Un monde sans neutralité du net

Ce billet s’adresses à celleux qui se disent « La neutralité du net ? Rien à foutre. », ainsi qu’a celleux qui ne comprennent pas forcément, par manque de temps, de moyens ou de savoirs, les implications concrètes d’une absence de neutralité du net. Continuer la lecture de Un monde sans neutralité du net

Un exemple d’atteinte au principe de neutralité ? Verizon, Yahoo! et Tumblr

2014. Il est loin le temps où Tumblr était un défenseur de la Neutralité du Net, aux côtés d’Amazon, de Kickstarter, de Vimeo, Reddit, de Netflix et de bien d’autres. Il y a quelques jours, Verizon, un fournisseur d’Internet et de Mobile côté Etats-Unis, finalisait le rachat de Yahoo! et donc, du service Tumblr.

Dans la foulée, la société déclarait que les comptes crées via des adresses e-mail AT&T, un de ses concurrents, seraient purement et simplement dégagés des services liés à Yahoo!.

Une jolie atteinte au principe de neutralité ? Analyse. Continuer la lecture de Un exemple d’atteinte au principe de neutralité ? Verizon, Yahoo! et Tumblr

Censure : a quel jeu joue Facebook ?

Il y a quelques jours, une nouvelle venait assombrir le paysage de la « liberté d’expression » sur Facebook, comprenez par-là, la liberté d’expression selon Facebook qui est une lointaine cousine de la véritable liberté d’expression. Retour sur cette affaire. Continuer la lecture de Censure : a quel jeu joue Facebook ?

Il y a pire que la censure. #PJLRenseigment

Le projet de loi sur le renseignement sera examiné dans le courant du mois d’avril. Jusque à cette date, il ne sera que générateur de questions et d’inquiétudes, parfaitement soulignées par de nombreux acteurs.

Pour rappel, voici une liste à jour des personnes, ONG ou associations et autres qui se posent des questions sur le projet de loi.

Ce matin, une conférence commune à nombre de ces entités avait lieu dans les locaux de la Quadrature du Net et ces dernières se sont inquiéteés, sans doute à juste titre, de la très dangereuse orientation que prend le gouvernement : la surveillance massive et la capacité que s’octroie l’Etat à pouvoir surveiller quasiment n’importe qui.

Si le projet de loi est nécessaire afin de permettre aux agences de renseignement d’être plus rapides et efficaces pour lutter contre « le mal » – expression volontairement mise en avant pour caricaturer la vision très binaire de l’Etat sur le sujet – qui ronge notre pays, il n’en reste pas moins qu’il ne prend pas en compte les effets de bord de tout ceci, les « dommages collatéraux » comme on dit.

Il s’avère qu’un de ces effets de bord, non pris en compte par notre gouvernement, est bien pire que les risques de détournement de la loi et de censure qui vienent menacer nos libertés individuelles. La France glisse vers quelque chose de bien pire que la simple censure.

La censure est subie, elle n’est pas le fait de notre volonté, mais de celle des censeurs.

La censure est une limitation arbitraire, par un gouvernement, de notre capacité à nous exprimer.

En l’état, notre gouvernement va aller au-delà de la simple censure : en instaurant un régime de « sur-surveillance », en étant en capacité de faire de l’interception massive de l’ensemble des données des citoyens – même s’il ne le fait pas, il sera en capacité de le faire – et en prenant le parti parfaitement volontaire de se passer du pouvoir judiciaire, nous basculerons irrémédiablement dans un régime qui favorisera l’autocensure.

Le gouvernement fait le choix de se passer du pouvoir judiciaire. Ce n’est pas une erreur ou un oubli, c’est un acte conscient, longuement réfléchi, le projet de loi sur le renseignement ne s’est pas écrit en trois heures sur un coin de table.

Ce choix vient déséquilibrer la balance entre les trois pouvoirs, comme j’en ai déjà parlé récemment lorsque j’ai commencé à m’interroger sur les bases d’une dictature, que j’ai l’impression de voir arriver.

Le gouvernement va favoriser l’autocensure…

et c’est bien pire que la censure, cette dernière fonctionnant à postériori.

L’autocensure vient de nous, elle représente une manifestation du changement de comportement, face à un régime déséquilibré, totalitaire.

Elle est plus dangereuse car elle est invisible et majoritairement inconsciente.

Saviez-vous, par exemple, que plus il y a de caméras de surveillance qui vous suivent, plus votre comportement change ?

La surveillance modifie notre capacité d’autorégulation : lorsque quelqu’un vous observe – un agent de police par exemple – vous le savez, vous le voyez.

La vidéosurveillance entraine l’autocensure parce qu’elle crée l’incertitude : la caméra est là mais on ne sait pas si l’on est observé ou non, on ne peut que supposer qu’on l’est et inconsciemment, notre comportement s’en trouve modifié.

