Liberté. Egalité. Partage.

Lors du précédent billet, j’ai reçu quelques mails et des commentaires qui me remontaient la même chose : « c’est bien mignon la Neutralité du Net  mais je ne vois pas en quoi je suis concerné ».

C’est la raison de ce billet, nous allons tenter de découvrir la Neutralité du Net sous un angle différent, peut-être plus parlant. Je vous laisse le soin de me dire si cet article est plus explicite que les précédents.

Résumons donc ce concept en trois points : Liberté. Egalité. Partage.

Petit complément d’information : ces points se rapprochent des valeurs de la République, ce n’est pas volontaire. Il faut vous détacher des valeurs françaises, Internet n’est pas un produit national. Vous devez simplement y voir trois choses qui vont être présentées.

Vous vous demandez sans doute ce que ces trois valeurs font ici ?

La réponse est simple : elles parlent de vous sur la toile, elles vous représentent sans que vous en ayez forcément conscience. Sans ces trois valeurs, Internet n’existerait pas. Du moins pas sous son actuelle forme.

Passons donc aux explications, si le voulez bien.

Liberté.

Pourquoi parler « liberté » dans la Neutralité du net ? Parce qu’elle fait entièrement partie des enjeux de cette dernière.

Par liberté, on entend la liberté d’utiliser n’importe quel outil qui fonctionne sur Internet, ce dernier ne se limite pas aux fenêtres de votre navigateur préféré. Ça c’est du web.

La liberté, c’est aussi le fait d’utiliser n’importe quel port pour accéder à un ensemble de services qui utilisent ces ports.

C’est garantir que votre opérateur ne filtre pas le port « x » ou « y » parce que ça le gène que vous l’utilisiez ou parce qu’il peut se faire encore plus d’argent en le filtrant puis en vous donnant l’accès à ce port via une option payante.

Vous ne vous sentez pas concerné(e)s ? Pas de problèmes, voici la version plus explicite :

Vous utilisez Skype ? Pidgin ? Steam ? Un logiciel qui se connecte à Internet ?

Pour se connecter et communiquer sur la toile, ce logiciel doit emprunter un chemin, dialoguer d’une certaine façon, via un port.

Sans neutralité du net, quel est le risque ?

Votre opérateur décide de bloquer Steam ou Skype et vous offre une option à 5 ou 10€ par mois pour pouvoir utiliser le jeu que vous avez acheté.

Après tout, pourquoi ne pas le faire puisque ce n’est pas interdit. On peut aller plus loin, il vous donne accès à ces ports et donc, à ces logiciels, mais vous offre un service dégradé et non fonctionnel sauf si vous avez l’option, nous allons d’ailleurs y revenir.

La liberté, c’est aussi le fait d’avoir accès à Youtube, Facebook et à n’importe quel site, qu’il capte ou non une partie importante du trafic sur Internet.

Je vais faire encore plus explicite : un jour, votre opérateur décidera de sortir des offres « partitionnées » avec un accès Internet sans Youtube et Facebook, sans moyen de partager des données, juste aller sur ses mails, aller voir deux trois journaux et tant qu’à faire, ceux chez qui votre opérateur a des actions.

Le reste ? Bah, payez, ou allez-vous faire voir.

Imaginons donc une offre Internet (30€) avec un accès Skype (5€) puis Youtube (5€) et ainsi de suite… Je vous laisse faire le total ?

Si cela n’existe pas encore, ça arrivera… et ce n’est pas une éventualité.

Pour s’en convaincre, il suffit d’observer le cas de l’opérateur Free avec Youtube où pour des raisons commerciales, les abonnés sont pénalisés. Il est également possible d’analyser le service de Replay de Free, gratuit mais payant. Ce service est fourni mais sans l’option « pass prioritaire », il est tout simplement inutilisable.

L’autre cas intéressant est la fuite d’un « document de travail » des FAI, qui présente des offres segmentées.

Ça signifie que pour avoir la même offre Internet que celle que vous avez aujourd’hui, vous devrez passer à la caisse deux fois plus. Je ne peux pas faire plus explicite.

La réflexion existe également en Europe, la commissaire au numérique Neelie Kroes publiait d’ailleurs il y a peu une tribune sur le sujet, elle ne voyait pas d’objections à ce qu’Internet soit découpé et vendu en morceaux aux clients finaux (donc, à vous). Moi ça m’a dérangé.

