à quoi bon, ça ne changera rien ».

Cette tentation de tout abandonner est de plus en plus tentante et j’imagine que d’autres ressentent la même chose que moi en ce moment même, à quoi bon lutter, autant se résigner.

Andréa le disait même dans le titre de son article, autant se résigner.

Sur ce point, j’ai une réponse claire, nette et précise à apporter : si nous nous résignons, c’est perdu.

Si nous n’essayons pas de faire changer les choses, c’est perdu, c’est accepter PRISM et la surveillance de tout, partout.

Si nous essayons, ce n’est peut-être pas gagné, mais nous avons bien plus de chances que ça fonctionne. C’est logique me direz-vous, si nous essayons, ça ne peut que fonctionner plus que si nous n’essayons pas. Vous avez raison.

C’est ce point qui ne me fait pas abandonner ce combat-là, ce point qui me remotive lorsque j’ai envie de tout fermer et d’arrêter d’essayer.

Les retombées de nos efforts ne seront peut-être pas visibles mais elles existeront. Peut-être pour une personne, peut-être pour mille, personne n’a cette réponse… mais tout le monde le sait.

Alors essayons.

Empowerment : pédagogie, informatique et hackers.

Depuis toujours, une chose me tient à cœur : l’éducation dans le monde de l’informatique. Certains appellent ça l’empowerment : le fait d’expliquer comment une chose fonctionne afin de contrôler ladite chose, et pas que ladite chose vous contrôle.

Par exemple, l’empowerment est utilisé pour parler de nos machines ou des sites que nous connaissons et visitons quasi tous. Il insiste sur la nécessité de reprendre le contrôle de nos machines et d’arrêter de laisser ces machines décider à notre place, qu’elles cessent de faire d’obscures choses sans notre accord.

C’est un peu comme une voiture dernière génération, vous savez qu’elle roule, vous savez qu’elle a besoin d’essence, de diesel, de GPL… mais vous ne savez pas « comment » ça fonctionne. Si c’était le cas avant l’arrivée de l’informatique dans vos voitures, ça ne l’est plus maintenant. Le moteur est caché, un cerveau gère la partie informatique de votre voiture et vous ne savez donc pas ce qu’il se passe, même si vous savez à quoi ça sert.

L’empowerment, c’est donc comprendre le comment, le programme qui fait que tout fonctionne, au lieu de rester sur la fonctionnalité « la voiture sert à voyager ».

Beaucoup se disent que ce n’est pas utile. A quoi ça sert de savoir comment un programme informatique fonctionne, le principe c’est qu’il fonctionne, non ?

Je ne veux pas savoir comment mon navigateur, ma box ou Facebook fonctionnent, je veux pouvoir naviguer, me servir d’Internet ou pouvoir parler à mes « amis ».

Je ne suis pas satisfait du constat mais il est bel et bien là, les gens ne s’intéressent pas au code, au cœur de tel ou tel produit, tant qu’il marche, c’est tout ce qui compte.

Pourtant, à l’heure ou l’informatique occupe une place de plus en plus importante dans nos vies, l’empowerment est important et il deviendra sans doute une nécessité dans l’avenir.

Pourquoi ?

Parce qu’à mon sens, la maitrise de l’outil informatique ne peut pas aller sans cet empowerment, sans cette montée en compétence. Il est garant d’un ensemble de choses incroyablement nombreuses et je vais citer trois points : liberté, égalité, fraternité. Les trois d’un coup, l’un ne pouvant pas aller sans l’autre

Liberté car une chose libre et open source sont des garanties de la liberté, de nos libertés individuelles, de la liberté d’expression : nous pouvons savoir comment le programme fonctionne et ainsi voir le « comment » de ce à quoi il est destiné.

Cela réduit ou élimine le risque d’une application malveillante qui va vous espionner ou bloquer vos communications.

Vous savez que votre stylo ne vous espionne pas car vous pouvez le démonter, observer qu’il est généralement composé de plastique, d’un ressort et de la partie qui contient l’encre pour écrire. Le logiciel libre, c’est pareil, à la différence que la matière est remplacée par du code.

La liberté permet d’égalité car le logiciel libre et open source est généralement gratuit, il peut dont être diffusé de façon massive, en France et ailleurs, à destination des personnes qui n’ont pas les moyens d’acheter un produit payant.

La fraternité dans tout ça ce sont les tiers de confiance, celles et ceux qui peuvent vous aider, la communauté d’un logiciel libre, ceux pour qui le code c’est un art, et qui le maitrisent ou au moins le comprennent un peu.

