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Au Togo, trois mois de suspensions pour deux médias français pour “atteinte à la stabilité”

Thu, 19 Jun 2025 18:34:25 +0000 - (source)

RFI et France 24 sont très écoutés et suivis au Togo

Initialement publié le Global Voices en Français

 

Capture d'écran de la chaîne YouTube de 100% Afrique

Les pratiques menaçant la quiétude des journalistes dans le monde médiatique togolais refont surface, rendant de plus en plus difficile l’exercice de la liberté de la presse au Togo.

Le 6 juin 2025, Flore Monteau, journaliste française et correspondante pour la chaîne française de TV5 Monde au Togo, a été interpellée lors des manifestations par des policiers. Selon le média Togo Scoop, il lui est reproché d’avoir filmé des scènes de dégagement de barricades par des policiers, images qu'on lui demande d'effacer.

Lire : Togo: arrestation d'un chanteur qui dénonce la mal gouvernance

En avril 2025, Albert Agbéko, journaliste et directeur de publication du média Togo Scoop a subit le même sort alors qu'il fait son travail dans une école à Tsévié, une ville situé à 35 km au nord de Lomé.

RFI et France 24 bannis

Dix jours après l'incident dont est victime Flore Monteau, le 16 juin 2025, une décision de la Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication (HAAC), organe de régulation du travail des médias au Togo, prend de court les professionnels de médias. Il s’agit de la suspension de trois mois de Radio France Internationale (RFI) et France 24, deux médias français qui émettent au Togo à travers leurs correspondants. D'une population de plus de 9 millions d'habitants, le Togo est un pays largement francophone et l’écoute de ces médias français est répandue dans le pays.

Le communiqué actant cette suspension a été relayé par Flore Monteau sur son compte :

La HAAC estime que cette mesure fait suite à des manquements répétés, déjà signalés et formellement rappelés, en matière d’impartialité, de rigueur et de vérification des faits. Le communiqué précise :

Plusieurs émissions récentes ont relayé des propos inexacts, tendancieux, voire contraire aux faits établis , portant atteinte à la stabilité des institutions républicaines et à l’image du pays.

Les deux médias, de leur côté, indiquent avoir été surpris par cette décision de l'autorité de régulation. Dans son article consacré à ce sujet, TV5 Monde précise :

Les deux médias ont déclaré lundi soir dans un communiqué conjoint avoir “appris avec surprise” leur suspension “sans préavis”, malgré un “contexte de dialogue pourtant soutenu et constructif” avec l’autorité de régulation togolaise.

RFI et France 24 réaffirment par ailleurs “leur attachement indéfectible aux principes déontologiques du journalisme, comme leur soutien à leurs équipes qui délivrent chaque jour une information rigoureuse, indépendante, vérifiée, impartiale et équilibrée”.

La pression constante sous laquelle se retrouvent les journalistes togolais confirme des inquiétudes quant aux respects de la liberté de presse dans le pays. Dans le rapport de Reporters Sans Frontières de 2025, le pays perd 8 places, quittant la 113e en 2024 pour la 121e place.

Lire : Classement mondial Reporters sans frontières: l'Afrique francophone en net recul

Dénonciation d'une atteinte à la liberté

Cité dans un article de TV5 Monde, Reporters sans frontières (RSF) dénonce une décision arbitraire prise par les autorités de régulation togolaises. Toujours dans cet article de TV5 Monde, Sadibou Marong, directeur du bureau pour l'Afrique subsaharienne de RSF, appelle les autorités togolaises à lever ces sanctions et à rétablir sans délai la diffusion de RFI et France 24.

Selon le Patronat de la Presse Togolaise (PPT), il s'agit d'une grave atteinte ainsi qu'une entrave à la liberté d'expression. Honoré Adontui, le président du PPT déclare au média local, Togo Breaking News :

Ces suspensions arbitraires portent gravement atteinte à la liberté de la presse et constituent une violation flagrante du droit fondamental à l’information, dans un climat politique déjà tendu.

Le PPT en appelle à la responsabilité de la HAAC, l’invitant à revenir à un dialogue constructif avec les médias et à ne céder à aucune pression politique, sous peine d’écorner davantage l’image du pays sur la scène internationale.

Alors que les professionnels de médias et organisations de défense de la liberté de presse s’inquiètent, certains, sur la toile, se réjouissent de la suspension.

Sur X, RFI poste sur son compte :

Les commentaires sous cette publication confirment le sentiment de haine qui est nourri à l'endroit de ces médias français.

Un autre compte au nom de Narcisse Sanou soutient:

D'autres vont jusqu'à pousser les autorités togolaises à suspendre également leur relation avec la France. C'est le cas de ce compte au nom de Sahel Info Alertes:

Ligne rouge

Depuis plusieurs mois, les médias français accrédités au Togo sont dans le collimateur de la HAAC. En mai 2024, l'instance de régulation des médias togolais a manifesté sa colère à l'endroit de RFI en raison du traitement des informations en lien avec l'actualité sociopolitique, jugé inéquitable. La HAAC avait mis en demeure le média français. Le média Togo First avait écrit:

En effet, dans une lettre datée du lundi 6 mai 2024, la HAAC a souligné l'absence de neutralité et d'équité dans le traitement de l'information par RFI, ceci malgré les avertissements antérieurs. Le président de l’institution, Telou Pitalounani, a précisément déploré le fait que RFI persiste à diffuser des informations erronées concernant la situation au Togo

Cette nouvelle suspension  confirme donc la méfiance de la HAAC vis-à-vis du positionnement des médias français face à l'actualité sociopolitique du Togo ces derniers jours, notamment la contestation citoyenne et les manifestations publiques qui critiquent la gestion du pays.

Lire aussi notre cahier spécial : 


Les mots ont la parole: Épisode #27

Thu, 19 Jun 2025 11:14:01 +0000 - (source)

Le phénomène des enfants de la rue est une réalité en Colombie comme au Nigeria

Initialement publié le Global Voices en Français

Un groupe d'Almajiri au Nigeria ; capture d'écran de la chaîne YouTube de Journeyman Pictures

Les différentes versions de la langue française qui se parlent aux quatre coins du monde ne se ressemblent pas toujours. Dans notre rubrique “Les mots ont la parole”, nous mettons à l’honneur les mots ou expressions qui sont spécifiques à une région, un pays, une communauté, mais aussi les intraduisibles qu’on garde en français tels quels, ou qu’on traduit à moitié, et enfin les mots français qui passent dans d’autres langues et ne se traduisent pas, mais prennent parfois un nouveau sens.

Tous nos épisodes précédents sont à retrouver ici: Les mots ont la parole.

Aujourd’hui, nous avons choisi ces trois termes et expressions:

Gamín Ce mot d’espagnol colombien écrit avec un accent aigu sur le i et prononcé “gamine” est utilisé pour nommer les enfants des rues – en général des garçons, qui dorment où ils peuvent, errent dans la ville, volent ou mendient pour survivre, envahissent les grands rassemblements comme les matchs de foot, voyagent en bus sans payer.

Ce mini-documentaire illustre le quotidien d’un “gamín” dans Bogota, la capitale de la Colombie.

Surtourisme ce mot décrit un phénomène bien connu mais vient juste de rentrer dans le dictionnaire du Petit Robert en 2025. C’est un calque du terme anglais “overtourism” qui s’applique aux situations de tourisme intensif qui finissent par détruire la qualité de vie des habitants locaux, ou de la nature locale. De nombreux mouvements rejettent le surtourisme qu’ils considèrent comme une forme d’invasion et demandent des politiques qui protègent leur mode de vie.

Ce reportage explique le phénomène du surtourisme en Provence:

 

Almajiri ce mot transhumance fait partie de mots issus de la langue haoussa, parlée par plus de 55 millions de personnes en Afrique de l'Ouest, et utilisés comme tels sans traduction en français. Ce mot est toutefois emprunté au départ à la langue arabe:مُهَاجِر muhājir signifie « migrant ».

Almajiri en langue haoussa fait référence aux enfants des écoles coraniques, en particulier au Nigéria. Ces enfants sont, dans la plupart des cas, des mendiants et analphabètes qui ont du mal à s’intégrer dans la société. Certains d’entre eux trouvent leur voie à travers l’enseignement religieux, d’autres restent à la rue, et deviennent souvent la cible privilégiée de groupes extrémistes.

Si vous avez des mots ou expressions à partager pour les faire figurer dans notre rubrique “Les mots ont la parole” contactez-nous: filip.noubel@globalvoices.org ou jean.dedieusovon@globalvoices.org


Quelle est la place de l'écrivain kényan Ngũgĩ wa Thiong'o en Afrique francophone?

Wed, 18 Jun 2025 16:12:42 +0000 - (source)

Un écrivain qui place les langues africaines sur un pied d'égalité avec les autres

Initialement publié le Global Voices en Français

Capture d'écran de la chaîne YouTube de CCCB.

La mort de l’écrivain kényan Ngũgĩ wa Thiong’o le 28 mai 2025 pose la question de son influence en Afrique francophone: comment cet auteur majeur qui a écrit en anglais, puis a fait le choix de sa langue maternelle, le kikuyu, est perçu par les auteurs africains qui écrivent en français? 

Ngũgĩ wa Thiong’o est né en 1938 dans un Kenya encore sous régime colonial britannique. Il fait des études en anglais et commence une triple carrière d’écrivain, de chercheur universitaire et de journaliste qui le mène en Ouganda, puis à Londres. Vers la fin des années 70 il commence à écrire en kikuyu, sa langue maternelle et abandonne l’anglais pour sa prose dans les années 80. Exilé à Londres, puis en Californie il continue de multiplier essais et pièces de théâtre. Il décide de renter au Kénya avec sa femme en 2004, mais le couple est agressé dans leur appartement, sa femme violée et Ngũgĩ wa Thiong’o brûlé au visage. Il meurt aux États-Unis le 28 mai 2025. 

Dans son pays Ngũgĩ wa Thiong’o est une icône majeure de la littérature kényane. A ce sujet, Global Voices a interviewé par email la poétesse kényane Njeri Wangarĩ qui est aussi une activiste linguistique pour le kikuyu, et qui explique ce que cet auteur représente pour elle: 

I have a deep reverence for him for making and sticking to this choice in language. This is mainly because I speak the same language and therefore, when reading his work, nothing is lost in translation. Within the literary and cultural world, many admire him for taking such a strong stand in advocating for African Languages. To this day, he remains one of the few (if not the only ) most renowned African writers to place African languages on an equal pedestal to the global languages.
When my three children were young, I once again turned to Ngugi's writing for inspiration. Reading to them his children's series Njamba nene, was as much a cathartic experience for me as it was a magical journey for them to a land where buses had wings.

J'éprouve un profond respect pour lui d'avoir fait et maintenu ce choix linguistique. C'est principalement parce que je parle la même langue que lui qu'à la lecture de son œuvre, rien ne se perd. Dans le monde littéraire et culturel, nombreux sont ceux qui l'admirent pour sa position ferme en faveur des langues africaines. À ce jour, il reste l'un des rares (voire le seul) écrivains africains les plus célèbres à placer les langues africaines sur un pied d'égalité avec les autres langues parlées dans le monde.

