Ce billet n’est d’aucune utilité. Du moins, il est de la même utilité que la personne à qui il est destiné, à savoir Pascal Nègre, le président d’Universal Music France. Encore que je préfère Universal en deux mots, c’est sans doute plus proche de la réalité.
Ce billet est de mauvaise foi, au moins autant que M. Nègre, je ne proposerai donc pas d’argumenter et de répondre point par point à la récente déclaration dudit monsieur, accordée à Yahoo! Finance et publiée dans « L’envers de l’éco ».
Ce billet n’est bien évidemment pas à prendre au second degré, au moins sur la forme. Le fond est bien sur vide, plat et sans intérêt, au moins… bref vous avez compris la suite.
Il y a une chose que je déteste particulièrement, c’est terminer une prise de tête sans avoir pu argumenter, alors je profite de ce billet pour le faire.
Petite remise en contexte pour démarrer.
Tout commence avec un titre qui me fait bondir : « Pour Pascal Nègre, « aller pirater, aujourd’hui, il faut vraiment être tordu » », publié sur Numérama, le billet me mène vers une interview d’environ 9 minutes.
Naturellement, après écoute et lecture du billet et de la vidéo de Yahoo!, j’interpelle Pascal Nègre sur le même ton qu’il emploie avec nous, les tordus.
Cette réponse ne semble pas lui plaire et s’en suit un échange de quelques tweets hautement improductifs où ce grand monsieur, au moins par la taille de ses fonctions, n’argumente pas et ne produit aucune réponse constructive.
Bref, du Pascal Nègre. Il est toujours plus simple de ne pas argumenter, surtout avec un très fidèle détracteur mais étrangement, cet homme disparait systématiquement dès lors qu’un argument ne va pas « dans son sens » et, parce que je ne porte pas cet homme en haute estime, je vais tenter de lui tendre une perche pour qu’il avance dans le débat. Perche qu’il ne prendra sans doute pas, pour changer.
Passons au contenu:
Première remarque : « Pour Pascal Nègre, « aller pirater, aujourd’hui, il faut vraiment être tordu » »
A elle seule, cette remarque mérite le mépris, puisqu’elle méprise ceux qui téléchargent en considérant que ces gens sont des « tordus ». D’ailleurs, le début du billet était aussi méprisant que cette remarque afin d’insister sur le côté désagréable de la chose.
Ce n’est pas en considérant les gens comme des tordus, M. Nègre, que vous allez construire quoi que ce soit. Votre industrie finira par mourir si vous ne changez pas au moins de façon de considérer les choses et les personnes. Je suis client, comme beaucoup d’autres ici, merci de ne pas nous considérer comme des tordus.
Vous irez également expliquer à ces « tordus » leur fâcheuse tendance à avoir souvent raison. L’avenir appartient à ceux qui sont tordus, donc.
Pascal Nègre parle ensuite des « plateformes légales et mondiales d’écoute », il parle sans doute de Deezer, Spotify, Youtube & Co.
Si sur le papier, c’est très beau, dans la réalité c’est tristement moche, pour ne pas dire totalement pourri.
Pourquoi ? La réponse est simple : Deezer fonctionnait bien, avant. Avant que les maisons de disques et les ayants droits viennent s’essuyer les pieds sur le site, avant que des titres disparaissent du catalogue, avant que l’argent édicte les règles du site.
Pascal Nègre oublie également un problème de taille : la restriction en fonction de votre adresse IP.
Si vous ne le savez pas, il existe un grand nombre de restrictions qui ne vous donnent pas accès à la même chose en fonction de votre adresse IP. Si elle est anglaise, française, italienne ou allemande, vous aurez plus ou moins de choix, parfois même pas du tout ou quasi rien.
C’est mignon, M. Nègre, de parler de ces magnifiques plateformes légales d’écoute. Il aurait été bon de parler des problèmes liés à ces plateformes, mais ça, ça reviendrait à être réaliste, ce qui n’est manifestement pas votre cas.
