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A l'Est de la RDC, les mines financent en partie les groupes rebelles

Sun, 16 Nov 2025 21:41:27 +0000 - (source)

La quasi-totalité des zones importantes et riches en minerais sont sous contrôle de la rébellion

Initialement publié le Global Voices en Français

Image des tentes installés sur le site de mine d'or de Kamituga dans le Sud-Kivu à l'Est de la RDC ; capture d'écran de la chaîne YouTube de Tv5monde Info

La crise sécuritaire s'amplifie dans les provinces de l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), suite à un rapprochement qui réunit l’Alliance Fleuve Congo et le Mouvement du 23 mars (AFC/M23), deux groupes rebelles qui luttent contre le pouvoir en place.

L’AFC qui est un groupe politico-militaire inclut en son sein d'anciennes figures du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) de l’ancien président de la RDC Joseph Kabila, au pouvoir de 2001 à 2019. Tandis que le M23 demeure le principal groupe rebelle.

L'union de ces deux groupes rebelles constitue un défi d'autant plus grand pour les Forces armées de la république démocratique du Congo (FARDC) car l'AFC vient augmenter les capacités militaires et logistiques de cette rebellion qui se renforce.

En janvier 2025, l’AFC/M23 s'empare de la ville de Goma et de Bukavu dans l'Est du pays et forme un gouvernement parallèle à celui de Kinshasa en faisant de la ville de Goma au Nord Kivu sa capitale. Ce gouvernement est chapeauté par Corneille Nangaa (ancien président de la commission électorale nationale indépendante), Bertrand Bisimwa et pour la branche militaire chargée des opérations dirigée par Sultani Makenga. Pour se suffire financièrement et répondre aux besoins de la guerre contre les FARDC, ce mouvement priorise l’exploitation minière. 

Selon un rapport publié le 21 octobre 2025 par Oakland Institute (groupe de réflexion basé à Oakland, en Californie) l'objectif des rebelles du groupe AFC/M23 est d’obtenir la mainmise sur les mines afin d’assurer le financement en logistique et armement. Cette stratégie est soutenue par le Rwanda qui continue de fournir un soutien militaire et logistique.

Ledit rapport invoque plus de six millions de morts, de viols, de massacres, d'actes de tortures, de déplacés qui se comptent aussi en millions. L'Oakland institute poursuit dans son rapport que le Rwanda et les groupes rebelles qu’il contrôle ont pris d'assaut plusieurs territoires riches en minerais dans les provinces du Nord et Sud Kivu imposant avec des déplacements massifs des populations locales.

La guerre des mines

La quasi-totalité des zones riches en minerais se trouvent en ce moment sous le contrôle de la rébellion, notamment la cité de Walikale, riche en coltan, or et la cassitérite (mineral composé de dioxyde d'étain) ; et la mine de Bisie, l'une des plus riches en étain au monde. La rébellion occupe également la zone minière de Rubaya, riche en coltan, et l’importante mine de pyrochlore de Lueshe. Dans le territoire de Lubero, les rebelles occupent des zones aurifères comme Musigha. Dans le Sud-Kivu, la rébellion contrôle pareillement la cité minière de Lumbishi, riche en tourmaline, coltan, or et cassitérite.

Les rebelles de l’AFC/M23 prétendent ne pas lier leurs aspirations de guerre à la cause minière, comme en témoigne leur coordinateur Corneille Nangaa, dans un point de presse tenu  à Goma dans le Nord Kivu:

nous on ne cherche pas de l'or ni moins encore d'autres minerais. Nous nous combattons pour le pays.

Suivre ici, la vidéo de ce point de presse:

Cependant, la guerre sur le front démontre le contraire. Le rapport de l’Oakland Institute insiste :

Le Rwanda commande et contrôle le M23 et lui a apporté un soutien crucial. L’objectif était bien le contrôle de sites miniers stratégiques. Le contrôle de l’AFC/M23 sur l’est de la RDC a assuré l’accès du Rwanda aux territoires riches en minéraux et en terres fertiles.

Plus loin, l’Oakland Institue ajoute :

Des sources des Forces de défense rwandaises RDF et des sources proches du gouvernement rwandais ont rapporté que l’objectif final de Kigali était de contrôler le territoire de la RDC et ses ressources naturelles […] Les experts ont identifié le Rwanda comme un important point de transit et d’exportation pour l’étain, le tantale et le tungstène congolais.

Selon le même rapport, l’AFC/M23 s’est assuré le monopole de l’exportation de coltan de Rubaya vers le Rwanda. Un rapport du Conseil de sécurité de l’ONU sur la situation de l'Est du Congo, publié en décembre 2024, dénonce :

« (…) collectant environ 800 000 dollars par mois grâce à la taxation de la production et du commerce de Coltan. Une augmentation sans précédent de la contrebande de coltan a été signalée et depuis le M23 a exporté frauduleusement au moins 150 tonnes vers le Rwanda en 2024 et jusqu’à 120 tonnes par mois en 2025.

Pour contrer leur source de financements, dans la nuit du 23 octobre 2025, les FARDC larguent des bombes à l’aide de drones dans une partie de l’usine de production d’or sur le site minier de Twangiza Mining placé sous le contrôle des rebelles. Cette usine produit environ 100 kg par mois.

En même temps, l’AFC/M23 est accusée d'avoir pillé plus de 500 kilos d’or dans la concession aurifère de Twangiza. La mine de Twangiza Mining était au depart détenue par un consortium canadien avant d’être rachetée par des investisseurs chinois qui ont quitté les lieux en mai 2025 à l’arrivée des rebelles. Selon l'entreprise, près de 500 kilos d'or auraient été dérobés en cinq mois par les rebelles, représentant une perte estimée à environ 70 millions de dollars américains.

L’échec des autorités congolaises sur le front diplomatique

Les autorités congolaises accusent régulièrement le Rwanda auprès des organisations internationales dont les Nations Unies, et lancent des appels à la cessation de son soutien aux groupes rebelles, notamment par le biais de l'Union Européenne.

Mais l‘accord de paix signé aux États-Unis le 27 Juin 2025 entre la RDC et le Rwanda se solde par un échec car il est boycotté par l’AFC/M23. Mais Washington ne perd pas son temps pour autant: entre mai et juillet 2025, l’Américain KoBold Métal annonce  l’acquisition de droits sur le gisement de lithium de Manono (au Sud-Est du pays) grâce à un accord d’un milliard de dollars américains avec l’australien AVZ Minerals. Le même KoBold Metal explore des ressources minérales critiques du pays avec l'aval du gouvernement de la RDC. Ces accords représentent une plus-value au nom de la facilitation de l’accord de l’administration Trump sur la guerre de l'est de la RDC.

Pourtant, et malgré l'intervention de Washington, Félix Tshisekedi, président de la RDC, reconnaît son incapacité à éradiquer la guerre. Dans son discours à la tribune des Nations unies (page 8) du 23 septembre 2025, il dit :

Je demande aux Nations Unies de veiller à la stricte application de cet Accord, désormais indissociable de la mise en œuvre de la résolution susmentionnée. Tant que ces décisions ne seront pas exécutées, le sang des innocents continuera de couler.

Dans un article du média congolais Actualité CD, Félix Tshisekedi affirme ouvertement qu'il soutiendrait la candidature de Donald Trump au Prix Nobel de la paix si le président américain parvient mettre fin à la guerre dans son pays. Il avoue :

(…) si le président Trump parvient à mettre fin à cette guerre grâce à sa médiation, il mériterait ce prix Nobel. Je serais le premier à voter pour lui.

Selon un article du média qatari Aljazeera, publié le 15 novembre 2025, les rebelles du M23 ont signé un accord cadre de paix avec le gouvernement de la RDC à Doha au Qatar. Ceci dans le but mettre fin à plusieurs années de conflits.


Comprendre le soulèvement des jeunes au Népal : des décennies de corruption atteignent un point critique

Fri, 14 Nov 2025 19:53:50 +0000 - (source)

Les manifestants de la génération Z héritiés de la démocratie durement acquise par leurs grands-parents, ont assisté à sa dégradation.

Initialement publié le Global Voices en Français

Gen Z protesters in front of Bharatpur Mahanagarpalika office, Nepal, September 2025. Photo by Himal Subedi, via Wikimedia Commons (CC-BY-SA 4.0)

Manifestants de la génération Z devant les bureaux de la municipalité de Bharatpur, au Népal. Septembre 2025. Photo de Himal Subedi, via Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0).

Plusieurs semaines après que la police ait tiré sur une foule d’étudiants en septembre, faisant au moins 19 morts, Katmandou, la capitale du Népal, restait sous le signe de la fumée. Les rues, autrefois animées par les écoliers, étaient désormais envahies par des soldats armés.

Ce qui avait débuté comme une contestation contre l’interdiction des réseaux sociaux ne se limitait pas à TikTok ou Facebook. C’était l’expression de frustrations accumulées depuis longtemps et un face-à-face avec un siècle d’instabilité et de corruption.

Les manifestants de la génération Z au Népal ont hérité d’une démocratie pour laquelle leurs grands-parents se sont battus et ont vu, aux côtés de leurs parents, cette démocratie se défaire. Pour comprendre la colère de 2025, il faut ressasser une histoire marquée par des rois, des révolutions et des demandes incessantes de responsabilité.

Pendant une grande partie de l’histoire moderne, le Népal a été dirigé par des rois. La dynastie Rana s’empara du pouvoir en 1848, instaurant une oligarchie qui maintint le pays isolé pendant plus d’un siècle. L’accès à l’éducation était réservé à une élite, et la population népalaise n’avait que peu d’influence sur les affaires gouvernementales.

L’autocratie et le système Panchayat

Après la Seconde Guerre mondiale, inspirés par l’indépendance de l’Inde, des exilés népalais commencèrent à constituer des partis d’opposition. Une révolte en 1951, appuyée par le roi Tribhuvan, mit fin au régime des Rana et ouvrit les frontières du Népal.

En moins d’un an, le roi Mahendra dissout le parlement, interdit les partis politiques et instaure le système autocratique du Panchayat. Pendant trois décennies, le Népal fut gouverné par une hiérarchie complexe de conseils subordonnés directement à la couronne. Les opposants politiques ou toute personne contestant l’autorité royale étaient emprisonnés ou exilés. Les médias étaient strictement censurés, mais une forme de contestation subsistait néanmoins dans la clandestinité.