Si je plante le décor, nous avons donc des logiciels gratuits, libres et dont le code peut être observé, nous avons l’égalité d’accès à ces logiciels, à l’éducation, la culture et enfin, nous avons des gens présents pour aider celles et ceux qui en ont besoin.

C’est un joli monde, presque utopique, dommage qu’il soit quasiment fermé aux profanes.

La vie vraie

Dans la vie vraie, le tableau est un peu plus sombre, un peu plus triste et beaucoup moins idyllique. Un très faible pourcentage de la population est intéressé par tout ceci, une très faible partie de ce pourcentage comprend le code et une infime partie de ces gens qui comprennent le code est capable de l’expliquer à tout le monde.

Le constat est le même ailleurs, de la protection de l’intimité sur Internet à votre nouvelle voiture avec de l’informatique embarquée.

Pourquoi ?

Il y a deux raisons à tout ceci, la première c’est que Skype, Windows, Apple et d’autres savent parler aux personnes. Certes, ils ont énormément d’argent, ce qui leur donne les moyens pour communiquer massivement, concevoir des contenus adaptés, cibler des besoins via de la publicité.

Face à cela, le monde du libre n’a pas la même force de frappe, entre autre parce que ce n’est pas le but mais également parce qu’il n’a pas les mêmes moyens. De facto, le logiciel libre est moins connu.

Pourtant, même lorsqu’on le présente, le monde du libre n’attire pas, ou très peu.

Pourquoi ?

C’est là que le bât blesse car la raison de ce manque d’intérêt, c’est peut-être « nous ».

« Mais si tu vas voir c’est super simple, il suffit de faire un sudo aptitude install hotot, puis si ça fonctionne pas, tu « wget » la dernière version depuis le git, ou tu « clone », ensuite t’as plus qu’à compiler, make install et le tour est joué »

Vous avez compris le problème je pense, non ? Vraiment pas ?

La réponse est simple : nos évidences ne sont pas celles de nos proches, parents, amis, clients, des autres tout simplement.

A cette étape, deux solutions semblent envisageables

  • La personne ne sait pas le faire, vous le faites à sa place. Le problème est résolu, mais la personne ne sait toujours pas le faire et vous demandera de l’aide à chaque fois que ça ne fonctionnera plus. Cette personne est donc partiellement ou totalement dépendante de vous.

  • Vous expliquez :

    • Ce qu’est sudo et donc le super user

    • Ce qu’est aptitude, ou apt

    • Ce qu’est hotot

    • Ce que c’est qu’un wget et donc, comment fonctionne une requête

    • Ce que compiler veut dire

    • Ce que make ou make install veut dire

Certes, vous allez passer beaucoup de temps à expliquer, il faudra vous adapter car non, « aptitude c’est un gestionnaire de paquets », ce n’est pas une bonne réponse mais au final… la personne comprendra, aura progressé, sera à même de comprendre et qui sait, peut-être même capable à terme d’expliquer à son tour.

La pédagogie c’est, selon moi, une clé qu’il manque dans ce monde pourtant tellement ouvert et passionnant.

« Aptitude, c’est le nom d’un « programme » qui permet d’installer d’autres programmes, ces programmes sont appelés paquets et pour s’en servir il faut taper « aptitude quelque-chose », comme install pour installer, ou remove pour retirer un paquet en partie.

« Aptitude c’est donc un paquet qui permet de gérer d’autres paquets, c’est donc une gestionnaire de paquets. »

Oui, c’est long. Oui, c’est parfois compliqué. Oui, c’est même chiant de temps à autres, mais le bonheur de faire monter quelqu’un en compétences n’a aucun prix, au moins pour moi.

On pourra me répondre que l’effort ne doit pas venir de nous, de cette communauté, que ce sont les gens qui doivent faire un effort de compréhension, d’adaptation… c’est votre avis, pas le mien.

L’école et de façon générale, l’éducation nationale, pensent comme vous. C’est à l’élève de s’adapter aux contenus, programmes, il n’est qu’un élève parmi tant d’autres et… ça ne fonctionne pas, ou très peu.

Nous critiquons fermement le système de l’éducation nationale alors que nous faisons plus ou moins la même chose en pensant que l’effort ne doit pas venir de nous, c’est un peu paradoxal.

La pédagogie est une clé fondamentale selon moi, aller vers les gens, s’adapter pour qu’ils comprennent est bénéfique et nous devrions tous et toutes faire l’effort nécessaire, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’effort à produire car la personne a acquis les bases et comprend maintenant ce langage fait de mots compliqués non accessibles au commun des mortels.

