Le jour ou j’ai voulu mourir.

L’article qui suit n’est pas de moi, mais de Stephan Urbach, un agent Telecomix. Il est en anglais et traduit dans la langue de Molière par Tris Acatrinei (que je remercie au passage, suivez la, vous ratez quelque chose sinon).

NB : le blog de Tris étant hors ligne, je vous livre une version « google cache ».


Je vais vous faire une confidence. Quelque chose de très personnel. J’ai voulu mourir.

J’avais tout planifié. J’avais organisé le comment. J’avais préparé mon matériel. J’avais écrit une liste permettant d’avoir accès à mes emails, mon serveur, mes sessions IRC et qui devait en être informé. J’étais dans une profonde dépression. Je ne voyais pas d’autre solution que d’en finir pour mettre fin à la souffrance que je pouvais ressentir.

La pression était trop forte pour moi. Depuis Janvier, je travaillais sur différents projets avec Telecomix et d’autres collectifs. Nous aidions les Egyptiens à rétablir leurs connexions Internet. Nous aidions les Syriens, les Libyens et beaucoup d’autres ne disposant pas de la liberté de parole dans leurs pays. Nous avons fait notre possible pour que leurs voix soient entendues malgré tout. Je me suis littéralement battu pour cela. Je me suis battu contre mon cycle de sommeil, mes habitudes alimentaires et mon besoin d’amusement. Il était devenu habituel que je reste éveillé plus de trente heures voire plus.

J’ai vu et écrit des choses que je ne considérais pas appartenir au champ des possibles. Ces derniers mois, j’ai aidé beaucoup de gens à être connecté à Internet, à libérer leurs paroles et à montrer au reste du monde ce qu’il en était vraiment. Certains se sont perdus en cours de route. Je ne les reverrais jamais et je ne sais pas s’ils ont tout simplement préféré prendre leurs distances, s’ils ont été arrêtés ou s’ils sont, tout simplement, morts. Je n’en ai pas le moindre putain d’idée et je ne le saurais jamais.

Chaque jour qui passe apporte son lot d’horreurs à travers le monde, relayé dans les médias, lot d’horreurs ne nous affectant pas directement. Les nouvelles ou l’absence de nouvelles de ces personnes avec lesquelles j’étais en contact , m’ont profondément affecté. Une pression pour aider ces personnes avait surgi, personnes qui combattent de manière tellement enragée pour leur liberté d’expression.

Plus nous aidions ces personnes,  plus je sentais que le niveau de responsabilité montait d’un cran.

Je ne pouvais plus dormir. Je buvais trop. J’ai fumé plus que de raison. Il n’y avait rien d’autres dans ma vie qu’aider d’autres gens. Mais j’ai fini par oublier ce qui était bon pour moi. Dormir, s’amuser, regarder des films, écouter de la musique. Passer du temps avec mes amis sans penser aux gens qui étaient sur le terrain et ce qu’il y avait à faire ensuite.

Un jour j’ai réalisé que j’étais perdu. Perdu dans une vie qui n’était plus la mienne. Perdu dans une vie où je ne m’occupais que des autres, qui me considéraient comme un héros. Personne ne voyait que j’étais juste un pauvre gosse qui voulait faire mumuse avec de la technologie et écrire des articles sur le futur de la communication.

Cette histoire s’arrête là : il fallait en finir. Je ne voyais pas comment faire autrement. Partir. Ne plus être un putain d’héros. J’avais prévu d’en finir le lendemain du Chaos Computer Camp. Tout était prêt. Mais c’est arrivé. Nous avons fermé le cluster d’hacktivistes dont je faisais partie. J’ai rencontré beaucoup de gens formidables « en vrai » sur place et beaucoup rencontrent le même problème. Mes amis étaient sur place et m’ont montré que la vie valait la peine d’être vécue.

Avec le reboot du cluster, je vais faire mon propre reboot. Je recommence à faire des projets pour moi. Je ne suis plus perdu. J’ai ma place sur la scène des hacktivistes et j’ai des amis partout à travers le monde. Je ne suis pas seul. De fait, ce que je considérais être un fardeau n’en est plus un. J’ai ouvert les yeux sur ce qui était important dans la vie : transmettre ce que l’on ressent. Et si le fait de transmettre ce que je ressens peut permettre à d’autres qui ressentent la même chose, de se sentir mieux, ça sera une bonne chose.

Il est temps de procéder au reboot.

9 réflexions au sujet de « Le jour ou j’ai voulu mourir. »

  1. j’ai voulu m’étrangler pour mourir, car je ne savais plus quoi faire! je ne savais plus… Alors je mae suis dit que j’étais trop jeune et j’ai toute suite penser a une partie de ma famille mes amies et amis !
    et je me suis dit que ca en vallait pas la peine!

  2. tout ça pour ajouter que ce n’est pas parce que ta vie est un malheur que tu dois mourir car si tes parents t’ont mis au monde ce n’est pas apres pour qu’il sache que tu as voulu mourir!

    1. Il faut l’avoir vécu ou avoir vécu quelque chose de similaire pour comprendre ce billet et la nécessité d’un reboot « de soi même » dans ce genre d’engagements.

      Lorsque l’on se lance dans tout ceci et même avec les plus grosses précautions de la planète, on se fait comme aspirer.

      Nous savons que des gens ne peuvent plus s’exprimer, nous savons qu’ils ont besoin d’aide, nous savons que nous sommes en mesure de leur en donner, à notre modeste niveau. Alors nous le faisons.

      Parfois même jusqu’à s’oublier soi même.

      On oublie de manger, dormir, on oublie qu’il faut savoir prendre le temps de prendre le temps, que nos amis sont là pour nous aider. On oublie qu’on à le droit de se détendre. On culpabilise parfois d’oser vouloir prendre le temps.

      Puis vient un jour on l’on se rend compte de tout ceci, vient un jour ou l’on se dit qu’il faut trouver une solution, mais la machine est déjà lancée et la solution qui apparait à nos yeux, c’est d’en finir.

      Il n’est pas question de malheur, mais d’engagement et de choses qui dépassent beaucoup de monde (et je dis ceci sans aucune prétention)

      J’ajouterais qu’à chaque règle, il y a une exception, celle des parents n’y échappe pas.

      Dans les deux cas, je pense être parfaitement bien placé pour savoir de quoi je suis en train de parler.

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