Le Mouvement populaire de 1990

Caption: Protest during the 1990 People’s Movement, Kathmandu, Nepal. Photo by Min Ratna Bajracharya, via Wikimedia Commons (uploaded by Biplab Anand, CC-BY-SA 4.0).

Manifestation lors du Mouvement populaire de 1990, Katmandou, Népal. Photo de Min Ratna Bajracharya, via Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0).

À la fin des années 1980, l’économie était stagnante, la corruption gouvernementale omniprésente, et une nouvelle génération d’étudiants réclamait le changement. Après plusieurs semaines de mobilisations massives en 1990, dans le cadre du Mouvement populaire, ou Jana Andolan I, le roi Birendra accepta le retour à une démocratie multipartite.

Une nouvelle constitution institua une monarchie constitutionnelle et garantissait les libertés civiles.

Instabilité politique et insurrection maoïste

Cependant, l’euphorie céda rapidement la place à la déception. Les gouvernements se succédaient avec une grande régularité : entre 1991 et 2001, plus d’une douzaine de Premiers ministres furent nommés puis destitués. Les partis politiques se divisèrent en factions davantage soucieuses de conserver le pouvoir que d’élaborer des politiques publiques.

À mesure que les inégalités se creusaient et que les communautés rurales perdaient confiance dans des politiciens incapables d’apporter routes, électricité ou emplois, un espace s’ouvrit pour une alternative radicale. En 1996, le Parti communiste du Népal (maoïste) lança une rébellion armée réclamant la fin de la monarchie, ainsi que des réformes agraires et la justice sociale. Le conflit déclencha une grande partie des campagnes, faisant plus de 17 000 morts au début des années 2000.

Le massacre royal de 2001 et le règne de Gyanendra

Le pays fut alors confronté à un traumatisme national lorsqu'en 2001, un massacre royal a eu lieu. Le prince héritier Dipendra aurait tiré sur le roi Birendra, la reine Aishwarya et neuf autres membres de la famille royale avant de retourner l’arme contre lui-même ; il aurait été sous l’emprise de l’alcool au moment des faits.

Le roi Gynandre monta sur le trône et, en 2005, dissout le parlement en déclarant l’état d’urgence, ce qui rassembla les partis politiques d’opposition, la société civile et les maoïstes.

En 2006, lors de manifestations massives connues sous le nom de Jana Andolan II, Gynandre fut contraint d’abdiquer. En 2008, la monarchie fut définitivement abolie. Le Népal devint une République démocratique fédérale, et les anciens dirigeants maoïstes devinrent parlementaires.

La nouvelle république et la constitution

Map of Nepal showing its seven provinces. Image by SimulationWig, via Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0).

Carte du Népal montrant ses sept provinces. Image de SimulationWig, via Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0).

La nouvelle république suscita de grands espoirs. La première assemblée constituante fut mise en place pour rédiger une constitution garantissant la représentation des femmes, des Dalits, des peuples indigènes et des Madhesi.

Cependant, le processus dura sept ans, marqué par des conflits au sein des élites. Ce n’est qu’après deux dissolutions de l’assemblée qu’une nouvelle constitution fut finalement adoptée en 2015.

Le nouveau texte institua un régime fédéral divisant le Népal en sept provinces et prévoyait également des droits et l’inclusion. Cependant, il fut élaboré dans un contexte contesté, et de nombreux groupes marginalisés affirmèrent avoir été exclus.

Corruption politique et inégalités croissantes

Au cours des années suivantes, le pays connut une succession de coalitions composées des mêmes personnalités, dont K.P. Sharma Oli, Sher Bahadur Deuba et Pushpa Kamal Dahal, connu sous le nom de « Prachanda », qui occupèrent tour à tour le poste de Premier ministre. Tous, sans exception, affirmaient qu’ils mèneraient des réformes, mais leurs biens furent contestés ou leurs actions entachées de favoritisme et de corruption.

Avec l’augmentation de la migration, près de 14 % de la population travaillait désormais à l’étranger, et les envois de fonds étaient devenus le pilier économique du pays. Cependant, l’écart entre riches et pauvres se creusait. Les écoles et les hôpitaux des zones rurales se dégradaient, tandis que l’élite affichait de façon manifeste sa richesse.

Les réseaux sociaux devinrent à la fois une échappatoire et un miroir, un lieu où se concentraient les frustrations, alors que des hashtags tels que #NepoKids et #YouthsAgainstCorruption mettaient en lumière les privilèges de l’élite.

En 2024, l’économie népalaise était étranglée par l’inflation, le chômage des jeunes et la stagnation politique. La réponse du gouvernement ne fut pas d’améliorer la situation par des réformes, mais d’imposer de nouvelles réglementations limitant les plateformes en ligne et les éditeurs numériques.

Les manifestations estudiantines de 2025

Au début du mois de septembre, des groupes d’étudiants commencèrent à s’organiser via des applications cryptées et des réseaux hors ligne. En l’espace de quelques jours, des milliers d’étudiants défilèrent à Katmandou, Pokhara et Lalitpur.

Ils brandissaient des pancartes, telles que « Stop à la corruption, pas aux réseaux sociaux ». Beaucoup étaient des adolescents élevés avec les récits du mouvement pour la démocratie, mais n’ayant connu que d'anomalies.

Lorsque les foules se rassemblèrent devant le parlement, la police tira des gaz lacrymogènes, puis des balles réelles. Les hôpitaux furent submergés d’étudiants en uniforme scolaire. Selon les médias locaux et les organisations de défense des droits humains, au moins 19 personnes perdirent la vie. Le gouvernement instaura un couvre-feu, interrompit les réseaux mobiles et déploya l’armée.

Cette nuit-là, alors que la colère publique éclatait, le ministre de l’Intérieur démissionna. Le cabinet fit marche arrière sur l’interdiction, mais les manifestations dépassèrent rapidement Katmandou, la colère s’enflammant contre les inégalités et la corruption.

Dans le désordre qui s’ensuivit, des foules attaquèrent des bâtiments gouvernementaux et les domiciles de responsables politiques. L’ancien Premier ministre Deuba et son épouse, Arzu Rana Deuba, furent secourus par l’armée après que des manifestants eurent pris d’assaut leur résidence.

Leadership intérimaire et appels à la responsabilité

Sushila Karki at the US-Nepal Summit for Democracy, 2021. Photo by U.S. Embassy Kathmandu, via Wikimedia Commons (uploaded by Joofjoof, Public Domain)

Sushila Karki lors du Sommet pour la démocratie États-Unis–Népal, 2021. Photo de l’ambassade des États-Unis à Katmandou, par Wikimedia Commons (domaine public).

Alors que la capitale était placée sous verrouillage militaire, le président Ram Chandra Poudel nomma l’ancienne juge en chef Sushila Karki Première ministre par intérim, faisant d’elle la première femme à occuper ce poste au Népal.

Âgée de 73 ans, Karki est une ancienne juge de la Cour suprême réputée pour ses décisions anti-corruption. Sa nomination bénéficiait du soutien des représentants des jeunes ayant contribué à diriger les manifestations.

Le gouvernement intérimaire de Karki s’est félicité de son engagement à enquêter sur les tueries, à rétablir l’ordre et à organiser de nouvelles élections en mars 2026 ; reste à savoir si cela suffira à instaurer la confiance, ce qui est une toute autre question.

Continuité et espoirs : leçons de l’histoire

L’histoire du Népal a été faite de poussées suivies de stagnation : révolution, espoirs, paralysie. À chaque fois, de 1951 à 1990 puis 2006, la révolution a renversé un ancien ordre mais n’a pas su produire de changements durables.

Pour la génération Z, le défi est de savoir si ce moment pourra aboutir à une percée réelle. Le mouvement a déjà marqué l’histoire : en tenant les responsables pour compte, en plaçant une femme à la plus haute fonction du pays, et en démontrant que l’action civique reste possible dans un système fragilisé.

Les rues de Katmandou sont silencieuses, mais la tension demeure. Les étudiants continuent de veiller chaque soir en mémoire des victimes. Les murs de l’université sont couverts de graffiti proclamant : “ Si ce n’est pas maintenant, c'est pour quand? ”

Human Rights Watch et Amnesty International ont appelé à des enquêtes indépendantes sur les actions de la police et de l’armée. L’armée affirme avoir agi pour protéger l’ordre public, soulignant que de nombreux participants étaient des mineurs.

Dans ses premières déclarations en tant que Premier ministre par intérim, Karki a appelé au calme en cette période de troubles. “Le changement doit passer par les institutions, et non par le feu”, a-t-elle déclaré. Elle a toutefois reconnu que les jeunes Népalis avaient “raison d’exiger dignités et opportunités”.

Il reste à voir si ces manifestations marqueront le début d’un chemin vers la réforme ou si elles ne constitueront que le dernier chapitre de la longue histoire du Népal, faite d'espoirs et de déceptions.

Mais il y a une constante : chacun de nos mouvements depuis la chute des Rana a été mené par des étudiants convaincus que leur pays pouvait être meilleur. À cette aune, les manifestations de 2025 ne constituent en aucun cas une rupture avec l’histoire ; elles en sont au contraire une continuité.


Le rôle essentiel du maillon africain dans la chaine mondiale d'approvisionnement en véhicules électriques chinois

Fri, 14 Nov 2025 18:10:50 +0000 - (source)

L'Afrique pourrait devenir le prochain centre de distribution et de consommation de véhicules électriques le plus important au monde.

Initialement publié le Global Voices en Français

Une route à Maârif, Maroc.

Une route à Casablanca, au Maroc. Le Maroc pourrait jouer un rôle crucial dans la transition vers les véhicules électriques en Afrique. Image provenant de Wikimedia Commons. License CC BY 3.0.

Cet article a été retenu dans le cadre du Programme Global Voices Climate Justice fellowship, qui met en relation des journalistes de pays sinophones et ceux d'autres pays de la sphère mondiale pour étudier les impacts des projets de développement chinois à l'étranger. Découvrez d'autres articles ici.

Durant la dernière décennie, les constructeurs automobiles chinois comme BYD, Xpeng, Chery, Wuling, et d'autres se sont déployés de manière agressive aux Etats-Unis et en Europe. En effet il est devenu difficile pour eux d'être rentables à cause, en partie, d'une saturation excessive de leur marché intérieur et d'une féroce ambiance de guerre des prix. Dans ce contexte, Pékin a incité les entreprises chinoises à s'implanter à l'étranger et à investir les marchés internationaux par une stratégie d'innovation et de prix attractifs — notamment grâce à des produits écologiques comme les véhicules électriques (EVs).