C’est à nous de faire l’effort, et le nous inclut également les grands noms de ce monde.

Si Richard Matthew Stallman est une légende vivante, un créateur de génie, un fervent défenseur du logiciel libre, il n’en reste pas moins qu’il ne fait aucun effort pour expliquer aux profanes.

Pour moi, Stallman est la manifestation vivante du fossé qui sépare ceux qui comprennent de ceux comprennent et veulent diffuser l’information.

Il est sans doute très compétent mais il n’est pas pédagogue. Déclarer à une néophyte « vous êtes stupide » parce que la personne ne comprend pas le logiciel libre, c’est absurde, inutile et contreproductif, ça conforte la personne dans son monde de logiciels privés et, plus grave encore, ça ne donne pas envie à la personne de comprendre.

Personne ne cherche à comprendre quelque chose lorsque l’on est rabaissé, presque humilié, la réaction la plus courante après un épisode comme ça, c’est le rejet.

Reste donc cette question du partage des savoirs.

Que voulons-nous ?

Si nous voulons rester dans notre monde, entre nous dans cette bulle hermétique, avec les « gens qui savent », alors ne changeons rien. Le monde continuera ainsi, le logiciel libre ne progressera pas, ni l’empowerment et nous seront quelques personnes à comprendre.

Ce n’est peut-être pas volontaire, pas conscient, mais faire ainsi revient à restreindre l’information, à la réserver à quelques personnes, c’est la même philosophie que les moines copistes d’un autre temps, qui refusaient que la culture soit diffusée par le biais de l’imprimerie, apeurés de devenir inutiles.

Mais, si nous voulons faire changer les choses alors il faut avancer, s’adapter, accepter que nous ne sommes pas forcément bons et essayer de comprendre pourquoi dans le but de corriger ceci. Après tout, n’est-ce pas un des principes du hacking que de diffuser l’information ?

Personnellement, mon choix est fait. Et vous ?

Analyse des propos de M. Malek Boutih à propos d’Internet.

Lors de l’audition de M. Pierre Lescure à l’assemblée nationale, ce mercredi 12 juin 2013, le député socialiste Malek Boutih s’est montré favorable à une régulation d’Internet par le CSA. Il a également souhaité que la France « reprenne le contrôle d’Internet ».

Parce que de tels propos doivent être compris de différentes façons, je vous propose un « bref » retour sur le sujet.

Pour commencer, M. Boutih ne croit pas en « la légende des pirates du Net, au geeks qui diffusent gratuitement la culture. »

M. Boutih, si c’est votre droit le plus strict de croire ou non en quelque chose, sachez que ce sont souvent ces « pirates du Net, ces geeks » qui forgent et construisent Internet tel que vous le connaissez.

Nier le rôle de ces personnes revient à considérer qu’ils ne sont d’aucune utilité et en ce sens, M. Boutih est dans l’erreur la plus totale.

Celles et ceux qui ont fait d’Internet ce qu’il est, ce sont bel et bien ces geeks, barbus ou non, qui échangent des informations, apprennent, transmettent le savoir et la connaissance au plus grand nombre possible.

Dans ces personnes, nous pouvons par exemple parler de M. Stallman, je doute fortement que le rôle de M. Stallman puisse-t-être remis en question dans le monde technologique que nous connaissons.

Il faut également remarquer que M. Boutih n’est pas connaisseur des Internets, le mot pirate n’étant sans doute pas le plus adapté ici.

Comme d’autres députés, M. Boutih tombe dans l’amalgame du hacker pirate, sous-entendant que ces choses-là sont mauvaises. Pour le bien de tous et pour être un peu plus crédible, M. Boutih, vous devriez éviter l’amalgame fait par tant de vos collègues des bancs de l’assemblée nationale.

Attardons-nous sur la libre diffusion de la culture si vous le voulez bien.

La culture est universelle, tout le monde devrait pouvoir y accéder, quel que soit son pays d’origine, son âge, son appartenance à un groupe ou à une classe socio professionnelle.

La culture est un bien universel car elle élève les personnes, de nombreuses études soutiennent que l’accès à la culture entraine un effet positif pour sa population. L’illettrisme régresse, la santé également, le niveau général de l’éducation d’autant plus.

Si nous parlons de la culture comme nous parlons d’un bien matériel, c’est une autre paire de manche.

Depuis les moines copistes, ceux qui détiennent le savoir et maintenant l’argent qui va avec ce dernier ne semblent avoir qu’une idée en tête : garder de savoir et le monétiser.

