Le Royaume-Uni glisse vers quelque chose de bien pire que la censure.

A moins de vivre dans une grotte, vous avez sans doute entendu et probablement lu énormément de choses sur les propositions très démagogiques du gouvernement britannique, qui souhaite instaurer un filtrage « opt-in »* sur la pornographie.

Je ne vais pas vous faire perdre votre temps en expliquant les nombreuses raisons qui font que ces propositions sont parfaitement absurdes, elles ne permettront pas d’arriver à ce que le gouvernement prétend.

Non, je préfère me concentrer sur quelques indices perturbants sur ce qui pourrait se passer, sur ce qui pourrait arriver, et sur la nécessité de lutter contre ce genre de plan dès maintenant.

L’Open Rights Group a parlé avec les FAI sur ce que les nouvelles dispositions seront dans la pratique, voici ce qu’ils ont trouvés (anglais) :

Le détail le plus important est qu’ils partent du principe que vous souhaitez un filtrage activé sur un contenu très large, à moins que vous décochiez l’option, les filtres seront donc activés. Comme nous l’avons déjà expliqué de nombreuses fois, ce n’est pas juste un filtrage de la « pornographie extrême ».

Voici une liste des sujets susceptibles d’être bloqués par défaut, sauf si vous avez choisi de désactiver le filtrage :

  • pornographie
  • contenus en relation avec le terrorisme ou les groupes extrêmistes
  • les sites web parlant d’anorexie et de troubles de l’alimentation
  • les sites web en lien avec les suicides
  • l’alcool
  • le tabagisme
  • les forums sur le web
  • les contenus ésotériques
  • les outils permettant de contourner le blocage web

Maintenant, il est important de comprendre que tout ceci n’est pas validé, pas encore du moins… mais ces choix soulèvent la possibilité que l’option par défaut rendra d’énormes parties d’Internet totalement invisibles pour beaucoup de personnes qui n’auront même pas conscience de ce qu’ils ne voient pas (forcément).

Notez que nous parlons ici de millions de sites parfaitement légaux qui seront concernés, sans parler des sites de vente en ligne (je me demande d’ailleurs jusqu’à quel point tout ceci va fera couler les revendeurs en ligne).

L’autre problème majeur est qu’il est facile d’étendre cette catégorie n’importe quand, pour y inclure les « sites politiques indésirables », par exemple… C’est réellement le danger principal de la censure : une fois que c’est enclenché, ça peut être étendu très facilement.

A celles et ceux qui diront – bien que nous ayons déjà  répondus (anglais) – « bah, tu n’as qu’à  activer que ce que tu veux, ou est le problème ? »

Le problème a été succinctement pointé du doigt par Mikko Hypponen sur Twitter, son tweet montre une représentation d’une case d’option permettant d’accéder à  des contenus extrémistes et terroristes, avec une toute petite mention à  la fin :

(Votre choix pourra être utilisé contre vous dans un tribunal)

Cela résume parfaitement bien le problème de l’opt-in : cela vous oblige à déclarer, sans réelle confidentialité, que vous souhaitez accéder à certains contenus, ces derniers pouvant être socialement inacceptables, c’est le moins que l’on puisse dire.

Lorsque ça sera utilisé devant les tribunaux – les cas de divorces semblent des cas assez pertinents – la plupart des gens commenceront à laisser certaines catégories de sites « douteux » bloqués, au cas où cela leur porte préjudice.

En d’autres termes, le schéma de l’opt-in menace de nous faire passer d’une censure rampante – déjà bien assez mauvaise en soi – à quelque chose de bien pire car inconscient : l’auto-censure.

C’est clairement le modèle chinois, où les utilisateurs savent que certaines lignes ne doivent pas être franchies et qui n’écrivent donc ou ne discutent jamais de certains interdits car ils ont intériorisés les restrictions imposées par le gouvernement.

La question est donc la suivante : est-ce que c’est vraiment la société que nous souhaitons créer au Royaume-Uni – un groupe de personnes constamment effrayé par la manière dont leurs choix pourraient être utilisés contre eux, un jour, et modifiant radicalement leur actions en conséquence ?

Pour quelques politiciens (pas de noms ni de punition collective ici) oui, mais je doute sérieusement que la plupart d’entre eux soient d’accord avec une conception des choses de cette façon-là.

Dans ce cas, nous devons combattre cette dangereuse et stupide idée de l’opt-in dès maintenant, indépendamment de ce que nous pensons du porno et de sa disponibilité en ligne.