Cependant, ces marchés ne font plus rêver les constructeurs chinois à la recherche de clients étrangers. En septembre 2024, l'ancien Président américain Joe Biden avait imposé des droits de douane de 100% sur les véhicules électriques chinois, que l'actuel Président Donald Trump a hissé à 154% en juin 2025. Dans le même temps, l'Union européenne a ouvert une enquête pour déceler d'éventuelles pratiques de subventions déloyales dans l'industrie du fait de la stratégie nationale de Pékin. De Washington à Bruxelles, les constructeurs chinois sont accusés de pratiquer le dumping sur les véhicules électriques avec des prix cassés qui déstabilisent le marché mondial. L'Union européenne a mis en place des barrières commerciales depuis octobre 2024 pour lutter contre ce phénomène

Confrontées à une forte résistance des marchés automobiles établis, plusieurs entreprises chinoises spécialisées dans les voitures électriques se tournent vers les pays du Sud et réorientent leurs stratégies commerciales vers les pays à revenus faibles ou intermédiaires.

L'Afrique est la future frontière des véhicules électriques

Dans le nouveau paysage commercial mondial, l’ Afrique n'est plus seulement qu'une pourvoyeuse de matières premières telles que le cobalt, le lithium, et les terres rares — ces minéraux convoités qui alimentent la production mondiale de batteries. C'est un marché juteux de consommation pour les constructeurs à la recherche de nouveaux clients, un marché qui émerge comme site de production et d'assemblage dans la chaine d'approvisionnement des véhicules électriques en Chine.

Pour en savoir plus : Is China responsible for the illegal extraction of mineral resources by its companies in Africa? (La Chine est-elle responsable de l'extraction illégale des ressources minérales par ses entreprises en Afrique ?)

Le premier constructeur automobile en Chine, BYD, a annoncé son intention  de presque tripler son réseau de concessionnaires en Afrique du Sud d'ici 2026. Les analystes ont qualifié cette décision de mutation rapide visant  à consolider ses parts de marché alors que les concurrents hésitent. Un autre mastodonte automobile chinois, Chery, connait aussi une expansion rapide en Afrique du Sud et au Kenya, ciblant les acheteurs de la classe moyenne avec des modèles relativement abordables.

Selon RFI, Tony Liu PDG de Chery Afrique du Sud a déclaré :

南非是通往非洲大陆的重要门户。南非有非常成熟的汽车金融体系,也有成熟的消费者,他们对售后服务有很高的期望。因此,我们实际上认为南非对我们来说是一个非常具有战略意义的国家和市场。

L'Afrique du Sud est une porte d'entrée de premier plan sur le continent africain. Elle dispose d'un système de financement automobile très développé et de consommateurs avertis ayant de fortes attentes en service après vente. De ce fait, pour nous, l'Afrique du Sud est considéré comme un pays et un marché très stratégique.

 Le Président de l'Afrique du Sud Cyril Ramaphosa visite les sièges sociaux de BYD.

Le Président de l’ Afrique du Sud Cyril Ramaphosa visite les sièges sociaux de BYD et Huawei dans la province de Guangdong lors d'un voyage en Chine en septembre 2024 et prend une photo avec un prototype de véhicule de BYD. Image tirée GovernmentZA du compte Flickr officiel du gouvernement d'Afrique du Sud. CC BY-ND 2.0

Pour faciliter la production continentale de batteries, l'entreprise chinoise Gotion High Tech construit la première méga usine africaine dédiée aux véhicules électriques à Kenitra, au Maroc. Les autorités marocaines ont salué ce projet comme une avancée positive susceptible de faire passer le pays d'une industrie d'extraction des matières premières à  une production à plus forte valeur ajoutée. Le communiqué de presse du gouvernement indiquait:

Cet investissement stratégique majeur, qui porte sur la réalisation d'un écosystème industriel complet de fabrication de batteries électriques à Kenitra, est non seulement la première « méga-usine » qui sera réalisée au Maroc, mais également la première du genre de toute la région du Moyen-Orient et de L'Afrique, consolidant ainsi la position de leader régional du Royaume dans l’industrie automobile et la transition énergétique.

Cet investissement stratégique majeur, qui porte sur la réalisation d'un écosystème industriel complet de fabrication de batteries électriques à Kenitra, est non seulement la première ‘méga usine’ réalisée au Maroc, mais aussi la première du genre dans toute la région du Moyen-Orient et de l'Afrique , consolidant ainsi la position du Royaume en tant que leader régional dans l'industrie automobile et la transition énergétique.

L'ouverture de l'usine géante The Gotion High Tech est prévue pour juin 2026, et son emplacement pourrait en faire une base d'exportation importante pour les marchés européens et africains.

Dans les pays qui ont traditionnellement entretenu des relations cordiales avec la Chine, comme le Ghana et le Kenya, les ministères chinois et les associations liées à l'État organisent activement des salons sur l'automobile avec les gouvernements africains. Les nouveaux investissements dans les usines d'assemblages et les infrastructures de recharge sont regroupés dans le cadre des « partenariats pour la mobilité verte. »

Ensemble, ces mesures témoignent d'une volonté délibérée d'intégrer l'Afrique dans la stratégie mondiale de la Chine en matière de véhicules électriques — non seulement en tant que fournisseur, mais aussi en tant que centre de distribution et base de consommateurs.

La dynamique propre à l'Afrique en matière de véhicules électriques

Pour appréhender l'ampleur de ce changement, il est important de noter que les États africains ne sont pas de simples bénéficiaires passifs de capitaux chinois. Plusieurs pays adoptent de manière proactive la transition vers les véhicules électriques.

Les résultats d'une étude régionale conduite par WowAfrica, un site d'information en langue chinoise consacré à l'investissement en Afrique , montrent que les pays africains peuvent être classés en deux catégories en fonction de leur approche vis-à-vis des véhicules électriques:

Tout d'abord, les constructeurs automobiles établis comme l'Afrique du Sud, le Maroc et l'Égypte considèrent les véhicules électriques comme un prolongement naturel de leurs secteurs actuels. Ces discours s'inscrivent parfaitement dans l'objectif de la Chine de s'imposer sur le marché africain. Ensuite, viennent les nouveaux constructeurs dans le secteur automobile, comme le Kenya, le Rwanda, et l'Ouganda. Ces pays ne disposent pas d'industries traditionnelles, mais considèrent les véhicules électriques comme une opportunité de passer directement à une production de plus haute technologie et respectueuse de l'environnement. 

Bien que chaque gouvernement ait son programme spécifique, tous tentent de tirer parti de la transition vers les véhicules électriques et de l'intégrer dans leurs plans nationaux de développement économique.

Par exemple, le Kenya est devenu l'un des pôles les plus dynamiques d'Afrique en matière de véhicules électriques, grâce à des incitations fiscales , au déploiement rapide de stations de recharge, et grâce au soutien et à la politique gouvernementale d'intégration du développement des véhicules électriques dans la stratégie énergétique nationale. La capitale, Nairobi, a mis en service une flotte de bus électriques afin de rendre son réseau de transport public plus écologique.

An electric bus in Nairobi, Kenya.

Un bus électrique en cours de recharge à Nairobi, Kenya. Capture d'écran tirée d'une vidéo YouTube. Usage autorisé.

Une start-up vedette, Roam Motors au Kenya, a obtenu un financement de l'institution financière de développement (DFC) du gouvernement américain pour développer des bus et des motos électriques , tandis que l'agence allemande de développement GIZ travaille avec le gouvernement pour l'amélioration de l'efficacité des transports.

Un autre exemple est l'introduction par l'Ouganda d'une politique nationale de mobilité électrique en 2018. Elle consiste à accorder des exonérations avantageuses sur la TVA, les droits d'importations, et des réductions d'impôts sur les véhicules électriques, les batteries, et les équipements de recharge. EV24.Africa, un groupe qui promeut l'adoption de véhicules électriques sur le continent, a présenté les ambitions à long terme du gouvernement: « Le gouvernement vise à encourager l'adoption des véhicules électriques malgré leurs prix plus élevés, en visant l'électrification complète des transports publics d'ici 2030 et celle des véhicules particuliers d'ici 2040. »

Par ailleurs, le Maroc occupe vraiment une position spéciale sur le continent, en tant que porte d'entrée potentielle vers les marchés africain, européen, et américain. Le pourcentage de la production marocaine de véhicules exportés vers l'Europe est approximativement chiffré entre 80 et 90%, juste derrière la Chine. Le gouvernement marocain a annoncé son intention de tirer parti de son solide réseau manufacturier pour s'assurer que 60 % de ses véhicules exportés soient électriques . Les responsables marocains ont mis en exergue leur statut de pays de libre concurrence , un pays partenaire commercial disposant de fournisseurs de matières premières et de clients européens, devenu de fait une plaque tournante logique pour les méga usines de batteries.

La Chine a très favorablement accueilli ces mesures.  Depuis des années, le Maroc est présenté comme l'un des maillons essentiels de l'initiative chinoise « Belt and Road » (BRI), son projet mondial d'infrastructures, de transport, et de connectivité énergétique. Du fait des dernières mesures tarifaires appliquées par l'Union européenne contre les véhicules électriques chinois, l'attractivité du Maroc est revenue à nouveau au cœur des débats des entreprises chinoises. Basé à Shanghai, Global Exhibition, un groupe d'affaires facilitateur des expansions en l'Asie de l'Ouest et en Afrique du Nord, a expliqué la stratégie qui justifie son implantation au Maroc:

对中国而言,摩洛哥不仅是其电动汽车行业离岸外包的重要选择,更是其全球战略棋局中的一枚关键棋子。通过布局摩洛哥,中国不仅能够避开欧美的保护主义政策,继续将产品销往西方市场,还能够进一步拓展其在非洲和全球的影响力。

Pour la Chine, le Maroc est non seulement un choix important d'externalisation offshore pour son industrie des véhicules électriques mais surtout un pion stratégique de son plan d'action mondial. En établissant une forte présence au Maroc, la Chine peut contourner les politiques protectionnistes américaines et européennes afin de maintenir la commercialisation de ses produits dans les marchés occidentaux, tout en étendant son influence sur l'Afrique et la scène internationale.