Depuis ce temps, beaucoup cherchent à maintenir l’équilibre des choses : il faut faire de la culture un bien précieux, rare, il faut montrer que l’obtenir n’est pas une chose aisée bref, il faut la verrouiller.

Internet change la donne et permet de remettre la culture à sa place, à savoir celle d’un bien universel.

La question qui se pose maintenant est la suivante : doit-on aider à verrouiller cette culture comme les moines copistes et M. Boutih le souhaitent ?

Ou doit-on croire en la possibilité d’un accès universel ?

La question qui se pose est celle de l’intérêt général face à l’intérêt privé et, dans ce genre de situation, mon choix est déjà fait : si le choix porte entre l’intérêt de tous et un intérêt privé, c’est alors l’intérêt de tous qui primera.

C’est une vision idéaliste, j’en conviens, mais c’est une vision en laquelle je crois. Il semble que M. Boutih et moi ne soyons pas spécialement d’accord sur ce point.

M. Boutih a ensuite déclaré que la reprise du contrôle d’Internet était « une question plus large de souveraineté ».

J’estime que ces propos-là sont dangereux, vraiment. Je m’interroge également sur la définition du mot souveraineté pour M. Boutih. La souveraineté sous-entend le contrôle sans partage.

La souveraineté, c’est un droit exclusif d’exercer une autorité sur quelque chose. Nous parlons donc bel et bien d’exclusivité de contrôle.

Le contrôle d’Internet est donc une question de souveraineté pourrait s’interpréter de la manière suivante : « la France doit avoir un contrôle exclusif et total sur l’Internet. »

Que ça soit clair : exercer un contrôle exclusif et total sur Internet aurait des conséquences, forcément… et une conséquence directe serait la censure.

Si le gouvernement contrôle de façon exclusive et totale Internet, comment lui faire confiance ? Comment être certain que ce que je suis en train de lire est bien ce que le site affiche, et pas un message modifié à la volée ? Comment être certain que, si je n’ai pas accès à un site, ce n’est pas à cause d’une censure dudit site, en France ?

La souveraineté sous-entend ceci ainsi que, bien trop souvent, une absence totale de transparence, ce qui ne changera pas spécialement de ce que nous connaissons déjà.

Si j’ai le pouvoir et que je décide comme bon me semble, pourquoi aurais-je à rendre des comptes à quelqu’un ?

Il est possible préférer le mot « nationalisation » à celui de souveraineté, puisque c’est bel et bien de ça dont il est question.

Nationaliser Internet, une idée qui n’est pas sans rappeler les propos tenus et appuyés (sic!) par le député Myard lorsqu’il demandait à nationaliser Internet.

A nouveau, il faut comprendre ce que nationaliser Internet veut dire : il s’agit de faire un Internet « national », français et de facto, de ne pas faire Internet, mais un produit fermé, verrouillé et bien français.

Les questions précédentes peuvent s’appliquer ici aussi alors pour résumer, nous retiendrons la chose suivante : un Internet « insérez-ici-le-pays-de-votre-choix » n’est pas Internet, puisque l’utilisateur d’un Internet français n’aura peut-être pas la même page qu’un utilisateur d’Internet, un réseau de réseaux.

Des pays font bel et bien un Internet national, le plus connu étant la Chine. Je n’ai pas besoin de vous expliquer que ce que donne la Chine, ce n’est pas Internet. Je ne pense pas non plus avoir besoin de rappeler que la Chine n’est pas connue pour sa défense des droits de l’Homme, ni pour la défense de la liberté d’expression.

M. Boutih déclarera ensuite que « contrôler les tuyaux c’est contrôler les contenus ».

Nous pouvons également nous demander ce que M. le député cherche à dire ici.

Si contrôler les tuyaux c’est contrôler les contenus et donc une partie d’Internet, c’est aussi assumer parfaitement un rôle de filtre, de censeur, dans la gestion de ce contrôle.

De quelles garanties disposons-nous pour être certains que ce contrôle n’engendrera pas une censure ?

Qu’est-ce qui garantit que la censure ne s’étendra pas un jour à des propos tenus, des journalistes, des sites d’opposition, des manifestants qui dérangent ou des dissidents politiques ?

Contrôler ces tuyaux c’est également représenter une menace pour la liberté d’expression. Il suffit de regarder les pays qui contrôlent et font de « l’Internet nationalisé » pour s’en rendre compte.

Regardez du côté de la Chine à nouveau, vous pouvez également observer la Syrie, la Turquie, le Maroc et bien d’autres encore – aidés par le gouvernement français au passage – qui censurent à différents niveaux, à différentes échelles.