Quand mes trois enfants étaient petits, je me suis inspirée des écrits de Ngũgĩ . Leur lire sa série pour enfants, Njamba nene, a été pour moi une expérience cathartique, et pour eux un voyage magique vers un pays où les bus avaient des ailes.

Le choix de la langue d’écriture 

L’auteur de fiction a beaucoup écrit sur le colonialisme et conceptualisé son regard sur la question dans un livre de référence toujours d’actualité “Décoloniser l’esprit”. Dans cet essai, il aborde la question du choix de la langue d’écriture pour les auteurs africains postcoloniaux. Il parle même de l’anglais comme une “bombe culturelle” en Afrique.

Cette question du choix de la langue a retenti dans toute l’Afrique, y compris en pays francophones comme le note Réassi Ouabonzi, aussi connu sous le nom de Lareus Gangoueus, Congolais installé à Paris qui anime le blog littéraire “Chez Gangoueus”, ainsi que la plateforme collaborative “Chroniques littéraires africaines”. Interviewé par Global Voices par mail il explique:

A l’occasion de l’Université de la rentrée de Présence Africaine en octobre 2019 à Paris, j’ai été marqué par le propos disruptif de Ngũgĩ wa Thiong’o sur le thème “Traduire pour transmettre” qui l’a rapidement amené à poser la question de la définition qu’on pourrait avoir de la littérature africaine. Peut-on envisager une littérature africaine qui ne se dit, qui ne s'écrit pas en langues africaines endogènes? Dans le cadre de cette rencontre, il lèva les oppositions récurrentes entendues dans les milieux africains sur le fait extrêmement limitant d’écrire en kikuyu, en shona ou en lingala, en termes de circulation des œuvres littéraires et d'ouverture vers le monde. Ne choisissant pas la facilité, il donnait alors aux traducteurs le sacerdoce d’un réel travail de transmission du swahili vers le français, l’arabe ou l’anglais, mais aussi vers le lingala ou le zoulou.

Lire aussi Pour une critique littéraire africaine : interview avec le créateur de Chroniques africaines littéraires

Wangarĩ ajoute:

He represents an oracle whose prophecies about what will become of our future generation if we continue to frown upon our mother tongue turned me into his disciple.  And with that, a responsibility to continue his work of writing and creating spaces where children and writers can share in the joy of African stories told in their language.

Il représente un oracle; ses prophéties sur ce qu'il adviendra de nos générations futures si nous continuons à abandonner notre langue maternelle ont fait de moi son disciple. Et avec cela, la responsabilité de poursuivre son travail d'écriture et de création d'espaces où les enfants et les écrivains peuvent partager la joie des histoires africaines racontées dans leur langue.

Un écrivain panafricain qui reste méconnu en français 

L'œuvre de Ngũgĩ wa Thiong’o a largement dépassé les frontières de son pays et des langues anglaises et kikuyu, comme le fait remarquer cet article de la revue en ligne The Conversation de mai 2025:

La reconnaissance de Ngũgĩ va au-delà de son rôle de pionnier dans son pays. Il s’est surtout fait connaître par sa manière unique de raconter le quotidien des Africains, toujours avec justesse et avec une fidélité constante aux idéaux d'égalité et de justice sociale.

Mais étrangement, son rayonnement reste modeste en français comme le souligne cet article de mai 2025 de la revue en ligne En Attendant Nadeau 

Malgré le coup de tonnerre qu’a constitué la mort du grand écrivain kenyan en Afrique et dans l’ensemble du monde anglophone, personne n’a été surpris d’un traitement médiatique aussi discret qu’approximatif en France, tant les institutions culturelles (médias, monde de l’édition, festivals, organismes publics) font tout, depuis quarante ans, pour que le public francophone ignore l’homme autant que l’œuvre. En effet, comme l’a dit un de ses traducteurs, Jean-Pierre Orban, lors d’un bel entretien le jour même du décès, “c’est un parcours du combattant de faire publier une œuvre de Ngũgĩ en français”.

Comme le note l'écrivain togolais Sami Tchak, interviewé par Global Voices par email, Ngũgĩ wa Thiong’o est souvent mentionné pour son message politique,  mais pas toujours lu comme écrivain: 

Qu'avons-nous lu de lui? L'avons-nous lu? Dans quelle langue? Quand? Voici un écrivain dont la célébrité dépend nettement moins de son œuvre que de son engagement politique pour la langue: écrire en partie en kikiyu, sa langue maternelle, plutôt qu'en anglais, même si c'est dans les langues européennes qu'il est essentiellement lu. Voici un écrivain dont beaucoup de personnes parlent, même sans l'avoir lu, car il suffit de louer son engagement pour penser lui avoir rendu l'hommage qu'il mérite. C'est peut-être là qu'il se pose un problème, car, ce qui devrait inscrire un écrivain dans la postérité, c'est son œuvre. Donc, quelle que soit la langue dans laquelle nous pourrions le faire, nous devrions lire l'œuvre de Ngũgĩ wa Thiong’o, c'est seulement ainsi que nous contribuerions à l'inscrire dans le panthéon littéraire africain et mondial.

Il reste à espérer que de nouvelles traductions permettront une meilleure diffusion de l'oeuvre de Ngũgĩ wa Thiong’o dans les sociétés francophones. 


Ghana : le ministère dirigé Sam George représente une grande menace pour la liberté de la presse et les droits des LGBTQ+

Wed, 18 Jun 2025 01:24:53 +0000 - (source)

Si la démocratie du Ghana veut survivre, elle ne peut pas permettre que la presse soit muselée.

Initialement publié le Global Voices en Français

Photo of Samuel Nartey George giving a speech.

Photo de Samuel Nartey George prononçant un discours. Image prise par Amuzujoe sur Wikimedia Commons  (CC BY-SA 4.0 Deed).

Ecrit par Abdul-Razak Mohammed

Les rues animées d'Accra vibrent au rythme des commérages entre vendeurs du marché, de l'émission de radio populaire de midi animée par Aunty Naa et de la lueur des écrans de smartphones. Mais derrière ce rythme familier se déroule une bataille plus discrète qui pourrait remodeler la démocratie ghanéenne. Au cœur de cette lutte se trouve Samuel Nartey George, le nouveau ministre de la Communication, des Technologies numériques et de l'Innovation, dont le bureau exerce désormais un pouvoir sans précédent sur ce que les Ghanéens voient, entendent et disent.

Sam George étend le contrôle absolu des médias ghanéens

La récente nomination de Samuel Nartey George au poste de ministre de la Communication, des Technologies numériques et de l'Innovation marque un tournant majeur dans le paysage médiatique et la gouvernance numérique au Ghana. À la tête de cet important ministère, Sam George suit de près l'Autorité nationale des communications (NCA). Cet organisme est chargé de régler toutes les formes de communication, y compris la radio, la télévision et les plateformes numériques. Le mandat de la NCA ne se limite pas à garantir le respect des normes techniques ; elle est également chargée de surveiller les contenus diffusés sur l'ensemble du territoire, en collaboration avec la Commission nationale des médias (NMC). Ce vaste champ de réglementation relève pleinement de la compétence de George, lui conférant un pouvoir considérable sur le débat public. Fort de cette autorité, il façonne non seulement l'environnement médiatique, mais détient également le potentiel de réduire au silence les voix opposantes s et de marginaliser les groupes jugés contraires à sa vision des valeurs traditionnelles ghanéennes.

Au cœur de la controverse entourant sa nomination se trouve la loi sur les droits sexuels humains et les valeurs familiales de 2024, que ses opposants qualifient d’anti-LGBTQ+, car elle prévoit des peines de prison pour les personnes « ayant des relations sexuelles entre deux personnes de même sexe », dissout toutes les organisations queers au Ghana, et criminalise la promotion des activités LGBTQ+. George a été l’un des parrains de ce projet de loi et l’a vigoureusement défendu. Lors d’une récente intervention médiatique, George a réaffirmé son engagement envers le texte, déclarant que lui et ses collègues l’avaient de nouveau soumis au Parlement. Bien que, le Parlement ait été rappelé après une pause parlementaire, aucune mise à jour officielle n’a été communiquée sur l’état actuel du projet de loi.

Présenté comme visant à préserver les valeurs culturelles et morales ghanéennes, le projet de cette loi criminalise explicitement la “propagande, la promotion et le plaidoyer en faveur” des activités soutenant les droits des personnes LGBTQ+. La loi prévoit une peine de condamnation sommaire allant de cinq à dix ans d'emprisonnement, une fourchette qui s’applique non seulement aux individus, mais aussi, dans certains cas, aux médias et aux plateformes numériques. Ce cadre juridique est délibérément large et vague, ce qui permet une interprétation étendue de ce qui constitue une “propagande” ou une “promotion”. Une telle formulation constitue un puissant outil de contrôle de l'Etat et accorde au ministre le pouvoir de sanctionner unilatéralement les entités médiatiques, même avant que le projet de loi ne soit formellement réintroduit au Parlement.

Un effet dissuasif sur la liberté d'expression

Une lecture attentive de la loi révèle que ses dispositions ne font aucune distinction entre les actions individuelles et les activités des médias institutionnels. Tout support qui facilite la diffusion de contenus en faveur du plaidoyer LGBTQ+ peut être tenu pénalement responsable, à moins de pouvoir démontrer qu’il n’a pas consenti ou qu’il n’a pas été complice de l’activité incriminée. Cela signifie concrètement que les propriétaires de chaînes de diffusion ou de plateformes numériques peuvent faire l’objet de poursuites, s’ils hébergent du contenu entrant dans le champ large des interdictions prévues par la loi. Il en résulte un effet dissuasif sur la liberté d’expression, les médias étant amenés à se censurer de manière préventive pour éviter le risque de lourdes sanctions judiciaires. Dans ce contexte, il est clair que le bureau du ministre, doté de pouvoirs via l’Autorité nationale des communications (NCA), peut être utilisé pour réprimer toute forme de contestations ou d’écart par rapport au récit national imposé.

Les implications d’un pouvoir si imposantes sont profondes et de grande portée. Dans un monde interdépendant où les plateformes numériques constituent des canaux essentiels de mobilisation politique, d’expression culturelle et de débat public, la capacité de contrôler ou de censurer les contenus peut compromettre fondamentalement les processus démocratiques. La position de Sam George, associée au potentiel autoritaire de la loi sur les droits sexuels humains et les valeurs familiales, soulève de vives inquiétudes quant à l’avenir de la liberté de la presse au Ghana. Doté d’un pouvoir unilatéral, pour sanctionner les organes de presse et les plateformes numériques, le ministère sous la direction de Sam George est en passe d’imposer une conformité stricte à une version étroite et étatisée de la morale et de la tradition. Cela pourrait conduire à une répression ciblée, non seulement des personnes LGBTQ+, mais aussi de tout groupe ou voix remettant en question l’idéologie conservatrice dominante.

