« 90% de ceux qui s’engagent dans des opérations terroristes s’engagent après avoir consulté des sites sur Internet »
Bernard Cazeneuve, Ministre de l’intérieur.
Ainsi s’exprimait M. Cazeneuve lors des dernières « QAG », la séance des questions au gouvernement. La réponse est faite suite à une question du député Galut sur les dispositif de cybersurveillance dans la lutte anti-terroriste et anti-criminalité. Si vous avez un doute sur la citation, vous pouvez la retrouver ici (à partir de 41 minutes 55 secondes), difficile de faire plus officiel comme source.
Mais, M. Cazeneuve, malgré tout le respect que je me dois de lui porter… qu’est-ce qui lui passe par la tête bordel !?
Étudions sa déclaration.
Il a raison. 90% de ceux qui s’engagent dans des opérations terroristes s’engagent après avoir consulté des sites sur Internet.
Sinon :
- 90% des étudiants se servent d’Internet pour faire leurs recherches.
- Plus de 50% de la population s’en sert pour simplement communiquer.
- Plus de 80% des administrations françaises se servent d’Internet au quotidien.
Au mieux, sa déclaration est l’expression d’un raccourci douteux, au pire, elle est la représentation d’une mauvaise foi doublée d’une incompréhension totale sur le sujet, ce dont je doute, cet homme est intelligent, il sait parfaitement ce qu’il déclare. Ce qui est pire.
Oui, les terroristes utilisent Internet. Comme lui, moi, ou même vous qui lisez ce blog. Comment ne pas le faire ? C’est un média incontournable, même pour un terroriste en puissance.
Cette déclaration est donc vide de sens.
C’est « un effet cigogne » : elle mélange volontairement corrélation et causalité. Pour celles et ceux qui se demandent ce que c’est, démonstration :
Dans les communes qui abritent des cigognes, le taux de natalité est plus élevé qu’ailleurs. Les cigognes apportent donc les bébés…
En réalité, les cigognes sont généralement en campagne et dans les petits villages, où le taux de natalité est plus élevé qu’en ville. Il y a donc une corrélation entre deux phénomènes, sans que l’un ne soit responsable de l’autre. Donc, pas de causalité
Bernard Cazeneuve à décidé de prendre ce chemin dans ses déclarations et c’est bien dommage, car il sous entend à demi-mots qu’Internet est plus ou moins responsable du terrorisme. C’est ainsi qu’il compte, lui aussi, diaboliser Internet pour pouvoir proposer un nouvel arsenal législatif. Arsenal dont il parlera, à la fin de la réponse au député Galut.
M. Cazeneuve déclarera d’ailleurs « nous avons également sur Internet énormément de propos qui sont tenus, notamment sur des réseaux sociaux, qui sont des propos racistes, antisémites qui sont tenus d’ailleurs sans qu’il n’y ait de régulation » …
Oublions un peu le discours à deux ronds et analysons-le : régulation de l’ensemble des communications afin qu’il n’y ait plus de propos racistes ou antisémites. Techniquement, Cazeneuve exprime cela, non ? Puisqu’il semble s’étonner qu’il n’y ait pas de régulation de ces propos.
D’ailleurs, cette déclaration, c’est faux. Il existe une régulation de ces propos et la loi les concerne aussi. Elle s’applique simplement après les faits. La scène de théâtre jouée par Cazeneuve lui permettra, le moment venu, de demander un contrôle a priori des propos tenus sur Internet, ce qui est tout bonnement impossible, sauf à basculer dans un système où la liberté d’expression n’est plus tant une liberté que ça.
Moins d’un mois après les attentats que nous avons tous en tête, c’est osé, pour ne pas dire déplacé.