Pascal Nègre explique ensuite que plus d’un milliard de terriens se connectent à Youtube. C’est sans préciser à nouveau les très fortes restrictions de ce site, qui peut vous empêcher de voir une vidéo française, en France (morceau : un point c’est toi, artiste : Zazie, vidéo numéro 5). Il ne précise pas non plus que ce site est à la solde des ayants droits, en effet, des accords révèlent que des ayants droits peuvent faire un takedown (la suppression d’un contenu sur Youtube) en invoquant … bah… en le demandant, sans vraies bases. Chez moi, une entreprise privée qui retire elle-même un contenu d’une autre entreprise, c’est de la censure.
En parlant de censure, l’article précédent parle d’Universal, coucou Pascal Nègre.
Le président d’Universal Music France parle ensuite de la diffusion l’ensemble des créations et de leur monétisation. Le problème ici, ce n’est pas la monétisation, c’est la création.
Ce qui suit n’est que mon avis, heureusement d’ailleurs. Je sais qu’il en faut pour tout le monde, que la musique c’est un art, et que chaque personne apprécie l’art différemment, simplement, parler des mêmes arrangements que l’on retrouve dans ces mêmes sons, ce n’est ni de l’art ni de la musique, selon moi.
La musique, M. Nègre, c’est bien plus que du son, j’aime la musique lorsque je la ressens, lorsqu’elle est capable de me transporter, lorsque je sens le travail dans chaque accord ou chaque note de l’artiste.
Ce que vous vendez, généralement, ce n’est pas ça. Vous vendez du son, quelque chose fait pour faire des sous, ce n’est pas de la culture, c’est une industrie du son qui se fait passer pour une nécessité dans la culture. Presque une imposture.
Vous parlez ensuite de monétisation. C’est légitime d’être payé pour ce que l’on produit. Je travaille et à ce titre, j’ai un salaire. Vous aussi.
Trouvez-vous normal qu’un artiste ne touche qu’une infime partie de son travail ? Moi non.
Vous aurez toutes les excuses du monde : qu’il y a les frais, la communication, le merchandising, les intermédiaires, cela ne change rien.
Vous avez, dans votre bataille pour gagner toujours plus, oublié quelque chose : vous n’êtes rien. Sans les artistes, vous n’êtes rien. Vous n’existez pas sans eux, sans leur talent, leur création, voix, notes, riffs de guitare ou autre.
Dans mon monde, un organisme qui vient se greffer sur quelque chose et fait croire qu’il est indispensable, c’est un nuisible, un parasite. Je ne vous décerne pas ce titre, mais vous n’en êtes pas loin. La culture et la musique existent depuis toujours et continueront d’exister, avec ou sans vous.
Vous parlez également d’itunes, et là encore vous parlez donc de quelque chose de très fermé. Je n’ai pas à me plier aux volontés de restriction d’un moyen de diffusion. C’est à la société de s’adapter.
Imaginez un instant une entreprise qui demande à ses clients de s’adapter à son mode de fonctionnement, elle fermera sans nul doute, l’offre ne correspondant pas à la demande.
Pascal Nègre parle ensuite de la riposte graduée, cette chose censée nous faire croire que la Hadopi et bientôt le CSA sont « gentils ». A cette riposte et à cette criminalisation de l’échange non marchand, je répondrai une chose :
Un jour, un grand homme a déclaré la chose suivante (l’auteur de cette citation est un peu plus bas) :
« Le livre comme livre, appartient à l’auteur, mais comme pensée, il appartient – le mot n’est pas trop vaste – au genre humain. Toutes les intelligences y ont droit. Si l’un des deux droits, le droit de l’écrivain et le droit de l’esprit humain, devait être sacrifié, ce serait, certes, le droit de l’écrivain, car l’intérêt public est notre préoccupation unique, et tous, je le déclare doivent passer avant nous. »
Je ne vais sans doute étonner personne, mais je suis pour cette vision-là, moi. Pour la diffusion de l’art, de la Culture, à la condition qu’il s’agisse d’un partage non marchand.