Le Ghana face à un tournant décisif

Les dangers indissociables à un tel système ne sont pas que théoriques. Des exemples internationaux offrent des avertissements frappants sur les conséquences lorsque le pouvoir de l'Etat est utilisé pour contrôler l’expression numérique. Dans des pays comme la Russie, l’Égypte, la Thaïlande, et même la Tchétchénie, la combinaison de capacités de surveillance étendues et de mesures légales draconiennes a conduit à la suppression de la dissidence, à l’étouffement de l’opposition, et à de graves violations des droits humains. Au Ghana, des rapports antérieurs ont indiqué l’utilisation d’outils de surveillance avancés tels que le logiciel espion Pegasus du groupe NSO pour surveiller les adversaires politiques. Avec l’Autorité nationale des communications (NCA) déjà impliquée par le passé dans de telles activités, et désormais placée sous la direction d’un ministre qui défend des politiques restrictives, il existe une possibilité alarmante que des tactiques similaires soient employées pour faire appliquer les dispositions du nouveau projet de loi.

Alors que le Ghana vacille au bord d’une ère numérique répressive, les enjeux n’ont jamais été aussi élevés. La convergence entre les vastes pouvoirs de surveillance de l'Etat et la censure légalisée crée un environnement où les droits fondamentaux à la liberté d’expression et à l’accès à l’information sont constamment menacés. L’Autorité nationale des communications (NCA), placée sous la responsabilité de Sam George, avec son pouvoir de sanction unilatérale des médias et des plateformes numériques, devient un instrument puissant de contrôle, capable de façonner le discours public selon l’agenda idéologique du gouvernement. Dans un tel contexte, l’avenir de l’engagement démocratique au Ghana est en jeu, et les voix de ceux qui contestent, défendent les droits des minorités ou simplement remettent en cause le statut quo qui risquent d’être réduites au silence avant même d’avoir pu se faire entendre.

La nomination de Sam George et son parrainage de la loi sur les droits sexuels humains et les valeurs familiales illustrent de manière frappante les risques liés à un pouvoir étatique sans contrôle à l’ère numérique. L’Autorité Nationale des Communications (NCA), sous sa supervision, n’est pas simplement un organisme de régulation, mais un mécanisme potentiel destiné à imposer un récit étroit approuvé par l’État, susceptible de restreindre considérablement la liberté de la presse et de marginaliser les communautés vulnérables. Si la démocratie ghanéenne veut survivre, elle ne peut se permettre de laisser sa presse dominée par ceux qui cherchent à contrôler le récit.

La liberté d’expression est la clé de voûte de toute société démocratique. Il est temps de la défendre.


L’« effet Kamala » sur le vote latino

Wed, 18 Jun 2025 01:00:42 +0000 - (source)

Le vote de la communauté latino, la plus grande minorité ethnique aux États-Unis, sera déterminant.

Initialement publié le Global Voices en Français

Illustration de la Vice-présidente Kamala Harris réalisée par Connectas et utilisée avec permission.

 Cet article provient de notre partenaire médiatique CONNECTAS et a été rédigé par le journaliste argentin Leonardo Oliva.

« Électeurs latinos, nous voyons votre engagement et nous sommes prêts à remporter cette victoire ensemble. » Cette publication du 27 septembre est signée Julie Chavez Rodriguez, la première Latina à diriger une campagne présidentielle aux États-Unis. Cette Californienne de 46 ans, petite-fille d’un célèbre leader syndical,  est chargée de faire gagner Kamala Harris aux élections du 5 novembre contre Donald Trump.

Les candidats démocrate et républicain cherchent tous deux à attirer le vote latino, une communauté devenue la première minorité ethnique du pays. Mais Harris a plus à perdre dans cette compétition : les Hispaniques, , traditionnellement électeurs de son parti, voient en la vice-présidente — femme métisse et fille d’immigrants — une représentante des minorités. Ils la considèrent comme quelqu’un de plus empathique à leurs besoins que Trump, qui, lors du dernier débat, a sans vergogne diffusé de fausses informations : que des immigrants haïtiens mangeraient des animaux de compagnie dans la ville de Springfield, dans l’Ohio.

La publication de Julie Chavez doit être comprise dans ce contexte. Depuis que Harris est devenue la candidate démocrate à la fin du mois d’août, les espoirs du parti de conserver la présidence se sont ravivés, après que Joe Biden a décidé de ne pas se représenter.Et cet élan est également évident parmi les électeurs hispaniques.

Les électeurs latino, nous vous entendons et sommes prêts à gagner ensemble. 💪🏽💙 https://t.co/yoV89aOMfO

— Julie Chavez Rodriguez (@JulieR2022) 27 septembre 2024

L’organisation Voto Latino a rapporté que les inscriptions sur les listes électorales ont augmenté de 200 % depuis la nomination de Harris. Cela représente environ 112 000 nouveaux électeurs, dont plus de la moitié (56 %) ont entre 18 et 29 ans. En plus des jeunes, les femmes ont également été encouragées à voter grâce à « l’effet Kamala ».

Comme l’a CONNECTAS a publié en mars, le nombre d’électeurs latinos en 2024 a augmenté de 6,5 % par rapport à l’élection présidentielle de 2020 remportée par Biden ; il dépasse également de 20,5 % le nombre de personnes éligibles à voter en 2016, lorsque Trump avait gagné. Cette année, plus d’un électeur sur dix (14,7 %) sera d’origine latino, un chiffre record. Cependant, sur les 36,2 millions d’électeurs hispaniques potentiels, seulement 26 millions sont inscrits sur les listes électorales. L’équipe de Harris cible ces 10 millions d’électeurs indécis qui ne se sont jamais rendus dans un bureau de vote.

À un mois de l’élection, la candidate officielle a concentré une partie de sa campagne sur les sujets qui préoccupent le plus les Latinos : l’économie, le logement et, dans une moindre mesure, le droit à l’avortement. De l’autre côté, Trump n’hésite pas à attirer les électeurs avec une approche ferme contre l’immigration, dont une grande partie provient des pays d’Amérique latine.

Ernesto Castañeda, directeur du Laboratoire sur l’immigration à l’American University et responsable du Centre d’études latino-américaines et latinos de cette université à Washington, D.C., déclare :

No creo que la migración en sí misma vaya a definir la elección. El tema más importante en las encuestas ahora es la economía, seguido de la inflación.

 Je ne pense pas que l’immigration en elle-même définira l’élection. La question la plus importante dans les sondages actuellement est l’économie, suivie de l’inflation. »

Castañeda affirme que la nomination de Harris a modifié les tendances de vote non seulement parmi les Latinos, mais aussi parmi les Afro-Américains, et il insiste sur le fait que les questions économiques seront une priorité pour les électeurs. Il explique :

Son los mismos temas que le incumben a la clase media trabajadora de cualquier otro tipo de comunidad. Los migrantes indocumentados son solo un 3 por ciento de la población estadounidense y los latinos son casi el 20 por ciento de la población y un 18 por ciento de la fuerza laboral, entonces sus temas son el salario mínimo o los derechos laborales, no la situación migratoria.

Ce sont les mêmes enjeux qui préoccupent la classe moyenne ouvrière dans tout autre type de communauté. Les immigrés sans papiers ne représentent que 3 % de la population des États-Unis, tandis que les Latinos constituent près de 20 % de la population et 18 % de la main-d’œuvre. Leurs préoccupations portent donc sur le salaire minimum ou les droits du travail, et non sur le statut migratoire.

Le politologue Franklin Camargo partage l’avis de Castañeda sur ce qui motive le vote hispanique :

La prioridad de los latinos es la economía; es el costo de vida y la inflación. En esta área desaprueba enormemente a la administración Biden–Harris.

Pour les Latinos, la priorité est l’économie : il s’agit du coût de la vie et de l’inflation. Dans ce domaine, ils désapprouvent fortement l’administration Biden-Harris.

Camargo, qui est également commentateur politique pour Univisión Noticias (Univisión News), conteste en outre l’idée que Harris soit la favorite des Latinos.

Estamos viendo encuestas que dicen que Donald Trump no solamente aumentaría el voto latino con respecto a las dos contiendas anteriores, sino que sería uno de los candidatos republicanos de la historia reciente en conseguir la mayor cantidad de votos latinos.

Nous voyons apparaître des sondages qui montrent que Donald Trump non seulement augmenterait le vote latino par rapport aux deux précédentes élections, mais qu’il serait aussi l’un des candidats républicains de l’histoire récente à obtenir le plus grand nombre de voix latinos.

Des sondages récents du New York Times montrent à quel point l’élection sera serrée, ce qui s’explique en partie par l’évolution des tendances du vote latino. ISi en 2020, 65 % soutenaient Biden face à Trump, cette fois seulement 55 % déclarent qu’ils voteraient pour Harris. Et le reste des prévisions montre que les deux candidates sont à égalité technique après le débat du 11 septembre 2024.

Jeunes, sans papiers et apathiques

Un rapport du Pew Research Center reflète une réalité contrastée de l’univers des électeurs latinos aux États-Unis.Bien qu’ils soient actuellement la plus grande minorité (devançant les Afro-Américains), ils votent encore moins que les Américains en général (53 % contre 72 %). Cela s’explique en partie par le fait que la population latino compte un grand nombre de très jeunes personnes, mais aussi parce qu’un grand nombre d’entre eux ne sont pas citoyens (19 % des Latinos).

Et il y a un autre facteur qui réduit leur poids électoral potentiel : près de la moitié des électeurs latinos vivent dans seulement deux États, la Californie et le Texas. Mais selon tous les analystes, la campagne se jouera probablement dans trois États de la « Rust Belt » (Pennsylvanie, Michigan et Wisconsin), où les électeurs à séduire ne sont pas des Latinos, mais des hommes blancs de la classe ouvrière.

Carte réalisée par Connectas avec Flourish. Source : Pew Research Center, avec les données de l'American Community Survey (IPUMS) 2022. Utilisée avec permission.

De plus, il faut prendre en compte que les Hispaniques sont le groupe le plus apathique en matière de vote. Lors de la dernière élection, seulement 51 % des Hispaniques éligibles ont voté, contre 63 % des Afro-Américains et 74 % des Blancs. Pour Camargo,

Hay una falta de interés en el grueso de nuestra comunidad en tener algún tipo de acción política y esto obedece a varias razones. Puede ser falta de asimilación o poca expectativa de cambio, creer que lo que hagas no va a cambiar absolutamente nada.

La majorité de notre communauté manque d’intérêt pour toute forme d’action politique, et cela pour plusieurs raisons. Il peut s’agir d’un manque d’assimilation ou d’une faible attente de changement, la conviction que ce que l’on fait ne changera rien du tout.

Une autre raison, explique le politologue d’origine vénézuélienne, est que :

Estados Unidos en términos de seguridad, de economía, etcétera, es mucho más próspero que los países de los que venimos, y eso hace que no tengas tanto interés en la política dado que te sientes cómodo.

Les États-Unis, en termes de sécurité, d’économie, etc., sont bien plus prospères que les pays d’où nous venons, et cela fait que l’on s’intéresse moins à la politique parce qu’on se sent à l’aise.

Alors, si les États clés pour décider de l’élection ne sont pas ceux où la présence latino est la plus importante et, de plus, les électeurs hispaniques ne sont pas les plus participatifs aux urnes, l’enthousiasme que sa candidature a suscité chez une partie de la population latino suffira-t-il à Kamala Harris pour remporter la victoire ?