Un grand nombre de médias chinois et d'instituts de recherche liés à l'État saluent aussi le rôle primordial joué par le Maroc dans la promotion de la  stratégie mondiale de la Chine en matière de véhicules électriques.  

Mais ce n'est pas le seul acteur à vouloir se lancer dans la production de véhicules électriques. Le gouvernement sud africain a annoncé en mars 2025 qu'il comptait investir 1 milliard de rands (54,27 millions de dollars ) pour stimuler la production de véhicules électriques d'ici 2035. L'objectif de cet investissement est de transformer l'industrie automobile du pays en mettant l'accent sur les véhicules électriques, les batteries, et les infrastructures de maintenance. Le gouvernement local pense « que ce plan s'inscrit dans les objectifs mondiaux de développement durable et vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en préservant la position de l'Afrique du Sud comme pôle automobile de premier plan en Afrique subsaharienne. »

Compte tenu de cette dynamique, nous pouvons affirmer sans nous tromper que l'Afrique ne se contente pas d'être « un maillon » de la chaine d'approvisionnement chinoise, mais elle essaie aussi d'imposer ses conditions dans cette course planétaire aux véhicules électriques.

A BYD outlet. Screenshot from YouTube.

Un point de vente de BYD. Capture d'écran de YouTube.

La promesse et le piège

En Chine, les discours officiels, les entreprises, et les décideurs politiques nationaux considèrent que l'intégration de l'Afrique au marché chinois des véhicules électriques est un partenariat « gagnant-gagnant » — L'Afrique bénéficie de la création d'emplois, des infrastructures, et d'une intégration rapide dans la mobilité propre, tandis que la Chine maintient ses volumes de production et sa portée mondiale. Mais la réalité est plus complexe que cela.

De nombreux analystes ont averti que l'Afrique risquait d'être cantonnée au bas de l'échelle de la chaine de valeurs des véhicules électriques . Selon un rapport d'Africa Confidential les usines d'assemblages et les concessionnaires automobiles font rarement le saut vers les systèmes de fabrication de pointe et la haute technologie..

Un autre risque subsiste dans la différence des niveaux de bénéfices. Même la méga usine marocaine, bien qu'ambitieuse, est étroitement liée aux réseaux contrôlés par la Chine, ce qui constitue un problème de souveraineté et de pouvoir de négociation.

Le risque à long terme est désigné par Le Paradoxe Vert — Les véhicules électriques sont indéniablement plus respectueux de la nature que les voitures à essence à long terme, mais l'extraction initiale du cobalt, du lithium, et des terres rares nécessaires à leur fabrication entraine souvent des dommages environnementaux et sociaux si l'exploitation minière est non réglementée, négligente et abusive. Sans une gouvernance plus forte, l'Afrique risque de reproduire les anciens modèles extractifs sous une « bannière verte ».

Le résultat probable est une dépendance camouflée sous le terme de durabilité: l'Afrique deviendrait un fournisseur périphérique et un marché de consommation à bas prix dominé par la Chine. Pour éviter cela, les défenseurs de l'environnement insistent sur le fait que les voix locales soient entendues et associées aux processus décisionnels. La transition écologique ne sera juste et équitable qu'avec une participation inclusive et égalitaire des populations africaines.


Concours de chant ou arène politique ? Quelles sont les nuances de l'Eurovision et de l'Intervision en 2025 ?

Fri, 14 Nov 2025 15:16:59 +0000 - (source)

« L'ironie c'est que ces concours ont été initialement conçus comme l'opposé de la politique »

Initialement publié le Global Voices en Français

Screenshot of a video of Intervision 2025's winning performance from Vietnam, represented by Đức Phúc with the song ‘Phù Đổng Thiên Vương’ on Kieran Edmunds's YouTube channel. Fair use.

Capture d'écran d'une video de la performance du Vietnam, qui a remporté l'Intervision 2025, avec la chanson ‘Phù Đổng Thiên Vương’ interprétée par Đức Phúc, issue de la chaîne YouTube de Kieran Edmunds. Utilisée avec permission.

Les concours de chant sont devenus fortement politisés. De l’Eurovision à l’Intervision, presque tous les concours de musique internationaux, tel que le Festival ABU TV ou Viña del Mar le Festival international de la Chanson, finissent par devenir le reflet de la géopolitique. Les juges, le public, même les artistes se retrouvent entraînés dans un jeu de symboles, où mélodie et paroles cessent d'exister par elles-mêmes et deviennent une façon de faire passer un message entre les lignes.

En septembre 2025, la Russie a annoncé le retour de l'Intervision, qui semble se présenter comme une alternative à l'Eurovision, dont la Russie a été exclue depuis le début de la guerre totale en Ukraine en 2022.

Les responsables du pays organisateur insistent, bien-sûr, sur le fait que le concours est « apolitique. » Alexander Alimov, un responsable au sein du ministère russe des Affaires étrangères, a déclaré dans une interview avec TASS que « l'Intervision n'avait pas été conçu dans le but de faire contrepoids à l'Eurovision, même s'il existe certainement des différences entre les deux. Notre concours n'a aucune connotation politique. Nous recherchons une langue unificatrice basée sur des valeurs telles que le respect mutuel, la souveraineté culturelle et l'égalité. »

En même temps, ce projet indépendant, décrit dans les médias russes comme ayant son propre concept distinct, ressemble — tout à fait par hazard — étonnamment à l'Eurovision: par son nom, sa sélection de présentateurs, son style visuel et par sa conception générale.

Ci-dessous la diffusion intégrale de la finale de l'Intervision sur YouTube :

Et voici la diffusion intégrale de la finale de l'Eurovision sur YouTube:

L'ironie, c'est que ces concours ont été initialement conçus pour être le contraire de la politique. L'Eurovision est née dans les années 50 avec l'idée d'unir l'Europe à travers la culture, alors que l'Intervision est apparu dans les années 1970 comme son homologue socialiste. Des artistes de l'Europe de l'Est, de l'URSS et de nations alliées ont participé, visant à montrer que le Rideau de Fer ne bloquait pas les échanges culturels. Organisé à Sopot, en Pologne, le concours — malgré une diffusion limitée  — est devenu l'une des scènes musicales les plus reconnues du bloc de l'Est. En 1981, l'Intervision de Sopot a été annulé en raison de la montée en puissance du mouvement syndical indépendant, qui était considéré par d'autres gouvernements communistes du bloc de l'Est comme « contre-révolutionnaire. »

Aujourd'hui, alors que le monde est encore une fois divisé en camps rivaux, cette histoire semble à nouveau d'actualité. Plus le climat politique est tendu, moins la musique a de chances de rester épargnée. Les votes des jurés et du public sont de plus en plus considérés non pas comme des évaluations de talents, mais comme des déclarations d'allégeance.

Les réseaux sociaux ont amplifié cet effet. Il n'est guère surprenant que sous les articles consacrés à l'Intervision, on trouve des commentaires tels que : « Je l'ai regardé hier. C'était merveilleux. Aucune nudité, tout le monde était vêtu de façon décente. Aucun drapeau arc-en-ciel. » Le fait même que les téléspectateurs jugent l'idéologie plutôt que les performances montre à quel point la conversation s'est éloignée de la musique elle-même.

Le Centre Carnegie de Berlin a mis en évidence un moment intéressant pendant le spectacle :  alors que le présentateur a demandé au chanteur, qui représentait l'Inde, le sujet de sa chanson, ce dernier a répondu en anglais, « Elle parle d'amour — peu importe qui tu aimes. »

En Russe, cependant, cela a été traduit comme suit : « Habituellement, quand les gens parlent d'amour, ils désignent l'amour entre un homme et une femme. Mais ma chanson parle d'un autre genre d'amour — l'amour pour ses parents. » Ceci a été perçu comme une tentative d'éviter le genre de « vulgarité » que certains responsables russes ont attribué à l'Eurovision.

Il fût un temps, au cours du siècle dernier, où l'Intervision offrait à cette partie du monde des chansons inoubliables et des artistes remarquables.

Ci-dessous une vidéo YouTube du concours de l'Intervision Clé d'Or de 1968 organisé à Karlovy Vary :

Ci-après  une chanson du concours de l'Intervision organisé à Sopot, en Pologne, en 1977 :

La renaissance de l'Intervision, qui fait actuellement l'objet de discussions animées, s'inscrira inévitablement dans ce contexte. Il ne peut pas exister en dehors de la politique, mais il peut offrir une perspective différente — non pas une rivalité, mais un dialogue entre les cultures. Après tout, la musique reste la seule langue que le monde peut encore parler sans traduction.


Fonte du « Troisième pôle » et vidanges brutales de lacs glaciaires

Fri, 14 Nov 2025 12:24:59 +0000 - (source)

Ces catastrophes constituent une sérieuse menace pour les habitants des régions montagneuses en Chine, au Pakistan, en Inde et au Népal.

Initialement publié le Global Voices en Français

Gangapurna glacier and lake is one of the top attraction of Manang Valley, Nepal.

Le glacier et le lac Gangapurna constituent l'une des principales attractions touristiques de la vallée de Manang, au Népal. Image de Wikimedia Commons. License CC BY-SA 4.0.

Cet article a été soumis dans le cadre de la Bourse Global Voices pour la justice climatique, qui associe deux journalistes issus de pays sinophones et du Sud global afin d'examiner les effets de projets de développement chinois à l'étranger. Retrouvez d'autres articles ici.

Au sein de l’immense région montagneuse d’Hindou Kouch-Himalaya, souvent qualifiée de « Troisième pôle », les glaciers fondent à une vitesse alarmante et menacent les vies et les moyens de subsistance de millions de personnes. Selon des estimations scientifiques, 75 % du volume des glaciers de la région pourraient disparaitre d’ici la fin du siècle.

Stretching over 3,500 kilometres and across eight countries – Afghanistan, Bangladesh, Bhutan, China, India, Nepal, Myanmar and Pakistan – the Hindu Kush Himalaya are arguably the world’s most important ‘water tower’, being the source of ten of Asia’s largest rivers as well as the largest volume of ice and snow outside of the Arctic and Antarctica.