Je ne parle pas des moyens mis en place pour atteindre cet objectif, certains peuvent vous faire froid dans le dos.

Égalité

Internet a quelque chose de particulier : nous sommes tous égaux. Que l’on soit client de l’opérateur x ou y, en France ou même en Chine, Internet reste Internet et nous ne restons qu’une ou plusieurs adresses IP à un instant T.

Je tiens à préciser que la Chine dispose de son propre Internet, différent. Ce n’est donc pas Internet puisqu’il n’est pas le même qu’ailleurs. Je faisais référence à celles et ceux qui contournent le système de censure chinois et qui tombent bien sur le même Internet que moi. Mais passons, égalité donc.

Nous avons le même accès à Internet. Demain, cela ne sera pas garanti, les plus pauvres auront un accès Internet tout pourri, les plus riches auront un Internet tout court.

Cela crée une inégalité d’accès alors qu’Internet devient un outil démocratique et occupe une place de plus en plus importante dans nos vies respectives.

Imaginez donc un accès « Internet », pour 30€, avec un accès limité à Facebook, Youtube et l’ensemble des sites communautaires. Aussi discutables puissent-t-être ces sites, ce n’est plus Internet.

Si votre opérateur vous redirige sur une page pour payer à la place du vrai site, il vous ment. Un serveur appelé DNS se chargera de vous rediriger vers la mauvaise page et votre opérateur peut très bien le faire pour d’autres sites ou faire évoluer son offre en transformant des services gratuits en option payantes.

Partage

Vous l’avez compris, cette suppression de liberté et cette rupture de l’égalité entrainent un problème de partage de ressources et de connaissances.

Imaginons l’espace d’un instant que nous sommes dans ce système-là.

  • Vous ne pouvez pas visualiser une vidéo Youtube et vous ne pouvez pas en publier
  • Vous ne pouvez pas répondre à vos amis sur Facebook ou alors vous vous sentez bien seuls car les ¾ de vos contacts n’ont plus accès au site car ils n’ont plus les moyens.
  • Vous cherchez une information sur Internet ? Pas de bol elle est sur un site qui ne fait pas partie de votre offre.
  • Vous cherchez une autre information ? Dommage, les communautés se sont appauvries car les utilisateurs n’ont plus les moyens de publier, Internet est devenu un bien de luxe alors qu’il était un outil démocratique.
  • Votre offre évolue, Steam devient une option. 5€ pour l’option de base qui vous autorise à jouer pendant 10 heures, 15€ pour de l’illimité.
  • Vous contournez ces protections pour avoir Internet – je veux dire, un vrai Internet – et votre opérateur s’en rend compte, il rend alors l’option VPN payante, 15€ par mois.

Bref, moins de partage, moins de personnes, Internet devient une chose banale et les gens s’en détournent parce que 50% des personnes ne sont plus en mesure d’avoir Internet.

A nouveau, je peux comprendre que tout ceci semble gros, c’est pourtant ce qui se dessine peu à peu. Nous faisons rarement fausse route et les évènements passés nous donnent raison : tout ce que nous avons abordé et pointé du doigt s’est avéré vrai par la suite, « Internet » n’échappera sans doute pas à la règle…

… à moins que l’on se réveille, qu’on se bouge les fesses et que l’on s’oppose à ce genre de pratiques.

Comment ?

Bien, la première des choses, c’est d’en parler, de faire circuler l’information. La seconde, c’est de prévenir vos députés, les eurodéputés, de vous exprimer car vous en avez encore la capacité…

…Encore faut-il le faire et le vouloir.

Si vous ne vous sentez pas concerné(e)s, vous pouvez reprendre une vie normale et lorsque cela arrivera, il ne faudra pas crier au scandale, vous étiez prévenu(e)s.

NDLR : les prix donnés ici ne sont donnés que pour l’exemple, ils me semblent coller aux prix du marché actuel mais c’est juste pour la démonstration.

Bon, @fleurpellerin, on parle DPI ?

Hier, mardi 15 janvier, Mme Fleur Pellerin organisait une table ronde autour de la Neutralité du net.

Cette table ronde était composée de différents acteurs du marché de la fourniture d’accès à Internet et, fait notable, Madame la « Ministre déléguée aux PME, à l’Innovation et à l’Économie numérique » n’était pas présente à cette table ronde mais à quand même fait le déplacement pour conclure la concertation.