Article rédigé par @glynmoody pour le site computerworlduk.com, article original disponible à  l’adresse http://blogs.computerworlduk.com/open-enterprise/2013/07/uk-risks-sliding-into-something-worse-than-censorship/index.htm

EDIT: (pour plus de clarté)*opt-in désigne ici le fait de décocher une option déjà cochée de base, l’auteur parlant d’opt-in lorsque l’on décoche une option de filtrage.

Analyse des propos de M. Malek Boutih à propos d’Internet.

Lors de l’audition de M. Pierre Lescure à l’assemblée nationale, ce mercredi 12 juin 2013, le député socialiste Malek Boutih s’est montré favorable à une régulation d’Internet par le CSA. Il a également souhaité que la France « reprenne le contrôle d’Internet ».

Parce que de tels propos doivent être compris de différentes façons, je vous propose un « bref » retour sur le sujet.

Pour commencer, M. Boutih ne croit pas en « la légende des pirates du Net, au geeks qui diffusent gratuitement la culture. »

M. Boutih, si c’est votre droit le plus strict de croire ou non en quelque chose, sachez que ce sont souvent ces « pirates du Net, ces geeks » qui forgent et construisent Internet tel que vous le connaissez.

Nier le rôle de ces personnes revient à considérer qu’ils ne sont d’aucune utilité et en ce sens, M. Boutih est dans l’erreur la plus totale.

Celles et ceux qui ont fait d’Internet ce qu’il est, ce sont bel et bien ces geeks, barbus ou non, qui échangent des informations, apprennent, transmettent le savoir et la connaissance au plus grand nombre possible.

Dans ces personnes, nous pouvons par exemple parler de M. Stallman, je doute fortement que le rôle de M. Stallman puisse-t-être remis en question dans le monde technologique que nous connaissons.

Il faut également remarquer que M. Boutih n’est pas connaisseur des Internets, le mot pirate n’étant sans doute pas le plus adapté ici.

Comme d’autres députés, M. Boutih tombe dans l’amalgame du hacker pirate, sous-entendant que ces choses-là sont mauvaises. Pour le bien de tous et pour être un peu plus crédible, M. Boutih, vous devriez éviter l’amalgame fait par tant de vos collègues des bancs de l’assemblée nationale.

Attardons-nous sur la libre diffusion de la culture si vous le voulez bien.

La culture est universelle, tout le monde devrait pouvoir y accéder, quel que soit son pays d’origine, son âge, son appartenance à un groupe ou à une classe socio professionnelle.

La culture est un bien universel car elle élève les personnes, de nombreuses études soutiennent que l’accès à la culture entraine un effet positif pour sa population. L’illettrisme régresse, la santé également, le niveau général de l’éducation d’autant plus.

Si nous parlons de la culture comme nous parlons d’un bien matériel, c’est une autre paire de manche.

Depuis les moines copistes, ceux qui détiennent le savoir et maintenant l’argent qui va avec ce dernier ne semblent avoir qu’une idée en tête : garder de savoir et le monétiser.

Depuis ce temps, beaucoup cherchent à maintenir l’équilibre des choses : il faut faire de la culture un bien précieux, rare, il faut montrer que l’obtenir n’est pas une chose aisée bref, il faut la verrouiller.

Internet change la donne et permet de remettre la culture à sa place, à savoir celle d’un bien universel.

La question qui se pose maintenant est la suivante : doit-on aider à verrouiller cette culture comme les moines copistes et M. Boutih le souhaitent ?

Ou doit-on croire en la possibilité d’un accès universel ?

La question qui se pose est celle de l’intérêt général face à l’intérêt privé et, dans ce genre de situation, mon choix est déjà fait : si le choix porte entre l’intérêt de tous et un intérêt privé, c’est alors l’intérêt de tous qui primera.

C’est une vision idéaliste, j’en conviens, mais c’est une vision en laquelle je crois. Il semble que M. Boutih et moi ne soyons pas spécialement d’accord sur ce point.

M. Boutih a ensuite déclaré que la reprise du contrôle d’Internet était « une question plus large de souveraineté ».

J’estime que ces propos-là sont dangereux, vraiment. Je m’interroge également sur la définition du mot souveraineté pour M. Boutih. La souveraineté sous-entend le contrôle sans partage.

La souveraineté, c’est un droit exclusif d’exercer une autorité sur quelque chose. Nous parlons donc bel et bien d’exclusivité de contrôle.

