Pour le procureur général de Paris, connaitre vos droits, c’est dangereux.

Note importante : cette nouvelle n’est pas récente, elle date de l’an dernier, quasi un an jour pour jour. Seulement, je la trouve d’actualité encore aujourd’hui, encore plus d’actualité, en réalité, j’ai donc décidé de vous en parler là.

Dans le contexte de l’état d’urgence, dans celui d’un Etat qui souhaite inscrire des mesure d’exception dans le droit commun et à l’aube de nouvelles manifestations contre la réforme du code du travail, je trouve cet article d’actualité.

L’avocate Laure Heinich s’est exprimée dans un article, consultable ici, à propos d’une décision bien étrange. Un manifestant avait en sa possession un tract d’un syndicat d’avocats, celui des Avocats de France (SaF) et, manifestement, cela dérange.

Le tract, représenté ci-dessus, et bien qu’il soit rédigé par un syndicat, n’était pas un tract de revendications mais un tract informatif. Ce dernier donnait des conseils aux manifestants, en cas d’interpellation.

Ainsi vous pouvez y découvrir ce qu’il se passe si vous êtes interpellé.e, embarqué.e au poste de police et placé.e en garde à vue. Vous pouvez apprendre que vous avez des droits et vous pouvez même les utiliser, c’est dingue !

Blague à part, c’est un tract informatif qui vous communique des droits et quelques recommandations (n’insultez pas les agents des forces de l’ordre, ne faites pas preuve de violence, des choses évidentes mais qu’il est toujours bon de souligner). Il est neutre et ne fait que communiquer des choses auxquelles vous avez droit.

Est-ce que détenir ce tract lors d’une manifestation fait de vous une mauvaise personne ?

Selon le procureur de Paris, oui.

Qu’est-ce que dit le procureur ?

La, pour être exact. Si ma mémoire est bonne, le procureur général de Paris est Madame Melet-Champrenault. Passé ce détail, abordons les faits.

Le procureur général de Paris a dû statuer sur la remise en liberté d’un individu suspecté d’avoir participé à des violences lors d’une manifestation. Et elle s’est opposée à ladite remise en liberté.

Cette décision n’est, en soi, pas réellement surprenante. En revanche, certaines raisons de cette décision le sont : le tract reproduit au début de l’article en fait partie. Selon le procureur, le fait d’avoir ce genre de document en sa possession prouve la volonté de participer à des actions violentes et, de facto, explique qu’elle soit extrêmement ferme.

Doit-on comprendre que le fait d’avoir en sa possession un document qui liste vos droits en qualité de manifestant pose un problème ?

Manifestement oui.

Le tract dirait « brûlez-tout, égorgez les femmes et les enfants, soyez sans pitié ! », j’aurais compris.

Mais qu’y a-t-il de mal à avoir un document qui informe d’un ensemble de droits ?

La plupart des personnes ou des manifestants ne connaissent pas leurs droits, c’est un fait, c’est souvent souligné, c’est souvent problématique et les avocats sont les mieux placés pour savoir cela, après tout, ils défendent certains de ces manifestants.

Alors pourquoi punir une personne qui dispose simplement d’une « notice » afin de jouir pleinement de ses droits ?

Mais dans quel état est l’Etat ?

Cette décision, qui pourrait sembler anodine, est en réalité loin de l’être. Elle est représentative d’un problème profond : dans notre état de « droit-mais-pas-trop-y-faut-pas-déconner », connaitre ses droits, se renseigner et chercher à être en capacité de se défendre, c’est problématique.

Cette décision rejoint un ensemble d’autres actions, décisions et positions qui me font penser qu’on cherche, de plus en plus, à criminaliser le simple fait d’exercer, de manifester ou de connaitre ses droits.

A titre personnel, j’ai déjà été confronté à des abus de pouvoir des forces de l’ordre et j’avoue avoir ce sentiment, exprimé par l’auteure du billet. Il s’avère que je connais mes droits, ce qui ne devrait pas être un mal en soi et… pourtant… lorsque j’en fais usage face aux forces de l’ordre, elles s’emballent. On dirait presque qu’elles s’énervent, ce n’est en fait pas une impression, elles s’énervent et abusent davantage du pouvoir qui leur a été confié… tout ça parce que je suis simplement un citoyen qui connait ses droits.

Si connaître mes droits fait de moi une personne dangereuse aux yeux de l’Etat, alors l’Etat est dans un bien mauvais état.

Attention, si ça se trouve, en lisant ce billet ou ce blog, vous devenez dangereux pour l’Etat. De la même façon, si vous êtes avocat… et bien qu’un certain nombre de lois soit censé vous protéger, dites-vous que vous représentez une menace, puisque vous connaissez la loi, elle fait même partie intégrante de votre métier.

Face à cet Etat qui tente, pour être très clair, de vous, de nous museler, deux réactions existent.

La première, c’est de courber l’échine et de vous taire, d’accepter cette censure, ces menaces et ces pressions exercées lorsque vous faites usage de vos droits.

La seconde, c’est de refuser cela, de vous y opposer, de continuer à manifester, de diffuser l’information, de parler, d’écrire et de ne jamais vous taire, encore plus lorsque vous êtes dans votre droit.

La suite vous appartient….

 

2 réflexions au sujet de « Pour le procureur général de Paris, connaitre vos droits, c’est dangereux. »

  1. « Nul n’est censé ignorer la Loi » ?
    Mais puisque pratiquement nul ne saurait la connaître in extenso car trop volumineuse — y compris les services de police, de gendarmerie, de justice. finalement, ce qui est NORMAL c’est donc bien de l’ignorer.
    Autrement dit, le PATHOLOGIQUE c’est de la connaître — même dans un cas très particulier.

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