Faut-il peut-être comprendre que la conclusion était déjà toute faite pour elle ? Qu’elle a organisé tout ceci dans l’unique but de bouger les bras et de faire du vent, histoire de dire que le gouvernement du président Hollande avance et travaille.

Si beaucoup de personnes attendaient au moins un signe ou une avancée sur le respect de la neutralité du net, rien n’est ressorti de cette table ronde. La Quadrature du net pose d’ailleurs une excellente question : à quoi sert Fleur Pellerin ?

Dans l’état, selon moi, elle sert à faire… du vent. Il faut lui accorder qu’on progresse, avant nous savions que tout était déjà joué d’avance. Là, nous pensions que, peut-être, par une opération du saint esprit, quelque chose allait bouger…

Non, je plaisante.

Passons donc sur cette table ronde ou Fleur Pellerin était, si vous me permettez l’expression, au ras des pâquerettes.

Je relève toute de même une question importante, même si la ministre a renvoyé la question ailleurs. La question concerne le DPI, certaines atteintes à la neutralité du net étant causées par des armes technologiques françaises. Nous pouvons par exemple citer Bull ou Amesys, responsables de la vente de DPI dans des pays en « démocratie à géométrie variable » comme la Libye, la Syrie ou encore le Maroc actuellement.

Fleur Pellerin a déclaré, en réponse : « Nous avons eu plusieurs réunions pour établir des positions intergouvernementales sur ce sujet. Plusieurs entreprises françaises sont leaders sur ces technologies. J’ai tendance à croire que la technologie peut-être neutre jusqu’à un certain point ensuite c’est l’usage qui fait l’objet de jugements moraux ou politique »

Fleur Pellerin part donc du principe que le DPI est neutre. Est-ce vrai ?

Si on part du principe que le DPI est un ensemble de machines, de logiciels, capables d’observer des données en profondeur alors oui. Oui car ce n’est pas la technologie qui va poser problème, mais la personne ou le groupe de personne qui va piloter la machine derrière, le groupe de personne pouvant être une société privée ou un gouvernement.

Le DPI peut avoir des usages bons, comme éviter la congestion réseau par exemple. Pour vulgariser, lorsque les tuyaux sont bouchés et que l’information circule mal, un DPI peut aider…

Mais le DPI peut avoir de très mauvaises utilisations si une personne mal intentionnée est derrière. Par exemple – exemple choisi parfaitement au hasard – une société peut vendre du DPI au motif de traquer des pédophiles alors qu’en réalité, la technologie permettra de traquer des opposants politiques à une dictature, de les espionner et de les retrouver … Dans ce cas-là, le DPI ne tue pas, mais il facilite le travail de ceux qui vont presser la détente derrière.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) et la Ligue des Droits de l’Homme ont réussi à faire ouvrir une enquête et potentiellement un procès, à l’encontre de la société Amesys, pour complicité d’actes de torture.

Ce n’est sans doute pas pour rien que la cour d’appel de Paris a donné son feu vert pour la poursuite de l’instruction à l’encontre d’Amesys.

Alors non Madame Pellerin, le DPI ce n’est pas aussi simple qu’une technologie « neutre jusqu’à un certain point ». Il serait bon qu’un jour, quand le gouvernement aura le temps, il légifère afin que le DPI soit reconnu comme une potentielle arme militaire et que sa vente soit très strictement encadrée, comme le demande cette question.

J’oubliais, le gouvernement est trop occupé à  taper sur Notre Dame des Landes et à envoyer des soldats au Mali. Le DPI, c’est rien, on verra plus tard.

Plus sérieusement, énormément de questions peuvent se poser autour du DPI. La France vend des systèmes de surveillance et, plus largement, est bonne exportatrice de systèmes d’écoute, d’espionnage …

Cela joue donc dans la balance de l’économie française et, je pense que cela représente une partie non négligeable. Pour autant, il faut voir le DPI dans sa globalité, et c’est là que c’est loin d’être simple, d’où l’importance de légiférer.

Madame Pellerin, je suis ouvert à toute discussion, toute réponse argumentée, pour savoir si vous comptez faire quelque chose dans ce cas. En cas de non réponse, je conclurai que vous êtes d’accord avec ce qu’il peut se passer, comme on dit ici « qui ne dit mot consent ».

Apple, ou l’histoire d’un seul mec qui décide ?

J’ai prévu de ne pas trop troller sur la firme à la pomme, surtout depuis le dernier I-bidule. Ce billet n’est donc pas là pour ça, même s’il va surement en donner l’impression. J’ai juste envie de partager mon point de vue (c’est la journée).

