Autoblog de Global Voices (fr)

Ce site n'est pas le site officiel de Global Voices
C'est un blog automatisé qui réplique les articles de fr.globalvoicesonline.org

Les mots ont la parole: Épisode #02 

Wed, 21 Jun 2023 04:17:52 +0000 - (source)

A Beyrouth, on prend un ‘service’ pour se déplacer en ville

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d'écran de la chaîne YouTube de Julien Miquel.

Les différentes versions de la langue française qui se parlent aux quatre coins du monde ne se ressemblent pas toujours. Dans notre rubrique “Les mots ont la parole”, nous mettons à l’honneur les mots ou expressions qui sont spécifiques à une région, un pays, une communauté, mais aussi les intraduisibles qu’on garde en français tels quels ou qu’on traduit à moitié, et enfin les mots francais qui passent dans d’autres langues et ne se traduisent pas mais prennent parfois un nouveau sens. Notre premier épisode se trouve ici. 

Aujourd’hui, nous avons choisi ces trois termes:

Kiffer: ce mot est utilisé par les jeunes en français de France et signifie “aimer” quelqu’un ou quelque chose. Ce mot vient de l’arabe et fait référence à “kif”  (كَيْفٌ), qui signifie “haschich”.

Ce terme de français parlé est arrivé en France à travers la diaspora maghrébine mais est devenu courant dans toutes les communautés. Par contre, il ne voyage que dans un sens: au Maghreb, on utilise très rarement le verbe kiffer quand on parle français. 

Associé à une culture jeune, ce terme est souvent utilisé dans le rap comme dans cette chanson “Avoue que tu kiffes” du chanteur Axis qui fait référence aux années 90:

 

Je ne sais quoi: il s’agit ici de l’usage de cette expression en anglais car elle est assez rare en français contemporain. Cette expression est attestée dès 1656 en Angleterre et fait référence à une qualité positive, mais insaisissable. Il faut savoir que quand on emploie cetet expression en anglais, on risque d’avoir l’air prétentieux, ou de prétendre parler français couramment. Le chercheur Richard Scholar fait remarquer dans sa thèse que, même au dix-septième siècle, l’expression est déjà  “exhibée par les hommes d’esprit comme un article de mode linguistique”. 

Parler plusieurs langues est souvent perçu comme signe de haute culture, ce qui est le cas au Royaume-Uni dès le 11e siècle:  le français y occupe une place particulière suite à l'invasion normande car la classe dominante adopte alors l’ancien normand et l’ancien français pendant plusieurs siècles, alors que le reste de la population parle des dialectes germaniques ou celtiques. Plus tard, l’anglo-normand continue d’être utilisé dans plusieurs domaines, tels que le droit ou la médecine, d'où, par exemple, les termes juridiques “bailiff” et “attorney” en anglais. 

Aujourd'hui, cette expression peut être employée pour imiter ironiquement la bourgeoisie et son snobisme. Elle apparaît dans certaines chansons pop, par exemple Je ne sais quoi”, chantée en anglais par Hera Björk pour l’Islande à l’Eurovision de 2010, ou, comme ci-dessous, dans  “A certain je ne sais quoi” des Pet Shop Boys:

Et il y a même une vidéo explicative et amusante sur sa prononciation pour les anglophones:

 

Service: au Liban, ce mot est utilisé pour décrire un service de taxi collectif, comme l'explique ce guide du Routard:

Les taxis populaires sont nombreux, et se partagent pour réduire les coûts. Ce sont les fameux taxis collectifs, les « taxis-services » ou « services », comme les appellent les Libanais. Ces véhicules de tourisme peuvent transporter jusqu’à 5 passagers. […]

Les taxis-services circulent sur des itinéraires à la demande des passagers. Ils peuvent démarrer même si le véhicule n'est pas plein. Si c'est le cas, il est alors de coutume que le passager monte devant : cela indique ainsi aux éventuels autres passagers qu'il s'agit d'un taxi-service (collectif) et non d'un taxi « classique ».

Et comme partout, les chauffeurs de service ont des opinions très marquées sur l'état du monde, comme en témoigne cette vidéo du journal libanais L'Orient Le jour:

Si vous avez des mots ou expressions à partager pour les faire figurer dans notre rubrique “Les mots ont la parole” contactez-nous: filip.noubel@globalvoices.org


Au Sahel, les enseignants des écoles sont sous menaces djihadistes permanentes

Tue, 20 Jun 2023 14:08:26 +0000 - (source)

Des centaines de milliers d’enfants sont privés de rentrée scolaire

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d’écran des élèves en classe au Burkina (Sahel), YouTube de Tv5 Monde Info

Les conséquences des conflits djihadistes du Sahel n’épargnent aucun secteur d’activités, y compris le milieu éducatif qui demeure profondément affecté par les manœuvres et les menaces de groupes armés.

La guerre du Sahel est un conflit armé qui oppose des groupes djihadistes et islamistes aux gouvernements de plusieurs pays de la zone, dont certains sont soutenus militairement par la France, les États-Unis et la Russie. Cette guerre débute en 2003 lorsque 32 touristes allemands et autrichiens sont pris en otage par un groupe armé ayant à sa tête Abderazak el Para. On estime que plus de 11,000 civils ont perdu la vie dans ce conflit.

Bien que les élèves soient les premières victimes de l'instabilité sécuritaire, le quotidien des enseignants dans ces zones est encore plus dangereux car ils vivent souvent chaque jour comme le dernier. Certains décident d'abandonner la fonction enseignante pour préserver leurs vies, mais d'autres tiennent coûte que coûte à sauver l’avenir de ces enfants par amour pour leur profession. Les groupes armés ne cessent de s’en prendre à leurs vies car leur idéologie s'oppose au concept d'éducation scolaire pour tous, comme l'explique cette vidéo reportage de Tv5 Monde Info où élèves et enseignants témoignent:

 

Une année scolaire sous menaces djihadistes

Démarrée en septembre ou octobre 2022, l’année scolaire n’est pas reluisante pour les acteurs du système éducatif dans les pays de la zone Sahélienne. Au Burkina-Faso, au Niger, au Mali, au Nord du Bénin, du Togo et du Nigéria, les élèves et enseignants font face aux graves conséquences des conflits armés dans le Sahel.

Au Niger, alors que les examens de fin d'année approchent, l’accès à l’école dans l’ouest du pays reste problématique. A Tillabéri, notamment dans la zone dite des trois frontières que partage le Niger avec le Burkina-Faso et le Mali, plusieurs établissements d'enseignement primaire et secondaire ont été fermés pour des raisons d'insécurité.

Selon des chiffres rendus publics par Ibrahim Natatou, ministre nigérien de l'éducation nationale, après une visite de supervision, pour le compte du mois de mai 2023, 921 établissements d'enseignement primaire et secondaire ont été fermées pour des raisons d’insécurité dans la région de Tillabéri.

Un constat que confirme Labo Seibou, secrétaire général du Syndicat national d’agents fonctionnaires et contractuels de l’enseignement secondaire (Synafces) au Niger. Interviewé par Global Voices, il témoigne:

Le Niger est secoué ces dernières années par des attaques répétées au niveau de quatre régions à savoir : Tahoua, Maradi, Diffa et Tilaberi. Mais la situation s’est beaucoup dégradée au niveau de la zone des trois frontières du fait des actions des groupes terroristes, des écoles ont été fermées.

Cette situation prive des milliers d’enfants de leur droit à l’éducation, inscrit dans l'article 23 de la constitution du Niger, selon Labo Seibou.

Dans le département d’Abala, situé au sud-ouest du pays, 41 écoles sont fermées, dont 31 écoles pour cause d’insécurité et dix pour manque d’enseignants. Au micro de Global Voices, Boubacar Oumarou, préfet du département d’Abala indique:

Quand les enseignants partent, l’école ferme automatiquement. Ce n’est pas un bon signe pour nous parce que nous avons des milliers d’élèves. Environ 3 000 qui sont en train de chômer

Au Burkina-Faso où les enseignants font également face aux mêmes menaces terroristes, deux situations se présentent selon Souleymane Badienne, secrétaire général de la fédération des syndicats nationaux des travailleurs de l’éducation et de la recherche du Burkina-Faso. Au rédacteur de Global Voices, il explique:

Il n y a même pas eu d’année scolaire à proprement parler. Il y a quelques localités où les cours ont pu se dérouler mais difficilement, c’est-à-dire pas à un rythme défini par les normes.

Dans ce pays qui compte 13 régions administratives, il n’y a que la région du centre avec pour chef-lieu Ouagadougou qui n’a pas été touchée par les effets des groupes terroristes impactant les écoles, à en croire les explications de Badienne.

Djakaridia Siribié, journaliste burkinabé tweete:

 

Enseignants et élèves laissés à leur propre sort

Il est difficile de croire que face à ce contexte sécuritaire compliqué les programmes scolaires puissent aboutir. L’État, qui devrait mettre des garde-fous pour garantir la sécurité des enseignants afin que ces derniers continuent de donner des cours, semble briller par son absence dans ces zones de conflits. Parlant de la situation du Niger, Labo Seibou explique:

Il n’y a pas de soutien formel de l’État. On avait même demandé qu’il y ait des primes de motivations pour des zones d’insécurité mais jusque-là, l’État n’a rien prévu.

Badienne, évoquant le cas du Burkina-Faso, ajoute:

Face à ces menaces, nous ne recevons pas d’appui de la part des autorités. L’essentiel des investissements dans notre pays va ministère de la défense et de la sécurité.

Cette situation est très difficile à vivre selon Moussa (nom changé pour conserver l'anonymat), enseignant à Tillabéri:

Quand nous expliquons à nos supérieurs hiérarchiques que nous avons reçu des messages de fermer les écoles, des menaces de quitter le village, nous sommes mal compris. Ils nous demandent de retourner à nos postes dans nos villages sans quoi, nos contrats seront définitivement résiliés. D’un côté, nous sommes sous menaces terroristes, et de l’autre nous sommes sous la menace de l’administration.

Psychose et traumatisme au quotidien

Les risques et menaces terroristes sont réels, explique Badienne:

Dix-sept membres du personnel de l’éducation ont perdu la vie du fait de l’action des groupes armés terroristes. En plus de cette perte en vies humaines, il y a des traumatismes physiques. Certains ont été pourchassés, bastonnés parfois même devant leurs élèves. Il y a aussi des traumatismes psychologiques.

Cette psychose fait qu’un nombre important d'enseignants ont été contraints de quitter la zone parce qu’ils ne peuvent pas enseigner dans ces situations d’insécurité où ils peuvent facilement perdre la vie. Lui-même rescapé de plusieurs attaques, Moussa témoigne:

«Nous avons été menacés de fermer nos écoles et même de quitter le village définitivement. Il y a même un enseignant qui a été tué dans la commune d’Anzourou, située sur la frontière nigéro-malienne. Dans cette zone, les terroristes sévissent, des chefs de villages ont été tués et d'autres villages ont été abandonnés sous menaces terroristes.

Selon Labo Seibou, des enseignants ont eu la vie sauve uniquement parce qu’ils se sont dissimulés au sein de la population, ou se sont changés en haillons pour ne pas être repérés. Il ajoute:

Beaucoup de nos camarades ont été lâchement abattus par les terroristes du fait qu’ils enseignent aux enfants du Niger et que ces groupes sont contre l’enseignement moderne.