La vidéosurveillance est « là sans être là »

Nous ne la remarquons pas toujours, on oublie qu’elle est là car elle n’est pas en face de nous et, de plus en plus, elles est invisible car « intégrée de la meilleure manière à l’espace urbain », comprenez par-là qu’il faut rendre les caméras invisibles pour donner l’illusion qu’elles ne sont pas là, libre à vous de croire que c’est pour votre bien ou pour pouvoir vous surveiller sans en être conscient, cela dépend de la sensibilité de chacun.

Avec le projet de loi sur le renseignement, ce risque d’autocensure grandit un peu plus : tout système de surveillance massif, tout système qui est en capacité de capter vos données numérique, entraine le doute.

Vous pouvez supposer que par défaut, vous n’êtes pas sous surveillance, mais vous ne pouvez pas réellement le confirmer. Vous ne pouvez que supposer que vous ne l’êtes pas. Ou que vous l’êtes. Comme le système de vidéo surveillance, ce dispositif est invisible, nous l’oublions donc assez rapidement mais inconsciemment, nous savons qu’il est là.

Ce point est renforcé par l’absence du pouvoir judiciaire : je n’ai pas la possibilité de saisir le garant de mes libertés individuelles si j’ai un doute, je ne peux que saisir une autorité administrative – la CNCTR, qui ressemble plus à un justificatif – reliée au pouvoir exécutif. Mon potentiel surveillant est aussi mon potentiel protecteur, situation très ambiguë vous en conviendrez.

L’autocensure a de pis qu’elle s’inscrit dans le très long terme. Nous sommes conscients de cette autocensure mais vivons dedans donc l’oublions un peu, la génération d’après encore plus car ils ne sont pas nés dedans, c’est donc naturel pour eux et ce qui est naturel ne représente pas de danger. Il suffit de voir les réactions des générations les plus récentes, qui ne voient pas, pour beaucoup, de problèmes dans la vidéo surveillance.

Je m’interroge à nouveau… est-ce que le gouvernement a réalisé une étude – sérieuse, cela va sans dire – sur l’impact de la surveillance sur les comportements de la population ?

Je ne suis pas le seul à m’interroger, la Quadrature du Net, tout comme Amnesty, se posaient la même question ce matin, lors de la « conférence commune ».

Avec …

  • les experts et associations dont la Ligue des Droits de l’Homme qui parlent de surveillance généralisée,
  • les similitudes inquiétantes entre le projet de loi sur le renseignement et la loi FISA, au cœur des scandales liés à la NSA, qui a par ailleurs très largement outrepassé ses droits.
  • Reporter Sans Frontières qui s’inquiète des débordements des services de renseignement,
  • le Syndicat de la Magistrature, qui maîtrise bien mieux un texte de loi que moi et qui s’inquiète quand-même du texte
  • Un gouvernement qui ne sait pas ce que va devenir ce projet de loi sur le plan pratique
  • Des parlementaires qui reconnaissent ne pas maîtriser les aspects techniques de la loi sur le renseignement,
  • l’absence d’étude et de statistiques sérieuses sur l’intérêt de la surveillance,
  • l’absence de garde-fous pour relever les dérives des agences de renseignement,
  • le fait que le juge soit exclu du projet de loi, de manière volontaire,
  • le fait que nous soyons plus ou moins tous suspects, donc pas innocents par défaut,
  • le fait que protéger sa vie privée pourra être interprété comme un acte suspect,

je vous avoue que je suis perplexe pour la suite des évènements, il faudra être très présent lors de l’ouverture des débats et faire très attention à tout ce qui va se passer, se dire et être pris en compte.

Sans quoi, nous arriverons à cette autocensure qui m’inquiète tant.

Canal plus en veut plus que les autres.

Présent au festival de Cannes, Canal Plus vient de se faire remarquer, lors d’un colloque organisé par la SACD.

En effet, le directeur général de la chaine Canal+, M. Belmer, a déclaré : « Une concurrence déséquilibrée est en train de s’établir en termes fiscaux, en termes d’obligations, en terme de masse et d’investissements »

Ces propos visent directement Netflix, la grosse bête noire de nos bons vieux systèmes de diffusion de contenu français, comme Canal.

Pour le directeur général de la chaine, « il faut créer des avantages compétitifs pour des acteurs comme nous » …

Traduction : nous sommes un groupe français, il ne faut pas que l’autre méchant qui n’est pas français vienne nous piquer notre parc de clients.

Enfin, il déclarera « il faudrait qu’un acteur comme nous soit favorisé pour accéder aux fils du téléphone. Il faudrait que ce soit plus facile pour nous d’amener nos programmes avec une bonne qualité de débit. »

Alerte, atteinte aux principes de la neutralité du Net détectée.

Pour rappel, un des principes de la neutralité du Net précise qu’un paquet de données ne doit pas être favorisé par rapport à un autre paquet, d’où qu’il vienne et où qu’il aille.

Manifestement, Canal+ est donc contre cette neutralité et ce même si le directeur général déclare « nous ne sommes pas contre la neutralité du net ».