Le contrôle d’Internet est donc une question de souveraineté pourrait s’interpréter de la manière suivante : « la France doit avoir un contrôle exclusif et total sur l’Internet. »

Que ça soit clair : exercer un contrôle exclusif et total sur Internet aurait des conséquences, forcément… et une conséquence directe serait la censure.

Si le gouvernement contrôle de façon exclusive et totale Internet, comment lui faire confiance ? Comment être certain que ce que je suis en train de lire est bien ce que le site affiche, et pas un message modifié à la volée ? Comment être certain que, si je n’ai pas accès à un site, ce n’est pas à cause d’une censure dudit site, en France ?

La souveraineté sous-entend ceci ainsi que, bien trop souvent, une absence totale de transparence, ce qui ne changera pas spécialement de ce que nous connaissons déjà.

Si j’ai le pouvoir et que je décide comme bon me semble, pourquoi aurais-je à rendre des comptes à quelqu’un ?

Il est possible préférer le mot « nationalisation » à celui de souveraineté, puisque c’est bel et bien de ça dont il est question.

Nationaliser Internet, une idée qui n’est pas sans rappeler les propos tenus et appuyés (sic!) par le député Myard lorsqu’il demandait à nationaliser Internet.

A nouveau, il faut comprendre ce que nationaliser Internet veut dire : il s’agit de faire un Internet « national », français et de facto, de ne pas faire Internet, mais un produit fermé, verrouillé et bien français.

Les questions précédentes peuvent s’appliquer ici aussi alors pour résumer, nous retiendrons la chose suivante : un Internet « insérez-ici-le-pays-de-votre-choix » n’est pas Internet, puisque l’utilisateur d’un Internet français n’aura peut-être pas la même page qu’un utilisateur d’Internet, un réseau de réseaux.

Des pays font bel et bien un Internet national, le plus connu étant la Chine. Je n’ai pas besoin de vous expliquer que ce que donne la Chine, ce n’est pas Internet. Je ne pense pas non plus avoir besoin de rappeler que la Chine n’est pas connue pour sa défense des droits de l’Homme, ni pour la défense de la liberté d’expression.

M. Boutih déclarera ensuite que « contrôler les tuyaux c’est contrôler les contenus ».

Nous pouvons également nous demander ce que M. le député cherche à dire ici.

Si contrôler les tuyaux c’est contrôler les contenus et donc une partie d’Internet, c’est aussi assumer parfaitement un rôle de filtre, de censeur, dans la gestion de ce contrôle.

De quelles garanties disposons-nous pour être certains que ce contrôle n’engendrera pas une censure ?

Qu’est-ce qui garantit que la censure ne s’étendra pas un jour à des propos tenus, des journalistes, des sites d’opposition, des manifestants qui dérangent ou des dissidents politiques ?

Contrôler ces tuyaux c’est également représenter une menace pour la liberté d’expression. Il suffit de regarder les pays qui contrôlent et font de « l’Internet nationalisé » pour s’en rendre compte.

Regardez du côté de la Chine à nouveau, vous pouvez également observer la Syrie, la Turquie, le Maroc et bien d’autres encore – aidés par le gouvernement français au passage – qui censurent à différents niveaux, à différentes échelles.

Pour terminer, allons plus loin : être souverain d’Internet, c’est chercher à être souverain d’un outil qui n’a pas de frontière, qui est censé être le même partout. Encore que ces points sont discutables car il existe de fortes restrictions selon le pays d’origine de votre adresse IP .

Un état ne peut pas se déclarer souverain d’Internet, c’est un non-sens total.

C’est au moins aussi absurde que de chercher à nationaliser l’air d’un pays, pour reprendre le contrôle de l’oxygène français.

Qu’un gouvernement légifère en national ou à l’international sur Internet, c’est un fait. Même si je suis perplexe à ce sujet, il me semble normal qu’un ou plusieurs gouvernements puissent légiférer sur Internet.

De là à vouloir en être souverain, non.

On peut, pour terminer, se dire que le discours de M. Boutih est très cohérent avec ce que souhaite faire le CSA, en appliquant ce qu’il fait déjà aux autres médias. Seulement voilà, Internet n’est pas qu’un média et il ne se gère pas de la même façon, il n’est pas figé et se transforme chaque jour, il est même capable de s’autoréguler.

M. Boutih cherche peut-être un poste au CSA, qui sait… où alors cette déclaration annonce en filigrane les prochaines orientations du CSA et si c’est le cas, c’est assez inquiétant.