La chaîne de montagnes d’Hindou Kouch-Himalaya s'étend sur plus de 3 500 kilomètres à travers huit pays, dont le Népal et la Chine.. Image de Flickr. License CC BY-NC-SA 2.0.

Avec le recul des glaciers apparaissent souvent de profondes cavités que la glace autrefois recouvrait. Les eaux de fonte s’accumulent dans ces dépressions pour former de nouveaux lacs glaciaires. Dans d’autres cas, des mares de glace fondue émergent à la surface de glaciers recouverts de débris et finissent par se transformer en lacs. Non seulement ces masses d'eau résultent de la fonte, mais elles peuvent également augmenter de manière significative le taux de perte de glace. L'expansion des lacs est causée par l’éboulement et la fonte accélérée des bords des glaciers à mesure qu'ils s'élargissent. Depuis 1990, la formation de lacs glaciaires à travers le monde a fortement augmenté, que ce soit au niveau de leur nombre (environ 53 %), de leur superficie (51 %) ou de leur volume (48 %), une tendance qui risque de se poursuivre tout au long du 21e siècle.

Lacs glaciaires font partie intégrante de l’hydrologie régionale en haute montagne, et contribuent de manière considérable au flux de fleuves vitaux tels que l’Indus et le Brahmapoutre, lesquels soutiennent les populations, l’agriculture, l’économie, et les services écosystémiques des régions à la fois en amont et en aval. Néanmoins, ils peuvent aussi être extrêmement dangereux.

La rupture des barrages naturels (souvent formés à partir de roches instables ou de glace) qui retiennent les lacs peut conduire à une vidange brutale et dévastatrice, provoquant d’importants dégâts aux propriétés, infrastructures et terres agricoles, et de nombreuses pertes humaines. Néanmoins, l’impact varie sensiblement d’un continent à l’autre. Par exemple, au cours du dernier millénaire, seulement 393 décès ont été attribués à des vidanges de lacs glaciaires en Europe, dans les Alpes, contre respectivement 5 745 en Amérique du Sud et 6 300 en Asie centrale.

The Thulagi glacier, located south-west of Mount Manaslu, in the Manang mountain range in the Himalayas, is slowly melting, transforming from ice into a lake.

Le glacier Thulagi, situé au sud-ouest du mont Manaslu, dans la chaîne de montagnes Manang dans l'Himalaya, fond lentement, transformant la glace en lac. Image de Flickr. CC BY-NC-ND 2.0.

Hindou Kouch-Karakoram-Himalaya : une région extrêmement vulnérable

La chaîne de montagnes d’Indou Kouch, de Karakoram et de l’Himalaya est l’un des systèmes montagneux les plus vulnérables aux vidanges brutales au monde, non seulement en raison de la fréquence et de la taille de ses lacs glaciaires, mais aussi des nombreuses populations qui vivent en aval dans des zones à haut risque.

Selon des études récentes, les hautes montagnes d’Asie, qui comprennent la chaîne d’Indou Kouch, de Karakoram et de l’Himalaya, sont les plus prônes aux vidanges et représentent un danger pour près de 9,3 millions d’habitants, soit environ 62 % des populations les plus à risque sur l’échelle mondiale.

Trois des quatre pays à forte densité démographique, qui représentent plus de la moitié de ces populations, sont situés dans la région de la chaîne montagneuse, à savoir l’Inde, le Pakistan et la Chine. Le risque de vidange brutale le plus élevé au monde se trouve en Inde et au Pakistan, non seulement en raison du nombre et de la taille des lacs glaciaires, mais aussi du surpeuplement de ces pays.

Lors des dernières décennies, des chercheurs ont enregistré plus de 500 phénomènes de vidange dans la région, qui pour la plupart ont eu des conséquences dévastatrices. En 2020, un tel incident s’est produit à Jinwuco, en Chine, entraînant un déversement d’environ 10 millions de mètres cubes d’eau en aval et détruisant des villages, des infrastructures et près de 25,5 hectares de terres agricoles. Wang Shijin, chercheur à l’Académie des Sciences de Chine, explique sur ScienceNet.com.cn, une revue scientifique chinoise :

针对目前青藏高原冰湖溃决灾害增加的现象,随着气候变暖加剧、极端事件增加,雪/冰崩、冰川跃动、冰川洪水等冰冻圈失稳事件频发,进而激发了冰湖溃决事件的发生。在一定外因作用下,青藏高原极有可能再次发生溃决洪水灾害。

En ce qui concerne l’augmentation de vidanges brutales causées par le débordement de lacs glaciaires sur le plateau tibétain…l’intensification du réchauffement climatique et de phénomènes extrêmes a provoqué une déstabilisation de la cryosphère et une fréquence accrue, entre autres, d’avalanches de neige/glace et de crues et inondations, qui sont à l’origine de ces vidanges.

D’autres inondations, telles que la vidange brutale du lac glaciaire de Chorabari en Inde en 2013, et du lac Lhonak Sud situé dans d’état de Sikkim, ont gravement endommagé les infrastructures et communautés environnantes.

L’incident de 2023 a déclenché une série de catastrophes, à commencer par l’écoulement de 14,7 millions de mètres cubes de pergélisol dans le lac Lhonak, situé à 5 200 mètres au-dessus du niveau de la mer dans l’État de Sikkim, en Inde. Selon des chercheurs, le glissement de terrain a entrainé « un raz-de-marée de 20 mètres de haut semblable à un tsunami » provoquant la rupture du barrage naturel et le déversement de 50 millions de mètres cubes d’eau vers l’aval. On estime que 270 millions de mètres cubes de sédiments et de débris ont été emportés par les crues qui s’ensuivirent, laissant derrière elles une traînée de destruction de 385 kilomètres le long de la rivière Teesta, pour finalement atteindre le Bangladesh. Le sinistre a fait 55 victimes, provoqué le déplacement de milliers de personnes, et détruit des routes, bâtiments et infrastructures d’une valeur de plusieurs millions de dollars, notamment le barrage hydroélectrique de Teesta III et plusieurs autres barrages le long de la rivière Tista.

Étant donné l’exploitation intensive de barrages et de l’énergie hydroélectrique dans la région, les risques encourus par les centrales constituent une menace sérieuse, et onéreuse. En 1985, la vidange d’un lac glaciaire a détruit la petite centrale hydroélectrique de Namche (dont la construction était pratiquement achevée), coûtant au gouvernement du Népal environ 1,5 million de dollars et retardant l’accès tant attendu de l’énergie aux habitants.

Une bombe à retardement

Alors que le réchauffement de la planète engendre une instabilité grandissante des régions glaciaires, les risques posés par les vidanges brutales augmentent. Selon des experts, les catastrophes en haute montagne résultent souvent de réactions en chaîne. Zhang Qianggong, responsable de l’unité d’évaluation des risques liés au climat et à l’environnement du Centre international pour le développement intégré des montagnes (ICIMOD), explique lors d’un entretien avec Global Voices :

Maybe upstream, because of melting glaciers, a piece of ice fell into the glacial lake, causing waves, which eventually damaged the dam, triggering a GLOF. Then, along the way down, it triggers landslides, so it affects all areas within 10 kilometers. Mountain areas are very sensitive.

Il est possible qu’en amont, en raison de la fonte des glaciers, un morceau de glace tombe dans le lac glaciaire et déclenche des vagues qui alors endommagent son barrage naturel et provoquent une vidange brutale. Par la suite, celle-ci entraîne des glissements de terrain sur sa trajectoire touchant toutes les régions sur une distance de 10 kilomètres. Les zones de montagne sont très fragiles.

Il ajoute : « Il est très difficile d’anticiper une vidange brutale de lac glaciaire. » Les facteurs déclenchants sont complexes. Des crues peuvent se produire lorsque des éboulements ou morceaux de glace tombent dans un lac et déclenchent d’énormes vagues, lorsque de fortes précipitations ou une fonte rapide de neige et de glaciers provoquent un débordement du lac, ou lorsque le barrage naturel (formé de glace et roches instables) est fragilisé. Par ailleurs, ces phénomènes étant fortement tributaires de circonstances locales, il est très difficile de prédire de manière précise quand et où une vidange peut survenir sans effectuer des recherches approfondies, sur le terrain.

Pourtant les impacts se font ressentir au-delà des frontières et ne sont pas le résultat de problèmes d’un seul pays. Selon Xu Baiqing, expert de renom de l’Institut de recherche sur le plateau tibétain à l’Académie des sciences de Chine :

Whether in terms of water resource management or scientific and technological efforts, international cooperation is essential. It’s extremely difficult to carry out this kind of work unilaterally.

Que ce soit en termes de gestion des ressources en eau, ou d’efforts scientifiques et technologiques, une coopération internationale est essentielle. Il est très difficile d’effectuer ce genre de travaux unilatéralement.

Afin de lutter contre les risques croissants de vidanges brutales, des instituts de recherche, comme l’Institut de recherche sur le plateau tibétain, ont adopté une approche à plusieurs niveaux. Selon le professeur Xu Baiqing, directeur adjoint de l’institut : « La première étape consiste à établir un inventaire complet des lacs glaciaires. »

Cet objectif a été atteint grâce au soutien de scientifiques européens et à l’aide de réseaux d’observation intégrés (espace-air-sol) qui maintenant couvrent presque toute la région de l’Himalaya. Une fois le répertoire compilé, la phase suivante consistait à identifier les risques. Déterminer si un lac présente un danger dépend de plusieurs facteurs : son volume d’eau, la stabilité du barrage morainique, et les éventuels dommages en cas de rupture.

« Autrement dit, il est nécessaire de procéder à une évaluation approfondie des risques multidimensionnels, » explique-t-il. Mettre en place une chaîne de systèmes complète et ciblée est essentiel pour les zones à haut risque : observation, alerte précoce, mesures préventives pour protéger les infrastructures. À l'ère de l'information, tout cela implique l'accès à une ressource essentielle : des données.


Le Burundi utilise des plantes pour freiner les glissements de terrain

Tue, 11 Nov 2025 15:56:10 +0000 - (source)

L'impact de cette initiative sur la santé est tout aussi important

Initialement publié le Global Voices en Français

Les collines du Burundi sont devenues de plus en plus difficiles à cultiver car leurs sols sont déstabilisés et érodés par la déforestation et les impacts du changement climatique (Image : Hemis / Alamy)

Les collines du Burundi sont devenues de plus en plus difficiles à cultiver car les sols sont déstabilisés et érodés par la déforestation et les impacts du changement climatique (Image : Hemis / Alamy)

Cet article initialement écrit en anglais a été publié par Dialogue.earth et sur Ibihe.org. Il est republié dans le cadre d'un accord avec Global Voices.