 


Traduire de la poésie pour rapprocher Ukrainiens et Bélarusses opposés à Loukachenka

Sat, 17 Jun 2023 07:30:03 +0000 - (source)

On parle rarement de la décolonisation du Bélarus et de l'Ukraine en occident

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Ukraine en 2022. Photo de Stanislav Krupař, utilisée avec permission.

Le Bélarus est victime de la Russie mais lui sert aussi d'instrument dans son invasion de l'Ukraine. La poésie et la traduction peuvent-elles servir de contrepoids pour établir un pont fragile entre l'Ukraine et les Bélarusses qui s'opposent au régime autocratique du président bélarusse Loukachenka ?

Global Voices (GV) a interviewé Aleś Plotka (également connu sous son nom d'artiste de Baïssan), activiste bélarusse, mais aussi chanteur, poète, traducteur de littérature ukrainienne, et contributeur de GV, pour découvrir un nouveau projet de livre auquel il a participé et qui pourrait créer de nouveaux liens entre les mondes littéraires bélarusses et ukrainiens dans un contexte de guerre, d'autocratie (au Bélarus) et de ponts culturels souvent détruits.

Le livre, intitulé “Bloodlands 20/22 Belarus/Ukraine” (“Terres de sang 2020/2022 Bélarus/Ukraine”) , se compose d'environ 20 poèmes et textes en bélarusse, et de deux textes en ukrainien consacrés à la révolution bélarusse de 2020 et à l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie de 2022. Il comprend également la traduction en bélarusse d'éminents auteurs ukrainiens tels que Vyatcheslav Levytskyi, Lessyk Panassiouk, Angie Siveria, Ivan Semessyouk, Tanya Rodionova. Enfin, il comprend aussi 40 photos d'Ales Piletski pour le Bélarus, et du photographe tchèque Stanislav Krupař pour l'Ukraine.

L'interview s'est déroulée en anglais par e-mail et a été revue sur le plan du style et de la longueur.

Pour en savoir plus, lisez en anglais le cahier spécial: Belarus In Turmoil

Le Bélarus en 2020 et le drapeau blanc-rouge-blanc de l'opposition. Photo d'Ales Piletski, utilisée avec permission.

Filip Noubel (FN) : Les langues et littératures bélarusses et ukrainiennes ont souffert du colonialisme russe pendant des siècles sous l'empire tsariste puis durant la période soviétique. Peuvent-elles aujourd'hui construire leur propre dialogue? 

 

Aleś Plotka (AP): Indeed, now is the time to build bridges of both Belarusan [Plotka prefers to use this spelling] and Ukrainian literatures towards the rest of the world, and as a priority to the West. It doesn’t go very easily, as people, even intellectuals, are quite lazy, and many of former experts in Soviet studies prefer not to go deeper into the modern, post-colonial development of former Soviet republics.

The main surprise for us is that the West, which has great academic programs of post-colonialism, is brave enough to reflect on its own colonialism, but prefers not to apply postcolonial lenses to Belarus or Ukraine. Even though those two countries faced and are still face the worst type of imperialism. This situation is in fact much more brutal: while India was colonized, London never tried to establish a message saying Indians are actually Brits, which is exactly what Russia is doing, denying the existence of Belarusans and Ukrainians.

The book “Bloodlands 20/22 Belarus/Ukraine” tries to look at both countries as part of one process — something that is not very mainstream. It combines two countries in crisis in their decolonial phase that are still very different. Indeed bilateral relations are very difficult, as Belarusan territory was used by Russian troops to attack Ukraine in 2022. And although there are Belarusan combatants fighting for Ukraine, railway guerillas inside Belarus to deter the Russian invasion of Ukraine, and those who help as volunteers, as I do, my passport remains the second most hated in Ukraine. Thus joint actions in culture are hardly possible in the nearest future.

Belarusan culture is not given media attention now, unlike in 2020 [during the mass protests in the country]. Our presence in Western studies is very moderate, but scholars such as Simon Lewis and Nelly Bekus should be mentioned. The most Westernized voice of Belarus is the poet Valzhyna Mort, who describes Belarus through the language of American studies and narratives. Other poets and researchers who write about Belarusan culture in reference to feminism, ethnography include Hanna Komar, and the poet Tony Lashden. There are also stand-alone “ambassadors” who integrate Belarus into particular contexts such as Max Shchur in the Czech Republic, Dzmitry Plax in Sweden, Tatsiana Zamirouskaja in the US, but they don’t form a community.

Aleś Plotka (AP): En effet, le moment est venu de jeter des ponts entre les littératures bélarusse et ukrainienne et de les faire connaître en priorité à l'Occident. Ce n'est pas facile, car les gens, y compris les intellectuels, sont assez paresseux, et beaucoup d'anciens experts en études soviétiques préfèrent ne pas parler du développement moderne et postcolonial de ces anciennes républiques soviétiques.

Pour nous, la principale surprise, c'est que l'Occident, qui a de vastes programmes universitaires d'étude du post-colonialisme, et qui est assez courageux pour pouvoir réfléchir sur son propre colonialisme, préfère ne pas appliquer la même méthode pour le Bélarus ou l'Ukraine. Or ces deux pays ont été et sont encore confrontés au pire type d'impérialisme. Cette situation est en fait beaucoup plus brutale: quand l'Inde était colonisée, Londres n'a jamais tenté de faire croire que les Indiens sont en fait des Britanniques, ce que fait la Russie, niant ainsi l'existence des Bélarusses et des Ukrainiens.

Le livre “Bloodlands 20/22 Belarus/Ukraine” essaie de considérer les deux pays comme faisant partie d'un même processus – ce qui n'est pas très courant. Il associe deux pays en crise en pleine phase décoloniale et qui sont pourtant très différents. En effet, les relations bilatérales sont très difficiles, car le territoire bélarusse a été utilisé par les troupes russes pour attaquer l'Ukraine en 2022. Et bien qu'il y ait des combattants bélarusses qui se battent pour l'Ukraine, des résistants qui bloquent le réseau  ferroviaire à l'intérieur du Bélarus pour retarder l'invasion russe de l'Ukraine, et des volontaires comme moi, mon passeport reste le deuxième le plus détesté en Ukraine. Ainsi, des rencontres conjointes dans le domaine de la culture ne sont guère possibles dans un avenir proche.

La culture bélarusse n'intéresse plus les médias, contrairement à 2020 [lors des manifestations de masse dans le pays]. Notre présence dans le monde universitaire occidental reste très modérée, mais des chercheurs comme Simon Lewis et Nelly Bekus doivent être mentionnés. La voix la plus occidentalisée du Bélarus est la poétesse Valzhyna Mort, qui décrit son pays à travers le langage des études et des récits américains. Parmi les autres poètes et chercheurs qui écrivent sur la culture bélarusse en référence au féminisme et à l'ethnographie figurent Hanna Komar et le poète Tony Lashden. Il existe également des « ambassadeurs » autonomes qui intègrent le Bélarus dans des contextes particuliers tels que Max Shchur en République tchèque, Dzmitry Plax en Suède, Tatsiana Zamirouskyja aux États-Unis, mais ils ne forment pas une communauté.

FN : Le Bélarus en tant qu'État est à la fois victime et instrument de l'agression de la Russie à la fois en Bélarus et en Ukraine. En tant que poète bélarusse vivant maintenant en exil, comment construisez-vous votre propre identité post-coloniale ?

AP: A Belarusan from Ukraine. Those who understand the region will get what I mean from this simple phrase.

AP: Je suis un Bélarusse d'Ukraine. Ceux qui connaissent la région comprendront ce que je veux dire par cette simple phrase.

 

Ukraine en 2022. Photo de Stanislav Krupař, utilisée avec permission.

FN: Comment est née cette l'idée de ce livre de photos et de traductions, et qu'espérez-vous qu'il puisse apporter au Bélarus, à l'Ukraine et à d'autres lecteurs?

AP: Well, it was not exactly planned from the beginning. I met Belarusan photographer Ales Piletski and a wild Czech war-correspondent, Stanislav Krupař, who spends most of his time in Eastern Ukraine in Donbass. The texts were all ready on my side, including a couple written in Ukrainian and five translations of Ukrainian poets. It all just happened very organically, as there is no space for artistic egocentrism here for all three co-authors. The same goes for our London publisher Skaryna who somehow just appeared and did everything very fast.

In times of crisis, art should be pragmatic. All the profits from this book go to the rehabilitation center “Lanka,” organized by Belarusans in Ukraine. One can also donate. Our aim is very practical: To help wounded international combatants in Ukraine (mainly Belarusans). Although if, as piece of art , the book inspires readers, we would be happy too.

AP: À vrai dire, on n'avait pas de plan au début. J'ai rencontré le photographe bélarusse Ales Piletski et un correspondant de guerre tchèque Stanislav Krupař, qui passe la plupart de son temps dans l'est de l'Ukraine dans le Donbass. Les textes étaient tous prêts de mon côté, dont deux écrits en ukrainien et cinq traductions de poètes ukrainiens. Tout s'est passé de manière très naturelle, car il n'y a pas de place ici pour l'égocentrisme artistique entre les trois co-auteurs. Il en va de même pour notre éditeur londonien Skaryna qui a surgi de façon un peu magique et a tout réalisé très rapidement.

En temps de crise, l'art se doit d'être pragmatique. Tous les bénéfices de ce livre vont au centre de réhabilitation “Lanka” monté par des Bélarusses d'Ukraine. On peut aussi faire un don. Notre objectif est très pragmatique: aider les combattants internationaux blessés en Ukraine (principalement des Bélarusses). Bien sûr, si, en tant qu'œuvre d'art, le livre inspire les lecteurs, nous en serons très heureux.

Invité à sélectionner un poème du livre qui incarne le projet, Plotka a choisi le suivant, co-traduit avec Corinne Leech, qui parle de la ville de Boutcha, lieu d'un massacre de civils ukrainiens par les troupes russes :

ПУШКІН ІДЗЕ ПА БУЧЫ
Пушкін ідзе па Бучы,
Падпальвае ад галавешак намарадзёраны Chesterfield lights,
Адкідвае кійком раз’ябаныя цацкі з-пад ног.
На бакенбардах асядае попел, як асядаюць ныркі пасля ўдару.
Забаўная гульня словаў, ці дадуць рады перакласці яе мае прыхільнічкі-французікі?
Навокал спрэс знаёмы пейзаж і любыя сэрцу персанажы.
Вось горцы робяць партрэты ва ўвесь рост,
Зараз гэта хутчэй, не трэба плаціць мастаку, толькі музяку падабраць для роліка.
У канцы вуліцы нехта цягне матрас за край. Бродскі, стопудова.
Осccпадзе, хто так цягне, лепш бы ты сапраўды не выходзіў са штаба.
Вось едуць танкі з Беларусі,
На траках – пялёсткі ружаў цвятаеўцаў і ахматаўцаў.
Наліплі на гліну і гной.
На жоўты пясочак так бы не наліпала.
Недзе ўдалечыні (чу!) чуваць дрон, чужы,
Падлятай бліжэй, саколік, паглядзі на мяне,
Здымай, здымай мяне, дрон са старушкі Еўропы!
Я буду ўдумліва глядзець у гарызонт,
Буду слухаць хор згвалтаваных.
А вы будзеце расшыфроўваць мой позірк і мае думкі,
Рацыяналізаваць зло і разбірацца ў душы маньяка,
А я вам суну тупа сотку,
Як Кацюшы Маславай.
Не згубіце.
Добрыя ж грошы.

