Avant toute chose, petit passage trollesque : je ne suis pas payé pour rédiger ce billet, je ne suis pas non plus influencé et je suis en parfaite santé.
Une fois n’est pas coutume, je vais parler de l’Hadopi (enfin, ça c’est habituel) en bien (ça, ça l’est déjà moins).
Attention, ca n’est pas parce que je vais parler de l’Hadopi en bien que je suis pour, ne vous méprenez pas, tant qu’elle ressemblera à ce qu’elle est au jour d’aujourd’hui, je continuerais d’hurler dessus… Mais en attendant, des choses changent dans la stratégie de communication et dans les idées qui animent la haute autorité et je dois vous avouer que j’en suis ravi.
Juste avant d’aborder la raison de ce billet, dernier petit point. Il concerne ma conception des choses sur le téléchargement :
Sharing is Caring. Comprenez par là qu’Internet permet le partage. La diffusion de la culture n’a jamais été aussi facile, rapide et aussi efficace que depuis Internet. Néanmoins, j’aimerais que tous ensemble, on arrive à trouver une solution afin de pouvoir enfin financer les artistes (pas les majors) et le monde de la culture, sans pour autant appliquer une politique stricte de répression sur le partage de données sous droit d’auteur sur Internet. Une sorte de deal gagnant-gagnant. Que chacun y trouve son compte, l’utilisateur final, comme l’intermédiaire qui aide, comme l’artiste. Ca, ce serait une vraie révolution et, si c’est l’Hadopi qui trouve ce système, alors soit.
Oui, c’est moi qui dit ça, au risque d’en choquer quelques uns, je ne suis pas un vil pirate violeur de petit chats et tout ce tas de conneries qu’on a l’habitude de lire. Oui, je télécharge, parce que c’est dans ma philosophie et qu’accessoirement, si j’avais dû payer tout ce que j’ai, bien…j’aurais acheté des trucs que j’ai ensuite détesté et je n’aurais jamais eu assez d’argent. Bref. Revenons au point central de ce billet : Hadopi.
Depuis environ 2-3 semaines, j’observe un changement dans la stratégie de communication de la haute autorité, changement dans certains avis, certaines réflexions et prises de positions. La haute autorité a déclaré, assez fermement, qu’elle n’utilisera pas et ne demandera pas l’utilisation du DPI, elle s’est opposée au filtrage. A la différence notable du CSA qui adopte une ligne bien différente et bien plus stricte (DPI, filtrage, blocage, renforcement de la loi).
L’Hadopi semble avoir compris quelque chose : Internet n’est pas « si facile » que ça. Je n’aurais jamais cru le dire un jour, mais il faut le reconnaitre : je suis agréablement surpris de ce qu’il se passe. Les réflexions sont construites et factuelles, ça réfléchit dans les locaux de la haute autorité et pas qu’un peu. Ca cherche à comprendre comment tout ce micmac fonctionne, tout en essayant de respecter la vie privée des utilisateurs (refus du DPI) et surtout, SURTOUT, ça discute et ça débat.
Je n’ai pas la prétention d’être expert ou d’en connaitre plus qu’un tel ou un tel, mais je pense pouvoir affirmer que j’ai des connaissances, que j’ai une âme de libriste et qu’avant, personne ne « nous » écoutait. Nos arguments étaient rejetés sans débat, sans rien…
Depuis quelques temps donc, j’ai l’impression que cette tendance s’inverse, que nous sommes enfin pris en compte, enfin écoutés, que nos avis pèsent dans la balance et ceci même au sein de l’Hadopi.
L’élément qui m’a définitivement convaincu de cette impression, ce sont les Labs. La Haute Autorité dispose en effet de groupes de travail qui bossent sur plein de sujets, et depuis quelques semaines maintenant, ils m’étonnent (pas les sujets hein, les labs !)
C’est un ensemble de petites choses – principalement constatées sur Twitter – qui me font dire que ça change : des réponses sur des sujets techniques, des « RT » (lorsque l’on relaye un tweet), des communications, des citations diverses et variées, etc.
Aujourd’hui, les Labs ont sorti « une base de travail pour un livre vert sur les techniques de filtrage d’Internet» [http://labs.hadopi.fr/wikis/
NB : et ils savent également transmettre ces connaissances pour des personnes qui ne sont pas du milieu de l’informatique, c’est à souligner. La différence entre savoir et être capable de transmettre étant énorme.
Ca peut sembler bête, mais c’est un élément important pour moi. Les labs sont bien plus réactifs que l’instance de l’Etat, ils bougent donc plus vite et si la direction de la HADOPI est commune à celle des Labs (ce qui semble plutôt logique) et qu’ils maintiennent le cap dans ce sens….ben…..
…ca pourrait donner quelque chose d’assez joli. Je ne sais pas qui est (sont ?) tous les gens derrière les Labs ni qui est celui (celle ?) derrière le compte Twitter, mais continuez dans ce sens et on pourra tous bosser ensemble J
Trolleurs, beware, je ne donne pas à manger.
Ps : Mes salutations à Mr E. Walter qui m’a bloqué sur Twitter (j’imagine qu’il n’a pas apprécié le troll massif, mais je le vis bien 😉 )
Pour le vivre dedans depuis début 2011, ça fait bien plus que « quelques semaines » que ça dure. Par contre, ça ne fait effectivement que quelques semaines que les media mainstream en parlent 🙂
Merci pour les compliments sur la base de travail, on s’est un peu donné du mal 🙂
C’est vrai, en effet, pour avoir suivi les débats et les CR des labs, le fait qu’ils se cassent la tête ne date pas d’hier 🙂 et, comme tu le soulignes, c’est plus le fait côté comm’ qui progresse à vitesse grand V depuis quelques semaines 🙂
Je suis d’accord sur une partie de ton papier: les gens des labs semblent produire des résultats intéressants.