NALEO Educational Fund, une ONG dédiée à la promotion de la participation des Latinos au processus politique américain reconnaît que la nomination de Harris a renforcé l’enthousiasme au sein de cette communauté. Mais selon Dorian Caal, directeur de la recherche sur l’engagement civique pour cette organisation, le vote latino n’est plus aussi prévisible :

Los candidatos o las campañas tienen una oportunidad de hablar con la comunidad latina de los asuntos que son importantes para ella. A los latinos les importan asuntos como la migración, pero también otros como el costo de la vida, que ha sido bien importante no solo en esta elección, sino también en el 2022 y en el 2020.

Les candidats ou les campagnes ont l’opportunité de s’adresser à la communauté latino sur des sujets qui lui tiennent à cœur. Les Latinos se soucient des questions comme l’immigration, mais aussi d’autres, comme le coût de la vie, qui a été très important non seulement lors de cette élection, mais aussi en 2022 et 2020.

Caal, en revanche, a salué le rôle que joueront les femmes de la communauté latino, qui sont plus actives, dans cette course présidentielle. Par ailleurs, Caal affirme que :

La comunidad latina es especialmente una comunidad joven [68 por ciento tiene menos de 50 años, contra el 52 por ciento del resto de los estadounidenses]. Por eso serán un segmento importante en estas próximas elecciones.

La communauté latino est particulièrement jeune [668 % ont moins de 50 ans , contre 52 % pour le reste des Américains]. C’est pourquoi ils constitueront un segment important lors des prochaines élections.


À São Luís, surnommée la « Jamaïque brésilienne », le reggae fait partie intégrante de l'identité locale

Wed, 18 Jun 2025 00:49:53 +0000 - (source)

La capitale du Maranhão, au nord-est du Brésil, a transformé la musique caribéenne en un mouvement culturel local dont elle fait l'apanage.

Initialement publié le Global Voices en Français

Le Musée du reggae a ouvert ses portes dans le Maranhão : c'est le premier du genre en dehors de la Jamaïque. Photo d'Ingrid Barros, utilisée avec permission.

Il existe plusieurs versions sur la manière dont la musique reggae est arrivée à São Luís, la capitale de l'État du Maranhão, dans la région nord-est du Brésil. Certains affirment que des radios amateurs captaient des signaux à ondes courtes provenant de stations caribéennes. D'autres soutiennent que ce sont des marins et des migrants qui ont introduit des disques de reggae dans la zone portuaire de la ville, tandis que certains prétendent que ce rythme musical circulait déjà dans les salles de danse locales.

Selon des spécialistes locaux, il est difficile de déterminer précisément comment la symbiose entre la culture jamaïcaine et l'identité locale de São Luís s'est formée. Pourtant, cette fusion est encore bien palpable pour quiconque visite la ville aujourd'hui.

Avec une population estimée à 1,03 million d'habitants, São Luís porte le titre de « Jamaïque brésilienne » et est reconnue comme la capitale nationale du reggae depuis 2023. L'influence de ce genre musical sur l'identité locale s'est accentuée dans les années 1980 et s'est enracinée au fil du temps, notamment parmi les supporters du club de football local, le Sampaio Corrêa.

Ademar Danilo, directeur du Musée du reggae du Maranhão et journaliste, explique que la culture reggae influence le mode de vie des habitants : leur façon de parler (argots), de s'habiller (tresses et vêtements aux trois couleurs du reggae) et de danser (avec leur propre style, l'« agarradinho », où les couples dansent serrés l'un contre l'autre).

Não temos a gênese da coisa, como chegou, mas nós sabemos que chegou. E a partir daí, nós nos apropriamos disso. O maranhense se apropriou do reggae. O reggae, ele é jamaicano, claro, mas ele também é maranhense. Nós importamos um ritmo da Jamaica e a partir daí temos uma nova significação cultural. Nós transformamos o reggae em um elemento cultural. Quando eu falo elemento cultural, ou seja, algo que seja possível de transformar a cultura local.

We do not have the genesis of how it arrived here, but we do know that it did. And from that on, we owned it. The Maranhense people owned reggae for themselves. Reggae is Jamaican, of course, but it’s also Maranhense now. We imported the rhythm from Jamaica, giving it a new cultural significance here. We turned it into a cultural element, meaning something that has the power to transform the local culture.

On ne sait pas exactement comment le reggae est arrivé jusqu'ici, mais ce qu'on sait, c'est qu’il est bel et bien arrivé. Et à partir de là, on se l'est approprié. Le peuple maranhense l'a fait sien. Le reggae est Jamaïcain, bien sûr, mais il est aussi maranhense aujourd'hui. Nous avons importé ce rythme depuis la Jamaïque en lui donnant ici une portée culturelle nouvelle. On en a fait un élément culturel à part entière, capable de transformer notre culture locale.

L'écrivain et chercheur Bruno Azevedo s'intéresse à la construction du mythe culturel du reggae à São Luís :

No que vejo o reggae chegou na miúda e por várias vias, mas a pergunta interessante é como o reggae fez sentido para o brincante local e isso é explorado super bem pelo Carlão, Carlos Benedito Rodrigues da Silva, um antropólogo que escreveu sobre o tema ainda nos anos 1990: o reggae tem uma série de elementos de identificação pra população preta-pobre local.

Há também uma série de semelhanças sociais entre os jamaicanos e os maranhenses, mas acho uma extrapolação grande demais que isso tudo seja transmitido 1×1 na música. A despeito da minha opinião, a forma como os maranhenses criaram sistemas e equipamentos sociais muito parecidos com os jamaicanos, é impressionante.

From what I see, reggae came in smoothly and through several paths. But the interesting question is how it made sense to the local player, which is well explored by Carlão, Carlos Benedito Rodrigues da Silva, an anthropologist who wrote about it in the 1990s: reggae carries several identity elements for the local Black and poor people.

There are also a lot of social similarities between Jamaican and Maranhense people, but I think is an overstretch to think that it would all be transmitted one-on-one through music. Despite my opinion, the way people in Maranhão created systems and social equipment resembling those from Jamaica is quite impressive.

D’après ce que j'ai pu observer, le reggae s'est diffusé naturellement via plusieurs canaux. Mais la vraie question, c'est de comprendre comment cette musique a trouvé un tel écho auprès de la population locale. C'est un sujet que l'anthropologue Carlos Benedito Rodrigues da Silva, alias Carlão, avait déjà exploré dans les années 1990 : le reggae véhicule plusieurs éléments d’identité pour les populations locales noires et défavorisées.

Il existe aussi de nombreuses similitudes sociales entre les Jamaïcains et les maranhenses, mais je pense qu’il est exagéré de croire que tout cela ait pu être transmis directement par la musique. Cela dit, il n'en reste pas moins impressionnant de voir comment les habitants du Maranhão ont mis en place des systèmes et des structures sociales semblables à ceux de la Jamaïque.

Le Musée du reggae a ouvert ses portes dans le Maranhão : c'est le premier du genre en dehors de la Jamaïque. Photo d'Ingrid Barros, utilisée avec permission.

Gilberto Gil, musicien légendaire et ancien ministre de la Culture, a joué un rôle clé dans la diffusion du reggae au Brésil. Il a même collaboré avec The Wailers, le groupe de Bob Marley, et a chanté aux côtés d'une autre légende culturelle jamaïcaine, Jimmy Cliff. Pourtant, bien que le reggae soit populaire dans tout le pays, c'est à São Luís que ce rythme caribéen est devenu bien plus qu'un simple genre musical.

Musée, soirées et rues

En 2018, Maranhão a inauguré le premier Musée du reggae au Brésil. Après des années de marginalisation et de répression policière, c'est l'État lui-même qui a reconnu l'importance du reggae pour l'identité et la culture locale. Parmi les objets de l'histoire locale exposés figurent la première guitare de Tribo de Jah, un groupe brésilien de reggae formé dans les années 1980 à São Luís, ainsi que la radiola de DJ Serralheiro (un mur d'enceintes emblématiques des soirées reggae locales) qui appartenait à Serralheiro, l'un des pionniers du genre dans la région.

Le reggae a rapidement été associé à la culture populaire maranhense dès ses débuts, explique Ademar Danilo. Il s'est mêlé à des traditions telles que le « Bumba Meu Boi » une forme de théâtre populaire et participatif de rue née au 18e siècle, le « Tambor de Crioula » une danse afro-brésilienne rythmée par les tambours et d'autres percussions, ou encore la capoeira, un art martial afro-brésilien. Pendant un temps, avant que des politiques publiques ne viennent soutenir ces manifestations culturelles, c'était l'argent récolté lors des soirées reggae qui permettait de les financer.

« Nous avons importé et adopté cette musique, ce rythme et à partir de là, nous avons construit une culture qui nous est propre », poursuit Danilo. « Lorsque le reggae est arrivé ici, ce n'était pas un étranger venu d'ailleurs. C'était comme un frère né loin de chez nous. »

Le Musée du reggae a ouvert ses portes dans le Maranhão : c'est le premier du genre en dehors de la Jamaïque. Photo d'Ingrid Barros, utilisée avec permission.

Aujourd'hui, la musique reggae écoutée par les habitants du Maranhão provient principalement d'artistes des années 1973 à 1981 en Jamaïque, mais aussi de musiciens locaux. Les radiolas restent au cœur des événements reggae locaux et sont un élément clé des compétitions de DJ. « Les plus grands paredões (murs d'enceintes) du Brésil se trouvent ici, dans le reggae du Maranhão. Ils sont même plus imposants que ceux du techno-brega dans l'Etat du Pará », affirme Danilo.

La photographe maranhense Ingrid Barros, qui travaille sur les thèmes de la résistance et de la mémoire, témoigne de l'importance du reggae dans son pays natal :

Os bailes de reggae são os espaços onde é possível extravasar todo o estresse do dia a dia, é onde há a confraternização com os outros iguais, com os pares. Tem um lance de pertencimento, de identificação. O ritmo que se populariza por meio da imagem de um homem negro, que se torna rei do reggae. É meio que um lugar/momento onde se pode apenas ser, sem se preocupar muito com todas as castrações que a sociedade faz com nossos corpos pretos.

Reggae balls here are spaces where you can release all the stress you endure in your daily lives and get-together with your peers. There is a sense of belonging, of identification. The rhythm that turned popular through the image of a Black man, who became king of reggae. It’s sort of a place/moment where you can simply be, without worrying too much about all the castrations society imposes to our Black bodies.

Les bals reggae ici, sont des espaces où l'on peut relâcher la pression du quotidien et se retrouver entre pairs. Il y a un sentiment d'appartenance, d'identité. Ce rythme est popularisé par l'image d'un homme noir devenu roi du reggae. C'est une sorte de lieu, de moment, où l'on peut simplement être soi-même, sans trop se soucier des formes de répression imposées à nos corps noirs par la société.

Sous l'influence de Bob Marley

Le Musée du reggae a ouvert ses portes dans le Maranhão : c'est le premier du genre en dehors de la Jamaïque. Photo d'Ingrid Barros, utilisée avec permission.

