Autoblog de Global Voices (fr)

Ce site n'est pas le site officiel de Global Voices
C'est un blog automatisé qui réplique les articles de fr.globalvoicesonline.org

Dans l’ombre de la loi : le déclin furtive de l’environnement médiatique en Corée du Sud

Wed, 13 Dec 2023 15:44:28 +0000 - (source)

Le gouvernement est accusé d’employer des tactiques qui créent un effet dissuasif ​

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

President Yoon Suk Yeol and first lady Kim Keon Hee stand in front of the official Korean airplane

Le Président Yoon Suk Yeol et la Première dame Kim Keon Hee font leurs adieux avant leur départ vers le Royaume-Uni le 18 septembre 2022. Base aérienne de Séoul, Seongnam-si, Gyeonggi-do. Image de JEON HAN de la page Flickr du KOCIS. (CC BY-NC-SA 2.0 DEED).

Vous avez peut-être déjà entendu la métaphore de la grenouille bouillante. Le conte suggère qu'une grenouille dans une casserole d'eau chauffée lentement ne percevra pas le danger immédiat et finira par être bouillie vivante. Bien que cela ait été démystifié comme étant davantage un mythe qu’un fait scientifique, la métaphore reste puissante.

La Corée du Sud est reconnue comme un pays puissant sur les plans économique, politique et technologique. Les indices internationaux reflètent généralement cela, affichant des classements stables et cohérents, sans fluctuations significatives. Cependant, cet article vise à mettre en évidence la récente régression du pays dans l’environnement des médias et de la liberté d’expression, un courant sous-jacent inquiétant qui n’est pas entièrement raconté dans les analyses mondiales.

Le gouvernement conservateur actuel, entré en fonction en mai 2022, a été accusé d’avoir recours à des stratégies ayant un effet dissuasif sur la liberté d’expression. Parmi la principale de ces accusations concerne les représailles à l'encontre des journalistes et des organes de presse qui critiquent le président Yoon Suk Yeol, la Première dame Kim Keon Hee et leurs ministres sous prétexte de diffuser de fausses nouvelles. Les rapports incluent des cas où des journalistes dissidents ont été interdits de points de presse et soumis à des enquêtes pour diffamation et ingérence électorale sur la base de leur couverture des malversations présumées de Yoon et Kim. Certaines situations ont même dégénéré en perquisitions au domicile et dans les bureaux des journalistes.

Les procureurs perquisitionnent Newstapa et JTBC pour des allégations de fausses interviews https://t.co/9ZhShu6XQr

— Yonhap News Agency (@YonhapNews) 14 septembre 2023

Cette approche de représailles a été connue d'avance en janvier 2022 lorsqu'une conversation téléphonique en fuite pendant la campagne présidentielle a montré que Kim menaçait d'incarcérer tous les journalistes opposés à son mari s'il était élu.

De plus, le président Yoon a publié un nombre sans précédent de décrets d'application, dépassant ainsi ses prédécesseurs dans la durée de leurs mandats. Dans le cadre législatif sud-coréen, alors que la constitution est la loi suprême et que les lois adoptées par l’Assemblée nationale incarnent des valeurs constitutionnelles, la législation administrative comme les décrets présidentiels sont des instruments exécutifs conçus pour rendre ces lois opérationnelles. Ces décrets, qui ne doivent pas entrer en conflit avec les lois supérieures, ont compétence sur toutes les affaires administratives. L’utilisation par Yoon de ces décrets lui a souvent permis de nommer des alliés à des postes influents, contournant ainsi l’exigence d’approbation de l’Assemblée. Le décret le plus récent, promulgué en octobre 2023, restreint les marches t rassemblements à proximité des bureaux présidentiels.

Les nominations controversées du gouvernement incluent Lee Dong-gwan à la tête de l'organisme de surveillance de l'audiovisuel d'État, la Commission coréenne des communications (KCC), et Park Min à la tête de la chaîne nationale financée par le gouvernement, le Korean Broadcasting System (KBS). Les deux personnes nommées ont promis d'éradiquer les « préjugés idéologiques ». Parallèlement, l'administration a intensifié sa rhétorique contre les « fausses nouvelles », une démarche qui est devenue encore plus sentie avec les prochaines élections législatives en avril 2024.

Le chef du Parti du Pouvoir du Peuple, dont le président Yoon est membre, a condamné certains médias libéraux, en affirmant que leurs reportages biaisés portent atteinte à la démocratie nationale et équivaut à une haute trahison et passible d'une peine de mort. Dans sa quête d’être arbitre de la vérité, le gouvernement envisage à gérer les narrations publiques, notamment en ce qui concerne sa gestion des catastrophes, tant naturelles qu’anthropiques. Parmi les incidents remarquables figurent l'écrasement tragique de la foule à Itaewon à Séoul, lors des festivités d'Halloween de 2022, qui a fait au moins 159 morts et 196 blessés, ainsi que les mesures inadéquates aux inondations de juillet 2023 à Osong et Yecheon, qui ont fait d'importantes victimes et la mort du caporal Marine. Les familles des victimes ont poursuivi inlassablement leur quête de responsabilisation, mais sans grand succès.

Les efforts narratifs du gouvernement s’étendent aux perspectives historiques. La position de l’administration Yoon reflète un changement significatif par rapport aux commémorations traditionnelles. La récente dépréciation de Hong Beom-do, un célèbre héros anticolonial qui a lutté contre l'occupation japonaise dans les années 1920, parallèlement à la glorification de Syngman Rhee, le premier président du pays connu pour sa politique anticommuniste stricte, indique une évolution vers un discours qui correspond plus étroitement aux intérêts américains et japonais. Cette réécriture de l’histoire marginalise non seulement l’héritage de la résistance contre l’occupation japonaise, mais semble également refondre stratégiquement le passé du pays pour faciliter les alliances géopolitiques contemporaines.

L'administration Yoon, ainsi que le Parti du Pouvoir du Peuple, ont également été critiqués pour avoir encouragé la misogynie et les discours de haine, en intégrant prétendument une telle rhétorique dans leurs campagnes électorales, leur engagement sur les réseaux sociaux et leur élaboration de politiques. La récente montée du sentiment antiféministe a conduit à des pertes d’emploi pour les femmes et même à des agressions physiques. Parallèlement, le Président Yoon a suscité des controverses avec ses propositions d'abolir le ministère de l'Égalité des Sexes et de la Famille et de diminuer la protection du travail, en particulier pour les travailleurs immigrés. De plus, le président et son épouse se seraient associés à des YouTubers d'extrême droite, leur offrant des invitations à l'investiture présidentielle, leur envoyant des cadeaux de Noël et les nommant même à des postes gouvernementaux.

En réfléchissant à la grenouille proverbiale – et à un adage coréen similaire selon lequel on ne peut pas remarquer une bruine avant d’être trempé – chacun de ces changements politiques à lui seul ne semble pas être une menace immédiate, et aucun n’est ouvertement illégal ou autoritaire. Pourtant, leurs effets cumulés entraînent des inquiétudes quant à la stabilité démocratique du pays. À l’approche des élections nationales, le renforcement de l’emprise du gouvernement envers la dissidence publique et la surveillance des médias constituera un test crucial de l’engagement du pays envers les principes démocratiques et les libertés civiles.


Powered by VroumVroumBlog 0.1.31 - RSS Feed
Download config articles