Au Burundi, des scientifiques et des agriculteurs ont recours à des techniques d’ingénierie bio-inspirées pour restaurer et protéger des terres menacées par l’érosion.

Situé en Afrique de l'Est, le Burundi est un pays densément peuplé qui compte plus de 14 milions d'habitants. Sa géographie vallonnée le rend particulièrement vulnérable à l'érosion des sols. Ses pentes abruptes et étendues sont souvent sujettes aux glissements de terrain, notamment en raison de la disparition du couvert végétal liée à la recherche de bois de chauffage et de terres agricoles. Le changement climatique déstabilise davantage les sols en exacerbant la sécheresse et les fortes pluies.

En conséquence, 1,2 % des terres du Burundi ont subi une dégradation aiguë entre 2017 et 2020, et l'érosion des sols devrait continuer de s'aggraver, selon une étude de la Banque mondiale de 2023.

L’érosion et les glissements de terrain sont particulièrement dévastateurs pour les zones rurales, où vit la majorité des Burundais. Ces phénomènes endommagent les routes isolées qui desservent les villages de montagne, appelés collines au Burundi, ce qui complique l’acheminement de l’aide alimentaire et humanitaire. La perte de terres cultivables et de moyens de subsistance limite la capacité des agriculteurs à se procurer des denrées alimentaires de base.

Face à cette situation, le Burundi a lancé en 2018 un projet quinquennal de restauration des paysages dégradés et de prévention de l’érosion. Financé et supervisé par la Banque mondiale, ce projet mobilise de nombreux partenaires, dont l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Renforcer les sols par une plantation soignée et une « ingénierie axée sur la biologie »

Dans le cadre de ce projet, qui concerne 22 collines couvrant 13 000 hectares, des terrasses sont aménagées sur des terres agricoles en pente, et des graminées, des arbustes et des arbres sont plantés.

De cette façon, les racines de ces plantes fixent le sol; les plantes absorbent l’eau et rendent ainsi les sols plus perméables, ralentissant le ruissellement après de fortes pluies.

Le projet est également expérimenté à travers la construction de petites structures à partir de matériaux locaux, toujours dans le but de stabiliser les pentes, de réduire la vitesse du ruissellement et de diriger l’écoulement de l’eau. Cette approche est connue sous le nom de « génie bio-orienté des sols et de l’eau », ou bio-ingénierie. Une des interventions consiste en la construction d’un mur de soutènement pour réhabiliter un petit glissement de terrain dans le canton d’Isare, à une vingtaine de kilomètres de Bujumbura, la capitale du pays.

Il s'agit dans ce cas d'excaver la terre effondrée, puis de renforcer le talus avec une structure en treillis construite à partir d'eucalyptus morts de causes naturelles, et non abattus. Cette structure est remplie de terre, de petits cailloux et de boutures. Une fois enracinées, les plantes peuvent prendre le relais du bois pour stabiliser le talus.

Un mur de soutènement en bois construit pour restaurer un terrain endommagé par un glissement de terrain dans la commune d'Isale (Image : Preti et al. , 2025, CC BY ).

Une évaluation réalisée en 2025 par des universitaires ayant participé à l'expérience a révèle un taux de survie relativement bon pour les plantes. De telles interventions pourraient donc être utilisées dans d'autres régions du Burundi et d'Afrique centrale.

L’auteur principal de l’étude, Giulio Castelli, est un ingénieur environnemental à l’Université de Florence. Il explique à Dialogue Earth que l'objectif est de travailler avec la nature, et non contre elle :

Nous utilisons des espèces végétales capables de fixer le sol et de retenir l’eau. C’est une solution peu coûteuse, adaptée aux moyens des communautés locales.

Ezéchiel Nyambikiye, instructeur agricole de la colline de Munanira, dans le centre-ouest du Burundi, qui a participé au projet, affirme que cela est arrivé “au bon moment”:

Avant le projet, les pratiques agricoles des agriculteurs étaient rudimentaires. Désormais, ils utilisent des semences sélectionnées, respectent le calendrier des cultures et les distances recommandées, et appliquent des méthodes de lutte contre les maladies à l'aide de biopesticides.

Des résultats concrets

L’expérience du mur de soutènement offre un bon exemple de collaboration en action. Elle mobilise le public, les universités et les centres de recherche, ainsi que les techniciens de l’Agence des routière du Burundi (ARB) qui ont excavé le glissement de terrain avec leur matériel à titre gracieux.

Grâce à un financement supplémentaire du Fonds pour l'environnement mondial, le projet est prolongé d'un an et la zone d'intervention étendue à d'autres collines au centre-nord du Burundi. Alice Nsabiyumva, agricultrice de Matongo témoigne de l'impact du projet :

Les familles affirment que leurs conditions de vie se sont améliorées, notamment grâce à la distribution de semences certifiées « biofortifiées », sélectionnées pour leur valeur nutritive supérieure. Bien plus qu’un simple projet de reboisement, c’est une solution intégrée : la végétation nourrit le bétail, protège les sols de la dégradation et produit un précieux engrais naturel. Les habitants ont désormais de quoi se nourrir et même un surplus à vendre au marché.

Pour Evelyne Manirakiza, agricultrice du canton de Rutegama, au centre-nord du pays, l'impact de cette initiative sur la santé est tout aussi important:

Avant, mes enfants et moi tombions souvent malades. Aujourd'hui, nous sommes en bonne santé car nous mangeons correctement et sainement, grâce notamment aux haricots biofortifiés.

Nyambikiye confirme cette amélioration, soulignant le travail accompli pour promouvoir de nouvelles variétés de haricots riches en minéraux essentiels tels que le fer, le zinc et la vitamine A.

Pas de solution miracle

Les murs de soutènement s'inscrivent dans une tendance mondiale visant à expérimenter des méthodes de génie biologique des sols et de l'eau. Des expériences et des formations sont menées en Amérique latine, au Népal, au Canada et en Nouvelle-Zélande, indique l'étude de Castelli. Selon lui, le Burundi pourrait servir de laboratoire:

Le pays est très représentatif des défis auxquels sont confrontées de nombreuses zones rurales en Afrique. Si cela fonctionne ici, cela peut inspirer d'autres communautés.

Toutefois, il souligne que la transférabilité de ces techniques à d'autres régions n'est pas garantie. Il fait remarquer qu'elles restent à étudier dans de nombreux pays africains, notamment ceux dont l'environnement est le plus vulnérable aux impacts du changement climatique. La croissance démographique rapide, les pratiques agricoles intensives et le changement climatique demeurent des défis majeurs. Mais pour les familles rurales, même des améliorations modestes peuvent faire la différence entre la faim et la sécurité alimentaire.

Salvator Kaboneka est agronome à l'Université du Burundi. Il prône des approches fondées sur la revégétalisation naturelle:

Je privilégie les solutions qui protègent tout en produisant, créant ainsi une valeur ajoutée à la fois économique et écologique.

Kaboneka souligne que l'efficacité de telles solutions est démontrée depuis longtemps par la recherche, notamment dans des contextes similaires à celui du Burundi. Son plaidoyer s'inscrit dans un débat plus large sur la durabilité des pratiques agricoles dans un pays touché par l'érosion des sols et la déforestation:

Lorsqu’une ressource se raréfie, la science doit proposer des alternatives qui préservent, plutôt qu’elles n’aggravent, les équilibres fragiles.

L’expérience du Burundi en matière de revégétalisation, ainsi que de génie biologique des sols et de l’eau, illustre les opportunités et les défis auxquels sont confrontés les pays en développement dans leur quête d’une protection durable des terres. La mise en œuvre réussie de ces solutions exige une approche concertée impliquant chercheurs, autorités et communautés locales.


La première femme noire élue à l'Académie brésilienne des lettres en 128 ans

Thu, 06 Nov 2025 23:53:00 +0000 - (source)

L’écrivaine Ana Maria Gonçalves est celle qui a su repousser toutes les limites pour devenir « immortelle ».

Initialement publié le Global Voices en Français

L'écrivaine brésilienne Ana Maria Gonçalves, qui est devenue la première femme noire à être élue à l'Académie brésilienne des lettres

L'écrivaine Ana Maria Gonçalves est la première femme noire à entrer à l'Académie brésilienne des lettres. Photo de Tânia Rêgo/Agência Brasil, utilisée avec autorisation.

Le 10 juillet 2025, l’Académie brésilienne des lettres [fr] a annoncé avoir élu pour la première fois une femme noire [pt, sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoyant vers des pages en portugais] parmi ses membres, une première en 128 ans d'histoire de l'institution. Il s'agit d’Ana Maria Gonçalves [fr], une écrivaine de 55 ans, née dans l'État du Minas Gerais, plus connue pour son best-seller et roman historique Um defeito de cor (Un défaut de couleur). Elle a franchi cette barrière en devenant « immortelle », comme se limitant aux membres de l'institution, élus à vie. 

L'Académie, créée en 1897, peu de temps après la transformation du Brésil en république [fr], se décrit comme une organisation à but non lucratif dévouée à l'«enrichissement de la langue et de la culture nationale», selon son site Internet. Elle compte actuellement 40 membres et 20 associés.

Bien que le Brésil soit un pays multiethnique, composé d'une population à majorité féminine et descendante pour la plupart d’Afro-Américains (personnes d'ethnie noire et métisse selon les données utilisées par le recensement national), les membres de l'institution n'ont pas toujours reflété la véritable composition du peuple brésilien.

L'Académie compte seulement 13 femmes parmi ses membres depuis sa création. La première d'entre elles est l'écrivaine Rachel de Queiroz [fr], élue en 1977, un an après l’abolition de l'interdiction pour les femmes de devenir membres. Ana Maria Gonçalves est la dernière à avoir rejoint les cinq autres femmes déjà présentes. Elle a pris la relève de la philologue et grammairienne Evanildo Bechara, décédée en mai 2025.

En 2018, une autre écrivaine du Minas Gerais, Conceição Evaristo, s'est présentée [fr] à l'élection de l'Académie et a presque réussi à devenir la première femme noire à y être élue. C'est le réalisateur Carlos Diegues [fr] qui a finalement remporté le siège .

