Je ne suis pas un voleur.

Ce billet fait suite à un long débat (si on peut l’appeler débat), démarré d’une part par une chanson des rois de la Suède et, ensuite, par Alexandre Astier (le roi Arthur dans Kaamelott).

Je vous invite à passer sur la « Timeline » (le fil conducteur de Twitter) du sieur Astier, vous pourrez croiser des choses dans ce genre :

https://twitter.com/#!/sgtpembry/status/175503175846084609

https://twitter.com/#!/sgtpembry/status/175362048195170304

https://twitter.com/#!/sgtpembry/status/175517218476527616

Vous auriez pu également croiser des tweets qui parlent de vol et de baguette de pain (je le sais, puisque j’ai eu une réponse de M. Astier lorque je lui ai dit que ses arguments étaient pourris) :

https://twitter.com/#!/sgtpembry/statuses/175963282178441217

Alors, parce que parfois Twitter, c’est trop court pour s’expliquer, j’en fais un billet qui va remettre en place deux ou trois choses, donner ma vision sur deux trois autres points et, potentiellement, être un peu trollesque.

Dans un premier temps (et M. Astier, c’est pour toi également), il convient de revenir sur un point qu’on rabache depuis déjà des années mais qui ne semble pas rentrer dans le crâne des gens :

Le téléchargement, ce n’est pas du vol.

Ce n’est pas moi qui le dit, c’est la loi. Elle fait la différence entre le vol (article 311-1 du code pénal) et la contrefaçon (article L335-3 du code de la propriété intellectuelle).

Donc, ne serait-ce que dans un contexte légal et juridique, le téléchargement ce n’est pas du vol. M. Astier, retiens-le, ça fait déjà cinq ans qu’on s’efforce d’expliquer ce point pour répondre à cet argument stupide qui consiste à dire que le téléchargement, c’est du vol. Bisous.

Dans un second temps, je parle rapidement de la fameuse « baguette de pain ».

Pour ceux qui n’ont encore jamais croisé cet argument, il consiste à dire que télécharger, c’est comme voler une baguette de pain.

Mr Astier, vous êtes (je pense) loin d’être stupide mais cet argument, vraiment, il aurait fallu éviter. D’une part parce que ça fait 30 000 fois qu’on le dit : le téléchargement ce n’est pas du vol, d’autre part, parce que cet argument a été sorti, re sorti, re re sorti, re re re… et qu’au final, c’est se tirer une méchante balle dans le pied que d’oser s’en servir.

Pour être exact, il faudrait d’ailleurs dire : qu’une personne rentre dans la boulangerie, utilise les outils du boulanger pour fabriquer la même baguette de pain (copie conforme, attention).

Le téléchargement, et le numérique de façon générale, sont l’exact opposé de l’économie matérielle et la copie est une très bonne représentation de ce fonctionnement :

  • Dans la vie physique, si je soustrais le bien, un bien à quelqu’un, c’est du vol. L’utilisateur ne dispose plus du produit et il ne peut plus s’en servir ou en tirer profit.
  • Dans la vie numérique, la copie duplique un fichier, c’est à dire qu’à la fin, l’utilisateur possède toujours l’original, peut toujours s’en servir ou le vendre, simplement, une personne dispose d’une copie du dit fichier. C’est ce que l’on appelle l’économie de l’abondance. Elle échappe encore à pas mal de monde, surtout aux majors, qui refusent de s’adapter à ce nouveau système qu’ils ne comprennent pas, ni ne contrôlent.

Je vais vous dire un truc. La théorie de l’évolution de Darwin s’applique également à Internet. Si on ne s’adapte pas, on meurt. C’est brutal mais c’est vrai, que vous le vouliez ou non (il suffit d’observer le cas de MySpace pour s’en rendre compte).

Nous traversons une période relativement houleuse en ce moment, la HADOPI d’un côté, une volontée de criminalisation des échanges non marchands de l’autre, ce n’est pas franchement la fête… et le pire c’est que cela s’est déjà produit, il y a des siècles.

A l’époque, il était question de la reproduction d’écrits, de livres. Ce savoir appartenait aux moines copistes du corps religieux, détenteurs du savoir. Ils recopiaient sans cesse des livres… puis l’imprimerie est arrivée et ce fût la catastrophe, l’apocalypse même.

Les moines copistes se sont opposés à l’ère de l’imprimerie car il devenait facile de recopier des livres, encore et encore, ceci dans le but de diffuser rapidement et massivement le savoir contenu dans ces écrits. Les moines copistes ont refusé cette évolution et, par ce choix, se sont mis au placard seuls avant de disparaitre.

L’évolution est une chose qui ne peut-être arrêtée, on peut mettre du temps pour s’y adapter mais qu’on la refuse ou non, personne ne peut la stopper. Internet est une évolution aussi importante que l’imprimerie, si ce n’est plus.

Alors bien sur, penser que toute la culture doit être gratuite, c’est une utopie. Il faut que les artistes puissent vivre, manger, que le personnel soit rémunéré et le matériel qui sert à faire un film ou une musique payé. Pour autant, criminaliser l’échange non marchand, c’est tout aussi stupide :

  • Un téléchargement ne signifie pas une vente en moins, bien au contraire. De nombreuses personnes n’achèteraient pas si elles ne pouvaient pas télécharger.
  • Le téléchargement non marchand est, par nature… non marchand. Personne ne se fait de bénéfice, tout est partagé dans le but de diffuser la culture.
  • Le téléchargement est, parfois, la seule possibilité pour accéder à des contenus.