Pour terminer, allons plus loin : être souverain d’Internet, c’est chercher à être souverain d’un outil qui n’a pas de frontière, qui est censé être le même partout. Encore que ces points sont discutables car il existe de fortes restrictions selon le pays d’origine de votre adresse IP .

Un état ne peut pas se déclarer souverain d’Internet, c’est un non-sens total.

C’est au moins aussi absurde que de chercher à nationaliser l’air d’un pays, pour reprendre le contrôle de l’oxygène français.

Qu’un gouvernement légifère en national ou à l’international sur Internet, c’est un fait. Même si je suis perplexe à ce sujet, il me semble normal qu’un ou plusieurs gouvernements puissent légiférer sur Internet.

De là à vouloir en être souverain, non.

On peut, pour terminer, se dire que le discours de M. Boutih est très cohérent avec ce que souhaite faire le CSA, en appliquant ce qu’il fait déjà aux autres médias. Seulement voilà, Internet n’est pas qu’un média et il ne se gère pas de la même façon, il n’est pas figé et se transforme chaque jour, il est même capable de s’autoréguler.

M. Boutih cherche peut-être un poste au CSA, qui sait… où alors cette déclaration annonce en filigrane les prochaines orientations du CSA et si c’est le cas, c’est assez inquiétant.

Enfin, M. Boutih, permettez-moi donc de donner un conseil: arrêtez de raconter n’importe quoi, bossez vos sujets et vos interventions avant de sortir des inepties, dangereuses de surcroit.

Réponse de mauvaise foi à un homme de mauvaise foi : @PascalNegre

Ce billet n’est d’aucune utilité. Du moins, il est de la même utilité que la personne à qui il est destiné, à savoir Pascal Nègre, le président d’Universal Music France. Encore que je préfère Universal en deux mots, c’est sans doute plus proche de la réalité.

Ce billet est de mauvaise foi, au moins autant que M. Nègre, je ne proposerai donc pas d’argumenter et de répondre point par point à la récente déclaration dudit monsieur, accordée à Yahoo! Finance et publiée dans « L’envers de l’éco ».

Ce billet n’est bien évidemment pas à prendre au second degré, au moins sur la forme. Le fond est bien sur vide, plat et sans intérêt, au moins… bref vous avez compris la suite.

Il y a une chose que je déteste particulièrement, c’est terminer une prise de tête sans avoir pu argumenter, alors je profite de ce billet pour le faire.

Petite remise en contexte pour démarrer.

Tout commence avec un titre qui me fait bondir : « Pour Pascal Nègre, « aller pirater, aujourd’hui, il faut vraiment être tordu » », publié sur Numérama, le billet me mène vers une interview d’environ 9 minutes.

Naturellement, après écoute et lecture du billet et de la vidéo de Yahoo!, j’interpelle Pascal Nègre sur le même ton qu’il emploie avec nous, les tordus.

Cette réponse ne semble pas lui plaire et s’en suit un échange de quelques tweets hautement improductifs où ce grand monsieur, au moins par la taille de ses fonctions, n’argumente pas et ne produit aucune réponse constructive.

Bref, du Pascal Nègre. Il est toujours plus simple de ne pas argumenter, surtout avec un très fidèle détracteur mais étrangement, cet homme disparait systématiquement dès lors qu’un argument ne va pas « dans son sens » et, parce que je ne porte pas cet homme en haute estime, je vais tenter de lui tendre une perche pour qu’il avance dans le débat. Perche qu’il ne prendra sans doute pas, pour changer.

Passons au contenu:

Première remarque : « Pour Pascal Nègre, « aller pirater, aujourd’hui, il faut vraiment être tordu » »

A elle seule, cette remarque mérite le mépris, puisqu’elle méprise ceux qui téléchargent en considérant que ces gens sont des « tordus ». D’ailleurs, le début du billet était aussi méprisant que cette remarque afin d’insister sur le côté désagréable de la chose.

Ce n’est pas en considérant les gens comme des tordus, M. Nègre, que vous allez construire quoi que ce soit. Votre industrie finira par mourir si vous ne changez pas au moins de façon de considérer les choses et les personnes. Je suis client, comme beaucoup d’autres ici, merci de ne pas nous considérer comme des tordus.

Vous irez également expliquer à ces « tordus » leur fâcheuse tendance à avoir souvent raison. L’avenir appartient à ceux qui sont tordus, donc.

Pascal Nègre parle ensuite des « plateformes légales et mondiales d’écoute », il parle sans doute de Deezer, Spotify, Youtube & Co.