 

Pouchkine se promène à Boutcha

Pouchkine se promène à Boutcha
Avec des bûches encore chaudes, il allume une Chesterfield bleue qu'il vient de chiper
Et donne un coup de pied aux jouets brisés.
La cendre descend et se pose sur ses moustaches, comme les reins descendent d'un cran après un coup de poing.
Quelle drôle de comparaison, mes fans français seront-ils capables de tout traduire ?

Tout autour, un paysage familier et des héros chers au cœur
Ici les montagnards font des portraits en pied,
De nos jours c'est rapide, pas besoin de payer l'artiste, il suffit de choisir une chanson et c'est sur Tik-Tok.
Quelqu'un au bout de la rue traîne un matelas[1]. Non mais sans blague, c'est Brodsky !
Mon Dieu, qui traîne comme ça ? Vous feriez mieux de rester au QG, en effet [2].
Les chars arrivent du Bélarus
Sur les pistes – des pétales de roses des fan-clubs d'Akhmatova et de Tsvetaeva
Collés à la merde et au fumier.

Ils ne colleront pas au sable jaune [3].
Un drone étranger se fait entendre au loin,
Viens plus près, oeil de faucon, regarde-moi,
Filme, filme-moi, émissaire de la Vieille Europe.
Je regarderai l'horizon d'un air pensif,
J'écouterai la chorale des violées.
Et tu décrypteras mes pensées et mon regard,
Tu rationaliseras le mal et comprendras les détails de l'âme du maniaque,
Et je vais juste te glisser un billet dans la bouche,
Comme Katioucha Maslova [4].
Pas mal pour se faire du blé, non?
Ne le perds pas

Le 9 avril 2022 à Kiev

Plotka a fourni les notes suivantes pour comprendre le contexte :

[1] Poème colonial de Joseph Brodsky “Sur l'indépendance de l'Ukraine

[2] Le poème magnum opus de Joseph Brodsky “Ne quitte pas ta chambre”

[3] Drame de Vassil Bikaw sur les purges staliniennes “Sable jaune”

[4] Le dernier roman de Léon Tolstoï “Résurrection

 

Le Bélarus en 2020 et le drapeau blanc-rouge-blanc de l'opposition. Photo d'Ales Piletski, utilisée avec permission.

FN: En tant qu'artiste utilisant le bélarusse mais vivant en exil, voyez-vous une culture alternative se développer ? Est-elle accessible au Bélarus? 

AP: Belarusan culture now exists in two versions: émigré and underground inside Belarus where people experience the most brutal repression since the Stalinist purges of the 1930s. The relationship between these groups is our main challenge. I think that the most interesting expressions of current Belarusan art are those which will be discovered only later, which are now inside, but can’t be seen or heard. One can study and read in English a “Czech Dreambook” as an example. I say this honestly because of this inability to share and discuss our work together. I don’t feel myself limited and obliged to shut the fuck up while speaking about my colleagues, and I send my respect to artists of the underground, and state that their work, unknown for now, will shine someday.

AP: Aujourd'hui il y a deux versions de la culture bélarusse: une qui est émigrée et une autre qui est clandestine à l'intérieur du Bélarus où les gens subissent une répression brutale sans précédent depuis les purges staliniennes des années 1930. Le vrai défi, c'est le lien entre ces deux versions. Je pense que les formes les plus intéressantes de l'art bélarusse actuel sont celles qui ne seront découvertes que bien plus tard, qui sont maintenant à l'intérieur du pays, mais qu'on ne peut ni voir ni entendre. La culture tchèque a connu le même phénomène décrit dans le roman de Ludvík VaculíkLe livre des rêves“. Je dis cela très franchement car il y a souvent une incapacité à partager et à discuter de notre travail ensemble. Je ne me sens pas limité et obligé de la boucler en parlant de mes confrères. Je salue les artistes de l'underground, et déclare que leur travail, inconnu aujourd'hui, brillera un jour.


Le cadre de cogestion du Belize est un modèle de conservation communautaire

Fri, 16 Jun 2023 13:46:18 +0000 - (source)

L'adoption de partenariats public-privé garantit l'intégrité écologique et la durabilité à long terme.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Le Grand Trou Bleu du Belize ; photo via Canva Pro.

Cet article a été initialement publié sur Cari-Bois Environmental News Network.

Par Carolee Chanona

Et si les organisations non gouvernementales (ONG), les leaders communautaires, les entreprises et le gouvernement d'un pays travaillaient ensemble à la conservation des zones protégées ? Au Belize, il ne s'agit pas seulement d'un vœu pieux. Depuis 1984, dans le cadre d'un accord ad hoc connu sous le nom de cogestion, les parties prenantes béliziennes ont travaillé ensemble pour protéger l'environnement naturel. Récemment, leurs efforts ont été formalisés par le gouvernement bélizien, dans un nouveau cadre de cogestion des zones protégées (Protected Areas Co-management Framework).

Ce faisant, il s'agissait d'un nouveau signe de l'adhésion du Belize aux partenariats public-privé qui contribuent à garantir l'intégrité écologique et la viabilité à long terme de l'environnement naturel du pays. Au 16 mars de cette année, 16 des 36 accords de sites ont été signés et seront gérés dans le nouveau cadre.

À ce jour, près de 40 % du territoire du Belize a été protégé d'une manière ou d'une autre, et les partenaires de la cogestion ont été à l'avant-garde de ces efforts.

Bien que le Belize ait à peu près la même taille que l'État américain du New Jersey, il compte 103 zones protégées dans le cadre de son vaste système national de zones protégées (National Protected Areas System – NPAS). Il s'agit de réserves forestières, de réserves naturelles, de parcs nationaux, de réserves marines, de réserves privées, de sanctuaires de la vie sauvage, de monuments naturels, de sanctuaires d'oiseaux, de réserves de frayères et de réserves archéologiques.

Nicole Solano, directrice générale du Ministère du Tourisme du Belize, a déclaré que plus de 60 % des voyageurs visitent au moins une zone protégée pendant leur séjour au Belize.

Utiliser l'écotourisme pour financer le développement

Si le patrimoine naturel du Belize est une source de fierté, il constitue également une part importante et vitale de l'économie du pays.

On estime que le tourisme contribue à 45 % du produit intérieur brut (PIB) du pays, alors que la moyenne des Caraïbes est de 15,2 % du PIB, et qu'il sert à financer la gestion directe de ces parcs, notamment par le biais des droits d'entrée, etc.

Lorsqu'il quitte le Belize, chaque visiteur doit s'acquitter d'une taxe de conservation de 20 USD, qui fait partie de la taxe de départ du pays. Les recettes générées par ces taxes contribuent directement au fonds Protected Areas Conservation Trust (PACT), et constituent son principal financement. Pas moins de cinq pour cent de tous les revenus générés pour le PACT sont déposés dans un fonds de dotation.

Au fil du temps, le PACT, bénéficiant d'un mécanisme de financement par subvention, est devenu une entité nationale d’exécution (national implementing entity – NIE) accréditée par le Belize pour le Fonds d'adaptation. Le PACT est la deuxième entité nationale d'Accès Direct au Fonds Vert pour le Climat dans les Caraïbes, et la première au Belize.

Renforcer les capacités, obtenir l'adhésion des communautés et étendre la protection

L'ara rouge vit au Bélize ; photo via Canva Pro.

L'évolution de la conservation s'accompagne de celle des cogestionnaires et de leur rôle. Compte tenu de la nécessité de maintenir l'intégrité des zones protégées, les cogestionnaires se tournent vers des pratiques de gestion flexibles telles que la planification de scénarios et la gestion adaptative.

Outre la mise en œuvre des réglementations, les pratiques de cogestion concernent le bien-être des communautés, la recherche sur la biodiversité et l'utilisation durable des ressources. Par exemple, des entités de soutien de la conservation comme la Belize Audubon Society (BAS) vont plus loin dans leurs accords de cogestion. La BAS a mis en place un programme de surveillance de la biodiversité dans certains des sites les plus riches en biodiversité topologique du Belize.

D'autres groupes, comme les Amis pour la conservation et le développement (Friends for Conservation and Development), surveillent méticuleusement les étendues sauvages du parc national du Chiquibul contre les braconniers de l'ara rouge.

En septembre 2022 (fin de la saison de nidification de l'ara rouge), grâce aux 13 bénévoles qui ont participé au travail ardu et au suivi biologique de l'unité de recherche de la FCD, 24 aras ont été remis dans la nature.

Le succès de la cogestion peut être attribué à sa capacité à intégrer l'influence locale dans les actions gouvernementales telles que l'application de la loi, la surveillance de l'habitat, l'éducation, la sensibilisation et la participation de la communauté.

Cependant, pour une optimisation maximale, les différents types de zones protégées au Belize sont tous gérés différemment. Les aires marines protégées (AMP) sont gérées par le gouvernement, par l'intermédiaire du Ministère de la Pêche, tandis que les parcs nationaux et les sanctuaires de la vie sauvage sont cogérés. En outre, chaque zone protégée dispose de ses propres règles, qui sont mises en œuvre par le gestionnaire de la zone protégée.

La transformation du Belize en un géant de la conservation

Le Belize est fier de posséder le plus gros sanctuaire de jaguars au monde. Photo via Canva Pro.

Le 1er décembre 2022, le Ministère du Développement durable, du changement climatique et de la gestion des risques de catastrophes a officiellement conclu un partenariat public-privé avec des partenaires de la conservation, comme la BAS. L'association est la plus ancienne organisation non gouvernementale de conservation du Belize. Elle protège sept sites, dont le plus gros sanctuaire de jaguars et le célèbre Grand Trou Bleu.

La FCD a également conclu un partenariat officiel. Le groupe est cogestionnaire des 1700 km2 de forêt tropicale du parc national de Chiquibul.

Estimé à quatre fois la taille de la Barbade, le parc est la plus grande zone protégée du Belize et abrite le plus grand réseau de grottes d'Amérique centrale.

Récemment,  The Nature Conservancy (TNC) et ses partenaires ont conclu un accord de 76,5 millions de dollars pour protéger 950 km2 de forêt tropicale dans le nord du Belize, connue sous le nom de forêt maya du Belize.

Avec la zone de conservation et de gestion du Rio Bravo voisine, que TNC a contribué à créer en 1989, la forêt constituera le point d'ancrage d'un réseau de 45 000 km2 de terres protégées. La BAS travaille avec les communautés de la forêt Maya depuis 1969.

Qu'il s'agisse de l'apiculture du Maya Mountain Honey Group ou de la reconnaissance des oiseaux dans les zones importantes pour la conservation des oiseaux (ZICO), les efforts se sont concentrés sur le renforcement des capacités des groupes locaux. Ainsi on espère qu'ils pourront continuer à gérer durablement leurs ressources naturelles et à réduire leurs pressions socio-économiques grâce à des moyens de subsistance alternatifs.