Enfin, M. Boutih, permettez-moi donc de donner un conseil: arrêtez de raconter n’importe quoi, bossez vos sujets et vos interventions avant de sortir des inepties, dangereuses de surcroit.

Liberté. Egalité. Partage.

Lors du précédent billet, j’ai reçu quelques mails et des commentaires qui me remontaient la même chose : « c’est bien mignon la Neutralité du Net  mais je ne vois pas en quoi je suis concerné ».

C’est la raison de ce billet, nous allons tenter de découvrir la Neutralité du Net sous un angle différent, peut-être plus parlant. Je vous laisse le soin de me dire si cet article est plus explicite que les précédents.

Résumons donc ce concept en trois points : Liberté. Egalité. Partage.

Petit complément d’information : ces points se rapprochent des valeurs de la République, ce n’est pas volontaire. Il faut vous détacher des valeurs françaises, Internet n’est pas un produit national. Vous devez simplement y voir trois choses qui vont être présentées.

Vous vous demandez sans doute ce que ces trois valeurs font ici ?

La réponse est simple : elles parlent de vous sur la toile, elles vous représentent sans que vous en ayez forcément conscience. Sans ces trois valeurs, Internet n’existerait pas. Du moins pas sous son actuelle forme.

Passons donc aux explications, si le voulez bien.

Liberté.

Pourquoi parler « liberté » dans la Neutralité du net ? Parce qu’elle fait entièrement partie des enjeux de cette dernière.

Par liberté, on entend la liberté d’utiliser n’importe quel outil qui fonctionne sur Internet, ce dernier ne se limite pas aux fenêtres de votre navigateur préféré. Ça c’est du web.

La liberté, c’est aussi le fait d’utiliser n’importe quel port pour accéder à un ensemble de services qui utilisent ces ports.

C’est garantir que votre opérateur ne filtre pas le port « x » ou « y » parce que ça le gène que vous l’utilisiez ou parce qu’il peut se faire encore plus d’argent en le filtrant puis en vous donnant l’accès à ce port via une option payante.

Vous ne vous sentez pas concerné(e)s ? Pas de problèmes, voici la version plus explicite :

Vous utilisez Skype ? Pidgin ? Steam ? Un logiciel qui se connecte à Internet ?

Pour se connecter et communiquer sur la toile, ce logiciel doit emprunter un chemin, dialoguer d’une certaine façon, via un port.

Sans neutralité du net, quel est le risque ?

Votre opérateur décide de bloquer Steam ou Skype et vous offre une option à 5 ou 10€ par mois pour pouvoir utiliser le jeu que vous avez acheté.

Après tout, pourquoi ne pas le faire puisque ce n’est pas interdit. On peut aller plus loin, il vous donne accès à ces ports et donc, à ces logiciels, mais vous offre un service dégradé et non fonctionnel sauf si vous avez l’option, nous allons d’ailleurs y revenir.

La liberté, c’est aussi le fait d’avoir accès à Youtube, Facebook et à n’importe quel site, qu’il capte ou non une partie importante du trafic sur Internet.

Je vais faire encore plus explicite : un jour, votre opérateur décidera de sortir des offres « partitionnées » avec un accès Internet sans Youtube et Facebook, sans moyen de partager des données, juste aller sur ses mails, aller voir deux trois journaux et tant qu’à faire, ceux chez qui votre opérateur a des actions.

Le reste ? Bah, payez, ou allez-vous faire voir.

Imaginons donc une offre Internet (30€) avec un accès Skype (5€) puis Youtube (5€) et ainsi de suite… Je vous laisse faire le total ?

Si cela n’existe pas encore, ça arrivera… et ce n’est pas une éventualité.

Pour s’en convaincre, il suffit d’observer le cas de l’opérateur Free avec Youtube où pour des raisons commerciales, les abonnés sont pénalisés. Il est également possible d’analyser le service de Replay de Free, gratuit mais payant. Ce service est fourni mais sans l’option « pass prioritaire », il est tout simplement inutilisable.

L’autre cas intéressant est la fuite d’un « document de travail » des FAI, qui présente des offres segmentées.

Ça signifie que pour avoir la même offre Internet que celle que vous avez aujourd’hui, vous devrez passer à la caisse deux fois plus. Je ne peux pas faire plus explicite.