Si sur le papier, c’est très beau, dans la réalité c’est tristement moche, pour ne pas dire totalement pourri.

Pourquoi ? La réponse est simple : Deezer fonctionnait bien, avant. Avant que les maisons de disques et les ayants droits viennent s’essuyer les pieds sur le site, avant que des titres disparaissent du catalogue, avant que l’argent édicte les règles du site.

Pascal Nègre oublie également un problème de taille : la restriction en fonction de votre adresse IP.

Si vous ne le savez pas, il existe un grand nombre de restrictions qui ne vous donnent pas accès à la même chose en fonction de votre adresse IP. Si elle est anglaise, française, italienne ou allemande, vous aurez plus ou moins de choix, parfois même pas du tout ou quasi rien.

C’est mignon, M. Nègre, de parler de ces magnifiques plateformes légales d’écoute. Il aurait été bon de parler des problèmes liés à ces plateformes, mais ça, ça reviendrait à être réaliste, ce qui n’est manifestement pas votre cas.

Pascal Nègre explique ensuite que plus d’un milliard de terriens se connectent à Youtube. C’est sans préciser à nouveau les très fortes restrictions de ce site, qui peut vous empêcher de voir une vidéo française, en France (morceau : un point c’est toi, artiste : Zazie, vidéo numéro 5). Il ne précise pas non plus que ce site est à la solde des ayants droits, en effet, des accords révèlent que des ayants droits peuvent faire un takedown (la suppression d’un contenu sur Youtube) en invoquant … bah… en le demandant, sans vraies bases. Chez moi, une entreprise privée qui retire elle-même un contenu d’une autre entreprise, c’est de la censure.

En parlant de censure, l’article précédent parle d’Universal, coucou Pascal Nègre.

Le président d’Universal Music France parle ensuite de la diffusion l’ensemble des créations et de leur monétisation. Le problème ici, ce n’est pas la monétisation, c’est la création.

Ce qui suit n’est que mon avis, heureusement d’ailleurs. Je sais qu’il en faut pour tout le monde, que la musique c’est un art, et que chaque personne apprécie l’art différemment, simplement, parler des mêmes arrangements que l’on retrouve dans ces mêmes sons, ce n’est ni de l’art ni de la musique, selon moi.

La musique, M. Nègre, c’est bien plus que du son, j’aime la musique lorsque je la ressens, lorsqu’elle est capable de me transporter, lorsque je sens le travail dans chaque accord ou chaque note de l’artiste.

Ce que vous vendez, généralement, ce n’est pas ça. Vous vendez du son, quelque chose fait pour faire des sous, ce n’est pas de la culture, c’est une industrie du son qui se fait passer pour une nécessité dans la culture. Presque une imposture.

Vous parlez ensuite de monétisation. C’est légitime d’être payé pour ce que l’on produit. Je travaille et à ce titre, j’ai un salaire. Vous aussi.

Trouvez-vous normal qu’un artiste ne touche qu’une infime partie de son travail ? Moi non.

Vous aurez toutes les excuses du monde : qu’il y a les frais, la communication, le merchandising, les intermédiaires, cela ne change rien.

Vous avez, dans votre bataille pour gagner toujours plus, oublié quelque chose : vous n’êtes rien. Sans les artistes, vous n’êtes rien. Vous n’existez pas sans eux, sans leur talent, leur création, voix, notes, riffs de guitare ou autre.

Dans mon monde, un organisme qui vient se greffer sur quelque chose et fait croire qu’il est indispensable, c’est un nuisible, un parasite. Je ne vous décerne pas ce titre, mais vous n’en êtes pas loin. La culture et la musique existent depuis toujours et continueront d’exister, avec ou sans vous.

Vous parlez également d’itunes, et là encore vous parlez donc de quelque chose de très fermé. Je n’ai pas à me plier aux volontés de restriction d’un moyen de diffusion. C’est à la société de s’adapter.

Imaginez un instant une entreprise qui demande à ses clients de s’adapter à son mode de fonctionnement, elle fermera sans nul doute, l’offre ne correspondant pas à la demande.

Pascal Nègre parle ensuite de la riposte graduée, cette chose censée nous faire croire que la Hadopi et bientôt le CSA sont « gentils ». A cette riposte et à cette criminalisation de l’échange non marchand, je répondrai une chose :

Un jour, un grand homme a déclaré la chose suivante (l’auteur de cette citation est un peu plus bas) :

« Le livre comme livre, appartient à l’auteur, mais comme pensée, il appartient – le mot n’est pas trop vaste – au genre humain. Toutes les intelligences y ont droit. Si l’un des deux droits, le droit de l’écrivain et le droit de l’esprit humain, devait être sacrifié, ce serait, certes, le droit de l’écrivain, car l’intérêt public est notre préoccupation unique, et tous, je le déclare doivent passer avant nous. »

Je ne vais sans doute étonner personne, mais je suis pour cette vision-là, moi. Pour la diffusion de l’art, de la Culture, à la condition qu’il s’agisse d’un partage non marchand.