Amanda Burgos-Acosta, directrice générale de la Belize Audubon Society affirme : «nous voulons soutenir les personnes qui vivent sur et autour du site et assumer leur rôle d'intendants responsables. Leur adhésion est un facteur essentiel de cet équilibre».

Plus de quarante ans après la désignation de sa première zone protégée en vertu de la loi sur les parcs nationaux (National Park Systems Act) en 1982, le Belize continue de faire des progrès considérables dans le domaine de la conservation de l'environnement grâce à des politiques qui protègent la richesse des biens naturels du pays.

Le cadre de cogestion n'est plus un simple gentleman's agreement, mais une validation du travail des parties prenantes à l'intérieur et à l'extérieur des parcs.


Azerbaïdjan : la violence contre les personnes LGBTQ+ se poursuit sans relâche

Fri, 16 Jun 2023 13:32:19 +0000 - (source)

L'arrestation de militants réputés ravive les inquiétudes concernant les récits alarmants anti-LGBTQ+.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image de Daniel James. Utilisée avec permission dans le cadre de Unsplash License.

En février 2022, la communauté LGBTQ+ de l’Azerbaïdjan a été profondément ébranlée à la suite de l’annonce du meurtre sauvage d’Avaz Hafizli, activiste et journaliste queer. Sa mort suscita un tollé public sur les réseaux sociaux, sur lesquels de nombreux militants ont critiqué l’inaction du pays lors de crimes haineux, plus particulièrement ceux visant les groupes marginalisés de l’Azerbaïdjan. Aujourd’hui la tendance se poursuit sans relâche. Le 23 mai, la police a arrêté plusieurs femmes transgenres à Bakou, la capitale, à la suite d'un harcèlement verbal qui s'est transformé en une confrontation entre les femmes et les forces de l'ordre lorsque ces dernières ont physiquement agressé l'une des femmes transgenres. En réaction, un groupe de militants LGBTQ+ s'est rassemblé devant le poste de police où les femmes transgenres ont été emmenées. Selon le compte personnel des militants ; la police a provoqué le groupe, déclenchant une échauffourée. En conséquence, sept personnes ont été arrêtées, dont deux d’entre elles sont des militants importants (Jabvid Nabiyev et Ali Malikov). Dans une interview avec Global Voices, Malikov a affirmé que Nabiyev et lui-même sont allés au commissariat pour exprimer leur solidarité et obtenir plus d’informations sur la situation, car aucun média n’a relayé l’incident. Pendant que les deux militants ont depuis été relâchés, ils ont été accusés de vandalisme, de possession de drogue et ont été condamnés à une amende. Les autres militants détenus ont été condamnés à la détention administrative. Après leur libération, les deux militants ont raconté les mauvais traitements, les violences et les humiliations publiques qu'ils ont subis de la part des forces de l'ordre.

Ignorés et rejetés

Selon ILGA Europe, une organisation internationale non gouvernementale qui défend les droits et les libertés des personnes LGBTQ+, l'Azerbaïdjan occupe la dernière place parmi les 49 pays dans l’indice arc-en-ciel de l'organisation, pour la troisième année consécutive.

Ces dernières années, le gouvernement a intensifié la répression contre la communauté LGBTQ+. En 2017, au moins 83 personnes ont été détenues par la police parce qu'elles étaient homosexuelles ou transgenres. Les détenus ont déclaré avoir été torturés et avoir fait l'objet de chantage. La même année, au moins quatre citoyens azerbaïdjanais qui s'identifiaient comme LGBTQ+ se sont suicidés.

En 2018, le journal israélien Haaretz a rapporté que le gouvernement azerbaïdjanais utilisait l'équipement et le logiciel de surveillance israélien Verint Systems pour identifier l'orientation sexuelle des citoyens par le biais de Facebook.

Plus d'une douzaine de personnes LGBTQ+ ont été arrêtées en 2019, la plupart étant des travailleurs du sexe transgenres sollicités puis arrêtés, selon Meydan TV et Minority Magazine.

En mars 2021, Minority Magazine a fait état d'un nouveau mouvement se faisant appeler “Pure Blood” qui se mobilisait via Telegram pour cibler les personnes LGBTQ+ en Azerbaïdjan.

Puis, au cours de l'été 2021, pendant le mois des fiertés, Minority Magazine a fait état d'autres attaques contre les personnes LGBTQ+.

Il y a généralement peu de recours auprès de la police ou des voies judiciaires officielles pour de nombreuses personnes LGBTQ+ confrontées à la discrimination et à la violence. Par exemple, en novembre 2022, une femme transgenre et son partenaire ont été attaqués dans une rue à Bakou. Connaissant les mauvais antécédents de la police à l'égard des citoyens homosexuels, ils ont décidé de ne pas déposer de plainte officielle, craignant des représailles et des violations (potentielles)  éventuelles de leur vie privée.

L'exemple le plus flagrant de la réticence de l'État à aider la communauté homosexuelle est celui de la blogueuse populaire Sevinc Huseynova, qui a ouvertement appelé à la violence contre la communauté LGBTQ+ sur les plateformes de réseaux sociaux. Elle n'a jamais été réprimandée pour ses actions, malgré les nombreuses preuves qui prouvent qu'elle encourageait les gens à commettre des crimes violents contre les personnes homosexuelles. Dans l'une de ses vidéos, Mme Huseynova demande aux forces de l'ordre locales de détourner le regard dans les affaires de crimes haineux. « Un signe nous suffit, il suffit de nous le dire, et nous, le peuple, les repousserons lentement », a déclaré la blogueuse. Dans une autre vidéo, elle a appelé les hommes azerbaïdjanais à tuer les trans. À l'époque, le ministère de l'Intérieur a déclaré qu'il était au courant de l'existence de ces vidéos et qu'il menait une enquête. Mais aucune mesure n'a été prise.

Cependant, Huseynova n'est pas un exemple isolé. En Azerbaïdjan, le discours anti-LGBTQ+ est omniprésent parmi les politiciens, les célébrités, les personnalités publiques et même les militants de l'opposition. Plus récemment, un membre du parti politique d'opposition Tofig Yagublu a affirmé dans un forum de discussion que les homosexuels étaient des personnes biologiquement handicapées. En général, les représentants de la société civile du pays restent souvent silencieux lorsqu'il s'agit de défendre les droits de la communauté LGBTQ+. Comme l'a noté l'activiste queer Vahid Aliyev sur Twitter, « Il est profondément décourageant de constater le silence odieux de la société civile face aux récents événements entourant les activistes des droits LGBTQI+ à Bakou, en Azerbaïdjan ».

 

L'absence de recours juridique ne fait qu'aggraver la situation. Actuellement, la législation en vigueur en Azerbaïdjan ne traite pas des crimes de haine fondés sur l'identité de genre ou l'orientation sexuelle. Selon un rapport de l'Institut danois des droits de l'homme, l'Azerbaïdjan ne dispose pas de politiques nationales protégeant les droits des personnes LGBTQ+. Il n'existe pas non plus d'institutions spécifiques luttant contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre :

 

L'article 109 du Code pénal prévoit des sanctions pénales pour la persécution de groupes ou d'organisations pour des motifs politiques, raciaux, nationaux, ethniques, culturels, religieux, de sexe ou autres, interdits par les normes juridiques internationales. La persécution est considérée comme un “crime contre l'humanité” en termes, par exemple, de torture et de privation de liberté au regard des normes internationales. Les crimes de haine en eux-mêmes ne sont pas considérés comme des persécutions au sens de cette disposition. 37. Le Code pénal ne contient aucune autre disposition relative aux crimes de haine à l'encontre des personnes LGBT.

Cette année, les législateurs azerbaïdjanais ont également exprimé leur soutien à l'adoption d'une loi homophobe semblable à celle adoptée en Russie en décembre 2022 et à la loi russe de 2012 sur la propagande anti-gay.

Si l'Azerbaïdjan n'adopte pas une telle loi restrictive, elle existe déjà dans la pratique, a fait remarquer le militant LGBTQ+ Miray Daniz dans une interview accordée à Chaikhana Media. « La non-approbation de la loi vise simplement à préserver l'image [de l'Azerbaïdjan] à l'étranger », a déclaré Miray Daniz, ajoutant : « Nous vivons comme si cette loi existait. Nous sommes toujours surveillés par la police et d'autres agences gouvernementales, nous sommes toujours sous pression. Il n'y a pratiquement aucune institution de l'État avec laquelle nous pouvons nous sentir en sécurité, qui nous protège et qui pense à nous ».

En l'absence de ces protections de base, le travail et les activités des militants LGBTQ+ sont limités en termes de portée et d'impact, compte tenu de l'environnement politique et social. Pendant ce temps, les victimes d'abus et de harcèlement sont livrées à elles-mêmes, craignant pour leur vie et subissant des humiliations. Lors d'un entretien avec les médias locaux, Nabiyev et Malikov ont déclaré qu'ils avaient été soumis à des tests sanguins en l'absence d'une décision de justice, qu'ils avaient été contraints de chercher des rasoirs, comme si tous les membres de la communauté portaient des rasoirs sous la langue, qu'ils avaient été humiliés et avaient fait l'objet d'insultes et que, dans un cas, les militants avaient remarqué que les policiers avaient utilisé des mouchoirs en papier pour toucher les portes que les militants avaient touchées auparavant.


IciCongo: Portrait d'un jeune média en ligne qui veut « Raconter le Congo autrement »

Tue, 13 Jun 2023 14:40:50 +0000 - (source)

IciCongo forme aussi des étudiants et journalistes

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Photo de Umbo Salama, utilisée avec permission

Dans l'Est de la République Démocratique du Congo, un média tente de se démarquer des autres en prônant une ligne éditoriale qui fait la part belle au quotidien comme le vit vraiment la majorité des Congolais de cette région.

Selon le classement de Reporters Sans Frontières (RSF) de 2023 des pays où la liberté d'expression est restreinte, la République Démocratique du Congo (RDC) occupe la 124è place sur 180 pays avec un score de 48,55. Comparativement à l'année 2022 ou elle occupait la 125è place, le pays a fait un modeste pas en avant. Selon la même source, le pays de Félix Tshisekedi , Président depuis 2019, compte 540 journaux dont 177 chaînes de télévision, plus de 4 000 stations de radio et 36 médias en ligne.

Mais le contexte politique, les crises et les conflits qui, comme l'explique ce rapport de l‘International Crisis Group, secouent la RDC depuis quelques années obligent le plus grand pays de l'Afrique Sub-saharienne à adopter une nouvelle loi sur la presse qui est entrée en vigueur le 4 avril 2023.

Cette loi est bien accueillie par les ONG de défense de la liberté de presse car elle se veut libérale, comme l'explique RFI:

Elle fait obligation aux détenteurs de l’information publique de pouvoir la donner aux journalistes. Ce qui permettra aux journalistes d’accéder à toutes les informations, y compris les informations qui concernent les élections, et de protéger ses sources.