La réflexion existe également en Europe, la commissaire au numérique Neelie Kroes publiait d’ailleurs il y a peu une tribune sur le sujet, elle ne voyait pas d’objections à ce qu’Internet soit découpé et vendu en morceaux aux clients finaux (donc, à vous). Moi ça m’a dérangé.

Je ne parle pas des moyens mis en place pour atteindre cet objectif, certains peuvent vous faire froid dans le dos.

Égalité

Internet a quelque chose de particulier : nous sommes tous égaux. Que l’on soit client de l’opérateur x ou y, en France ou même en Chine, Internet reste Internet et nous ne restons qu’une ou plusieurs adresses IP à un instant T.

Je tiens à préciser que la Chine dispose de son propre Internet, différent. Ce n’est donc pas Internet puisqu’il n’est pas le même qu’ailleurs. Je faisais référence à celles et ceux qui contournent le système de censure chinois et qui tombent bien sur le même Internet que moi. Mais passons, égalité donc.

Nous avons le même accès à Internet. Demain, cela ne sera pas garanti, les plus pauvres auront un accès Internet tout pourri, les plus riches auront un Internet tout court.

Cela crée une inégalité d’accès alors qu’Internet devient un outil démocratique et occupe une place de plus en plus importante dans nos vies respectives.

Imaginez donc un accès « Internet », pour 30€, avec un accès limité à Facebook, Youtube et l’ensemble des sites communautaires. Aussi discutables puissent-t-être ces sites, ce n’est plus Internet.

Si votre opérateur vous redirige sur une page pour payer à la place du vrai site, il vous ment. Un serveur appelé DNS se chargera de vous rediriger vers la mauvaise page et votre opérateur peut très bien le faire pour d’autres sites ou faire évoluer son offre en transformant des services gratuits en option payantes.

Partage

Vous l’avez compris, cette suppression de liberté et cette rupture de l’égalité entrainent un problème de partage de ressources et de connaissances.

Imaginons l’espace d’un instant que nous sommes dans ce système-là.

  • Vous ne pouvez pas visualiser une vidéo Youtube et vous ne pouvez pas en publier
  • Vous ne pouvez pas répondre à vos amis sur Facebook ou alors vous vous sentez bien seuls car les ¾ de vos contacts n’ont plus accès au site car ils n’ont plus les moyens.
  • Vous cherchez une information sur Internet ? Pas de bol elle est sur un site qui ne fait pas partie de votre offre.
  • Vous cherchez une autre information ? Dommage, les communautés se sont appauvries car les utilisateurs n’ont plus les moyens de publier, Internet est devenu un bien de luxe alors qu’il était un outil démocratique.
  • Votre offre évolue, Steam devient une option. 5€ pour l’option de base qui vous autorise à jouer pendant 10 heures, 15€ pour de l’illimité.
  • Vous contournez ces protections pour avoir Internet – je veux dire, un vrai Internet – et votre opérateur s’en rend compte, il rend alors l’option VPN payante, 15€ par mois.

Bref, moins de partage, moins de personnes, Internet devient une chose banale et les gens s’en détournent parce que 50% des personnes ne sont plus en mesure d’avoir Internet.

A nouveau, je peux comprendre que tout ceci semble gros, c’est pourtant ce qui se dessine peu à peu. Nous faisons rarement fausse route et les évènements passés nous donnent raison : tout ce que nous avons abordé et pointé du doigt s’est avéré vrai par la suite, « Internet » n’échappera sans doute pas à la règle…

… à moins que l’on se réveille, qu’on se bouge les fesses et que l’on s’oppose à ce genre de pratiques.

Comment ?

Bien, la première des choses, c’est d’en parler, de faire circuler l’information. La seconde, c’est de prévenir vos députés, les eurodéputés, de vous exprimer car vous en avez encore la capacité…

…Encore faut-il le faire et le vouloir.

Si vous ne vous sentez pas concerné(e)s, vous pouvez reprendre une vie normale et lorsque cela arrivera, il ne faudra pas crier au scandale, vous étiez prévenu(e)s.

NDLR : les prix donnés ici ne sont donnés que pour l’exemple, ils me semblent coller aux prix du marché actuel mais c’est juste pour la démonstration.

Bon, @fleurpellerin, on parle DPI ?

Hier, mardi 15 janvier, Mme Fleur Pellerin organisait une table ronde autour de la Neutralité du net.

Cette table ronde était composée de différents acteurs du marché de la fourniture d’accès à Internet et, fait notable, Madame la « Ministre déléguée aux PME, à l’Innovation et à l’Économie numérique » n’était pas présente à cette table ronde mais à quand même fait le déplacement pour conclure la concertation.