On me considère comme hacker, je préfère dire que j’en suis loin et que j’aime bien bidouiller. Je suis également amoureux du libre et de tout ce qu’il peut nous apporter mais il y a une notion qui compte plus que tout pour moi : être propriétaire de ce que je possède, être libre de faire ce que je veux, de démonter, remonter, modifier … ce dans quoi j’ai investi.

Je sais que mes meubles sont à moi car j’ai payé pour les avoir, je sais que mon ordinateur aussi car je l’ai payé, monté et que j’ai installé un système d’exploitation dessus, libre de surcroit.

Il en est de même pour mon téléphone portable : je l’ai acheté, je l’ai configuré et j’en fais maintenant ce que je veux avec.

J’ai préféré un Nexus S car il n’est pas simlocké et qu’il n’existe pas de surcouche opérateur dessus, c’est pour dire.

Pourquoi je vous raconte tout ceci ?

Parce qu’Apple, c’est tout l’inverse.

J’ai beau essayer de comprendre, quelque chose cloche : Apple ne vend pas un « vrai téléphone. »

Bien évidemment, leurs équipements permettent de téléphoner, de jouer à Angry Birds ou whatever, de s’envoyer des messages comme n’importe quel autre téléphone et, si on en reste à la définition même d’un téléphone, alors l’Iphone est un téléphone.

Mais si je pousse ma réflexion un peu plus loin, éventuellement jusqu’à l’absurde, un Iphone n’est ni plus ni moins qu’un terminal qui vous relie directement à Apple.

Comme je vous le disais avant, j’aime être propriétaire de mon équipement, j’aime pouvoir le bidouiller, l’améliorer, voir comment il fonctionne et je veux être libre de faire absolument tout ce que je veux avec.

L’Iphone ne permet pas tout ceci.

Je vous vois arriver, fanboys :

« Bien sûr que si, on peut faire ce qu’on veut avec, et bien plus qu’avec n’importe quel autre téléphone. »
« Encore un fichu de libriste qui nous dit qu’Apple c’est le mal. »
« C’est parce que tu n’en as pas que tu dis ça, tu te contentes de la médiocrité, c’est ton choix. »

Je ne vous force pas à me croire, mais j’aimerai que l’on réfléchisse à la définition même du mot propriétaire.

Si j’ai envie d’installer une application tierce, je peux le faire. Au même titre que je peux installer une application porno, changer le dialer de mon téléphone, changer le clavier virtuel pour le passer en klingon, installer une application pour chiffrer les SMS …

Je précise qu’il existe une application pour le chiffrement des messages sur Iphone, Black Message, mais selon ses propres utilisateurs, elle n’est pas terrible et pas vraiment fonctionnelle. Je ne sais pas si elle est open-source et donc, je ne connais pas son code, je ne sais pas s’il est sûr ou non, rien ne me garantit que mes messages ne sont pas envoyés en clair quelque part.

Au final, qu’est-ce qu’Apple selon moi ?

Apple, c’est un mec, quelque part, qui décide de ce que vous avez le droit de faire ou non. Vous voulez du porno ? Non, Apple ne veut pas. Vous avez une application et Apple ne l’aime plus ? Pas de soucis, on la retire, c’est tout, vous n’avez pas votre mot à dire.

Je ne remets pas en cause leur stratégie commerciale (quoi que…), Apple est une société et comme toute société, son but est de faire du profit. Je ne remets pas non plus en cause leur stratégie de communication, elle fonctionne bien (pour celles et ceux qui travaillent dedans, repensez au SONCAS).

Ce que je remets en cause, c’est ce système fermé ou, au final, l’utilisateur n’est pas maître de ce qu’il achète, n’est pas « propriétaire » et donc, pas libre de faire ce que bon lui semble sur sa machine.

On pourra me répondre que pour ça, il y a le jailbreak. Non. Je trouve anormal d’être obligé de casser des verrous pour pouvoir utiliser son téléphone comme on souhaite. Et je ne parle même pas de l’aspect matériel du produit, fermé lui aussi.

Fin de parenthèse sur Apple, je voulais simplement vous donner un point de vue en plus de 140 caractères.

NB : vous êtes libres de commenter ce billet, mais si je vois que les commentaires virent en Pro vs Anti Apple, ça sera fermeture instantanée. Respectez-vous les uns les autres et partagez votre point de vue dans la joie et la bonne humeur :]