L'un des lieux touristiques de São Luís situé dans le plus grand quilombo urbain du Brésil (un terme désignant des communautés rurales fondées par des personnes d'ascendance africaine) rend hommage à Bob Marley. Cet endroit apparaît dans un documentaire de 2012 retraçant des lieux liés à l'artiste jamaïcain, bien que Marley n'ait jamais visité São Luís.

Sa seule venue au Brésil remonte à un court séjour en 1980, à l'occasion du lancement de la maison de disque Ariola dans le pays. À l'époque, alors que le pays était encore sous dictature militaire, Marley et son équipe avaient été considérés comme suspects et s'étaient vu refuser des visas de travail ; seuls des visas touristiques leur avaient été accordés. Aucun concert n'a pu être organisé, mais sa visite a donné lieu à un match de football historique, où Marley a invité dans son équipe nul autre que le légendaire musicien brésilien Chico Buarque.

Marley aimait le football, notamment l'équipe nationale brésilienne et le club Santos de Pelé,  autant qu'il aimait la musique. Il déclara aux journalistes qui l'attendaient à Rio : « Le reggae a les mêmes racines, la même chaleur et le même rythme que la samba. »

Le Brésil dispose d'une loi fédérale reconnaissant le 11 mai, date de la mort de Marley, comme la Journée nationale du reggae, mais au Maranhão, son influence résonne tout au long de l'année. En 2024, la photographe Ingrid Barros a participé à une campagne publicitaire pour une marque de baskets, avec une collection dédiée à Marley. Le slogan mettait en valeur le lien entre sa Jamaïque natale et São Luís, la « Jamaïque brésilienne », à travers son peuple, ses couleurs, ses soirées reggae et, bien sûr, sa musique.

Barros affirme que, malgré l'importance du reggae à São Luís et des spécificités locales, Marley reste le roi. En se promenant dans les quartiers en dehors du centre-ville, on aperçoit souvent des drapeaux et des fresques à son effigie :

Acho que o reggae está na nossa vida [aqui] desde que a gente nasce. Não tem como não ter uma memória afetiva do reggae, está presente seja dentro de nossas casas, na casa de vizinhos, no barzinho da esquina do bairro. Isso fica como identidade. Algo em que você se reconhece. Já adulta, e trabalhando com fotografia e direção criativa, criei uma relação com essa beleza, com a potência, com o universo próprio e político que é o reggae.

Reggae is in our lives [here] since we are born. You can’t avoid having an affective memory of it, it’s present whether it’s in our homes, our neighbors’, or at the neighborhood bar around the corner. That lingers as identity. Something through which one recognizes oneself. As an adult, working with photography and creative direction, I built a relationship with the beauty, the power, the political universe of its own that is reggae.

Le reggae fait partie de nos vies depuis notre naissance. Il est impossible de ne pas en garder un souvenir affectif : il est présent, que ce soit dans nos maisons, chez nos voisins ou dans le bar du coin. Il s'impose comme une part de notre identité, un repère grâce auquel on se reconnaît. Devenue adulte, à travers mon travail dans la photographie et la direction artistique, j'ai tissé un lien profond avec la beauté, la force et l'univers politique unique qui est propre au reggae.

Le Musée du reggae a ouvert ses portes dans le Maranhão : c'est le premier du genre en dehors de la Jamaïque. Photo d'Ingrid Barros, utilisée avec permission.


Chine : les internautes scandalisés par la mort mystérieuse d'un chat devenu une star du Web

Thu, 12 Jun 2025 20:06:12 +0000 - (source)

Pourquoi dissimuler la cause du décès du félin ?

Initialement publié le Global Voices en Français

Zhao Shuo and his cat Wukong traveling together.

Capture d'écran de la chaîne YouTube : Wukong's Adventures. Utilisée avec permission.

Le 26 0ctobre 2024, Zhao Shuo, un cycliste et blogueur voyageur adopte Wukong, un chat errant. Dès lors, ils découvrent ensemble la province de Xinjiang en Chine, et Wukong, avec ses milliers d’abonnés, devient une célébrité sur Internet. Mais le 15 avril, le chat est retrouvé mort sur une route près de Miran, une ville de la région de Xinjiang, à environ deux kilomètres du centre d’accueil des visiteurs où Zhao séjournait.

Attristés par la nouvelle, les abonnés de Wukong ont aussi été furieux d'apprendre l'explication « officielle » de la mort du chat.

Une mort mystérieuse

Le 16 avril, Juipainews, un site d’information et filiale de Changjiang News, subventionné par l’État, fût le premier a annoncé le décès du chat, écrasé accidentellement par un véhicule et abandonné au milieu de la route. La police locale aurait elle-même confirmé l’information. Toujours selon Juipainews, Zhao aurait réglé l’incident directement avec le conducteur.

Cependant, dans une vidéo publiée de 4 mai, le propriétaire du chat a démenti l’allégation qu’il a qualifiée de désinformation, ignorant lui-même les détails de la mort de Wukong. Il relate la découverte du corps de son chat le 15 avril vers 19 heures, et explique que jusqu’à maintenant, il n’a pas réussi à trouver les images de surveillance susceptibles de faire la lumière sur son décès. Dans la vidéo, Zaho soulève plusieurs questions : pourquoi le félin, qui d’habitude ne s’éloignait jamais plus de 200 mètres de sa maison pour chat portable, a-t-il été découvert à 2 kilomètres, au milieu de la route ? Pourquoi manque-t-il 20 minutes de données sur son traceur GPS, entre 4h10 et 4h30 du matin ? Et pourquoi après cette interruption, ne se trouvait-il plus au centre d’accueil, mais gisait au bord de la route ?

Par ailleurs, après avoir consulté trois vétérinaires, lesquels ont effectué trois radiographies et scans post-mortem, Zhao a écarté l’hypothèse de l’accident de voiture étant donné que le corps du chat ne présentait aucune fracture osseuse ou lésion externe et interne. Sur les réseaux sociaux, Zhao affirme que selon les vétérinaires, le chat avait probablement été empoisonné, en raison des traces de sang de couleur sombre retrouvées autour de sa bouche et de son museau.

La vidéo d’une durée de 42 minutes a été supprimée des réseaux sociaux chinois mais une version existe sur YouTube avec des sous-titres en anglais :

Beaucoup se sont aussi étonnés du fait que les caméras du centre d’accueil des visiteurs se soient arrêtées de fonctionner le 15 avril, alors que les autorités chinoises ont investi beaucoup d’argent dans les technologies de surveillance, et plus particulièrement dans la vidéosurveillance IP, dans le but (au nom de la stabilité sociale) d’exercer un contrôle sur la région ouïghoure. Par ailleurs, Miran est un lieu touristique doté d’une forte présence militaire. Ce commentaire sur Weibo évoque la « défaillance » des systèmes de surveillance :

就在游客中心2公里的地方 一条猫被投毒致死 结果监控全无什么也拍不到 去了就有生命危险以后谁还敢去玩啊 ​

Un chat est mort à la suite d’un empoisonnement à seulement deux kilomètres du centre d’accueil, mais l’incident n’apparait pas sur les vidéos de surveillance. Qui serait assez courageux pour visiter un tel endroit ?

Devant tant de questions sans réponses, près de trois millions d’internautes se sont mobilisés pour enquêter sur la cause de la mort du félin, en examinant des images de vidéosurveillance, des images satellites, et les enregistrements de va-et-vient de véhicules survenus entre 16 et 18 heures dans les alentours du musée. Certains ont même offert des récompenses en échange d’images pertinentes.

Appel à une législation contre la cruauté envers les animaux

Même si les investigations se sont révélées infructueuses, elles ont cependant ouvert les débats concernant les droits des animaux.

En 2020, des défenseurs des droits des animaux ont révélé l’existence en Chine d’un réseau d’actes de maltraitance envers les chats sur Internet. Des vidéos de tortures, qui sont partagées et vendues sur des messageries, sont régulièrement signalées par le public. Selon certaines sources, des membres du réseau iraient jusqu’à offrir une récompense de plus de 500 USD pour le meurtre de chats appartenant à des célébrités. Pour cette raison, de nombreuses personnes pensent que Wukong aurait été victime de ces groupes de cruauté envers les animaux

En Chine, les lois sur la protection animale se limitent à la sauvegarde des animaux sauvages, et il n’existe aucune règlementation interdisant la cruauté envers les animaux domestiques et errants. Alors que le pays autorise la consommation de viande de chat et de chien, et considère les mesures de répression contre les chiens errants comme un moyen de maintenir l’hygiène et la sécurité publique, ces animaux sont souvent la cible d’empoisonnement et de commerce illicite.

Le public réclame des lois contre la cruauté envers les animaux depuis des années, mais les autorités chinoises n’arrivent toujours pas à se prononcer sur la question. La mort de Wukong a rendu les amoureux des animaux encore plus impatients, et ils inondent Weido de commentaires indignés :

世界之大,却容不下一只猫,猫咪也不知道人心如此坏!《反虐动物法》该抬上来了,猫猫狗狗不能因为常见就放弃保护,肆意虐待,放纵吃…

Le monde est immense, mais ne peut pas faire de la place à un chat. Les chats ne savent pas que le cœur humain peut être si méchant ! La loi sur la cruauté envers les animaux devrait être adoptée, nous ne pouvons pas renoncer à protéger les chats et les chiens juste parce que ce sont des espèces courantes. Ils sont maltraités, torturés et consommés de manière irresponsable…

Le chat et son propriétaire responsables

Soudainement, le 9 mai, alors que le public continue à éprouver du ressentiment, Zhao publie une vidéo au cours de laquelle il déclare qu’après s’être concerté avec diverses autorités locales, notamment les services de la sécurité publique, de la propagande, et du tourisme, tous avaient conclu que Wukong était mort après avoir malencontreusement mangé un rongeur :

其他的幾種死,因為車禍、投毒、虐殺都完全排除掉了。所以這樣說的話,整個悟空的死因最大的責任人就是我,我作為它的主人沒有看好它。悟空的死因和其他人完全無關,而且這個事件給當地造成了非常不好的輿論影響。在此我向所有人表示歉意。…另外再提醒所有人兩點,第一點就是永遠不要盲目的相信任何人和媒體,尤其是像九派新聞這種無良媒體。甚至也不要相信我。所有人要有自己的獨立判斷..

Les autres causes de la mort (accident de voiture, empoisonnement, et maltraitance) ont été écartées. Par conséquent, je suis la seule personne responsable de son décès ; j’étais son propriétaire et je n’ai pas pris soin de lui. Sa mort ne concerne personne d’autre, et cet incident a créé une très mauvaise opinion publique de la région. J’aimerais m’excuser auprès de vous tous… et vous rappeler deux autres points. Tout d’abord ne faites jamais aveuglément confiance à qui que ce soit ou aux médias, notamment à ceux dénués de tout scrupule comme Jiupain News. Ne me faites même pas confiance. Chacun devrait être libre d’utiliser son propre jugement…

Après son post, Zhao a supprimé deux vidéos sur la mort de Wukong qu’il avait publié sur des réseaux sociaux chinois, passé son compte en privé, et cessé tout commentaire sur l’incident.

