Observatoire du nucléaire - Analyse - 6 septembre 2010

 

A propos de la prolongation de la durée de
vie des centrales nucléaires en Allemagne

 

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Le gouvernement allemand vient de décider de prolonger la vie des centrales nucléaires : entre 8 et 14 ans supplémentaires selon l'ancienneté de chacun des 17 réacteurs encore en service à ce jour. Cette décision appelle quelques remarques :
 
 
1) La question démocratique
 
 
a) La volonté populaire n'est pas respectée
 
Alors que l'opinion publique allemande reste radicalement antinucléaire, les différents gouvernements n'arrivent pas ou ne souhaitent pas respecter la volonté populaire. La coalition Socio-démocrates/Verts a bien voté en 2000 un plan de sortie du nucléaire, mais avec un tempo si lent que la droite a eu le temps de revenir au pouvoir pour tout remettre en cause.
 
 
b) L'inertie du nucléaire
 
La trop grande lenteur du plan allemand de sortie du nucléaire est assurément due à un manque d'ambition politique, mais le fait est qu'il n'est pas facile de fermer un parc nucléaire :
- l'habitude de disposer de beaucoup d'électricité est installée, avec la surconsommation et les gaspillages qui vont avec ;
- les groupes industriels, qui gagnent beaucoup d'argent en vendant de l'électricité, sont très puissants et savent peser sur les décisions politiques ;
- la construction de réacteurs nucléaires a coûté si cher qu'il n'est pas facile de financer des plans alternatifs ;
On notera d'ailleurs que, avant l'Allemagne, la Suède avait décidé en 1980 de sortir du nucléaire : les réacteurs devaient être tous arrêtés au plus tard en… 2010. Or ils continuent pour la plupart à tourner alors que des accidents graves ont été frôlés comme en juillet 2006 à Forsmark (cf http://bit.ly/d4Morl )
 
 
c) Deux poids, deux mesures
 
En France, la construction des centrales nucléaires a été décidée par un gouvernement de droite dans les années 70 mais, une fois arrivés au pouvoir en 1981, les socialistes n'ont pas remis en cause cette décision malgré leurs promesses et alors que la majorité des centrales en projet ou en chantier pouvait encore être annulée.
On constate donc qu'une alternance politique ne contrarie pas les projets de l'industrie nucléaire alors qu'une autre alternance remet en cause un plan de sortie du nucléaire…
 
 
2) la question environnementale
 
 
a) Les risques d'accidents
 
Une centrale nucléaire est toujours dangereuse, même neuve, mais l'éventualité d'un accident grave devient de plus en plus importante avec le vieillissement de l'installation.
Or, c'est quand une centrale nucléaire est vieillissante qu'elle devient enfin rentable : il faut 25 ou 30 ans de fonctionnement pour qu'une centrale nucléaire soit amortie financièrement. Faire fonctionner le plus longtemps possible les centrales nucléaires représente donc un vrai "jackpot" pour les exploitants nucléaires comme EDF.
Du coup, alors que la plupart des réacteurs sont prévus pour durer 30 ans, les exploitants perdent tout sens de responsabilité en demandant la prolongation de la durée de vie des centrales jusqu'à 60 ans, voire plus. Et ces demandes sont souvent satisfaites par les politiques et les autorités de "sûreté" qui s'avèrent incapables de résister à la pression des grands groupes.
Il est plus que probable que cette fuite en avant se termine par une nouvelle catastrophe nucléaire comparable à celle de Tchernobyl (1986). Il ne s'agit presque plus de savoir si cette catastrophe aura lieu mais de savoir où et quand…
 
 
 
b) Les déchets radioactifs
 
Même si elle n'est pas victime d'un accident grave, une centrale nucléaire dont la durée de vie est prolongé pose un grave problème environnemental : chaque année, chaque mois, chaque semaine de prolongation du fonctionnement signifie la production supplémentaire de déchets radioactifs pour lesquels n'existe aucune solution.
Il est d'ailleurs édifiant de constater que Mme Merkel décide de la prolongation de la durée de vie des centrales allemandes alors qu'elle est confrontée à un incroyable scandale concernant les déchets radioactifs (cf http://bit.ly/bi7jsh ).
 
 
c) Les autres problèmes environnementaux
 
Prolonger la durée de vie d'un réacteur nucléaire revient logiquement à perpétuer les problèmes environnementaux causés par ce réacteur même en fonctionnement "ordinaire", c'est-à-dire sans même qu'il ne soit l'objet d'un accident ou d'un incident. Citons par exemple :
 
- la contamination par les mines d'uranium
Un réacteur nucléaire fonctionne avec pour combustible de l'uranium dont l'extraction cause de très graves problèmes environnementaux. Par exemple, Areva contamine gravement le Niger depuis 50 ans pour y extraire l'uranium nécessaire aux réacteurs français. (On notera d'ailleurs que la supposée "indépendance énergétique" assurée par le nucléaire est bien virtuelle puisque le combustible est importé).
 
-les rejets radioactifs dans l'environnement
Fin 2007, une étude de l'université de Mayence (Allemagne) a montré que, parmi les enfants de moins de cinq ans grandissant à moins de cinq kilomètres d'une centrale nucléaire, les cas de leucémie sont deux fois plus fréquents que dans d'autres régions.
(cf http://www.lecourrier.ch/index.php?name=NewsPaper&file=article&sid=438253 )


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