C’est sans doute un tordu qui a déclaré ceci… C’est bien connu, Victor Hugo était un tordu.
Le CSA aura donc pour rôle la prolongation de celui de la presque défunte HADOPI (courage au personnel de cette autorité dans les prochaines démarches d’un futur emploi). Ce rôle est, selon moi : continuer à criminaliser les échanges non marchands. Hugo doit sans doute se retourner dans sa tombe.
Pour terminer, une petite remarque sur un propos de M. Nègre, à propos des différentes taxes à venir, il a déclaré la chose suivante, dans l’interview vidéo, disponible sur Yahoo Finances : « Ils ont mis des taxes là où ils pouvaient les mettre ».
M. Nègre, cette déclaration donne l’impression d’une taxe bancale – elle l’est, qu’on se le dise – et d’une volonté de taxer pour taxer. Si une taxe est placée là où elle peut l’être, c’est, peut-être, qu’on cherche juste à se faire encore plus d’argent, par tous les moyens.
Enfin, monsieur Nègre, je vais tenter une énième fois de vous expliquer quelque chose, je suis très patient, alors s’il faut encore l’expliquer pour que vous compreniez, ça sera avec plaisir.
Tant que l’offre pirate sera plus riche que l’offre légale, le téléchargement existera.
Tant qu’un DVD ou autre contiendra 30 minutes de pub, des avertissements sur le téléchargement illégal (j’ai acheté mon disque, bordel), alors ça ne fonctionnera pas parce que ça énerve tout le monde.
Tant qu’un e-book coutera aussi cher et même parfois plus cher qu’un livre « matériel », le piratage continuera.
Tant qu’un album coutera presque autant en version numérique qu’en version physique, le piratage continuera.
De façon générale, tant que vous et votre industrie mourante ne serez pas capables de proposer quelque chose au moins égal – si ce n’est mieux – à l’offre pirate, vous échouerez.
Ce n’est pas moi qui le dit mais la plupart des experts en la matière. Non, ce n’est pas moi, moi je n’ai pas d’arguments et je suis de mauvaise foi, n’est-ce pas.
L’industrie de l’anime a du faire face au piratage et figurez-vous que le piratage a des effets positifs sur la qualité des animes. (merci @jokerozen pour l’information) C’est l’évolution, adaptez-vous, ou disparaissez.
Ah oui, pour terminer, M. Nègre, on ne dit pas « des artistes taiwainiens » (passage à 5 :24), mais des artistes taiwanais, bisous.
Voilà, fin de l’explication. Si vous partagez mon avis, c’est que vous êtes des tordus, faites-le savoir à M. Nègre.
Signé un tordu qui, dans une semaine, va voir en concert une artiste qu’il adore et dont il n’a pas pu trouver l’album légalement sans galérer. Bisous.
Moi j’ai une technique de tordu qui consiste à stocker mes fichiers musicaux sur un NAS et a y accéder depuis rhythmbox en pilotant le tout avec ma télécommande.
Malheureusement aucune plateforme « légale » centralisée à la Deezer, Spotify, Youtube & Co ne me permet de récupérer simplement et proprement ces fichiers musicaux pour une écoute hors-ligne sur le support de mon choix.
Signé : un autre tordu de mauvaise foi.
Forcement d’accord.
http://www.youtube.com/watch?v=-yF1cnmfBJg
J’ai encore mieux : Universal et Sony qui détiennent des droits imaginaires sur une parodie de Gangnam style : http://blog.goufastyle.org/article/2013/02/18/youtube-et-la-gestion-du-copyright-madness
Et puis tant qu’ils n’auront pas compris que tout ce qui est audio-visuel est voué au piratage de par le fait qu’une caméra achetée chez Darty peut capturer le son et l’image de n’importe quel film protégé, qu’on peut lever des restriction de pays en deux clics,…
je dirais juste : c’est du Pascal Nègre. Il me fait bien rire avec ses phrases ridicules mais je ne le prends pas au sérieux et il n’est pas quelqu’un de crédible.