Faut-il peut-être comprendre que la conclusion était déjà toute faite pour elle ? Qu’elle a organisé tout ceci dans l’unique but de bouger les bras et de faire du vent, histoire de dire que le gouvernement du président Hollande avance et travaille.

Si beaucoup de personnes attendaient au moins un signe ou une avancée sur le respect de la neutralité du net, rien n’est ressorti de cette table ronde. La Quadrature du net pose d’ailleurs une excellente question : à quoi sert Fleur Pellerin ?

Dans l’état, selon moi, elle sert à faire… du vent. Il faut lui accorder qu’on progresse, avant nous savions que tout était déjà joué d’avance. Là, nous pensions que, peut-être, par une opération du saint esprit, quelque chose allait bouger…

Non, je plaisante.

Passons donc sur cette table ronde ou Fleur Pellerin était, si vous me permettez l’expression, au ras des pâquerettes.

Je relève toute de même une question importante, même si la ministre a renvoyé la question ailleurs. La question concerne le DPI, certaines atteintes à la neutralité du net étant causées par des armes technologiques françaises. Nous pouvons par exemple citer Bull ou Amesys, responsables de la vente de DPI dans des pays en « démocratie à géométrie variable » comme la Libye, la Syrie ou encore le Maroc actuellement.

Fleur Pellerin a déclaré, en réponse : « Nous avons eu plusieurs réunions pour établir des positions intergouvernementales sur ce sujet. Plusieurs entreprises françaises sont leaders sur ces technologies. J’ai tendance à croire que la technologie peut-être neutre jusqu’à un certain point ensuite c’est l’usage qui fait l’objet de jugements moraux ou politique »

Fleur Pellerin part donc du principe que le DPI est neutre. Est-ce vrai ?

Si on part du principe que le DPI est un ensemble de machines, de logiciels, capables d’observer des données en profondeur alors oui. Oui car ce n’est pas la technologie qui va poser problème, mais la personne ou le groupe de personne qui va piloter la machine derrière, le groupe de personne pouvant être une société privée ou un gouvernement.

Le DPI peut avoir des usages bons, comme éviter la congestion réseau par exemple. Pour vulgariser, lorsque les tuyaux sont bouchés et que l’information circule mal, un DPI peut aider…

Mais le DPI peut avoir de très mauvaises utilisations si une personne mal intentionnée est derrière. Par exemple – exemple choisi parfaitement au hasard – une société peut vendre du DPI au motif de traquer des pédophiles alors qu’en réalité, la technologie permettra de traquer des opposants politiques à une dictature, de les espionner et de les retrouver … Dans ce cas-là, le DPI ne tue pas, mais il facilite le travail de ceux qui vont presser la détente derrière.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) et la Ligue des Droits de l’Homme ont réussi à faire ouvrir une enquête et potentiellement un procès, à l’encontre de la société Amesys, pour complicité d’actes de torture.

Ce n’est sans doute pas pour rien que la cour d’appel de Paris a donné son feu vert pour la poursuite de l’instruction à l’encontre d’Amesys.

Alors non Madame Pellerin, le DPI ce n’est pas aussi simple qu’une technologie « neutre jusqu’à un certain point ». Il serait bon qu’un jour, quand le gouvernement aura le temps, il légifère afin que le DPI soit reconnu comme une potentielle arme militaire et que sa vente soit très strictement encadrée, comme le demande cette question.

J’oubliais, le gouvernement est trop occupé à  taper sur Notre Dame des Landes et à envoyer des soldats au Mali. Le DPI, c’est rien, on verra plus tard.

Plus sérieusement, énormément de questions peuvent se poser autour du DPI. La France vend des systèmes de surveillance et, plus largement, est bonne exportatrice de systèmes d’écoute, d’espionnage …

Cela joue donc dans la balance de l’économie française et, je pense que cela représente une partie non négligeable. Pour autant, il faut voir le DPI dans sa globalité, et c’est là que c’est loin d’être simple, d’où l’importance de légiférer.

Madame Pellerin, je suis ouvert à toute discussion, toute réponse argumentée, pour savoir si vous comptez faire quelque chose dans ce cas. En cas de non réponse, je conclurai que vous êtes d’accord avec ce qu’il peut se passer, comme on dit ici « qui ne dit mot consent ».

Le blocage des publicités chez Free, pas partout, pas neutre.