C’est sans doute un tordu qui a déclaré ceci… C’est bien connu, Victor Hugo était un tordu.

Le CSA aura donc pour rôle la prolongation de celui de la presque défunte HADOPI (courage au personnel de cette autorité dans les prochaines démarches d’un futur emploi). Ce rôle est, selon moi : continuer à criminaliser les échanges non marchands. Hugo doit sans doute se retourner dans sa tombe.

Pour terminer, une petite remarque sur un propos de M. Nègre, à propos des différentes taxes à venir, il a déclaré la chose suivante, dans l’interview vidéo, disponible sur Yahoo Finances : « Ils ont mis des taxes là où ils pouvaient les mettre ».

M. Nègre, cette déclaration donne l’impression d’une taxe bancale – elle l’est, qu’on se le dise – et d’une volonté de taxer pour taxer. Si une taxe est placée là où elle peut l’être, c’est, peut-être, qu’on cherche juste à se faire encore plus d’argent, par tous les moyens.

Enfin, monsieur Nègre, je vais tenter une énième fois de vous expliquer quelque chose, je suis très patient, alors s’il faut encore l’expliquer pour que vous compreniez, ça sera avec plaisir.

Tant que l’offre pirate sera plus riche que l’offre légale, le téléchargement existera.

Tant qu’un DVD ou autre contiendra 30 minutes de pub, des avertissements sur le téléchargement illégal (j’ai acheté mon disque, bordel), alors ça ne fonctionnera pas parce que ça énerve tout le monde.

Tant qu’un e-book coutera aussi cher et même parfois plus cher qu’un livre « matériel », le piratage continuera.

Tant qu’un album coutera presque autant en version numérique qu’en version physique, le piratage continuera.

De façon générale, tant que vous et votre industrie mourante ne serez pas capables de proposer quelque chose au moins égal – si ce n’est mieux – à l’offre pirate, vous échouerez.

Ce n’est pas moi qui le dit mais la plupart des experts en la matière. Non, ce n’est pas moi, moi je n’ai pas d’arguments et je suis de mauvaise foi, n’est-ce pas.

L’industrie de l’anime a du faire face au piratage et figurez-vous que le piratage a des effets positifs sur la qualité des animes. (merci @jokerozen pour l’information) C’est l’évolution, adaptez-vous, ou disparaissez.

Ah oui, pour terminer, M. Nègre, on ne dit pas « des artistes taiwainiens » (passage à 5 :24), mais des artistes taiwanais, bisous.

Voilà, fin de l’explication. Si vous partagez mon avis, c’est que vous êtes des tordus, faites-le savoir à M. Nègre.

Signé un tordu qui, dans une semaine, va voir en concert une artiste qu’il adore et dont il n’a pas pu trouver l’album légalement sans galérer. Bisous.

1996, une histoire sur les Internets…

Ou si vous préférez, « les politiques ne comprennent rien aux Internets et ça ne date clairement pas d’hier. »

Aujourd’hui, un peu d’histoire…

Nous sommes en 1996, le web commence à peine à arriver dans les familles, Internet n’est pas ce que nous connaissons aujourd’hui, on surf à l’impressionnante vitesse de 14Kbits/s, révolution à l’époque.

Oublions un temps les services que nous connaissons actuellement et replongeons-nous dans l’histoire des Internets.

En 1996, une chose existait déjà et n’a pas véritablement changée depuis: les Internets dans l’esprit du monde politique.

Déjà à l’époque, le gouvernement et les politiques avaient peur de cet espace ou tout le monde peut s’exprimer, sans intermédiaires, sans potentielle censure. Ils avaient peur de cet espace ou chaque parole vaut la même chose et où l’on fonctionne au mérite et non au nom, « fils de » ou à l’argent.

Le code génétique d’Internet était déjà présent, forgé par celles et ceux qui écrivaient, codaient et pensaient que tout était possible.

Pour nos politiques de l’époque, Internet est déjà un monstre. Un repère rempli de terroristes, de pédophiles, de pirates sans règles … étrange, ce discours, je l’ai croisé pas plus tard qu’il y a quelques jours… 17 ans et toujours le même discours. Ça n’a pas changé.