Un téléchargement ne signifie pas une vente en moins : à l’heure actuelle, il n’existe aucune étude démontrant que le téléchargement illégal génère un manque à gagner pour l’industrie de la culture. La HADOPI constate dans un rapport (http://www.hadopi.fr/actualites/agenda/presentation-de-l-etude-hadopi-a-cannes-lors-du-midem-23-janvier-2011.html (page 45 de la version longue)) que même ceux qui déclarent téléchargent illégalement déclarent acheter, un poil plus que les autres.

Une autre étude, réalisée en 2010 par l’Université de Rennes 1, (http://www.marsouin.org/IMG/pdf/NoteHadopix.pdf ) explique que ceux qui téléchargent sont ceux qui achètent, en disant la chose suivante :

Enfin, les « pirates numériques » se révèlent être, dans la moitié des cas, également des acheteurs numériques (achat de musique ou de vidéo sur Internet). Couper la connexion Internet des utilisateurs de réseau Peer-to-Peer pourrait potentiellement réduire la taille du marché des contenus culturels numériques de 27%. Une extension de la loi Hadopi à toutes les formes de piratage numérique exclurait du marché potentiellement la moitié des acheteurs de contenus culturels numériques.

Des exemples : Le plus gros succès de l’année 2011, à savoir Avatar, à également été le film le plus téléchargé. Nous pouvons également citer « Bienvenue chez les ch’tis », énorme succès et pourtant, nombre énorme de téléchargements. Pour 2012, nous pouvons citer Intouchables qui a fait un carton au box office et qui, pourtant, a été énormément téléchargé.

Je télécharge parce que je suis curieux, parce que j’ai envie de découvrir, parce que moi aussi j’ai le droit d’accéder à la culture, même si je n’en ai pas toujours les moyens.

Lorsque j’apprécie ce que j’ai téléchargé et que j’ai les moyens de me le payer, je n’hésite pas à le faire, mais c’est rarement le cas. Le téléchargement m’a fait découvrir plein de choses, de beaux films ou d’excellents artistes et leurs albums, que j’ai acheté par la suite.

Qu’on se le dise, en ce qui concerne la musique, je n’achète pas du commercial. De plus en plus, les majors nous vendent du son et pas de la musique, les paroles ne sont pas recherchées, le clip non plus, la musique à la même saveur que toutes les autres : elle est fade.

Exemple personnel : j’ai découvert récemment « The Petebox », c’est un jeune artiste anglais qui fait un travail exceptionnel et qui s’implique vraiment dans son travail, c’est beau à voir et à entendre, j’ai téléchargé ses musiques et il est clair que j’achète l’album dès qu’il sort. Son album est d’ailleurs à 15 £ (soit 18 €) pour la version CD avec la version numérique jointe.

Le prix est d’ailleurs un autre problème : comment peut-on aller voir un film lorsque la séance coûte 13 € (ce qui est le cas dans ma ville), comment peut-on acheter un album qui en coûte 25 ou une musique qui coute 1 € alors que c’est un fichier numérique.

Prenons une famille qui veut aller au cinéma, les parents et deux enfants (ou trois), vous calculez, avec une séance à 13€, ça fait minimum 52€. Autant attendre que le DVD sorte, mais celui-ci ne sort pas directement, chronologie des médias oblige.

Que faire alors ? Attendre là et se priver d’accès au film ou manger du pain et de l’eau tout le mois pour aller voir un film ? Le téléchargement sert aussi dans ces cas-là car c’est un moyen d’accéder à quelque chose que l’on a pas forcément les moyens de se payer.

Dans le cas « Astier », je peux également parler de Kaamelott : pour le regarder, il faut avoir la télévision (donc payer une redevance), ce que beaucoup n’ont pas ou plus les moyens de se payer. Solution : passer par son FAI pour avoir la télévision… sauf que sans petit écran, certaines chaines ne sont pas disponibles et M6 en fait partie.

Ici, pas de solutions (si ce n’est le site http://www.kaamelott.info/ ) mais qu’en est-il pour les autres programmes indisponibles ?

D’ailleurs, il n’y a pas que ça, comme programme indisponible, nous pouvons également parler de l’offre légale qui n’a quasiment pas évoluée et qui propose encore un catalogue bien léger. Il n’est pas rare de chercher de la musique sur un site qui n’est pas en France et donc, de l’importer. Personnellement, je télécharge avant d’acheter, parce que l’import coûte cher.

Dernier point, qui me semble important. De plus en plus, certains artistes s’opposent à leur public. Puisque l’on parle d’industrie de la culture, il faut voir la chose sous un angle économique : une industrie qui tape sur ses clients les perdra, ils iront ailleurs.

Les récentes altercations entre clients-consommateurs et artistes ne sont bénéfiques à personne, surtout pas aux artistes et il serait temps de leur rappeller que nous ne sommes pas des ennemis et encore moins la cause de leur prétendu manque à gagner (prétendu, en l’absence de preuves entre téléchargement et baisse des ventes).

Le fait est qu’un ensemble de groupes, les fameuses majors, sont posées sur un énorme tas d’or depuis des années, et, bousculées par Internet qui vient changer nos pratiques de consommation, elles se sentent menacées, elles et leur énorme tas d’or.

Ces dernières refusent cependant de bouger, de s’adapter et elle en arrivent même à criminaliser le téléchargement.

Criminaliser le téléchargement, c’est osé tout de même. Télécharger ne tue pas, un pirate (mot mal utilisé, qui sert ici à définir une personne qui télécharge) ne tue pas, il découvre, il partage et surtout, il s’adapte aux outils qui lui sont offerts.

Darwin le disait dans sa théorie de l’évolution… « Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements. »

L’évolution continuera donc, avec ou sans les majors.