Ce sur quoi je ne suis pas d’accord:
1. C’est très loin d’être la première fois. Par exemple les travaux de l’ARCEP, quel que soit le sujet, ont toujours été très fouillés, et à l’opposé de la caricature que donnent nos ministres et nos députés. Donc des autorités publiques qui travaillent pour comprendre comment tout ça marche, c’est louable, mais pas nouveau.
On pourra déplorer que le travail de réflexion arrive 4 ans après le travail de sanction. Mais les gens vont encore dire que je suis méchant…
2. La HADOPI effectue ce travail à peu près sans mandats ni titres. En gros, personne ne lui a rien demandé. Quand des députés font un rapport intelligent sur le sujet « Internet », personne ne les écoute, y compris alors qu’on leur demande de voter des lois sur le sujet. Crois-tu que les écrits des labs puissent avoir un meilleur avenir ?
Par ailleurs, les documents produits par les labs n’engagent personne. Ni la HADOPI (qui n’a pas le pouvoir de se réformer), ni le gouvernement, ni la justice, ni même les participants des labs.
Par contre, l’effet de communication est immédiat: une partie des opposants à la HADOPI est occupée à bosser dans les labs (et est donc devenue inaudible), et une autre partie se calme, constatant que les écrits produits par les labs sont intelligents, et grogne moins. Au final, la situation n’a pas changé d’une virgule, rien n’a progressé nulle part, mais les opposants sont moins virulents. Joli somnifère, non?
3. La part du budget de la HADOPI consacrée aux labs est marginale. La grande majorité de l’action est de surveiller les affreux téléchargeurs et de chercher à leur faire peur.
Si tu te réjouis de la qualité du travail des labs, tant mieux. Mais n’oublie pas de rester mécontent des 95% qui restent 🙂
4. Les prises de position de la HADOPI sur le DPI et sur la neutralité du net sont effectivement intéressantes. Mais d’un autre côté, en termes de communication, il aurait été catastrophique de prendre des positions inverses (pour le coup, ça aurait dopé les opposants).
Par ailleurs, la question du DPI est posée sans qu’on demande son avis à la HADOPI. Les opérateurs y travaillent (coucou Orange), le gouvernement y travaille (Guéant contre Copwatch, c’est dans cette stratégie-là). Sur ce terrain-là, la HADOPI a pris une position intelligente, qui n’est suivie par personne dans les pouvoirs publics.
Crois-tu que le fruit du travail des labs aura un sort plus réjouissant ?
Au final, on a donc un travail de bonne qualité, mais inutile, et dont le seul effet notable est de réduire les protestations sur le reste des activités de la HADOPI.
5. Un point positif cependant, à porter au crédit des labs, et que tu ne cites pas: ça permet à des mondes qui se faisaient la guerre de se parler. Je ne suis pas certain qu’il en sorte une solution positive, mais je suis certain que sans se parler, on n’ira nulle part.
Cependant, le simple fait de se parler peut mener à 40 ans de stagnation, on a des exemples.
Je rejoins ton point de vue sur le 1°, c’est loin d’être la première fois qu’une instance publique travaille sérieusement sur tout ceci, le fait que je souhaitais présenter ici était plus le « changement de cap » (et encore, au sein des labs, ça n’est pas un changement, juste l’impression que cela transpire plus dans les medias mainstream qu’avant).
Sur les points 2° – 3° et 4°, je suis aussi optimiste que toi : des textes, propositions, projets (et j’en passe) sont de très bonne qualité (exemple de certaines propositions de l’UMP sur l’agenda du numérique)… pour autant toutes ces propositions et les personnes derrière ne sont pas écoutées (on les laisse parler pour les calmer, sans réellement les écouter après).
Remarque spéciale sur le point N°2 : pour le somnifère, c’est le risque (et en partie ce qui est en train de se produire chez certains, qui « baissent leur garde »). Je pense pouvoir dire que je ne suis pas de ceux là, s’il faut mordre ou aller au clash (encore), j’irais.
Mention spéciale pour les 95% restants : j’aurais plutôt dit 99% (et hors de question de les oublier).
4°: en effet, j’imagine mal les labs (et donc, dans la tête des gens, la HADOPI et l’Etat) se déclarer pour une arme technologique, à moins de vouloir se tirer une roquette dans le pied.
Tu marques un point sur le DPI, les opérateurs travaillent sur leur copie (et observant ceci en partie de l’intérieur, c’est pas joli joli). La récente affaire Copwatch devrait tous nous alarmer sur ce qui va se produire (sur le DPI, je suis assez fataliste…je crois que l’on aura beau hurler encore et encore, personne ne voudra nous écouter).
Au final, je suis d’accord sur l’ensemble de ton commentaire, y compris sur le point 5 (dans son ensemble): si on ne communique pas, on n’ira nulle part. La crainte que j’ai ici est un peu la tienne : je ne suis pas certain qu’on aille quelque part en communiquant (ou que ce qui en ressorte soit positif pour tout le monde tant l’incompatibilité entre les deux (HADOPI Vs. Anti) est importante).
Wait & see? (même si j’émets d’énormes réserves sur le see)