Merval Pereira, le président de l'Académie, a pris la parole pour souligner l'importance de l'élection d'Ana Maria Gonçalves. Il a affirmé que cette élection a permis de démontrer que l'ABL a l'intention «  d'augmenter la représentation de tous les genres, de toutes les ethnies ou de toutes les personnalités qui illustrent la culture brésilienne ».

Nous devons être reconnus comme une institution culturelle qui représente le Brésil, la diversité brésilienne. Elle augmente notre volonté d'être toujours en mesure de présenter nos mouvements sociaux pertinents.

Ana Maria Gonçalves a affirmé que la littérature, telle une loupe, lui a fait découvrir le monde et la possibilité de cultures différentes, et a souligné :

Que nous ne sommes pas une seule femme noire. Mais la représentation du moment présent est importante pour la production de présence. C'est ainsi que je vais devoir le faire aussi dans l'ABL. Estou chegando, conhecendo et tentando me entender com os colegas e como a Academia funciona. J'encanta beaucoup de possibilités de travail institutionnellement dans le livre, num país onde nous leitores.

J'espère ne pas être la seule femme noire ici. Au-delà de la représentation, essentielle en ce moment, il est important d'affirmer sa présence. C'est ce que j'envisage de faire à l'Académie. Je viens d'arriver, je cherche à comprendre mes collègues et son fonctionnement. Je suis très enthousiaste à l'idée de travailler pour les livres à un niveau institutionnel, dans un pays où nous avons perdu les lecteurs.

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L'œuvre de l'écrivain

Anna Maria Gonçalves est une romancière, scénariste et dramaturge qui enseigne également l'écriture créative.

Son œuvre la plus célèbre, le roman historique Um defeito de cor ( Un défaut de couleur ), figure parmi les meilleurs livres brésiliens du XXIe siècle, selon un jury invité du journal Folha de S. Paulo en mai 2025. Publié en 2006, le roman s'est vendu à 150 000 exemplaires et a connu 41 rééditions. En 2024, il a inspiré le défilé de Portela, une école de samba, au Carnaval de Rio.

En 951 pages qui ont nécessité cinq ans de recherches et d'écriture , Ana Maria Gonçalves raconte l'histoire de Kehinde, une femme africaine née dans le royaume du Dahomey [fr] (l'actuel Bénin [fr] depuis 1975), enlevée à l'âge de 8 ans et amenée au Brésil pour devenir une esclave. Le livre retrace sa vie, sa désillusion, sa souffrance, ses histoires d'amour, sa recherche de son fils, sa croyance religieuse et l'évolution de sa foi, jusqu'à la liberté.

Kehinde est inspirée d'une personne vraie, Luísa Mahin , dont on possède peu de témoignages historiques, d'après DW Brasil . On estime que Mahin a pu prendre part aux insurrections et des révoltes historiques d'esclaves durant la période coloniale brésilienne du XIX e siècle. C'est le cas de la révolte des Malês , où de nombreux esclaves africains, y compris des musulmans, ont combattu pour l'abolition de l'esclavage dans l'État de Bahia en 1835. On pense que Mahin pourrait être la mère de Luís Gama , qui serait ensuite devenue un abolitionniste important dans son pays.

Ana Maria Gonçalves a elle-même défini son livre « un roman tiré d'une histoire vraie » , comme le rapporte l'Outlet news G1 :

”Un déficit de Cor” est l'histoire de la grande histoire du Brésil incorporée à une femme qui enfreint les plus grands défis imaginaires pour continuer à vivre et préserver vos heranças et Razes.

Un défaut de couleur raconte l'histoire de la lutte des noirs au Brésil, incarnée par une femme qui a affronté des épreuves inimaginables pour rester en vie, garder ses racines et son héritage culturel.


Les Caraïbes surveillent de près l'ouragan Erin, la première grande tempête de la saison des ouragans de l'Atlantique 2025.

Wed, 29 Oct 2025 23:57:51 +0000 - (source)

De fortes pluies sont attendues tout au long du week-end ; d'ici lundi, la tempête devrait se diriger vers le nord.

Initialement publié le Global Voices en Français

Tropical coastline with a view of gathering storm clouds. A bright orange sign on the beach reads, "Hurricane Season."

Image de présentation créée l'aide  des éléments de Canva Pro.

Chaque année, les Caraïbes attendent le début officiel de la saison de l'ouragan Atlantique avec un profond sentiment d’inquiétude. Alors que des ouragans affectent la région depuis des siècles  – avec plusieurs tempêtes au cours des dernières décennies causant de pertes importantes dans les territoires affectés – les recherches suggèrent que, bien que la crise climatique n'ait pas nécessairement augmenté le nombre de tempêtes lors d'une saison typique, elle les rend plus intenses.

C'est une nouvelle préoccupante pour les petits États insulaires en développement (PEID) de l'archipel des Caraïbes, dont les citoyens réclament depuis longtemps à ce que la crise climatique soit abordée de manière à reconnaître et respecter la résilience des populations de la région.

Alors que la région continue de défendre ses intérêts, les tempêtes continuent à se former. Le premier ouragan de la saison 2025 est l’ouragan Erin, que le Centre National des Ouragans basé au États-Unis a classé comme un système de catégorie 5. Ce niveau plus élevé est généralement associé à des dommages pouvant inclure des destructions majeures de bâtiments et l’isolement  des communautés résidentielles en raison d’arbres abattus et d’infrastructures électriques ; les zones à risques pourraient, donc, devoir être évacuées pour essayer d’éviter des pertes humaines.

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Au 16 août, Erin était situé à plus de cent milles (environ 170 kilomètres) au nord de Anguilla, avec des vents soutenus proches de 160 milles par heure (255 km/h) avec le potentiel d’affecter des parties du nord des îles de Leeward, des îles Vierges britanniques et américaines, de Porto Rico, de la République dominicaine, d'Haïti et des îles Turques-et-Caïques. De fortes pluies sont attendues tout au long du week-end ; d'ici lundi, la tempête devrait dévier vers le nord, probablement avec une intensité réduite en raison d'un apport d'air plus sec à cause du cisaillement des vents.

Comme pour l'ouragan Béryl de 2024, les prévisionnistes ont commenté sur l’accélération rapide d’Erin passant de tempête tropicale à ouragan, ce que certaines études lient aux changements climatiques.

Les prévisions de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique pour la session en cours, qui a commencé le 1er juin, font état de ce qu’il y’aurait environ 13 à 18 tempêtes nommées, dont  cinq à neuf deviendraient des ouragans, et deux à cinq atteindraient le niveau catégorie 2 ou plus.

Les pays sur la trajectoire de l’ouragan Erin sont avertis que des houles marines et les fortes pluies pourraient provoquer de crues subites et des éboulements de terrain, même si ces résidents espèrent que la tempête n’atteindra pas la côte.


Commencez votre journée avec du café et un article de Global Voices.

Wed, 29 Oct 2025 23:43:57 +0000 - (source)

Notre rédacteur en chef pour l'Asie du Sud-Est souligne l'héritage de Global Voices

Initialement publié le Global Voices en Français

Nepal GV Summit

L'auteur lors d'un panel sur le blogging au Sommet de Global Voices 2024 à Katmandou, Népal. Photo de Pei-Chi Chang. Utilisée avec permission.

Cette pièce éditée a été publiée  pour la première fois sur le blog de l’auteur.

J’ai rejoint  Global Voices en juillet de 2006. Après près de deux décennies, je fais toujours partie de la rédaction de GV entant qu’auteur et éditeur pour l’Asie du Sud-Est. J’étais sur un appel vidéo avec ma fille en décembre de 2024 pendant le sommet de GV à Kathmandu quand j’ai réalisé qu’elle n’avait qu’un an lorsque  j’ai assisté à mon premier sommet de GV en 2006 à Delhi. C’est la durée de temps que j’ai passé avec GV qui veut dire que j’ai célébré des moments importants de ma vie en faisant partie de la communauté GV.

GV était plus que juste une plateforme pour des blogueurs quand elle était fondée en 2004. J’ai toujours eu la conviction qu’elle représente ce qu’il y’a de bien dans l’internet. Ma croyance au patrimoine de GV a été réaffirmée pendant le sommet de Kathmandu qui nous a inspirés à méditer sur le pouvoir de la communauté et la collaboration.

En y repensant, c’est stupéfiant la manière dont GV a fait avancer l’idée que ceux qui écrivent ou bloggent à propos de leurs vies et leurs communautés doivent être avoir une plateforme plus grande où ils peuvent partager et discuter de leurs idées. Au lieu d’être distrait par le débat au sujet des blogueurs qui doivent être reconnus comme journalistes, GV a produit des articles basés sur ce qui est partagé par des utilisateurs d'Internet ordinaire. GV était assez audacieux d’amplifier l’opinion des utilisateurs de réseaux sociaux avant que cela ne devienne la norme pour la presse traditionnelle de vérifier ce qui est la tendance en ligne.

GV a mené plusieurs initiatives qui ont cherché à résoudre les problèmes que nous rencontrons en ligne. Ce qui a conduit à des projets tels que Lingua, Rising Voices, Advox, NewsFrame, et l’Observatoire des médias civiques. Nous ne vérifions par simplement les reportages puisque nos contributeurs et partenaires médiatiques sont principalement sur le terrain reportant depuis les lignes de front et fournissant des reportages qui sont souvent mal rapportés sur les préoccupations des populations. Nous soulignons des perspectives locales, nous fournissons un contexte au récit viral, et nos histoires ne recherchent pas la notoriété ou le profit, mais à donner du pouvoir nos communautés. GV continue de remplir cette mission malgré ces ressources limitées.

Global Voices in Sri Lanka

Une photo de groupe de GV pendant son sommet de Colombo en 2017. Photo par Raphael Tsavkko Garcia. CC BY-NC-ND 2.0

Je ne me lasserais pas de dire à mes amis et aux gens que je rencontre dans différents événements que s’ils cherchent une ressource en ligne pour comprendre ce qui ce passe dans le monde, GV peut leur servir de guide. Je fais cette recommandation non seulement parce que je fais partie de la communauté GV, mais aussi parce que le travail de GV parle pour elle-même. Je commence ma journée avec du café et un article de GV, et je vous garantis que cette astuce de vie va ajouter une immense valeur à votre expérience en ligne. Notre page de démarrage fournit des actualités mondiales sélectionnées par notre réseau de bénévoles, de contributeurs et de partenaires médiatiques. Une recherche approfondie dans notre site Web révèle une archive d’histoires débordant d’authenticité.