Ce qui n’a pas changé non plus, c’est cette volonté de museler Internet, de le contrôler comme on contrôle tout autre organe d’expression, de le réguler et d’en faire un Internet civilisé ou tout ce qui dérange est caché. Un Internet civilisé, cette expression n’est pas sans rappeler les propos tenus par Nicolas Sarkozy lorsqu’il était encore président de la République.

A cette époque, un acteur est lui aussi présent, l’UEJF, l’union des étudiants juifs de France. Les mêmes qui ont assigné Twitter pour l’affaire « #UnBonJuif ».

L’affaire porte sur des intermédiaires accusés d’avoir mis à disposition des contenus contraires à la loi, et c’est l’UEJF qui attaque ces intermédiaires. Cette dernière demande à ce que les intermédiaires empêchent toute connexion à tout service ou message diffusé sur le réseau Internet si ces derniers ne respectent pas la loi. De la censure, rien que ça. De la censure préventive également, puisqu’il était question d’anticiper le blocage de ces connexions.

La demande est rejetée par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 12 juin 1996.

Quelques mois plus tard, les gérants de World-Net et Francenet sont arrêtés pour avoir permis la diffusion d’images à caractère pédophiles. Pour l’explication, des utilisateurs abonnés chez ces fournisseurs diffusaient des images à caractère pédophiles et ce sont les gérants des fournisseurs qui ont été arrêtés, pas les auteurs des méfaits.

L’instruction se terminera sur un non-lieu, quelques temps plus tard (ndlr : je n’ai plus la date précise).

Quelques mois passent, l’affaire de l’UEJF est passée. Nous sommes au mois de juin, le 18 pour être exact.

Ce 18 juin, le ministre délégué à la Poste, aux Télécommunications et à l’Espace propose une loi, adoptée par la suite.

Vous pouvez retrouver le texte de cette loi ici :

Que dit cette loi ? Tout simplement de responsabiliser les intermédiaires techniques, hébergeurs, fournisseurs d’accès à Internet de tout contenu contraire à la loi. Pour être encore plus clair, cette loi rend responsable les intermédiaires de ce qui passe dans leurs tuyaux, si un contenu illégal ou criminel circule, alors ça sera de la faute de l’intermédiaire.

Je vous laisse imaginer le problème : c’est clairement impossible. Trop d’utilisateurs, trop de contenus, sans parler du risque évident de censure et de la pression infligée aux intermédiaires, responsables de ce qu’ils n’ont pas fait.

Le 24 juin, un recours est déposé devant le conseil constitutionnel, contre cette loi dangereuse. Il est question des articles 43-1 à 43-3, qui ne respectent pas la liberté d’expression ainsi que les articles 10 et 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme.

Le conseil constitutionnel décidera de retoquer les articles 43-2 et 43-3 de la loi déposée, au motif qu’ils sont contraires à la Constitution.

Ce ministre délégué à la Poste, aux Télécommunications et à l’Espace, en 1996, c’est François Fillon.

Déjà à l’époque, le principe était de censurer internet, au nom de la loi, sans avoir conscience des conséquences. Cela n’a pas changé, cela ne changera pas et c’est pour cette raison qu’il ne faut pas arrêter la veille, la lecture, le travail de décodage des textes dangereux comme celui censuré par le conseil constitutionnel en 1996.

La morale de cette histoire : nos hommes et nos femmes politiques n’ont toujours rien compris à Internet, aux réseaux et à ce qu’on peut en faire et ils ne comprendront sans doute jamais l’importance de la Neutralité du Net.

Nous pouvons également rire d’un autre jugement, celui d’un hébergeur, condamné à une amende qu’il n’était pas en mesure de payer, condamné à fermer ses services alors qu’il n’était pas responsable d’un acte fait avec ses services, par un de ses clients.

La juge n’a pas compris Internet l’hébergeur s’est retrouvé responsable de tout, alors qu’il était innocent.

Cette juge est maintenant l’actuelle présidente de la HADOPI. Mais ceci est une autre histoire…

Moralité : en plus de 17 ans, rien n’a changé. L’article retoqué par le conseil constitutionnel est présent dans LOPPSI, le discours est le même qu’avant et les politiques ont toujours le chic pour faire peur, Internet étant ce repère de terroristes ultra dangereux.

Ce billet est tiré d’un passage du reportage « Une contre histoire de l’Internet », diffusé sur Arte le mardi 14 mai 2013 à 22h40, disponible en replay à l’adresse suivante … et déjà sur vos torrents /-)