C'est dans cet environnement médiatique qu'est né IciCongo. Global Voices s'est entretenu via Whatsapp avec son fondateur Umbo Salama, journaliste et maître assistant au département de Sciences de l'information et de communication à  l’Université de l’Assomption au Congo (UAC). Il explique le contexte de la naissance de la plateforme, ses défis et ses perspectives d'avenir.

Jean Sovon (JS): Racontez-nous l'historique, la spécificité des contenus et l’aspect régional d'IciCongo dans un si vaste pays!

Umbo Salama (US) : Je suis parti de quelques constats. D’abord, c’est la manière dont les médias étrangers parlent de l’actualité de la RDC. Ils en parlent comme si le pays traversait des situations apocalyptiques : corruption, guerre, conflits inter-ethniques, pauvreté, famine, viols, vols, pillages… Pourtant, à côté de cette situation chaotique, il y a aussi des initiatives de survie et qui sont peu rapportées dans les médias. Je me suis dit, parler de ces initiatives peut donner un plus dans la pratique du journalisme en RDC. D’où notre slogan « Raconter le Congo autrement ».

L’autre constat, est le traitement de l’information par des médias en ligne de la RDC. De nombreux médias ont tendance à diffuser l’information comme s'ils étaient en concurrence avec des agences de presse ou les réseaux sociaux. Des déclarations ou des activités de personnalités, des communiqués de presse constituent la majeure partie des informations. Les médias semblent ainsi jouer le rôle d'outils de propagande de certaines personnalités. Il fallait donc un espace pour des informations diversifiées afin que la population comprenne elle-même sa situation, son environnement, trouve de l’inspiration et puisse prendre des décisions pour son propre épanouissement.

Des amis qui sont dans le domaine du développement Web m’ont aidé à créer le site. Début juin 2021, nous avons publié les premiers articles en ligne sur www.icicongo.net avec comme priorité de raconter comment les populations se débrouillent pour survivre dans cet univers présenté souvent sous un aspect apocalyptique.

Nous parlons de l'économie, de l'agriculture et de la lutte contre le réchauffement climatique, des questions de santé de reproduction, de santé publique, mais aussi de justice, de parcours humains ainsi que du développement de la sphère médiatique.

En deux ans d’existence, IciCongo a déjà remporté deux prix : le mini-concours de septembre 2022 de l’International center for Journalist (ICFJ) à travers le Forum Pamela Awards sur le reportage des crises mondiales grâce à l’article : « Mieux informer sur le terrorisme et l’extrémisme pour stabiliser la société ». Le deuxième prix provient du concours « Jinsia Kwa Amani ou le genre pour la paix (en français)» ; un concours organisé par l’Association des Femmes des Médias(AFEM) et la coopération allemande GIZ en décembre 2022 grâce à l’article « Avec sa tondeuse, Anita Kahambu coiffe les préjugés sur l’entreprenariat des femmes » écrit par Glodi Mirembe.

JS: Quelle est votre audience, et comment les gens vous lisent-ils ? Quel est leur feedback ?

US: Je vais dire que ce n’est pas encore trop fameux mais il y a des avancées dans ce sens. Sur notre page de statistiques, nous sommes en train d’identifier notre audience qui s’accroît beaucoup en dehors de notre pays, notamment dans les pays comme les États Unis, la Belgique et d'autres pays européens, mais aussi la Chine, l'Ouganda, le Cameroun, l'Afrique du Sud. En deux ans d’existence, nous pensons êtres sur la bonne voie avec une audience sur tous les continents. Pour y arriver, nous partageons nos articles sur plusieurs plateformes de réseaux sociaux, comme WhatsApp, Facebook, Twitter, LinkedIn.

La majorité de ceux qui visitent notre média utilisent des téléphones portables pour la lecture et ils sont estimés à 93%. Ceux qui utilisent des ordinateurs représentent 5% , et sur tablettes  2%. Les feedbacks que nous recevons nous demandent de continuer à produire des informations qui donnent encore de l’espoir et qui enrichissent les connaissances. D’autres aussi nous disent que nos articles enrichissent leurs recherches scientifiques.

JS: Parlez-nous de l'équipe de rédaction derrière cet excellent travail au quotidien. La formation et recrutement des journalistes dans le contexte de la RDC et de la région!

US : Nous comptons beaucoup sur des volontaires qui veulent améliorer leur style d’écriture journalistique. Nous comptons aussi sur nos étudiants auprès de qui nous dispensons des cours de journalisme à l’Université de l’Assomption au Congo, UAC. Ils bénéficient ainsi d’un suivi permanent de la proposition à l’édition de l’article en passant par la formulation de l’angle, le ciblage des sources, le plan de rédaction. Notre média c’est aussi une sorte d’académie en journalisme. C’est pourquoi nous nous appelons « Média école ».  Mais ils sont rares ceux qui résistent car nous ne rédigeons pas nos articles dans la précipitation: on prend suffisamment le temps de bien se documenter. Et ceux qui résistent sont élargissent leurs carnets d’adresse. Nous participons aussi régulièrement à des webinaires sur le journalisme, à des formations initiées par des organisations dans notre région.

JS: Comment est la situation de la liberté de la presse en RDC? 

U S : Jusque-là, IciCongo n’a pas encore subi de menaces dans le cadre de notre travail. Mais il y a trop de restrictions qui ne permettent pas à toute la presse de la partie orientale de la RDC de bien faire son travail. Par exemple, le gouvernement interdit aux journalistes de faire parler les assaillants dans leurs médias, or nous sommes dans une zone en proie à des conflits armés et plusieurs formes d’extrêmes violences. Il arrive qu’on abandonne certains articles car on peine à donner une information complète provenant de diverses sources. Nous avons aussi des difficultés à nous rendre dans certaines zones car elles sont sous contrôle de groupes armés.

J S: Où voyez-vous IciCongo sur le long terme?

US : Notre média est située dans une zone, à l'Est du pays, qui est en cheval entre le bassin du Nil et le Bassin du Congo. Nous croyons que dans 5 ou 10 ans nous serons parmi ceux qui vont continuer par être la voix des sans-voix entre ces deux bassins et contribuer à la pacification de la zone. Aussi, nous comptons produire des podcasts audio et disposer d'une chaine YouTube pour augmenter notre audience. Ce n’est pas un travail facile, mais on va y arriver.


Sanctions contre les violateurs des droits des femmes : une lentille politique

Mon, 12 Jun 2023 14:22:54 +0000 - (source)

Les sanctions occidentales nécessitent un cadre transparent, une responsabilité et une réflexion approfondies

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

République démocratique du Congo : Des victimes de viol qui ont été réintégrées avec succès dans leurs communautés se rassemblent dans une « hutte de la paix » près de Walungu, au Sud-Kivu . Date inconnue. Par L. Werchick / USAIDDomaine public .

[Sauf indication contraire tous les liens mènent vers des sites en anglais]

L'Australie, les États-Unis, le Royaume-Uni et l'UE ont mis en œuvre un plan d'action coordonné pour sanctionner les auteurs de violations des droits des femmes au niveau mondial à l'occasion de la célébration de la Journée internationale de la femme, le 8 mars de cette année. 

Des sanctions de type Magnitsky ont été adoptées pour cibler spécifiquement les entités et les individus impliqués dans des violations des droits humains à l'égard des femmes et des filles, dans le but de donner la priorité à leur sécurité et de prévenir de futures violations. Les sanctions comprenaient des gels d'avoirs et des interdictions de voyager imposées aux personnes et entités impliquées. Le plan d'actions coordonnées de mars s'est aligné sur le programme des Nations Unies pour les femmes, la paix et la sécurité (WPS) , établi en l'an 2000, et a rapproché les États-Unis, le Royaume-Uni et l'UE de ses objectifs.

Le 7 mars, le Conseil européen (CE) a imposé des sanctions à neuf personnes et trois entités, dont les ministres talibans de l'Afghanistan responsables des décrets sur la ségrégation sexuelle , le commissariat de police de Moscou et les forces armées russes accusés de torture et de violences sexuelles et sexistes (VSS), les responsables gouvernementaux supervisant de telles pratiques en tant que tactique de guerre au Soudan du Sud, et le vice-ministre de l'intérieur du Myanmar/Birmanie responsable de l'utilisation VSS comme outil de torture . 

Le 8 mars, à la suite des actions de la CE, le ministre britannique des Affaires étrangères, James Cleverly, a annoncé des sanctions contre quatre personnalités militaires en Syrie , au Soudan du Sud et en République centrafricaine (RCA) chargées de promouvoir et de superviser la VSS dans leurs institutions respectives, en plus des institutions gouvernementales iraniennes responsables du maintien de l'ordre sur le code vestimentaire et l'autonomie des femmes. 

De même, les États-Unis se sont également joints à l'initiative en annonçant des sanctions le même jour. Ces sanctions visaient cinq personnes, dont des responsables pénitentiaires iraniens impliqués dans des VSS, le directeur technique iranien des affaires du cyberespace, l'adjoint du bureau du procureur général responsable de la censure et des commandants liés à la répression violente des manifestations. Les entités ciblées comprennent des sociétés d'approvisionnement associées au Commandement de l'application de la loi et aux forces de sécurité iraniennes.

Poursuivant la réponse mondiale, le 20 mars, l'Australie a annoncé ses propres sanctions contre 14 personnes et 14 entités impliquées dans la violation des droits des femmes. Les personnes ciblées comprennent des membres de la police de la moralité iranienne et du corps des gardiens de la révolution islamique responsables de la répression des manifestations de femmes , ainsi que des personnalités impliquées dans l'arrestation, la détention et les mauvais traitements de Mahsa Amini dont la mort a déclenché les premières manifestations. 

Examen de l'efficacité des sanctions dans l'autonomisation des femmes et des filles

L'utilisation de sanctions individuelles pour les violations des droits humains est un développement récent, introduit aux États-Unis en 2016 et dans l'UE en 2020. L'efficacité de cette approche repose sur les efforts coordonnés entre les pays. Bien qu'il y ait une cohérence dans le ciblage de l'Iran entre l'Australie, le Royaume-Uni, les États-Unis et l'UE, il existe des divergences dans les objectifs des autres pays. L'UE se concentre sur le Myanmar, le Royaume-Uni se joignant au ciblage de la Syrie et du Soudan du Sud, en y ajoutant la République centrafricaine. Ces incohérences soulèvent des inquiétudes quant à l'impact et à l'efficacité de ces sanctions pour dissuader de futures violations des droits humains.

En outre, on craint que ces sanctions n'isolent involontairement les victimes de VSS en affectant leur accès à l'aide étrangère. Le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Wopke Hoekstra, a déclaré dans un communiqué de presse le 7 mars 2023 que «les sanctions sont un moyen puissant pour nous de défendre les valeurs universelles et d'imposer un changement international». De telles déclarations, présentant les sanctions comme représentatives des « valeurs universelles », peuvent faire l'objet d'interprétations diverses et être perçues comme du néocolonialisme ou une ingérence extérieure , ou des pressions qui renforcent la dynamique du pouvoir entre les pays, mettant potentiellement à rude épreuve les relations diplomatiques et entravant les initiatives humanitaires.

