« Hein ? Des pétitions à l’Assemblée nationale ? Au Sénat ? » C’est au détour d’une vidéo et de divers échanges que j’ai constaté la chose suivante : peu de personnes semblent être au courant qu’il est possible de signer ou de déposer une pétition sur les sites de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Pourquoi ? Comment ? Est-ce que c’est utile ? J’espère que la suite de ce billet pourra vous éclairer un peu.
NDLR : je ne fais qu’une présentation du site des pétitions de l’Assemblée nationale, mais l’ensemble de mes propos sont applicables au Sénat (exception faite du règlement de l’Assemblée Nationale, logique…)
Des pétitions ? Pourquoi ? Comment ?
Le site de l’Assemblée nationale permet donc de déposer et signer des pétitions.
Pour rappel, une pétition est une demande ou une suggestion qui doit être écrite et qui, dans le cas qui nous intéresse, est transmise par une ou des personnes au Président de l’Assemblée nationale.
Cette pétition peut suggérer ou demander « à peu près tout et n’importe quoi », comprenez par là que si l’objet de votre pétition est manifestement illicite, votre pétition sera très rapidement jetée à la poubelle, nous y reviendrons…
Cette possibilité de déposer une pétition est codifiée au sein du règlement de l’Assemblée nationale, chapitre VIII, articles 147 à 151 et via l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, bien que cette dernière renvoie au règlement des assemblées pour la présentation des pétitions (art. 4).
Dès lors qu’une pétition est déposée, elle est attribuée à une commission compétente sur le sujet (on ne va pas attribuer une pétition sur la pêche à la commission spécialisée dans les questions relatives au numérique, par exemple). Un rapporteur est nommé au sein de cette commission et sur proposition de ce dernier, la pétition est soit examinée et débattue, soit non retenue.
A noter que les pétitions ont deux objectifs significatifs, définis dans le règlement de l’Assemblée nationale : si la pétition atteint 100 000 signataires, elle est mise en ligne sur le site de l’assemblée, pour plus de visibilité et, si elle atteint plus de 500 000 signataires, elle est débattue dans l’hémicycle de l’assemblée.
Pour le Sénat, si une pétition atteint plus de 100 000 signataires, elle est transmise à la Conférence des Présidents.
Pour l’histoire, tout ceci est relativement récent : à titre d’exemple, les modifications du fonctionnement des pétitions de l’assemblée datent de la résolution n° 281 du 04 juin 2019 qui modifie le fonctionnement de l’Assemblée nationale au global.
Pour déposer ou signer une pétition, il faudra vous authentifier via FranceConnect, ceci afin de certifier que vous êtes bien une vraie personne, de nationalité française ou résidant en France. Les pétitions des deux assemblées ayant un caractère autrement plus formel qu’une pétition sur un « quelconque » site en ligne, on comprendra aisément ce besoin de vérification.
Bonne ou mauvaise idée ?
C’est une question délicate… L’outil utilisé par l’Assemblée nationale et le Sénat est le même, il n’est ni bon, ni mauvais, c’est un outil. Ce sont les pétitions qui vont faire la différence, ainsi, sur le site du Sénat, on pouvait retrouver il y a quelques semaines une pétition pour la désolidarisation des revenus du conjoint pour le paiement de l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH). L’objectif de cette pétition est que lorsque l’on calcule les revenus d’une personne en situation de handicap, on n’intègre plus le calcul des revenus du conjoint, mais Nicole Ferroni en parle bien mieux que moi
Mais… il y aussi les mauvaises idées, comme cette pétition pour rétablir la peine de mort ou encore celle pour armer le corps enseignant, pour qu’il puisse se défendre en cas d’attaque armée. Si cette dernière est désespérante, la première demande tout simplement l’impossible, c’est illégal.
On peut cependant retenir une chose de l’existence de ces deux pétitions : on peut déposer tout et n’importe quoi sur les pétitions.. et, en soi, c’est plutôt une bonne nouvelle.
Une forme de démocratie directe ?
Peut-on voir en cette possibilité de déposer une pétition un moyen d’expression de ses droits et devoirs de citoyen ? Après tout, il m’est possible de déposer une pétition, sur le site des deux institutions françaises, qui pourra être directement prise en charge, débattue, voire conduire à une loi, qui sait…
J’ai tendance à penser que cet outil peut représenter un vecteur d’expression de la démocratie, s’il est vraiment adopté par de nombreuses personnes. Il devient possible de « forcer » l’analyse d’une idée, de communiquer ce qui semble être important, directement aux personnes qui fabriquent la loi. Dans un pays où nous avons le sentiment de ne jamais être écoutés, c’est plutôt une bonne chose.
Est-ce efficace ?
Je n’ai pas la réponse à cette question, ce n’est pas parce qu’une pétition va recueillir 700 000 signatures que ce qu’elle demande sera inscrit dans la loi. Elle sera certes analysée, mais pas plus, elle pourra être balayée d’un revers de la main, balayée lors d’un vote, etc.
En revanche, je sais que les choses ne changent pas lorsqu’on ne fait rien pour les changer, lorsque l’on ne tente pas de le faire.
Si cet outil n’est pas énormément adopté, on restera dans des schémas traditionnels : des outils existent, ces outils sont « monopolisés » par des personnes déjà actives, déjà présentes dans la vie politique, voire chez des extrêmes… et rien ne changera.
Un point positif à noter : la pétition dont je parlais tout à l’heure, sur l’AAH, sera examinée à partir du 09 mars 2021, signe que « le peuple » a la capacité de faire bouger les choses, dès qu’il se motive et se mobilise pour une cause.
J’espère vous avoir fait découvrir quelque chose en présentant succinctement cette plateforme. Si c’est le cas, n’hésitez pas à partager l’article sur vos réseaux, pour diffuser l’information !