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Sanctions contre les violateurs des droits des femmes : une lentille politique

Mon, 12 Jun 2023 14:22:54 +0000 - (source)

Les sanctions occidentales nécessitent un cadre transparent, une responsabilité et une réflexion approfondies

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

République démocratique du Congo : Des victimes de viol qui ont été réintégrées avec succès dans leurs communautés se rassemblent dans une « hutte de la paix » près de Walungu, au Sud-Kivu . Date inconnue. Par L. Werchick / USAIDDomaine public .

[Sauf indication contraire tous les liens mènent vers des sites en anglais]

L'Australie, les États-Unis, le Royaume-Uni et l'UE ont mis en œuvre un plan d'action coordonné pour sanctionner les auteurs de violations des droits des femmes au niveau mondial à l'occasion de la célébration de la Journée internationale de la femme, le 8 mars de cette année. 

Des sanctions de type Magnitsky ont été adoptées pour cibler spécifiquement les entités et les individus impliqués dans des violations des droits humains à l'égard des femmes et des filles, dans le but de donner la priorité à leur sécurité et de prévenir de futures violations. Les sanctions comprenaient des gels d'avoirs et des interdictions de voyager imposées aux personnes et entités impliquées. Le plan d'actions coordonnées de mars s'est aligné sur le programme des Nations Unies pour les femmes, la paix et la sécurité (WPS) , établi en l'an 2000, et a rapproché les États-Unis, le Royaume-Uni et l'UE de ses objectifs.

Le 7 mars, le Conseil européen (CE) a imposé des sanctions à neuf personnes et trois entités, dont les ministres talibans de l'Afghanistan responsables des décrets sur la ségrégation sexuelle , le commissariat de police de Moscou et les forces armées russes accusés de torture et de violences sexuelles et sexistes (VSS), les responsables gouvernementaux supervisant de telles pratiques en tant que tactique de guerre au Soudan du Sud, et le vice-ministre de l'intérieur du Myanmar/Birmanie responsable de l'utilisation VSS comme outil de torture . 

Le 8 mars, à la suite des actions de la CE, le ministre britannique des Affaires étrangères, James Cleverly, a annoncé des sanctions contre quatre personnalités militaires en Syrie , au Soudan du Sud et en République centrafricaine (RCA) chargées de promouvoir et de superviser la VSS dans leurs institutions respectives, en plus des institutions gouvernementales iraniennes responsables du maintien de l'ordre sur le code vestimentaire et l'autonomie des femmes. 

De même, les États-Unis se sont également joints à l'initiative en annonçant des sanctions le même jour. Ces sanctions visaient cinq personnes, dont des responsables pénitentiaires iraniens impliqués dans des VSS, le directeur technique iranien des affaires du cyberespace, l'adjoint du bureau du procureur général responsable de la censure et des commandants liés à la répression violente des manifestations. Les entités ciblées comprennent des sociétés d'approvisionnement associées au Commandement de l'application de la loi et aux forces de sécurité iraniennes.

Poursuivant la réponse mondiale, le 20 mars, l'Australie a annoncé ses propres sanctions contre 14 personnes et 14 entités impliquées dans la violation des droits des femmes. Les personnes ciblées comprennent des membres de la police de la moralité iranienne et du corps des gardiens de la révolution islamique responsables de la répression des manifestations de femmes , ainsi que des personnalités impliquées dans l'arrestation, la détention et les mauvais traitements de Mahsa Amini dont la mort a déclenché les premières manifestations. 

Examen de l'efficacité des sanctions dans l'autonomisation des femmes et des filles

L'utilisation de sanctions individuelles pour les violations des droits humains est un développement récent, introduit aux États-Unis en 2016 et dans l'UE en 2020. L'efficacité de cette approche repose sur les efforts coordonnés entre les pays. Bien qu'il y ait une cohérence dans le ciblage de l'Iran entre l'Australie, le Royaume-Uni, les États-Unis et l'UE, il existe des divergences dans les objectifs des autres pays. L'UE se concentre sur le Myanmar, le Royaume-Uni se joignant au ciblage de la Syrie et du Soudan du Sud, en y ajoutant la République centrafricaine. Ces incohérences soulèvent des inquiétudes quant à l'impact et à l'efficacité de ces sanctions pour dissuader de futures violations des droits humains.