Un récit plus efficace serait de mettre en évidence les principes du droit pénal international qui interdisent la VSS. Au lieu d'imposer les valeurs occidentales aux autres nations, les décideurs politiques devraient donner la priorité au respect des principes juridiques universellement acceptés plutôt qu'à la promotion de leur propre programme culturel ou idéologique. Une approche peut-être plus efficace pour apporter des changements tangibles dans la vie des femmes dans les pays ciblés serait de se concentrer sur la fourniture d'une aide humanitaire et de soutenir des projets qui préservent l'autodétermination et l'autonomie des femmes et des filles dans ces régions.

Comprehensive Scale of Rape (2018) - LRW-SCALE-11.svg

Omissions clés 

Si l'objectif des sanctions est d'améliorer le bien-être des femmes et des filles, il est difficile d'ignorer les omissions ou les lacunes notables de l'action coordonnée en mars 2023.

Les sanctions ont négligé d'inclure les dirigeants houthis yéménites malgré leur utilisation de la VSS comme tactique de guerre et leurs restrictions croissantes sur les droits et l'autonomie des femmes depuis 2014, à l'instar des talibans [fr]. Ces restrictions comprennent des limitations à la liberté de mouvement, à l'habillement, à l'accès aux espaces publics et à la santé reproductive. Bien que les politiques des houthis aient été documentées et critiquées par des experts des droits humains de l'ONU dans une lettre aux dirigeants houthis, aucun individu ou entité n'a été inclus dans les sanctions de mars. Alors que les États-Unis ciblaient le financement des rebelles houthis par l'Iran, les sanctions ne mentionnaient pas spécifiquement les violations des droits des femmes.

Une omission similaire peut être trouvée en Somalie . Malgré des décennies de guerre civile dévastatrice, les femmes et les filles continuent d'être confrontées à une VSS endémique. Les femmes et les filles déplacées à l'intérieur du pays sont particulièrement vulnérables lorsqu'elles parcourent de longues distances pour aller chercher de l'eau pour elles-mêmes et leur famille. Des cas de viol par des soldats du gouvernement ont été documentés dans la capitale Mogadiscio.

Plus au sud, en République démocratique du Congo , les femmes et les filles connaissent également un sort similaire. La milice Maï-Maï  [fr] en particulier a utilisé la VSS [fr] comme tactique ou outil de guerre. Néanmoins, aucune sanction individuelle ou collective n'a pas été imposée.

Le Qatar [fr] est une autre omission notable dans les sanctions. Malgré certains progrès réalisés par les groupes de la société civile au Qatar avec une représentation de 9,8 %de femmes au parlement, le pays applique toujours des politiques discriminatoires qui maintiennent la tutelle masculine, restreignant sévèrement l'autonomie des femmes dans des domaines tels que le mariage, l'éducation, l'emploi, les voyages et la santé reproductive. De plus, le viol est généralement traité comme un rapport sexuel avant le mariage, soumettant les victimes à une peine de sept ans de prison. Toute action de protestation des militantes féministes est également réprimée, comme dans le cas de Noof al-Madeed , qui aurait été victime de violations généralisées de ses droits civils et humains par les autorités.

Déterminer les critères des sanctions

Les principales omissions dans l'application des sanctions soulèvent des questions sur les critères utilisés, et il est important d'examiner les facteurs qui ont pu influencer ces décisions. Bien que des considérations telles que les progrès d'un pays en matière de droits des femmes, la mise en œuvre d'un plan d'action national FPS, le niveau d'activisme féministe et la vérifiabilité des allégations de VSS aient pu être prises en compte. Les critères utilisés restent flous.

D'autres facteurs politiques auraient pu jouer un rôle dans la détermination des individus et entités à cibler, par exemple, les accords commerciaux existants, les inquiétudes concernant les puissants intérêts pétroliers – en particulier à la lumière de l'invasion de l'Ukraine par la Russie – les complications des guerres par procuration, la peur de déstabiliser des régions déjà impliquées dans des guerres civiles, voire un désintérêt des sociétés civiles occidentales pour des régions africaines. 

En général, l'absence d'un cadre clair et transparent pour déterminer les sanctions souligne la nécessité d'une plus grande clarté, d'une plus grande responsabilité et d'une plus grande prise en compte des facteurs qui façonnent les politiques de sanctions en Occident.


Journée mondiale de l'abeille : une agricultrice biologique jamaïcaine affirme que ces créatures à fourrure jouent un rôle essentiel dans la pollinisation de ses cultures.

Mon, 12 Jun 2023 13:09:57 +0000 - (source)

« Sans une bonne pollinisation, la production est moindre… ».

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Abeille charpentière (Xylocopa mordax) mâle. Considérée comme une abeille solitaire, elle construit ses nids en creusant des tunnels dans le bois, le bambou et d'autres matériaux végétaux durs. Elle pollinise les haricots et les légumineuses, ainsi que la sauge, les fleurs de la passion et le moringa. Photo de Vaughan Turland, utilisée avec autorisation.

Apparu en 2018, l'ONU a choisi le 20 mai comme le jour de l'abeille, cela a été mis en place dans le but de sensibiliser sur l'importance de ces petits, mais importants pollinisateurs, les menaces auxquelles ils font face et leurs contributions au développement durable. La célébration de cette année a mis en lumière le rôle vital qu'ont les abeilles dans la pollinisation des cultures agricoles. D'après l'organisation pour la nourriture  et l'agriculture de l'ONU, 3 sur 4 des cultures qui produisent de la nourriture pour les humains dépendent, du moins partiellement des pollinisateurs.

Pourquoi les abeilles sont si importantes pour l'agriculture? La diversité des espèces pollinisatrices est essentielle pour la sécurité des ressources. Il y a également un lien étroit avec le réchauffement climatique, qui affecte aussi bien l'agriculture et les abeilles :

Pour mieux comprendre l'importance des abeilles et leur impact, j'ai interrogé par mail Dorienne Rowan-Campbell, une ancienne journaliste jamaïcaine et spécialiste du développement devenue cultivatrice de café biologique. Avec la Jamaïque qui devient un lieu d'habitat pour 69 espèces d'abeilles, elle est actuellement consciente de l'impact sur les cultures des pollinisateurs et du réchauffement climatique ainsi que des activités humaines.

Ayant passé une majeure partie de sa vie dans le journalisme, aussi bien en Jamaïque qu'au Canada, Rowan-Campbell a porté son intérêt dans le développement international, ce qui l'a conduite à réaliser une série en 13 parties, « Un seul monde », avec TV Ontario. Elle a plus tard quitté la société de diffusion canadienne pour diriger le programme de développement des femmes au secrétariat du Commonwealth, et a été la première femme directrice et conseillère du secrétaire général du Commonwealth.

Rowan-Campbell est retournée en Jamaïque en 1987 et a travaillé en tant que consultante des femmes, consultante de genre et consultante politique, consultante en environnement et consultante en gestion du management. Cinq ans plus tard, après que ses parents ont déménagé au Canada, elle a pris le lead de la petite ferme de café de son père et a commencé une longue route pour établir une ferme organique. Elle est actuellement vice-présidente de l'association des planteurs de café où elle représente les petits producteurs et utilise la ferme comme un lieu d'entrainement pour les fermiers intéressés, en particulier les femmes et les jeunes personnes. Elle est également la seule productrice de café organique jamaïcain certifiée NOP, EC, COR et JAS, ( des labels d'agriculture biologique dans différents pays).

Dorienne Rowan-Campbell, agricultrice biologique jamaïcaine. Photo de Rowan Royale Farms, utilisée avec autorisation.

Emma Lewis (EL) : Parlez-moi de votre ferme. Quelles sont vos cultures, et où ?

Dorienne Rowan-Campbell (DRC):

Ma ferme est la Royale de Rowan. Cette année sera notre 21e année de certification organique internationale. Nous sommes une petite, ferme familiale possédée par des femmes à 4 000 pieds d'altitude dans les montagnes bleues de Portland Ouest en Jamaïque, proche du ravin de Silver Hill. Notre culture principale est le café, mais en tant que ferme organique, nous plantons également du gingembre, du curcuma, des légumes verts, des bananes, des plantains, des racines, des citrons des mûres.. et nous nous assurons que les herbes indigènes et les buissons soient préservés et les fleurs sauvages accompagnées. La ferme est très ombragée, bien que nous continuions de remplacer des arbres qui ont subi des dégâts à la suite d'ouragans et d'orages.

Quel rôle ont les abeilles dans votre ferme, et comment continuez-vous à les attirer?

Nous avons beaucoup de buissons fleuris et des arbres et fleurs sauvages que les abeilles y trouvent leur bonheur. Une étude débutée pour l'Association des cultivateurs de café en Jamaïque en 2018 a fait ressortir trois types d'abeilles dans la ferme, pas uniquement des abeilles à miel. Chaque année durant la saison de pousse du café, j'ai des ruches sur la ferme qui viennent d'un fermier voisin, qui est un apiculteur mais qui n'utilise pas de produits chimiques dans sa pratique. Il me dit que la qualité du miel des abeilles sur la ferme est plutôt bonne comme les abeilles disposent de nombreuses ressources et ne sont pas mises en danger par les produits chimiques. Pendant qu'il récolte le miel moi j'ai un grand nombre d'abeilles sur la ferme pour aider à la pollinisation, en particulier du café. Mon gestionnaire de ferme n'a maintenant qu'une seule ruche et est en train d'apprendre à garder les abeilles ainsi l'année prochaine il aura des abeilles sur sa ferme.

Centris decolorata est l'équivalent caribéen du bourdon, que l'on trouve généralement dans les climats nordiques. Cette abeille trapue pollinise les grandes fleurs tropicales. Photo de Vaughan Turland, utilisée avec autorisation.

D'après votre expérience, quelle est la signification de la pollinisation des abeilles pour l'agriculture en Jamaïque, et pour votre affaire en particulier?

Les abeilles sont des pollinisateurs efficaces. Bien que nous ayons des oiseaux et d'autres insectes qui pollinisent, les abeilles sont ce que nous accueillons le plus pour la majeure partie, nous les avons prises pour acquises. Maintenant que nous voyons moins d'abeilles autour dans nos fermes, notre pollinisation est moins efficace. Sans une bonne pollinisation, vous avez moins de production mais même sans avoir quelques ruches sur la ferme, nous avons énormément d'abeilles qui viennent pendant les saisons de floraison. On les voit et les entend. On les voit sur des fleurs de citrouille et des variétés de courges et légumes verts, comme sur de nombreux arbres que nous avons qui fleurissent et attirent les abeilles.

 Quelles sont les menaces pour la pollinisation des abeilles dans la région? Comment elles peuvent être abordées?

La majorité des menaces sont les produits chimiques que nous appliquons dans nos fermes, qui tuent les abeilles. Mais nos pratiques générales de culture fermière affectent également ces abeilles : le coupage à blanc, et le désherbage massif impliquent énormément de fleurs sauvages, des buissons et des arbres à floraison, sur lesquels une abeille sauvage prospère. L'urbanisation qui s'accélère fait que des arbres sont coupés et les buissons venant de nos villes sont remplacés par des accotements couverts d'herbe. Les autoroutes améliorées prennent des parts entières de territoires où les abeilles avaient l'habitude d'être en mesure de trouver du pollen. Beaucoup de ces arbres et buissons ne sont jamais remplacés le long de ces autoroutes.