La plupart des internautes ont trouvé l’explication officielle invraisemblable. Un utilisateur de Weibo s’est d’ailleurs moqué des autorités locales :

当地各部门如果这种说法会令人更加信任你们,那么好吧,只能信了。

若羌县米兰镇有致死性啮齿类动物,不知道对当地牛羊鸡鸭鹅是什么影响,也很难不怀疑会间接伤害吃下当地牛羊鸡鸭鹅肉的人,所以会远离此地的,谢谢官方提示

Si les autorités locales pensent vraiment que leur explication est plausible, alors d’accord, nous croirons à leur version des faits. Mais, si la ville de Miran est soi-disant infestée de rongeurs si dangereux, quels sont les risques sanitaires pour les vaches, les chèvres, les poulets, les canards et les oies ? La population ne pourra pas s’empêcher d’avoir des doutes concernant la sécurité alimentaire locale. Alors merci aux autorités de recommander officiellement aux touristes de rester à l’écart du district de Ruoqiang.

Les résultats de l'enquête menée par les internautes ont conduit de nombreux utilisateurs de réseaux sociaux à conclure que le décès de Wukong avait été causé par de la mort aux rats dispersée sur le site touristique. Par ailleurs, pour ne pas être tenues responsables de la mort du félin, les autorités l’auraient déguisée en accident de voiture, auraient fabriqué de fausses informations, et supprimé toute vidéo de surveillance susceptible d’élucider ce qui s'était vraiment passé. Finalement, Wukong serait donc le seul responsable de sa propre mort, et son propriétaire a été obligé de s’excuser pour avoir provoqué un tollé public.

Cependant, selon certains, « Ne faites confiance à personne », une remarque écrite par Zhao, prouverait que le mystère autour de la mort de Wukong persiste toujours. Mais la vérité a été révélée par l'explication de la dissimulation : de quoi les autorités avaient-elles donc peur ?


La littérature sinophone au-delà des frontières chinoises : entretien avec l’auteure Zhang Lijia

Thu, 12 Jun 2025 19:59:56 +0000 - (source)

Les auteurs doivent être libres de créer pour mieux raconter l’histoire de la Chine

Initialement publié le Global Voices en Français

Zhang Lijia. Photo utilisée avec permission.

Près de 50 millions de Chinois ne vivent pas en Chine. Cette population, souvent réduite à un simple acteur économique, est en vérité très active dans les domaines médiatiques et culturels, dont la littérature, particulièrement appréciée des citoyens de la diaspora chinoise qui peuvent écrire en chinois ou dans la langue de leur pays hôte.

Afin de comprendre les nuances qui entourent la littérature de la diaspora chinoise, Global Voices s’est entretenu avec Zhang Lijia (张丽佳), ancienne employée d’une usine de roquettes devenue auteure analysant la société, est née en Chine et alterne aujourd’hui une vie entre Londres et Pékin. Elle est l’auteure du mémoire «  Socialism Is Great!» et du roman « Lotus », une œuvre abordant le sujet de la prostitution dans la Chine contemporaine. Son prochain ouvrage, un roman historique, racontera la vie de Qiu Jin, la première féministe et révolutionnaire chinoise à l’aube du 20 ᵉ siècle, souvent appelée « la Jeanne d’Arc de Chine ».

Filip Noubel (FN) : Ressentez-vous une certaine liberté lorsque vous écrivez dans une langue que vous avez apprise tard dans votre vie ? Est-ce que c’est une question d’autocensure ? Pensez-vous que cela vous permet d’étendre votre style et d’expérimenter avec le processus d’écriture ?

Zhang Lijia (ZLJ): As a Chinese writer who grew up in China, speaking only Chinese, writing in English has been unexpectedly liberating. Politically, it grants me freedom. Writing for an international audience allows me to bypass the constraints of China’s strict censorship, which has long stifled creative expression. In fact, I believe this censorship is one of the key reasons why China’s literary scene isn’t as vibrant or dynamic as it could be.

Creatively, writing in English offers a different kind of liberation. Because it is not my native tongue, I feel more comfortable experimenting with form, structure, and style. The unfamiliarity of the language opens doors to fresh perspectives and a certain boldness. My adopted language has enabled me to explore and articulate thoughts and emotions that might have felt constrained in Chinese. For example, in my memoir “Socialism Is Great!,” I wrote a sex scene that was far more explicit than it would have been had I written it in Chinese, where cultural and linguistic nuances might have demanded greater restraint.

Writing in English has, in many ways, become an avenue for both creative exploration and personal emancipation.

Zhang Lijia (ZLJ) : En tant qu’auteure chinoise ayant grandi en Chine et n’ayant jamais parlé que le chinois, il est vrai qu’écrire en anglais fut, étonnamment, assez libérateur. Politiquement parlant, je suis plus libre lorsque j’écris pour un public international. Cela me permet de contourner la censure chinoise, qui ne sert qu’à étouffer la créativité. En effet, je pense que cette censure est l’une des raisons pour laquelle la scène littéraire chinoise n’est pas aussi vibrante et dynamique qu’elle pourrait l’être.

Créativement parlant, écrire en anglais offre une liberté totalement différente. Puisque l’anglais n’est pas ma langue natale, je ressens un certain confort à tester les structures, les formes et les différents styles de la langue. Cette méconnaissance de la langue m’a permis d’ouvrir de nombreuses portes et de découvrir de nouvelles perspectives. L’anglais, en tant que langue adoptée, me permet d’explorer et d’articuler mes pensées d’une manière que je pensais impossible en chinois. Par exemple, dans le mémoire « Socialism Is Great!», j’ai écrit une scène de sexe bien plus explicite que ce que je me serais permis de créer en chinois, puisque les nuances linguistiques et culturelles auraient demandé un peu plus de retenue.

Écrire en anglais m’a permis d’ouvrir de nombreuses voies, tant dans une exploration créative que dans une émancipation personnelle.

FN : Écrivez-vous encore en chinois ? Comment décririez-vous la relation qui se crée entre ses deux langues dans votre processus créatif ?

ZLJ: I rarely write creatively in Chinese these days, though I occasionally contribute pieces to Chinese publications when invited. Chinese is such a rich and expressive language, full of cultural depth and historical resonance. When I do write in English, I like to deliberately weave in dated expressions and traditional idioms to give the prose a distinctive flair — almost as if breathing new life into forgotten phrases. It’s a way to make the language feel fresh and evocative while connecting with its deep roots.

In my creative process, English and Chinese serve different purposes. English is my primary medium for storytelling — it’s where I feel most liberated and experimental. Chinese, however, remains the language of my inner world, tied to my memories and identity. Writing in English sometimes feels like building a bridge between the two, translating not just words but experiences, emotions, and cultural contexts.

ZLJ : J’écris rarement en chinois ces temps-ci, sauf lorsque je suis invité à participer à des publications chinoises. Le chinois est une langue très riche et expressive, autant culturellement qu’historiquement. Mais quand j’écris en anglais, je m’amuse à insérer des termes datés et des expressions classiques afin de rendre ma prose plus élégante, comme si je donnais un second souffle à des phrases oubliées. C’est une manière d’amener un vent de fraîcheur à une langue et de se connecter à ses racines enfouies.

L’anglais et le chinois ne servent pas le même but dans mon processus créatif. Je me sers principalement de l’anglais pour raconter une histoire, c’est une langue qui me permet de briser mes chaînes et de tester de nouvelles choses. Mais le chinois reste tout de même la langue de monde intérieur, elle est liée à ma mémoire et à mon identité. Lorsque j’écris en anglais, c’est comme si je construisais un pont qui relie deux cultures, je traduis plus que des mots, je traduis des expériences, des émotions et toute une culture.

FN : On parle souvent de littérature sinophone transcendant les barrières linguistiques et géographiques,  Xiaolu Guo, Ha Jin, Dan Sijie, Yan Geling, sans vous oublier, bien sûr. Pensez-vous qu’un tel genre de littérature existe réellement ? Si oui, quelle en est la définition ?

ZLJ: Yes, I believe global Sinophone literature is a valid and vibrant category. I think it refers to literary works written in Sinitic languages (such as Mandarin or Hokkien) or by authors of Chinese descent, often living outside mainland China. These works engage with a diverse array of themes and contexts, reflecting the complex interplay of language, identity, and geopolitics within the global Chinese diaspora.

What defines this literature is its multiplicity — it is not confined to one geography, style, or perspective. Instead, it captures the lived realities of Chinese communities across the world, often exploring themes like migration, displacement, identity, and cultural hybridity. It challenges the notion of a singular ‘Chinese literature’ by emphasizing the plurality of Chinese voices.

In an age of globalization, I welcome the recognition of Sinophone literature as part of the broader landscape of world literature. It offers an opportunity to deepen our understanding of how Chinese culture functions beyond national borders and encourages dialogue about postcolonialism and global interconnectedness.

On a related note, Xi Jinping’s ‘Tell China’s Story Well’ campaign aims to project a favorable image of China through soft power and international storytelling. While the idea is sound, its success hinges on allowing Chinese writers the freedom to express themselves authentically. Currently, the controls are too stringent for writers to truly ‘tell China’s story well.’ Without creative freedom, this vision remains unattainable. I write about this is an article, ‘Tell China’s Story Well: Its Writers Must Be Free Enough to Do So.’

ZLJ : Effectivement, je pense qu’il est tout à fait valide de considérer la littérature sinophone globale comme un genre vivant. J’imagine que ce terme fait référence aux œuvres écrites dans des langues chinoises (comme le mandarin ou le hokkien) ou écrites par des auteurs d’origines chinoises qui ne vivent pas en Chine continentale. Ces œuvres abordent une large variété de thèmes et de situations qui reflètent la complexité d’interagir avec une langue, une identité et même avec la géopolitique intradiaspora chinoise.

Ce qui définit ce genre de littérature, c’est sa multiplicité. Elle n’est pas limitée par la géographie, par l’usage d’un style, ni par la perspective. Non, ce genre capture la réalité vécue par les communautés chinoises éparpillées à travers le monde, il explore des thèmes comme l’immigration, l’identité et le mélange culturel. Il redéfinit la notion de « littérature chinoise » en mettant l’accent sur la pluralité des voix chinoises.

En pleine ère de globalisation, je dois avouer que j’apprécie la reconnaissance de la littérature sinophone dans le monde entier. Cela représente une certaine opportunité de pouvoir approfondir nos connaissances de la culture chinoise et de ses fonctions au-delà des frontières nationales. Cela encourage une discussion sur le postcolonialisme et sur l’interconnexion mondiale.

À ce propos, la campagne « bien raconter l’histoire de la Chine » lancée par Xi Jinping vise à projeter une image favorable de la Chine dans l’esprit des étrangers via le soft Power. Si cette idée peut paraître louable, pour qu’elle réussisse, il faudrait que les auteurs soient libres d’écrire ce qu’ils souhaitent. À l’heure actuelle, la censure est encore bien trop présente pour que les auteurs puissent « bien raconter l’histoire de la Chine ». Si nous ne pouvons pas créer librement, ce projet ne sera rien de plus qu’une éternelle chimère. J’ai partagé cette opinion dans l’article suivant : Tell China’s Story Well: Its Writers Must Be Free Enough to Do So.

FN : Quels sont les auteurs chinois qui vous ont le plus influencés ? Qu’en est-il des auteurs qui ne sont pas chinois ?