Le fournisseur d’accès à Internet Free a décidé de bloquer les publicités nuisibles via sa Freebox V6. Dans une récente mise à jour estampillée 1.1.9, Free a ajouté un bloqueur de publicités, ce dernier fonctionne un peu comme Adblock, à quelques différences près.

Ce sont justement ces différences qui me posent un problème, et pas des moindres.

Si Adblock ou Ghostery (anglais) sont installés et totalement contrôlés par l’utilisateur de la machine, le bloqueur de Free est installé dans le matériel, à savoir la Freebox V6.

Cela sous-entend que l’utilisateur a un contrôle limité sur ce bloqueur : soit il l’active, soit il le désactive.

L’utilisateur ne peut en aucun savoir ce qui est réellement bloqué ou non, il n’a qu’un contrôle très limité de cette option.

Vous allez me dire que c’est une option, que ce n’est pas grave, que ce n’est, comme son nom l’indique, qu’une simple option.

C’est vrai. Seulement Free n’a ni communiqué sur cette option, ni laissé le choix à l’utilisateur d’activer, ou non, cette dernière.

L’opérateur a décidé que cette option serait activée par défaut et, bien qu’il soit possible de la désactiver dans l’interface de gestion de la Freebox V6, je reste perplexe.

Pourquoi ne pas avoir simplement informé de l’arrivée de cette option ? Pourquoi l’avoir activée par défaut ?

Depuis quelques mois, la communication de Free s’est métamorphosée. Free cherche à recruter de l’abonné et ça se sent : bye bye Rodolphe, la publicité ciblée « Geek » et tout le reste. Place à quelque chose de plus large, un spectre de clients bien plus important et parfois plus néophytes.

Partant de ce constat, combien de personnes vont savoir comment modifier cette option ? Pour travailler chez un FAI, je sais que bon nombre de clients ne connaissent même pas l’interface de leurs « ce que vous voulez »_Box. Je reste donc fermement opposé à la décision d’activer cette option par défaut.

Au-delà du blocage de la publicité, de l’impact que cela peut avoir sur des régies ou sur des sites qui ne vivent que sur ces revenus, il semblerait que le filtrage des contenus publicitaires soit à deux vitesses chez l’opérateur :

Tandis que les liens sponsorisés Youtube ne s’affichent plus au chargement des vidéos, le site Dailymotion fonctionne parfaitement bien, tout comme les vidéos publicitaires que le site diffuse.

Ce filtrage me pose déjà problème, apprendre qu’il s’applique à certains sites mais pas à d’autres m’a fait sauter au plafond.

Quels sont les critères que Free a définis pour filtrer du contenu sur un site et pas sur un autre site ? Est-ce que Free a bloqué Youtube car il est en mauvais termes avec Google ? Est-ce que le filtrage ne fonctionne tout simplement pas avec Dailymotion ?

Ce filtrage représente une atteinte à la neutralité d’Internet selon moi, même si c’est une option et même si elle peut être désactivée, c’est une atteinte à la neutralité d’Internet.

Si Free veut bloquer les publicités, qu’il donne des logiciels à installer sur un machine et non quelque chose d’obscur dans un matériel.

L’utilisateur a le droit de ne pas subir de publicités mais en aucun cas le FAI n’a à choisir à la place de ce dernier, l’option activée par défaut est une erreur.

L’utilisateur a également le droit de choisir quelle publicité il décide d’afficher, ou non, le FAI n’a pas à décider du contenu qui sera filtré.

Ces points ne sont pas respectés et c’est, toujours selon moi, un assez mauvais signe.

Ce ne sont que des publicités mais c’est une démonstration de ce qu’un FAI est capable de faire depuis déjà des lustres. Free a peut-être ouvert une très méchante boite de Pandore.

Imaginons la suite : pourquoi ne pas bloquer par défaut les sites qui dérangent ? Les sites porno ? Puis Facebook tiens ? Pourquoi ne pas décider de bloquer ensuite l’ensemble des sites qui ne veulent pas payer Free pour accéder à ses tuyaux ?

C’est sans doute un peu poussé, ou non…l’avenir nous le dira. En attendant, il faut essayer de voir plus loin qu’un blocage de publicités, Free est en train de jouer à un jeu qui me semble dangereux, à vous de juger.

Apple, ou l’histoire d’un seul mec qui décide ?

J’ai prévu de ne pas trop troller sur la firme à la pomme, surtout depuis le dernier I-bidule. Ce billet n’est donc pas là pour ça, même s’il va surement en donner l’impression. J’ai juste envie de partager mon point de vue (c’est la journée).