L'abeille de l'orchidée de Jamaïque (Euglossa jamaicensis) est endémique à la Jamaïque et n'est pas non plus une abeille « sociable ». Les mâles sont connus pour collecter des matériaux sur les fleurs qu'ils pollinisent afin de créer des parfums. Photo de Vaughan Turland, utilisée avec sa permission.

 Quelles espèces d'abeilles pollinisent les cultures? Pendant que les abeilles à miel sont communes, beaucoup d'espèces d'abeilles sauvages et solitaires sont en danger. Quelles espèces avez-vous vues?

DRC:

Je sais que nous avons des abeilles sauvages et solitaires sur la ferme, mais je n'ai aucune expertise sur ce qu'elles sont. Nous accueillons juste ces dernières et leur laissons autant de nourriture que possible, ce qui est pourquoi elles viennent.

 Le changement climatique a sérieusement impacté le projet de culture du café sur lequel vous travailliez en 2018, avec ses effets rendant la période de floraison imprévisible. Des sécheresses prolongées ont mis les plantations de café sous stress, et allongé les saisons de pluies qui causent des problèmes. Pouvez-vous m'en dire plus à propos de ce projet et comment la crise climatique continue d'impacter aussi bien notre agriculture que nos abeilles?

Oui les périodes de floraisons sont beaucoup moins prévisibles. Le travail initial sur ce projet signifiait que c'était impossible pour les chercheurs de savoir quand il fallait se trouver dans telle ou telle zone… Les routes sont en mauvais état, les 4X4 sont nécessaires, et les fonds ne peuvent pas couvrir l'augmentation du prix des transports. Cependant, ils ont trouvé des zones avec vraiment très peu d'abeilles. Le changement climatique a également affecté la qualité des floraisons. La recherche dans d'autres pays a indiqué qu'une augmentation des températures cause des difformités dans les floraisons elles-mêmes, tout comme les rares floraisons..

La Centris fasciata est une abeille sauvage que l'on trouve en Jamaïque et peut-être dans d'autres parties des Grandes Antilles. Photo de Vaughan Turland, utilisée avec autorisation.

 L'agriculture organique semble continuer d'être une activité de niche dans les Caraïbes. Comment voyez-vous son rôle et sa valeur? Peut-elle être étendue? Est-ce que l'intervention du gouvernement est nécessaire?

Si nous souhaitons survivre en agriculture et gérer les crises climatiques, nous devons nous diriger vers des pratiques durables; des pratiques organiques/biologiques en sont la base. Les personnes n'ont pas besoin de labellisation. Elles ont besoin de comprendre que- comme l'a souligné la FAO- les sols gérés organiquement peuvent s'adapter aux inondations et à la sécheresse. Plusieurs années auparavant, après une sécheresse

Les gouvernements qui se sont succédés ont dit qu'ils épousent la production biologique, mais il n'y a eu aucune politique de développée, bien que ce travail ait été en processus depuis 2004! Toute action a été faite par les ONG et les secteurs privés des fermiers… mais ceci n'est pas durable. Une équipe du JOAM a élaboré la norme pour le Bureau of Standards of Jamaica (BSJ) et pour la Communauté des Caraïbes (CARICOM). Cependant, au lieu d'encourager son utilisation, le BSJ exige une redevance élevée pour une copie de la norme (environ 9 277 JMD ou 60 USD). En outre, aucune mesure n'est prise lorsque des produits sont étiquetés “biologiques” sans avoir fait l'objet d'une vérification par une tierce partie. Les agriculteurs se demandent donc pourquoi ils devraient payer pour la certification alors que celle-ci n'est pas protégée. L'organisme national de certification de la Jamaïque (NCBJ) propose désormais la certification, mais personne n'est sûr de ses tarifs et la procédure est longue.

The Jamaican government needs to establish a competent authority for organic agriculture, a policy and more training for the Rural Agricultural Development Authority (RADA).

Le gouvernement jamaïcain a besoin d'établir une autorité compétente pour l'agriculture biologique, une politique et plus d'entrainements pour le développement de l'autorité de l'agriculture rurale.

Les pratiques d'agriculture biologique sont conformes au message de la Journée mondiale de l'abeille, à savoir que les abeilles, et les pollinisateurs en général, ont besoin d'une agriculture responsable qui soutienne le rôle qu'ils jouent dans la nature et la durabilité à long terme.


Turquie : une série de tremblements de terre frappe le pays

Mon, 12 Jun 2023 12:41:10 +0000 - (source)

Les autorités émettent une alerte de niveau 4 et demandent l'aide internationale

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d'écran du reportage vidéo du Guardian en Turquie  

Une grande partie du pays s'est réveillée avec les terribles nouvelles d'un tremblement de terre qui a frappé les provinces sud-est du pays le 6 février. À 4h17 heure locale, un tremblement de terre de magnitude 7,8 a frappé la province turque de Gaziantep. Des heures plus tard, un séisme d'une magnitude de 7.5 frappe cette fois la province turque de Kahramanmaras. Au total, environ dix provinces ont été touchées. Selon les derniers chiffres, le nombre de morts a atteint 2 921 personnes, tandis que plus de quinze mille personnes ont été blessées. La spécialiste principale des situations d'urgence pour l'Europe de l'OMS, Catherine Smallwood, a déclaré lors d'un entretien avec l'AFP que ces chiffres “sont susceptibles d'être huit fois plus importants”. Des images aériennes des lieux les plus fortement touchés montrent des bâtiments résidentiels , ainsi que des hôpitaux, des installations municipales et de nombreux autres bâtiments, y compris le château de Gaziantep, qui avait plus de 2 000 ans, détruits.

 #Le château de Gaziantep qui date du 6e siècle n'a pas résisté au tremblement de terre.

Officiellement, plus de 6 000 bâtiments ont été totalement détruits. Les autorités ont émis une alerte de niveau quatre, le niveau d'alerte le plus haut utilisé pour les urgences et dangers très graves, qui inclut également un appel à l'aide internationale. Selon l'Agence turque d'intervention en cas de catastrophe et d'urgence (AFAD), au 7 février, 65 pays ont répondu en envoyant, au total, 2 660 personnes.

Les autorités ont annoncé sept jours de deuil national. Toutes les écoles vont être fermées durant les deux prochaines semaines dans les zones touchées par le tremblement de terre.

Bien que des missions de sauvetages aient été déployées dans les zones touchées, des conditions météorologiques glaciales ont rendu les déplacements dans ces zones plus compliqués d'habitude. Tout au long de la journée, l'AFAD a enregistré d'autres séismes dans la zone, les plus forts ayant eu lieu à 13h35 et 13h24, heure locale, et dont les magnitudes respectives étaient de 5.6 et 7.6.

Mais alors que les gens se précipitaient sur les réseaux sociaux et les centres d'aide à travers tout le pays, de nombreuses critiques ont été formulées à propos du manque d'infrastructures nécessaires en cas d'intervention d'urgence et des mesures provisoires mises en place en temps de crise

At a bare minimum, hospitals, runways and major roads should not be crumbling like this, no matter how large the earthquake.

That is our most basic infrastructure. It has to be better than this.

— Can Okar (@canokar) February 6, 2023

Au minimum, les hôpitaux, les pistes et les routes principales ne devraient pas s’effondrer comme ça, peu importe l’ampleur du tremblement de terre.

Ce sont nos infrastructures les plus basiques. Cela devrait être en meilleur état.

— Can Okar (@canokar) 6 février 2023

La journaliste Burcu Karakas a exprimé sur Twitter sa déception face au paradoxe. D'une part, la Turquie construit une centrale nucléaire tandis que d'autre part, des bâtiments résidentiels mal construits s'effondrent alors que les gens attendent les secours :

Le journaliste spécialiste en économie, Mustafa Sonmez, a tweeté des statistiques budgétaires qui indiquent que les fonds de l'Etat alloués à Diyanet, le principal organisme religieux de Turquie, dépassaient le montant alloué aux tremblements de terre et aux programmes de secours aux sinistrés.

Un autre journaliste, Gurkan Ozturan a tweeté :

Le journaliste Fatih Yasli a écrit sur Twitter que les gens en “payaient de nouveau le prix, pour le profit, les appels d'offres et la corruption [motivés] par l'économie axée sur la construction et le gang d'entrepreneurs ainsi que l'inimitié pour la science et la connaissance”.

This has been just a devastating decade in Turkey. Today's horrors are very much intertwined with the overall political situation, since massive corruption has led to shoddy construction, stolen earthquake funds, minimum preparations for the inevitable, and an economy in tatters.

— Nick Ashdown (@Nick_Ashdown) February 6, 2023

Cela a été une décennie dévastatrice pour la Turquie. Les horreurs d’aujourd’hui sont très étroitement liées à la situation politique globale, étant donné que la corruption massive a conduit à des constructions bâclées, des fonds de tremblement de terre volés, des préparatifs minimaux pour l’inévitable, et une économie en lambeaux.

— Nick Ashdown (@Nick_Ashdown) 6 février 2023

Parmi les bâtiments qui se sont effondrés, certains étaient des hôpitaux, ce qui a suscité encore plus de critiques et de tristesse :

D'autres ont accusé les autorités étatiques d'avoir menti quant à la présence de sauveteurs. Hatay est l'une des provinces où l'absence de sauveteurs a attisé la colère.

Thousands of people are calling specific help for Hatay where Turkish rescue workers couldn’t reach nearly for 24 hours.

It is awful. Too many messages of people in the rubble. People who speak from the city only cry. That’s the only thing they could do.

— Ragıp Soylu (@ragipsoylu) February 7, 2023

Des milliers de personnes appellent à une aide spécifique pour Hatay où les secouristes turcs n’ont pas pu arriver avant 24 heures.

C’est terrible. Trop de messages de gens dans les décombres. Les gens qui parlent de la ville ne font que pleurer. C’est la seule chose qu’ils pouvaient faire.

— Ragıp Soylu (@ragipsoylu) 7 février 2023

Bariş Atay, vice-président du Parti des Travailleurs de Turquie (TIP) et membre du parlement de Hatay a visité Hatay, d'où il a partagé ces nouvelles  informations : 

I really don't know what to say. Those who say they have reached everywhere. There is no rescue work here. The head of AFAD and the President are both saying they have reached everywhere. People are on their own here using their own efforts. It's an isolated city. The machinery was brought here by the citizens themselves. No one is sending machinery or anything else. There is no rescue team. There is no AFAD. There is no one.

Je ne sais vraiment pas quoi dire. Ceux qui disent qu’ils sont arrivés partout. Il n’y a pas de travail de sauvetage ici. Le chef de l’AFAD et le Président disent tous les deux que les secours sont arrivés partout. Les gens sont ici par leurs propres moyens. C’est une ville isolée. La machinerie a été apportée ici par les citoyens eux-mêmes. Personne n’envoie de machinerie ou quoi que ce soit d’autre. Il n’y a pas d’équipe de sauvetage. Il n’y a pas d’AFAD. Il n’y a personne.