Il y a dix ans, j’ai écrit sur l’impact de GV sur la vie et et comment elle offre une alternative à un monde en ligne miné par la désinformation, la cybercriminalité soutenue par l’Etat et les plans malveillants des grandes entreprises technologiques. GV a survécu et est resté fidèle à sa vision malgré ces défis et la détérioration rapide de l’environnement médiatique.

Malheureusement, l’évolution du paysage médiatique pourrait davantage restreindre l’espace qui permettrait aux médias indépendants et citoyens comme GV de prospérer et de continuer leur travail plus efficacement. Ceci est assez préoccupant parce qu’on a besoin de plus de plateformes comme GV qui peuvent raconter et expliquer les conséquences de la réduction de la diversité des voix médiatiques dans nos pays respectifs.

Au milieu de la crise à laquelle nous faisons face aujourd’hui, notre solidarité collective est ce qui compte vraiment. Notre espoir réside dans notre communauté et notre audience mondiale, qui apprécient le rôle de GV et des médias indépendants dans la défense du droit des citoyens aux informations inouïes. Aidez nous à promouvoir le travail de GV. Écrivez pour GV. Faites partie de la communauté. Faites passer le mot sur GV et sur le fait que les dons faits à cette communauté restent un acte généreux qui lui permettraient de mener davantage d’innovations et d’interventions pour façonner l’avenir de l’Internet

#GarderGVFort: Voici comment vous pouvez faire un don à GV


De l'Europe de l'Ouest à l'Afrique de l'Est : le parcours identitaire de Miski Osman et son impact

Wed, 29 Oct 2025 23:26:04 +0000 - (source)

Les vies et les histoires des diasporans somaliens à Mogadiscio et Nairobi.

Initialement publié le Global Voices en Français

Miski Osman et ses collègues. Photo de Miski Osman, utilisée avec permission.

Cette interview a été réalisée avec le soutien de la Bourse des médias de l'Union africaine et International Consulting Expertise (l'Expertise en Consultation Internationale), en partenariat avec l'Union européenne.

J'ai entrepris le plus incroyable des voyages au Caire, en Égypte, et à Nairobi, au Kenya, dans le cadre de la Bourse des médias de l'Union africaine (AUMF). Cette bourse, mise en œuvre par la Direction de l'Information et de la Communication de l’Union africaine [fr] et soutenue par l’Union européenne [fr], vise à changer les récits habituels sur l'Afrique.

La série d'interviews réalisée dans le cadre de ce projet vise à mettre en lumière des récits de la diaspora abordant les thèmes de la migration, de la culture, de la création artistique, de l'activisme communautaire et de la coopération internationale. C'était bien plus qu'une mission professionnelle ; ce fut une immersion profonde dans la vie et les histoires de membres de la diaspora somalienne dans deux villes riches en histoire et animées par une grande diversité culturelle.

La réalisation de ce voyage a été incroyablement collaborative : elle m'a plongé au cœur des communautés dont les voix sont rarement entendues — entrepreneurs, leaders communautaires, artistes et étudiants — chacun naviguant à sa manière les défis et les opportunités de la migration. Leurs témoignages reflétaient non seulement des tribulations et des victoires personnelles, mais aussi des thèmes beaucoup plus larges : les luttes identitaires et d'appartenance, là où la tradition rencontre la modernité.

La Bourse des médias de l'Union africaine (AUMF) souligne ainsi la nécessité de faire entendre les voix africaines dans les discours internationaux. Cela m'a fait prendre conscience du pouvoir de la narration comme moyen de comprendre l'impact de la migration sur les individus, les familles et la société dans son ensemble — non pas seulement en termes de chiffres et de questions politiques, mais en tant des expériences profondément humaines.

Miski Osman est Responsable de la gouvernance des projets pour le Bureau des Nations unies pour les services d'appui aux projets (UNOPS) en Sierra Leone, un poste qu'elle occupe depuis janvier 2024. Auparavant, elle a travaillé pour le Gouvernement fédéral de Somalie et a vécu à Mogadiscio, la capitale somalienne, pendant quatre années qui ont changé sa vie. Née en Suède, élevée au Royaume-Uni et résidant actuellement à Nairobi, au Kenya, l'histoire de Miski témoigne une profonde identification à ses racines somaliennes tout en étant engagée à avoir un impact en Afrique de l'Est [fr]. Nous avons discuté de sa carrière, de ses impressions sur l'identité somalienne et de sa perception des opportunités uniques qu'offre l'Afrique de l'Est.

Mohamed Mohamud (MM) : Miski, votre parcours professionnel est assez intéressant. Qu'est-ce qui vous a amenée à Mogadiscio au départ ?

Miski Osman (MO) : Au début, je suis allée à Mogadiscio par simple curiosité. Je suis née en Suède et j'ai grandi au Royaume-Uni, et bien que mes parents me parlaient de la Somalie, je n'en avais jamais fait l'expérience moi-même. En 2015, j'ai décidé de m'y rendre pour deux semaines, mais quelque chose m'a captivée. Ces deux semaines se sont transformées en six mois, et j'ai fini par y vivre et y travailler pendant quatre ans. Je voulais faire plus qu'une simple visite — je voulais comprendre la culture, les défis et les opportunités, et y contribuer de manière significative.

MM : Quelles ont été vos premières impressions de Mogadiscio ?

MO : C'était déroutant au début. J'ai toujours cru savoir ce que signifiait être Somalienne, mais Mogadiscio a remis cette perception en question. La culture, le rythme de vie et même les interactions avec les gens étaient si différents de ce que j'avais connu en grandissant au Royaume-Uni. C'était un mélange d'admiration et d'adaptation. Y vivre n'était pas facile, mais c'était profondément enrichissant. Mon travail au sein du gouvernement fédéral de Somalie m'a impliquée dans des projets de gouvernance, de résilience et de sécurité à travers tout le pays. Cela m'a permis de comprendre de l'intérieur les complexités et la résilience des communautés somaliennes.

MM : Cela semble avoir été une expérience transformatrice. Comment le fait de vivre en Somalie a-t-il façonné votre compréhension de l'identité somalienne ?

MO : Vivre en Somalie m'a vraiment rendue humble. J'ai aussi réalisé à quel point l'identité somalienne est diverse et complexe. Ayant grandi en Occident, je pensais qu'être Somalienne se résumait à la langue, à la religion et peut-être aux traditions culturelles. Mais en vivant en Somalie, j'ai découvert que l'histoire, la géographie et même la politique façonnent l'expérience somalienne. Cela m'a fait apprécier la force et la capacité d'adaptation des Somaliens, tant en Somalie que dans la diaspora.

MM : Après quatre ans à Mogadiscio, vous avez déménagé à Nairobi. Quelle était la raison de ce déménagement ?

MO : En 2020, j'étais prête pour un nouveau type de défi. Nairobi offrait un rythme de vie différent et l'opportunité de travailler à l'échelle régionale — la ville est une plaque tournante pour les organisations internationales, et c'est là que j'ai opéré la transition vers mon travail actuel avec les Nations Unies (ONU). Sur le plan personnel, Nairobi m'a également offert un autre type d'équilibre. La vie y est moins intense qu'à Mogadiscio. La communauté somalienne de Nairobi est florissante, et la ville elle-même est dynamique et cosmopolite. C'est un endroit merveilleux pour poursuivre mon parcours.

MM : Comment compareriez-vous la vie à Nairobi à celle au Royaume-Uni ?

MO : C'est complètement différent. Au Royaume-Uni, tout va très vite, c'est structuré, mais aussi stressant. Nairobi, comme la plupart des pays d'Afrique de l'Est, est plus détendue. Les gens ici vivent l'instant présent, et il y a un sentiment d'opportunité qu'on ne trouve pas toujours au Royaume-Uni. Par exemple, j'ai pu investir dans différents secteurs, des choses qui me semblaient hors de portée au Royaume-Uni. Au Kenya et en Somalie, les barrières à l'entrée pour les affaires et l'investissement sont plus faibles, et les opportunités sont immenses.

MM : Vous avez mentionné avoir investi dans l'immobilier et le pétrole. Qu'est-ce qui a motivé ces initiatives ?

MO : J'ai toujours aimé l'idée d'explorer d'autres opportunités en dehors de ma carrière principale. L'Afrique de l'Est a un environnement commercial dynamique, et je voulais en profiter. L'immobilier, en particulier, a été une aventure fascinante. Le marché immobilier de Nairobi connaît une croissance très rapide, et c'est gratifiant d'investir dans quelque chose qui est à la fois financièrement rentable et lié à la région que je considère comme mon foyer.

MM : Quelle a été votre perception de la diaspora somalienne au Kenya ?

MO : La diaspora somalienne au Kenya est remarquable. Ses membres se sont fait une place importante dans l'économie, de l'immobilier au commerce et même à la politique. Il y a un fort sentiment de communauté ici, mais c'est aussi une communauté moderne et tournée vers l'avenir. C'est vraiment motivant de voir comment les Somaliens du Kenya ont réussi à rester ancrés dans leur culture tout en prospérant dans un environnement compétitif.

MM : En repensant à votre parcours jusqu'à présent, quelle est la plus grande leçon que vous ayez apprise ?

MO : La plus grande leçon a été celle de l'adaptabilité. Que ce soit en trouvant mes marques à Mogadiscio ou en m'adaptant à Nairobi, j'ai appris que la résilience va de pair avec l'ouverture d'esprit. J'ai aussi réellement compris l'importance de la représentation et de la contribution à sa communauté. Mes expériences m'ont clairement montré qu'être Somalienne, ce n'est pas seulement une question d'héritage, mais c'est aussi participer à la construction de l'avenir de notre peuple, où que l'on se trouve dans le monde.

MM : Et pour l'avenir, quels sont vos projets ?

MO : Pour l'instant, je me concentre sur mon travail avec l'ONU, en particulier dans les domaines de la gouvernance et de la résilience. Je souhaite également continuer à explorer des moyens d'investir en Afrique de l'Est et de contribuer à la communauté somalienne. Il y a tellement de potentiel ici, et j'ai hâte de voir où ce voyage m'en mènera.


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