ZLJ: Among Chinese authors, Cao Xueqin, the author of ‘The Dream of the Red Chamber,’ has had a profound influence on me. His intricate portrayal of familial and social dynamics, set against the backdrop of a crumbling aristocratic world, is unmatched in its emotional depth and literary craft. Another major influence is Lu Xun, whose sharp, incisive observations of Chinese society reveal an unparalleled understanding of the Chinese psyche.

Among non-Chinese writers, Tolstoy stands out. His sweeping narratives, set against vast social and historical backdrops, are deeply immersive, yet he never loses sight of the intimate details that make his characters so human.

I also greatly admire Arundhati Roy, especially her novel ‘The God of Small Things.’ Its lyrical prose, rich imagery, and poignant exploration of social and personal struggles deeply resonated with me and have inspired my own storytelling.

ZLJ : Parmi les auteurs chinois, je pense que Cao Xueqin, auteur de « Le Rêve dans le pavillon rouge», est celui qui m’a le plus influencé. La manière dont il partage la complexité des relations familiales et sociales, le tout dans un décor de monde aristocratique sur le point de s’écrouler, n’a jamais été égalée, que ce soit sur le plan émotionnel ou littéraire. Je pourrais également cite Lu Xun comme une autre de mes influences. Ses observations tranchantes sur la société chinoise révèlent une compréhension de la psyché chinoise qui n’a jamais été surpassée.

Parmi les auteurs étrangers, je pense que Tolstoï surpasse tous les autres. Ses histoires grandioses écrites sur fond de récits sociaux et historiques sont tout simplement fascinantes, et pourtant il ne perd jamais de vue les petits détails qui rendent ses personnages humains.

J’admire également et grandement Arundhati Roy, surtout son roman « Le Dieu des Petits Riens». Sa prose lyrique, son imagerie riche, mais aussi la manière poignante qu’elle a d’explorer les difficultés sociales et personnelles résonnent véritablement avec moi, elle inspire la façon dont je raconte mes histoires.


La dure réalité de l’IA : elle a des préjugés, elle aussi

Thu, 12 Jun 2025 19:52:47 +0000 - (source)

Les systèmes d’intelligence artificielle révèlent des biais profondément ancrés, susceptibles d’influencer négativement les perceptions et les comportements au sein de la société.

Initialement publié le Global Voices en Français

Illustration de Tactical Tech, avec des éléments visuels de Yiorgos Bagakis et Alessandro Cripsta. Utilisée avec permission.

[Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des
pages Web en anglais.]

Cet article a été rédigé par Safa Ghnaim, en collaboration avec le Goethe-Institut Brésil, et publié initialement sur DataDetoxKit.org. Une version révisée de cet article est republiée par Global Voices dans le cadre d’un partenariat.

Bien qu’elle apparaisse comme une « technologie neutre », l’intelligence artificielle (IA) présente aussi des préjugés. Ce n’est pas l’outil objectif que l’on imagine. L’IA est créée par des individus et entraînée à partir d’ensembles de données. Tout comme vous, les personnes qui développent l’IA possèdent des croyances, des opinions et des expériences qui influencent leurs choix, qu’elles en aient conscience ou non. Les ingénieurs et les entreprises impliquées dans le développement et l’entraînement de l’IA peuvent accorder plus d’importance à certaines informations ou objectifs. Les outils d’IA, tels que les algorithmes ou les agents conversationnels, peuvent produire des résultats biaisés, en fonction des ensembles de données utilisés pour les « alimenter ». C’est pourquoi l’IA peut produire des données erronées, générer de fausses hypothèses ou prendre les mêmes mauvaises décisions qu’un être humain.

L’IA n’est pas magique : les machines programmées par l’être humain présentent leurs propres défauts.

Certaines personnes considèrent l’IA comme une solution magique, mais « l’intelligence artificielle » n’est rien de plus qu’une machine. En termes simples, les outils d’IA sont des programmes informatiques alimentés par une grande quantité de données pour les aider à faire des prédictions. L’« IA » désigne une variété d’outils conçus pour reconnaître des modèles, résoudre des problèmes et prendre des décisions à une vitesse et à une échelle bien supérieures à celles des humains.

Mais comme tout outil, l’IA est conçue et programmée par des individus. Les personnes qui conçoivent ces machines leur donnent des règles à suivre : « Fais ceci, mais ne fais pas cela ». Comprendre que les outils d’IA sont des systèmes automatisés, avec leurs propres limites influencées par l’être humain, peut vous aider à mieux aborder les capacités et les inconvénients de l’IA.

Lorsqu’on parle d’IA, les sujets abordés peuvent être très variés. Découvrez quelques exemples d’outils d’IA particulièrement populaires et leurs défauts :

Les outils de génération de texte créent du contenu à partir de mots-clés (ou « prompts ») que vous définissez. Leur entraînement repose sur d’importants volumes de textes collectés sur Internet, dont la qualité est variable. Vous entendrez peut-être parler de « grands modèles de langage » (LLM) ou de noms de produits spécifiques tels que ChatGPT, ou même d’expressions plus familières comme « agent conversationnel » ou « assistants IA ». Bien que ces outils soient capables de prouesses proches de l’intelligence humaine, comme réussir des examens, ils sont également réputés pour « halluciner », autrement dit, générer des contenus erronés.

Les outils de génération d’images permettent de créer des images ou des vidéos basées sur certains mots-clés que vous fournissez. Vous entendrez peut-être parler de modèles texte-image, ou même de noms de produits spécifiques comme DALL-E ou Stable Diffusion. Ces outils peuvent produire des images et des vidéos très réalistes, mais ils sont également connus pour véhiculer des stéréotypes et peuvent être détournés à des fins de sextorsion ou de harcèlement [fr].

Les systèmes de recommandation proposent du contenu qu’ils « prédisent » être le plus susceptible de vous intéresser ou de susciter une interaction. Ces systèmes opèrent en arrière-plan des moteurs de recherche, des fils d’actualité des réseaux sociaux et de la lecture automatique sur YouTube. Ils sont aussi appelés « algorithmes ». Ces outils ont tendance à vous montrer davantage de contenus similaires, au risque de vous emporter vers un dangereux puits sans fond. Les systèmes de recommandation sont utilisés dans des décisions importantes telles que le recrutement, les admissions universitaires, les prêts immobiliers, mais aussi dans de nombreux autres domaines de la vie quotidienne.

Alors que certains experts estiment que les outils d’IA, comme les agents conversationnels, deviennent « plus intelligents » par eux-mêmes, d’autres soutiennent qu’ils sont truffés d’erreurs. Voici quelques raisons pour lesquelles vous devriez considérer les préjugés qui affectent l’IA :

Les outils d’IA sont également entraînés sur des données qui laissent complètement de côté certains éléments. Si les données d’entraînement contiennent peu ou pas d’informations sur un groupe, une langue ou une culture, l’IA ne pourra pas produire de réponses fiables à leur sujet. Une étude majeure menée en 2018 par Joy Buolamwini, intitulée « Nuances de genre », a montré que les systèmes de reconnaissance faciale peinaient à identifier les visages des personnes racisées, en particulier ceux des femmes noires. Au moment de l’étude, ces outils défectueux étaient déjà couramment utilisés par la police aux États-Unis

En mettant en lumière les préjugés, on peut éviter de les reproduire.

Maintenant que vous êtes conscients des faiblesses potentielles des ensembles de données d’IA, créés par des personnes comme nous, tournons notre regard vers nous-mêmes. Comment le fonctionnement de notre cerveau humain peut-il mettre en lumière les préjugés de l’IA ?

Il existe des préjugés profondément enracinés au sein des individus, des organisations, des cultures et des sociétés. Mettez-les en lumière en réfléchissant à ces questions :

Les préjugés sur lesquels vous venez de réfléchir reposent souvent sur des hypothèses, des attitudes et des stéréotypes profondément ancrés dans les cultures, et peuvent influencer vos décisions de manière inconsciente. C’est pourquoi on parle de « préjugés implicites »  : ils sont souvent ancrés dans votre état d’esprit, difficiles à repérer et à affronter.

Parmi les biais implicites les plus courants, on retrouve :

Harvard propose une vaste bibliothèque de tests de biais implicites que vous pouvez passer gratuitement en ligne afin de mieux cerner vos propres biais et savoir sur quels aspects progresser. Avec de nombreux biais implicites, il peut être difficile d’identifier ces croyances. Le changement ne se fait pas en un jour, mais pourquoi ne pas commencer dès maintenant ?

Tout est ampl(ia)fié

Maintenant que vous avez découvert des exemples courants de schémas de pensée et de biais implicites, imaginez leur impact lorsqu’ils sont reproduits à grande échelle. Ces derniers peuvent toucher non seulement des individus, mais aussi des groupes entiers, surtout lorsqu’ils sont « codés en dur » dans les systèmes informatiques.

Voici les résultats que vous obtenez lorsque vous entrez le prompt « belle femme » dans le logiciel gratuit de génération de texte en image Perchance.org.

Images IA générées sur Perchance.org le 13 août 2024. Images fournies par Tactical Tech.

Si l’outil a généré six images de « belles femmes », pourquoi sont-elles toutes presque identiques ?

Essayez-le de votre côté, vos résultats sont-ils différents ?

Des études plus approfondies ont été menées sur ce sujet, avec des résultats similaires. Vous pouvez lire une de ces études et voir des infographies ici : « Les humains sont biaisés. L’IA générative l’est encore plus ».

Les outils d’IA ne sont ni neutres ni impartiaux. Ils sont détenus et construits par des personnes influencées par leurs propres motivations. Même les outils d’IA portant le terme « ouvert » (open) dans leur nom ne garantissent pas une transparence totale sur leur fonctionnement et peuvent être programmés avec des biais intégrés.

Vous pouvez poser des questions clés sur la façon dont les modèles d’IA sont conçus et entraînés pour mieux comprendre leur place dans un système plus vaste :

Les réponses à ces questions peuvent être difficiles, voire impossibles à trouver. Cela en soi est significatif.

Étant donné que la technologie est conçue par des êtres humains et alimentée par des données (également collectées et étiquetées par des humains), on peut la voir comme un reflet des problèmes déjà existants dans la société. Nous pouvons nous attendre à ce que les outils alimentés par l’IA renforcent les déséquilibres de pouvoir, tout en systématisant et en perpétuant les préjugés, à une vitesse inédite.

Comme vous l’avez vu, les biais cognitifs sont tout à fait courants, tout le monde en a, d’une façon ou d’une autre. Commencer à affronter ces réalités dès aujourd’hui peut vous permettre d’éviter des erreurs demain et de repérer les failles dans des systèmes comme l’IA.


Tentative par la CIA de recruter des espions chinois pour le compte du gouvernement américain ; mais les Chinois ne semblent pas intéressés.

Thu, 12 Jun 2025 18:51:51 +0000 - (source)

Ces vidéos abordent l’anxiété ressentie en Chine pendant une dizaine d'années s'agissant des sanctions liées à la corruption

Initialement publié le Global Voices en Français

Capture d’écran d’une vidéo de recrutement des espions chinois postée par la chaîne YouTube de la CIA. Le texte se lit « Je me rends maintenant compte que mon destin est aussi précaire que le leur ». Utilisée avec autorisation.