En outre, on craint que ces sanctions n'isolent involontairement les victimes de VSS en affectant leur accès à l'aide étrangère. Le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Wopke Hoekstra, a déclaré dans un communiqué de presse le 7 mars 2023 que «les sanctions sont un moyen puissant pour nous de défendre les valeurs universelles et d'imposer un changement international». De telles déclarations, présentant les sanctions comme représentatives des « valeurs universelles », peuvent faire l'objet d'interprétations diverses et être perçues comme du néocolonialisme ou une ingérence extérieure , ou des pressions qui renforcent la dynamique du pouvoir entre les pays, mettant potentiellement à rude épreuve les relations diplomatiques et entravant les initiatives humanitaires.

Un récit plus efficace serait de mettre en évidence les principes du droit pénal international qui interdisent la VSS. Au lieu d'imposer les valeurs occidentales aux autres nations, les décideurs politiques devraient donner la priorité au respect des principes juridiques universellement acceptés plutôt qu'à la promotion de leur propre programme culturel ou idéologique. Une approche peut-être plus efficace pour apporter des changements tangibles dans la vie des femmes dans les pays ciblés serait de se concentrer sur la fourniture d'une aide humanitaire et de soutenir des projets qui préservent l'autodétermination et l'autonomie des femmes et des filles dans ces régions.

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Omissions clés 

Si l'objectif des sanctions est d'améliorer le bien-être des femmes et des filles, il est difficile d'ignorer les omissions ou les lacunes notables de l'action coordonnée en mars 2023.

Les sanctions ont négligé d'inclure les dirigeants houthis yéménites malgré leur utilisation de la VSS comme tactique de guerre et leurs restrictions croissantes sur les droits et l'autonomie des femmes depuis 2014, à l'instar des talibans [fr]. Ces restrictions comprennent des limitations à la liberté de mouvement, à l'habillement, à l'accès aux espaces publics et à la santé reproductive. Bien que les politiques des houthis aient été documentées et critiquées par des experts des droits humains de l'ONU dans une lettre aux dirigeants houthis, aucun individu ou entité n'a été inclus dans les sanctions de mars. Alors que les États-Unis ciblaient le financement des rebelles houthis par l'Iran, les sanctions ne mentionnaient pas spécifiquement les violations des droits des femmes.

Une omission similaire peut être trouvée en Somalie . Malgré des décennies de guerre civile dévastatrice, les femmes et les filles continuent d'être confrontées à une VSS endémique. Les femmes et les filles déplacées à l'intérieur du pays sont particulièrement vulnérables lorsqu'elles parcourent de longues distances pour aller chercher de l'eau pour elles-mêmes et leur famille. Des cas de viol par des soldats du gouvernement ont été documentés dans la capitale Mogadiscio.

Plus au sud, en République démocratique du Congo , les femmes et les filles connaissent également un sort similaire. La milice Maï-Maï  [fr] en particulier a utilisé la VSS [fr] comme tactique ou outil de guerre. Néanmoins, aucune sanction individuelle ou collective n'a pas été imposée.

Le Qatar [fr] est une autre omission notable dans les sanctions. Malgré certains progrès réalisés par les groupes de la société civile au Qatar avec une représentation de 9,8 %de femmes au parlement, le pays applique toujours des politiques discriminatoires qui maintiennent la tutelle masculine, restreignant sévèrement l'autonomie des femmes dans des domaines tels que le mariage, l'éducation, l'emploi, les voyages et la santé reproductive. De plus, le viol est généralement traité comme un rapport sexuel avant le mariage, soumettant les victimes à une peine de sept ans de prison. Toute action de protestation des militantes féministes est également réprimée, comme dans le cas de Noof al-Madeed , qui aurait été victime de violations généralisées de ses droits civils et humains par les autorités.

Déterminer les critères des sanctions

Les principales omissions dans l'application des sanctions soulèvent des questions sur les critères utilisés, et il est important d'examiner les facteurs qui ont pu influencer ces décisions. Bien que des considérations telles que les progrès d'un pays en matière de droits des femmes, la mise en œuvre d'un plan d'action national FPS, le niveau d'activisme féministe et la vérifiabilité des allégations de VSS aient pu être prises en compte. Les critères utilisés restent flous.

D'autres facteurs politiques auraient pu jouer un rôle dans la détermination des individus et entités à cibler, par exemple, les accords commerciaux existants, les inquiétudes concernant les puissants intérêts pétroliers – en particulier à la lumière de l'invasion de l'Ukraine par la Russie – les complications des guerres par procuration, la peur de déstabiliser des régions déjà impliquées dans des guerres civiles, voire un désintérêt des sociétés civiles occidentales pour des régions africaines. 

En général, l'absence d'un cadre clair et transparent pour déterminer les sanctions souligne la nécessité d'une plus grande clarté, d'une plus grande responsabilité et d'une plus grande prise en compte des facteurs qui façonnent les politiques de sanctions en Occident.


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