Dans les faits, Canal+ souhaite faire prioriser son trafic afin d’être en capacité de fournir une bonne qualité vidéo, le groupe songe donc à un deal avec les fournisseurs d’accès, afin d’être priorisé.

Seulement voilà, Canal+ sait que ça, c’est un arrangement, quelque chose qu’un F.A.I n’est pas obligé d’accepter. Un F.A.I peut très bien refuser cet accord, demander plus d’argent, ne pas avoir un niveau assez satisfaisant pour Canal … et c’est pour ça que Canal souhaite passer par la voie législative pour contraindre les F.A.I à le faire.

Alerte, cette idée et l’éventuelle proposition de loi derrière sont dangereuses.

Dangereuses pour deux raisons. La première concerne évidemment la situation de Canal Plus. Favoriser un acteur comme ça est une atteinte claire, selon moi, aux principes de la Neutralité du Net.

La seconde raison, c’est ce qui pourrait découler de ce genre de loi ou de demandes. Une énième fois, légiférer dans ce sens ne peut qu’entrainer d’autres acteurs à demander la même chose, à étendre les groupes qui pourront utiliser cette loi et, au final, dégommer encore un peu plus ces principes de neutralité qui font du Net ce qu’il est aujourd’hui.

C’est donc, toujours selon moi, une idée qui doit rester une idée.

Dernier petit constat : les acteurs français ne s’adaptent toujours pas, ils préfèrent venir pleurer et crier au scandale que de changer leurs méthodes, c’est dommage.

Source :

CAFAI, le F.A.I dont vous êtes le héros, épisode 2.

J’avais rédigé un petit truc, il y a un temps, sur C.A.F.A.I, un fournisseur d’accès à Internet neutre qui fait partie de la Fédération French Data Network (FFDN).

Les F.A.I neutres sont des associations, composées de membres, qui sont en capacité de proposer un accès à Internet, le « vrai Internet », pas la cam’ que les gros F.A.I vous refourguent.

Ces F.A.I fournissent un accès à Internet neutre. Pour rappel, la neutralité des réseaux est la pierre angulaire des Internets tels que vous les connaissez, pierre donc voici quelques principes (source) :

  • transmission des données par les opérateurs sans en examiner le contenu ;
  • transmission des données sans prise en compte de la source ou de la destination des données ;
  • transmission des données sans privilégier un protocole de communication ;
  • transmission des données sans en altérer le contenu.

En résumé, un F.A.I neutre… c’est un fournisseur qui respecte sa propre définition : un fournisseur d’accès à Internet, point.

Son rôle c’est juste de vous fournir des tuyaux, à la bonne taille, contre rémunération.

Sauf que, dans les faits, nos opérateurs sont plus des « F.A.S », des fournisseurs d’accès à des services, généralement les leurs, au détriment du reste d’Internet.

Ces fournisseurs d’accès piétinent la neutralité du Net en développant des modèles économiques discriminants, ils favorisent tel site par rapport à un autre, interdisent tel ou tel protocole et tous ont pour ambition d’aller encore plus loin : faire des offres « à tiroir » où il sera possible de monnayer l’accès à n’importe quel site web, protocole ou service.

Tous ? Non. Une bande de gus dans un garage plus si petit que ça défend toujours la neutralité du net, ils sont regroupés en associations et proposent un accès à Internet neutre.

Mais pour se faire, ils ont besoin de membres, de visibilité, de nous.

Et c’est là que la magie d’Internet, de nous donc, entre en jeu.

Pour que C.A.F.A.I puisse exister, comme les autres fournisseurs d’accès Internet associatifs, il leur faut un peu de visibilité, un peu plus que l’actuelle qui consiste à partager l’information entre gens « qui savent ». Il faut donc faire circuler l’information afin qu’elle touche un public plus large, c’est le but de ce billet.

Le second point, c’est qu’un F.A.I associatif à besoin de gens, d’adhérents, pour exister. C’est comme une entreprise qui n’existe que parce qu’elle a des clients, sauf que là, c’est bien mieux, c’est votre F.A.I, un fournisseur où vous pouvez participer, interagir, agir tout court. Alors, si vous avez du temps, de l’énergie et l’envie d’apporter votre contribution à un monde meilleur, n’hésitez pas.

Le dernier point, c’est que les abonnements sont ouverts chez C.A.F.A.I, et c’est là que ça se passe.

Vous pouvez retrouver le site de l’association ici : https://cafai.fr.

Si vous souhaitez les joindre par mail, vous pouvez le faire sur contact (at) cafai.fr.

CAFAI dispose aussi d’une mailing-list, vous pouvez demander à vous inscrire à cette dernière.

CAFAI dispose également d’un salon Jabber : cafai (at) chat.cafai.fr.

N’hésitez pas à les faire connaitre, reprenez ce billet ou partagez-le, ça ne pourra que leur faire du bien.

Pour finir, pour celles et ceux qui n’habitent pas en Champagne-Ardenne, la Fédération FDN est implantée çà et là, un peu partout en France, plus d’informations ici.