La CIA a posté ce premier mai deux vidéos dans le but de recruter comme espions des fonctionnaires chinois. Le gouvernement chinois a répondu à cette annonce en déclarant que les mesures nécessaires seront mises en œuvre pour punir « toute tentative d’infiltration et de sabotage de la part des forces étrangères anti-Chine. »

Même si ces vidéos traitent des inquiétudes communes que les citoyens chinois ressentent envers le parti unique du pays, la plupart d’entre eux trouvent néanmoins cette propagande repoussante.

En 2022, la CIA avait déjà tenté de recruter des espions russes depuis les réseaux sociaux. Cette tentative ayant apparemment été un succès, l’agence a décidé en octobre 2024 d’étendre le processus de recrutement en Chine, en Iran et en Corée du Nord. L’organisation s’est alors mise à poster des vidéos informant les personnes susceptibles d’être intéressées d’utiliser soit des Réseaux Privés Virtuels (VPN) soit le réseau TOR afin de contacter la CIA sur leur site Internet officiel.

Ces vidéos ciblent à la fois les hauts et jeunes fonctionnaires du Parti Communiste Chinois. La première vidéo introduit le personnage d’un fonctionnaire confirmé, stressé et tourmenté par la corruption sous le régime de Xi Jinping :

在黨內,我一邊往上升,一邊看著職位比我高的人,一個個被棄如弊履。但現在,我意識到我的命運與他們同樣,岌岌可危… 

As I keep climbing up the party ladder, I watch those in higher positions being discarded like worn-out shoes. And now I realise that my fate is just as precarious as theirs…

Plus je grimpe les échelons de ce parti, plus je me rends compte à quel point les hauts placés sont jetés comme de vieilles chaussettes. Et je comprends maintenant que mon destin est aussi précaire que le leur…

Ce fonctionnaire finit par contacter la CIA pour protéger sa famille. La vidéo complète est disponible à l’adresse suivante :

La seconde vidéo montre le point de vue d’un jeune fonctionnaire frustré par l’échec d’un système au parti unique, qui, d’après le personnage, ne privilégie qu’une minorité :

黨教育我們,只要勤奮地遵從領導指定的道路就會前途無量,原本應該大家分享的一片天,如今只剩下少數獨享,讓我不得不開創自己的路。

The party teaches us that we can have a great future by following the path designated by the leaders. However, what should have been shared by all is not monopolised by the very few. I have to walk my own path. 

Le parti nous apprend que nous pouvons espérer un avenir radieux tant que nous suivons le chemin tracé par les dirigeants. Mais ce qui aurait dû être partagé par tous est finalement monopolisé par les puissants. Je dois suivre mon propre chemin.

La vidéo est disponible à l’adresse suivante :

Les angoisses capturées dans ces deux vidéos font référence aux longues années de corruption et de répression au sein du parti de Xi Jinping, au pouvoir depuis 2012. Et ces mesures touchent autant « les tigres » que « les mouches », une allégorie politique utilisée pour parler des cas de corruptions plus ou moins importants.

L’arrestation de l’ancien ministre de la Sécurité Publique Zhou Yongkang et de son entourage en 2013. Les arrestations de différentes forces politiques régionales de Guangdong, Shanxi, Sichuan et Jiangsu depuis 2012. La purge de l’Armée Populaire de Libération en 2023. L’assainissement des banques et du secteur de l’économie depuis 2024, etc. Ces affaires sont toutes des exemples de corruption « de tigre ».

L’an dernier, le nombre de fonctionnaires punis pour affaire de corruption s’élevait à 889 000, contre seulement 182 000 cas en 2013. D’après un rapport récent du Bureau de la directrice du renseignement national des États-Unis, près de 5 millions de fonctionnaires chinois auraient été accusés de corruption entre 2012 et 2024.

Le Soft Power américain perd du terrain

Malgré les véritables tensions au sein du PCC que mentionnent ces vidéos, de nombreux internautes trouvent cette propagande quelque peu douteuse, notamment à cause du gouvernement de Donald Trump qui n’a pas hésité à supprimer nombre d’aides internationale et médiatique, préférant imposer des tarifs sur les produits étrangers et mettre à mal les valeurs de gauche comme la suppression des politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI). Les États-Unis ne sont aujourd’hui plus perçus comme un défenseur de la démocratie et de la liberté.

Profitant de ce contexte, le vidéaste « K总 » (Général K) originaire du Canton a produit une vidéo anti-CIA ayant gagné une certaine popularité. Dans cette vidéo réalisée par intelligence artificielle, le vidéaste copie trait pour trait celles de la CIA, à la différence qu’ici, il s’adresse aux citoyens américains, les urgeant de se battre pour la liberté :

Pourquoi se battre ? : Pour créer un avenir meilleur. pic.twitter.com/weQxgxcpQs

– K总 (@KFCQZ) 4 mai 2025

Dans cette vidéo, le narrateur, un citoyen américain appelé John, déclare :

Our government told me ‘hard work pays off,’ but all I see is that Wall Street elites manipulate finance, politicians are taking bribes, and it seems like Israel is the real power pulling the strings behind us. And we ordinary people can only struggle to survive…

Le gouvernement nous fait croire que le travail acharné est la clé du succès. Mais tout ce que je vois, ce sont les élites de Wall Street qui manipulent les finances. Je ne vois que des politiciens véreux qui ne sont bons qu’à être soudoyés. Je vois à quel point Israel tire les ficelles derrière les rideaux. Et je vois que nous, gens ordinaires, ne pouvons que lutter pour survivre…

Mise en ligne le 4 mai, cette vidéo a depuis été massivement partagée par des influenceurs pro-Chine sur X (anciennement Twitter).

Des vidéos de recrutement irréalistes

En plus du soft Power américain en déclin, Wuyuesanren, blogueur chinois installé au Japon, explique dans une vidéo YouTube que ces « appâts » n’ont aucun sens, puisque les enfants d’anciens fonctionnaires ont, pour la plupart, étaient forcés de retourner en Chine, et contacter des services étrangers pourrait mettre la sécurité de leurs familles en danger. Quant aux jeunes fonctionnaires, faire mention d’un « idéal » n’a que peu de chance de fonctionner, puisque la majorité des personnes susceptibles d’être touchées ont soit déjà quitté le pays, soit ont-ils été forcés d’abandonner leur poste au sein du gouvernement, étant donné qu’un tel changement aurait été impossible.

Le blogueur a ensuite critiqué l’aspect cinématographique et la présentation pleine de  paillettes de ces vidéos. D’après lui, les habits des fonctionnaires étaient bien trop luxueux et théâtraux, ce qui montre que les producteurs ne sont pas à la page en ce qui concerne la politique chinoise.

Sur Weibo, afin de montrer l’incompétence des États-Unis quant à la protection de ses informateurs, de nombreux internautes ont mentionné le fait qu’en 2012, les autorités pékinoises avaient déjà démantelé le réseau de la CIA en Chine, causant la mort et l’emprisonnement de 20 informateurs.

Noyer le poisson

Hu Xijin, spécialiste de la politique et journaliste au Global Times, pense que les véritables intentions de la CIA n’étaient pas de recruter des informateurs, mais plutôt de créer une atmosphère de méfiance au sein du PCC :

CIA这样干,根本就没指望能真从这个途径捞几个有价值的间谍来。他们的最大目的是想搅浑水。

如果有人上当,真的联系CIA,并被中国反间机构抓住,CIA才不会同情那些想向他们效忠的叛国者。那些人身败名裂,甚至身陷囹圄,CIA什么损失也没有,所有惩罚只能那些人自己承受。中国反间机构抓他们也要消耗一些资源和精力,总之,所有成本都是中国这一边的。

还有一种可能,中国这边没人上当,但是CIA希望通过发这样的视频,增加中国社会内部的怀疑,可以当个“反间计”用。如果有一些人能因此被怀疑成美国间谍,搞得中国一些领域人心惶惶…

The CIA did this without any expectation that it could recruit a few valuable spies. Its biggest goal was to muddy the waters.

If someone falls for it, contacts the CIA and gets caught by the Chinese counter-agency, the CIA will have no sympathy for [the Chinese] traitors who want to pledge allegiance to them. The CIA has nothing to lose if those people lose their reputation or even go to jail. They have to bear all the punishment. The Chinese counterintelligence agency will have to spend extra resources and energy to catch them; in short, all the costs are on China's side.

There is also a possibility that no one on China's side will take the bait, but the CIA hopes that by posting such a video, it will increase the suspicion within Chinese society. This can be used as a ‘double-edged sword,’ leading to some Chinese being accused of being American spies. This would stir up panic in some Chinese sectors… 

La CIA a réalisé ces vidéos en sachant très bien qu’ils ne recruteraient aucun espion. Leur but principal était de noyer le poisson.

Si quelqu’un tombe dans le piège et contacte la CIA, le gouvernement chinois aura vite fait de les attraper. La CIA, quant à elle, n’éprouve aucune sympathie pour les traitres chinois qui souhaiterait rejoindre leurs rangs, elle n’a rien à perdre si quelques personnes perdent leur renommée ou finissent en prison. C’est le gouvernement chinois qui va devoir dépenser des ressources et de l’énergie pour punir ces traitres. En clair, tous les coûts vont revenir au ministère de la Sécurité de l’État chinois.

Il y a également la possibilité que personne ne morde à l’hameçon. Mais la CIA espère quand même qu’en postant de telles vidéos, le doute s’installera dans la société chinoise. Elles pourraient être utilisées comme des épées de Damoclès et quelques innocents fonctionnaires pourraient être accusés d’être des espions américains. Cela pourrait causer la panique dans différents secteurs chinois…

D’un autre côté, Desmond Shum, auteur de « Red Roulette » (des mémoires révélant la corruption au sein du PCC), pense que les États-Unis vont payer le prix fort pour avoir réalisé des vidéos aussi provocatrices. D’après lui, cela pourrait mettre à mal un potentiel consensus entre les États-Unis et la Chine en ce qui concerne la guerre tarifaire :

A public CIA call for Chinese insiders to defect transcends typical intelligence operations — it is seen as a direct political provocation. It strikes at the heart of the Party’s fears of internal betrayal and is interpreted in Beijing as an assault on its control and stability — an impact far more consequential than any tariff.

That’s why this video might turn out to be the most consequential — and disruptive — move in the ongoing US–China trade talks. The signal it sends is louder than any tariff and strikes a very personal nerve within the Party.

Une annonce publique pour recruter des espions chinois va au-delà d’une simple opération de renseignements, c’est une provocation politique directe. Cette annonce touche de plein fouet les peurs du gouvernement quant à la trahison et elle sera vue à Pékin comme une attaque concernant le contrôle et la stabilité du gouvernement. Les conséquences seront bien plus conséquentes que des tarifs.

C’est pourquoi ces vidéos sont peut-être les éléments les plus importants et les plus perturbateurs dans cette guerre tarifaire qui oppose les États-Unis à la Chine. Le signal envoyé résonne bien plus fort que de simples tarifs, puisqu’il touche la corde sensible du gouvernement.


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