L’amertume et la réponse lente ne sont pas choses nouvelles. Dans une entrevue accordée en 2021 au journal Middle East Eye, Koray Dogan, porte-parole du Parti vert turc, a déclaré que le gouvernement accordait la priorité à l’économie au détriment de l’environnement. Il y a de nombreuses preuves à l’appui, comme le projet massif de Kanal Istanbul ou la loi d’amnistie de zonage qui a été adoptée en 2018. La Turquie a adopté 19 lois d’amnistie de zonage depuis 1948 qui accordent des pardons (contre rémunération) aux entrepreneurs en construction qui ne respectent pas les normes de sécurité. De nombreuses zones de rassemblement enregistrées après le séisme pour les tentes et les réponses humanitaires ont disparu avec le boom de la construction. Dans le passé, l’AKP a rejeté 58 motions de politiciens de l’opposition demandant un comité de surveillance indépendant pour superviser la sécurité des bâtiments.

Les experts de la Chambre des Ingénieurs Géologiques ont déclaré avoir averti les autorités avant qu’un tremblement de terre ne frappe la zone avec des rapports et des évaluations des besoins, mais aucune réponse n’a été fournie. Hüseyin Alan, Président de la Chambre des ingénieurs géologiques, a affirmé à Birgun, une plateforme d'informations en ligne, que “en tant que géologues, ils ont dit et écrit à plusieurs reprises que ces établissements résidentiels devaient être préparés pour les tremblements de terre. Nous avons préparé des rapports que nous avons partagés avec la présidence et les ministères concernés. Nous avons souligné à plusieurs reprises la nécessité d’agir. Mais nous n’avons pas obtenu une seule réponse. Ni de la présidence ni des membres du Parlement. »

S’adressant également à Birgun, le spécialiste des catastrophes Kubilay Kaptan a déclaré que, malgré les alertes précoces, les dommages causés par le séisme indiquent que ces avertissements n’ont pas été pris en compte. « Dans des circonstances normales, étant donné qu’on savait déjà que ces provinces étaient dans des zones sujettes aux tremblements de terre et qu’un tremblement de terre était inévitable, les bâtiments, la population locale et les missions de recherche et de sauvetage auraient dû être prêts. Mais, quand nous regardons s’ils étaient réellement préparés, nous constatons qu’ils ne l’étaient pas », a déclaré Kaptan lors d'une entrevue. Kaptan a déclaré que cet état de non-préparation est révélateur d’une surveillance nulle de la construction des bâtiments, des matériaux utilisés pour la construction et de la conception des bâtiments.

Le professeur Naci Görür, membre de l’Académie des sciences, a également informé les médias locaux des avertissements répétés que lui et d’autres géologues ont adressés aux administrateurs provinciaux, mais n’ont reçu aucune réaction. Il y a deux ans, Görür, avait parlé d’un tremblement de terre potentiel frappant Kahramanmaras sur CNN Turk.

La Turquie est située dans une zone sismique active et a une histoire de tremblements de terre désastreux. Le pire tremblement de terre s’est produit à Erzincan en 1939, lorsqu’un tremblement de terre de magnitude 7,9 a fait près de 30000 morts.  En 1999, un séisme de magnitude 7,5 a tué 18000 personnes et laissé 250000 sans-abri.  Le dernier incident majeur s’est produit à Elazığ en 2020, faisant 1600 blessés et 41 morts. Lors de l’anniversaire du tremblement de terre de 1999 en 2021, les experts ont averti que si un tremblement de terre d’une ampleur similaire touchait le pays, des dommages encore plus importants seraient inévitables, soulignant l’absence de préparation gouvernementale ou de stratégies d’atténuation.


Un parti politique de femmes parvient à faire revivre une petite localité espagnole

Mon, 12 Jun 2023 11:58:16 +0000 - (source)

Elles voulaient arrêter le dépeuplement du village… et elles ont réussi !

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Membres de AMPMA pendant la présentation de la candidature aux élections locales 2023 dans la mairie d'Angüés, Espagne. De gauche a droite, Ana Ruiz, María Jesús Agustín, Herminia Ballestín, Adela Alfaro et Mariella Araujo. Photo de Francisco Lomero (éditée), utilisée avec autorisation.

Mi-juin, un groupe indépendant exclusivement féminin, Mujeres por el Municipio de Angüés (AMPMA), entamera son deuxième mandat dans la mairie de la petite ville aragonaise d’Angüés, au nord de l'Espagne, après avoir obtenu, pour la deuxième fois, la majorité absolue aux élections municipales du 28 mai 2023. Sa législature constitue aujourd'hui le phénomène politique le plus particulier de l'histoire démocratique espagnole.

À Angüés, ville de la province de Huesca composée des communes d'Angüés, Bespén et Velillas, le groupe électoral AMPMA a obtenu 148 voix (58,73%) sur un total de 254 électeurs.

Resultados elecciones locales Municipio de Angüés 2023

Capture des résultats comparatifs 2019-2023 et nouvelle composition du Conseil municipal d'Angüés. Source : site officiel du ministère de l'Intérieur pour les élections 28M (2 juin 2023).

Leur gestion a été un phénomène politique très particulier pour plusieurs raisons : En 2019, elles ont renverséavec deux tiers des voix— la liste du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), qui avait gouverné sans opposition pendant 16 années consécutives, tout en faisant réduire l'apathie politique croissante reflétée dans l’abstention : cette année-là, la municipalité a enregistré une participation de 76,87 %, dépassée seulement en 2023 avec 80,37 %. Mais, sans aucun doute, sa plus grande victoire a été d'arrêter (et d'inverser) le dépeuplement qui semblait inévitable dans la municipalité.

Ce que personne n'attendait lors des élections de 2019

Le premier triomphe des femmes de l'AMPMA, dirigées par Herminia Ballestín (actuelle maire d'Angüés), a été l'une des grandes surprises électorales de 2019 lorsqu'elles ont battu, également à la majorité absolue, la liste du PSOE qui gouvernait la municipalité sans opposition depuis 2003.

Le groupe n'a de liens avec aucun parti politique, chaque citoyenne qui l'intègre a ses propres idées politiques. De plus, la majorité n'avait aucune expérience dans la gestion d'une législature, à l'exception de la Vétéran Herminia Ballestín, qui avait déjà été conseillère du PSOE. La conseillère María de Marco, qui figurait cette année sur la liste en tant que suppléante, se souvient:

Cuando nos presentamos no teníamos programa ni prácticamente sabíamos qué se podía hacer. Podíamos proponer cosas, pero no sabíamos cómo funcionaba un ayuntamiento.

Lorsque nous nous sommes présentées, nous n'avions pas de programme et nous ne savions pratiquement pas ce que pouvait être fait . On pouvait proposer des choses, mais on ne savait pas comment fonctionnait une mairie.

En effet, de nombreuses personnes se sont alors demandées combien de temps un groupe de femmes allait tenir dans le Conseil communal, et les blagues et commentaires sexistes ne manquaient pas. « Je pensais que c'était un problème qui avait déjà été surmonté, mais la théorie est une chose et la pratique en est une autre, surtout dans un petit village », a déclaré Ballestín à la chaîne de télévision La Sexta.

Quatre ans et une pandémie plus tard, ce groupe de femmes a démontré qu'elles étaient capables de surmonter l'une des pires crises sanitaires mondiales et, en plus, ont réalisé ce qui semblait impossible : stopper le dépeuplement, redonner vie à sa petite commune et décrocher le soutien retentissant de la population.

La plus grande conquête pour un peuple de « l'Espagne vidée »

Photo d'Angüés (Espagne), prise par l'auteure

D'après les données de l’Institut National de Statistiques (INE), en 1900, Angüés comptait 1022 habitants, mais le village a perdu plus de la moitié de sa population au long du XXème siècle. Cette tendance s'est poursuivie pendant les deux premières décennies du XXIème siècle, non seulement à Angüés, mais dans plusieurs zones rurales espagnoles, ce qu'on connaît aujourd'hui comme l'Espagne vidée, un concept qui fait allusion aux régions du pays qui ont subi l'exode rural vers les villes.

Vers 2019, lorsque l'AMPMA a remporté sa première législature, il ne restait plus que 354 habitants sur l'ensemble de la commune. Heureusement, cette tendance s'est non seulement arrêtée, mais, contre toute attente, elle s'inverse progressivement : Selon les dernières données officielles, le 1er janvier 2022, la population d'Angüés était de 368 habitants, et cette année on estime une population de 387 citoyens, ce qui représenterait une croissance de près de 10 % au cours des quatre dernières années.

Concernant la proposition du groupe, Herminia Ballestín a déclaré à Periódico de Aragón : « Je voulais changer un peu les choses, et nous avons pensé qu'il serait très intéressant de former cette option qui démontrerait à quoi ressemble la gestion féminine ».

La première chose qu'elles ont faite en assumant la législature en 2019 a été d’éliminer le salaire du maire et de retirer les téléphones portables, les primes et dîners de Noël des conseillers, payés par le conseil municipal : désormais, les conseillers ne supposent aucune dépense au village, ce qui a permis à la mairie d'économiser environ 12 000 euros annuels. De plus, elles ont réduit les coûts énergétiques en installant des panneaux solaires à l'hôtel de ville et en changeant l'éclairage public.

Pour attirer et fixer la population, elles ont créé un programme d'accompagnement à l'émancipation des jeunes et un projet à travers lequel le Conseil communal a acquis et rénové des maisons vacantes pour les proposer en location abordable aux familles qui souhaitaient s'installer dans la commune. Jusqu'à présent, trois maisons ont été habitées, et une quatrième, qui sera louée cette année, est en procès de restauration.

La fermeture de l'école est le signe incontestable de la mort d'une ville, mais à Angüés, la population enfantine a augmenté avec les nouvelles familles qui sont arrivées, ce qui a conduit à l'agrandissement de l'école locale avec l'ouverture d'une nouvelle classe maternelle, en plus de la création d'un programme de soutien scolaire gratuit, l'installation d'une nouvelle aire de jeux à Bespén (l'une des trois communes du village), la réouverture de la bibliothèque municipale et l'organisation d’ateliers de formation au travail et à l'entreprise.

De même, elles ont cherché à stimuler la vie sociale et la participation citoyenne avec des activités culturelles et récréatives telles que des concerts, conférences et séminaires, concours de photographie, spectacles pour toute la famille, fêtes traditionnelles et expositions.

Les améliorations ont pris du temps, mais elles ont été constantes et visibles. Le budget est très limité et une grande partie du travail doit être faite par par les conseillères elles-mêmes : « Pour cela, il faut une vocation de service, car vous vous occupez de tout et vous ne voyez pas un seul euro », réfléchit Ballestín, qui évalue sa première gestion comme « gratifiante ».

Avec l'expérience acquise au cours de ces quatre années et de la satisfaction de ce qui a été réalisé, le groupe a demandé sa réélection avec l'idée de poursuivre son travail de revitalisation avec de nouvelles propositions, et certain que désormais les citoyens leur feraient encore plus confiance.

Leur effort a été récompensé par le résultat catégorique du vote, qui leur garantit le second mandat. Herminia Ballestín assure :

Los pueblos están más vivos que nunca y solo hay que demostrarlo. Esta es nuestra forma de pensar y en esto basamos nuestro trabajo.

Les villages sont plus vivants que jamais, et il suffit de le prouver. C'est notre façon de penser et c'est sur cela que nous basons notre travail.


Powered by VroumVroumBlog 0.1.31 - RSS Feed
Download config articles