On me considère comme hacker, je préfère dire que j’en suis loin et que j’aime bien bidouiller. Je suis également amoureux du libre et de tout ce qu’il peut nous apporter mais il y a une notion qui compte plus que tout pour moi : être propriétaire de ce que je possède, être libre de faire ce que je veux, de démonter, remonter, modifier … ce dans quoi j’ai investi.

Je sais que mes meubles sont à moi car j’ai payé pour les avoir, je sais que mon ordinateur aussi car je l’ai payé, monté et que j’ai installé un système d’exploitation dessus, libre de surcroit.

Il en est de même pour mon téléphone portable : je l’ai acheté, je l’ai configuré et j’en fais maintenant ce que je veux avec.

J’ai préféré un Nexus S car il n’est pas simlocké et qu’il n’existe pas de surcouche opérateur dessus, c’est pour dire.

Pourquoi je vous raconte tout ceci ?

Parce qu’Apple, c’est tout l’inverse.

J’ai beau essayer de comprendre, quelque chose cloche : Apple ne vend pas un « vrai téléphone. »

Bien évidemment, leurs équipements permettent de téléphoner, de jouer à Angry Birds ou whatever, de s’envoyer des messages comme n’importe quel autre téléphone et, si on en reste à la définition même d’un téléphone, alors l’Iphone est un téléphone.

Mais si je pousse ma réflexion un peu plus loin, éventuellement jusqu’à l’absurde, un Iphone n’est ni plus ni moins qu’un terminal qui vous relie directement à Apple.

Comme je vous le disais avant, j’aime être propriétaire de mon équipement, j’aime pouvoir le bidouiller, l’améliorer, voir comment il fonctionne et je veux être libre de faire absolument tout ce que je veux avec.

L’Iphone ne permet pas tout ceci.

Je vous vois arriver, fanboys :

« Bien sûr que si, on peut faire ce qu’on veut avec, et bien plus qu’avec n’importe quel autre téléphone. »
« Encore un fichu de libriste qui nous dit qu’Apple c’est le mal. »
« C’est parce que tu n’en as pas que tu dis ça, tu te contentes de la médiocrité, c’est ton choix. »

Je ne vous force pas à me croire, mais j’aimerai que l’on réfléchisse à la définition même du mot propriétaire.

Si j’ai envie d’installer une application tierce, je peux le faire. Au même titre que je peux installer une application porno, changer le dialer de mon téléphone, changer le clavier virtuel pour le passer en klingon, installer une application pour chiffrer les SMS …

Je précise qu’il existe une application pour le chiffrement des messages sur Iphone, Black Message, mais selon ses propres utilisateurs, elle n’est pas terrible et pas vraiment fonctionnelle. Je ne sais pas si elle est open-source et donc, je ne connais pas son code, je ne sais pas s’il est sûr ou non, rien ne me garantit que mes messages ne sont pas envoyés en clair quelque part.

Au final, qu’est-ce qu’Apple selon moi ?

Apple, c’est un mec, quelque part, qui décide de ce que vous avez le droit de faire ou non. Vous voulez du porno ? Non, Apple ne veut pas. Vous avez une application et Apple ne l’aime plus ? Pas de soucis, on la retire, c’est tout, vous n’avez pas votre mot à dire.

Je ne remets pas en cause leur stratégie commerciale (quoi que…), Apple est une société et comme toute société, son but est de faire du profit. Je ne remets pas non plus en cause leur stratégie de communication, elle fonctionne bien (pour celles et ceux qui travaillent dedans, repensez au SONCAS).

Ce que je remets en cause, c’est ce système fermé ou, au final, l’utilisateur n’est pas maître de ce qu’il achète, n’est pas « propriétaire » et donc, pas libre de faire ce que bon lui semble sur sa machine.

On pourra me répondre que pour ça, il y a le jailbreak. Non. Je trouve anormal d’être obligé de casser des verrous pour pouvoir utiliser son téléphone comme on souhaite. Et je ne parle même pas de l’aspect matériel du produit, fermé lui aussi.

Fin de parenthèse sur Apple, je voulais simplement vous donner un point de vue en plus de 140 caractères.

NB : vous êtes libres de commenter ce billet, mais si je vois que les commentaires virent en Pro vs Anti Apple, ça sera fermeture instantanée. Respectez-vous les uns les autres et partagez votre point de vue dans la joie et la bonne humeur :]